Blackstar n’est pas un nouveau venu dans l’amplification, mais la marque fondée par des ex de chez Marshall est clairement orientée guitares, et jusqu'à présent s’était désintéressée totalement du marché des bassistes. Aussi, dès la parution de la news qui annonçait sa sortie, cet ampli semblait très intrigant : aborder le marché de l’ampli basse par la porte de l’ampli miniature, dans un monde habitué aux centaines de watts et aux baffles de plus d’un mètre de haut, est un pari étonnant. Un format microscopique pour un vrai son, la possibilité de jouer sur piles avec une autonomie correcte, le tout pour un tarif imbattable, ça semble presque trop beau pour être vrai. Il s’imposait de mener l’enquête.
Nous avons donc contacté Blackstar et reçu un exemplaire de test. Il s’agit du « stereo set » avec l’ampli lui-même et son baffle d‘extension, le tout dans un paquet à peine plus gros qu’une boite à chaussures. Malgré les dimensions proprement ridicules, l’ampli propose un bon nombre de réglages. Faisons un peu le tour de l’engin !
I’m a blackstar
Ce n’est pas un ampli signature David Bowie, mais il offre lui aussi un look travaillé (quoi que tout en plastique) pour un son ambitieux, jugez-en plutôt :
- l’ampli lui-même est à peine plus grand que deux pédales Boss posées l’une sur l’autre, pour un poids de 860 g piles comprises sur ma balance de cuisine (et 602 g pour la deuxième enceinte)
- une entrée instrument (jack mono 6,35 mm), une entrée ligne stéréo (jack 3,5 mm) pour votre lecteur mp3 ou la sortie de votre ordinateur, une sortie casque (jack stéréo 3,5 mm) pour ne pas faire de bruit dans les situations où même 3 watts sont de trop
- un gain et un volume pour équilibrer le son global
- une égalisation spartiate, mais efficace, sous la forme d’un potard « EQ depth » qui creuse plus ou moins les médiums
- un compresseur minimaliste (le réglage proposé s’intitule Ratio, ce qui signifie donc que threshold, attack et release sont soit fixes, soit automatiques)
- un bouton « sub » qui ajoute des infrabasse, et qui ressemble fort à un octaver déguisé
- un bouton « OD » permettant de passer d’un son clean à un son saturé
L’ampli peut fonctionner sur piles (des AA au nombre de 6) ou sur secteur. Le modèle que nous avons reçu comportait déjà des piles, mais l’adaptateur secteur de type « bloc secteur externe » était incomplet, nous avons eu la partie transfo + câble à connecter à l’ampli, mais il nous manque le câble entre le transfo et le secteur. Qu’à cela ne tienne, nous avons donc réalisé l’ensemble du test sur piles, ce qui prouve qu’on peut donc a minima jouer quelques heures avec l’engin sans aucune perte de qualité sonore. Pour une utilisation complètement nomade, on pourrait regretter le choix des piles plutôt qu’une batterie rechargeable, mais même si les prix des batteries se sont démocratisés, cela aurait tout de même gonflé le prix de l’engin. À défaut, pensez aux piles rechargeables, qui sont d’ailleurs recommandées par Blackstar dans le manuel.
Le baffle d’extension est du même format que l’ampli principal, il est muni au dos d’un câble type « prise téléphonique RJ 11 » non amovible et qui s’enroule pour le rangement (pratique pour ne pas perdre ce câble, on peut toujours trouver un jack/jack de secours dans l’arsenal d’un musicien nomade, mais plus rarement un câble de téléphone), et se connecte au dos de l’ampli principal sur une prise dédiée. Le câble fait environ 1 mètre de long, ce qui permet de positionner les deux enceintes dans une config stéréo à peu près correcte par exemple en cas d’utilisation sur un bureau, ou bien sous la forme d’un mini stack prêt pour des scènes réduites au maximum à la manière de Spinal Tap…
Highway star
Ampli à peine déballé, constatant que les piles sont présentes, je saisis une basse, un jack et je branche. Histoire d’attaquer doucement, je commence avec une classique PB passive avec des cordes en filets plats. Le son obtenu est à la fois impressionnant et décevant, je m’explique : on a un vrai son de basse, pas un couinement inutilisable, mais en revanche le spectre restitué est clairement tronqué dans le registre grave, ce qui est logique compte tenu du format du HP et du caisson.
Comme un extrait sonore vaut tous les discours, voici un premier extrait. Je joue la PB, tonalité ouverte, aux doigts et au médiator, en attaquant franchement pour voir ce qu’il a dans le ventre. L’égalisation sur l’ampli est à 0, soit le réglage le plus neutre.
Je trouve le son tout à fait honnête et utilisable, il manque le souffle et l’impact d’un vrai ampli (on entend le son, mais on ne le ressent pas, il n’y a pas de pression sonore), mais c’est utilisable et homogène du très faible niveau sonore, jusqu’à un niveau non négligeable et pas du tout utilisable en appartement avec une famille et des voisins. Bien sûr, oubliez tout de suite l’utilisation avec un batteur, mais en accompagnement d’un guitariste acoustique, avec éventuellement un cajon pour votre copain percussionniste, ça doit pouvoir faire la blague.
Appâté par les possibilités du microampli, je sors une 5 cordes active pour voir ce qu’il a au fond des tripes. Le potard de gain possède une large plage de réglage qui permet au Fly 3 Bass de s’accommoder sans souci du niveau de sortie conséquent de mon Ibanez SRX705 dont le préampli fonctionne en 18 volts. Sur le deuxième extrait sonore on peut entendre le rendu de l’ampli jusqu’à la corde de Si, qui reste identique au rendu sur 4 cordes, on retrouve le même manque de « vrais » graves, mais aussi le même rendu tout à fait utilisable. Notons que le manque de graves a tendance à masquer un peu la personnalité de la basse branchée dans l’ampli, et à l’écoute des deux premiers extraits on trouve une parenté sonore entre les deux basses qui existe beaucoup moins quand on les branche dans un gros stack (la SRX sonnant d’habitude beaucoup plus moderne qu’une PB).
Tâtons maintenant un peu des options proposées. La première est un canal d’overdrive, que l’on enclenche avec un petit poussoir intitulé « OD ». Le taux de saturation dépend de la position du potentiomètre de Gain, allant d’un résultat à peine coloré (gain au plus bas) à une saturation un peu trop extrême, voire désagréable (potentiomètre à fond). La plage de réglage la plus utilisable est avec le potentiomètre de gain entre les positions 09h et 14h, avec un son saturé, mais qui reste distinct (troisième extrait sonore, gain à 11h18). Notons que le son saturé ne souffre pas du traditionnel manque de graves qu’on observe quand on joue de la basse saturée, puisque les graves en question sont déjà quelque peu absents du son clair …
Deuxième réglage, l’égalisation. Il s’agit d’un filtre agissant sur les médiums avec un creux centré sur 400 Hz dont on règle la profondeur, Blackstar ne précisant pas l’amplitude maximale atteinte en bout de course. En revanche, le manuel indique qu’un boost de graves est appliqué simultanément au creux dans les médiums, le rendu sonore de l’ensemble rappelant fortement le « shape » ou pré-réglage d’égalisation qu’on retrouve sur bon nombre d’amplis basse, et destiné traditionnellement à améliorer le rendu en slap. Dans le quatrième extrait sonore j’illustre la course progressive de ce « shape » sur un plan plutôt centré dans les aigus, où l’effet se fait le mieux sentir.
En parlant de slap justement, les amateurs de techniques percussives seront ravis de constater la présence d’un compresseur qui régulera sans peine les pics les plus forts de vos tapés / tirés. Le réglage proposé est le ratio, et j’ai été un peu déçu par ce compresseur car la courbe de réglage est très rapide. Dès 9 à 10h le ratio est suffisant pour réguler un slap endiablé ou un jeu au médiator énergique, et passé 11h la dynamique disparait, protégeant effectivement les tout petits HP des plus gros pics sonores, mais au prix de l’expressivité du jeu. Ne reculant devant aucun sacrifice, je vous gratifie dans le cinquième extrait sonore d’une piètre tentative de slap, avec le compresseur à 10h (égalisation à zéro).
Quitte à n’avoir qu’un seul réglage, j’aurais préféré un compresseur avec un ratio fixe (par exemple quelque chose de raisonnable aux alentours de 4 :1) et pouvoir régler le threshold, ce qui aurait probablement donné un compresseur plus subtil avec une plus large plage de réglage. Notons tout de même que je suis toujours avec ma 5 cordes à fort niveau de sortie, sur la PB passive en filets plats le compresseur est moins caricatural (mais le son en slap est horrible).
Enfin le Blackstar propose un réglage dit « sub » qui ajoute des infragraves (en gros, il s’agit d’un octaver). Je vous avoue mon scepticisme sur le bien-fondé de la chose compte tenu du son de base de l’ampli et son manque total de « vrais » graves. L’octaver n’a un effet audible qu’en fin de course, et un rendu qui semble utilisable uniquement en tant que vrai octaver, c’est-à-dire pour doubler une ligne jouée dans les aigus. Je vous mets un extrait sonore pour la forme (octaver à 0 puis réglé vers 15h), mais le rendu en tant que « gonfleur de graves » me laisse un peu dubitatif.
À Star Is Born
Faisons maintenant le bilan de cette Étoile Noire d’un nouveau genre. Le son n’est clairement pas au niveau des « petits amplis » proposés par des constructeurs d’amplis basse classiques (le MicroMark ou les Phil Jones Briefcase me viennent en tête), mais le cahier des charges, les dimensions en poids/volume et le prix n’ont absolument rien à voir.
En revanche, le son n’a rien à envier à nombre de petits amplis dits de « débutants » ou « de chambre » dans les 20 à 30 watts avec au mieux un HP de 6’ tout aussi peu fidèle à un vrai son de basse. Avec un prix de 75€, soit deux à trois fois moindre que ces petits amplis domestiques, et un encombrement dérisoire, le Fly Bass tire son épingle du jeu sans aucun souci. Le couple gain/volume encaisse pas mal de profils de basses, de la passive traditionnelle à la 5 cordes active. La config stéréo me semble la plus aboutie, tant du côté du rendu du son de basse que de la restitution de la stéréo quand on y branche son baladeur mp3 favori pour jouer sur un fond sonore.
Les bonus complémentaires proposés par l’ampli sont de qualité inégale : le son saturé est utilisable, mais pas indispensable (une pédale d’overdrive dédiée à la basse, même la plus cheap possible, fera mieux). Le compresseur est très efficace, voire même un peu trop à mon goût, mais c’est un avis personnel. L’égalisation est une vraie réussite, simplissime d’emploi et colorant le son immédiatement, elle est utilisable sur tout le spectre en fonction des goûts et du rendu souhaité. L’octaver est à mon avis hors sujet, ce petit ampli étant par nature limité dans sa restitution des graves. J’aurais préféré un ampli qui aille au bout de l’exercice et encore plus simpliste (pourquoi pas sans l’overdrive et l’octaver), mais avec par exemple un compresseur qui donne le réglage du threshold en plus du ratio, ou une égalisation sous forme de médiums paramétriques qui donnent accès à la fréquence en plus du gain.
Au final on a un ampli qui remplit fièrement son cahier des charges : rendre possible le jeu à la basse électrique avec un son crédible et utilisable à défaut d’être transcendant, sur secteur ou bien autonome sur piles (prévoyez des piles rechargeables si vous répétez souvent l’exercice), avec un ampli dont la taille et le poids ridicules rendent possible le nomadisme le plus total. Que ce soit pour travailler à la maison, partir en vacances, improviser un jam avec un guitariste acoustique (ou électrique équipé avec le cousin pour guitare) voire monter une configuration mobile à très faible volume pour jouer dans la rue ou le métro, cet ampli apporte une réponse au problème inhérent aux instruments électriques, la dépendance à l’amplification.