Les amplis de guitare portables pululent depuis quelques années, avec des modèles plus ou moins réussis. Blackstar propose à son tour un modèle de poche avec le Fly 3. Mais quid du son ?
– Comment ça Il n’y a pas de prise casque ? Tu rapportes immédiatement ce P % $ & d’ampli au magasin !
– Mais… papa… il est 21h et il fait 20 kg !
– M’en fous, tu discutes pas et tu le rapportes ! Vous allez me tuer avec votre bruit !
Telle fût la rouge colère paternelle suite à l’achat de mon premier « vrai » ampli (un Peavey Bandit 112 à transistors, assez sympa d’ailleurs). Dans les 90’s, un ampli d’appartement c’était soit relativement puissant et imposant, soit un jouet au son ridicule, surtout en disto. Les quelques tentatives, il y en eût, pour tenter de résoudre ce problème ne sont pas vraiment restées dans les annales. Heureusement, grâce à la modélisation arrivée 10 ans plus tard, les produits se sont multipliés tant et si bien que chacun peut aujourd’hui trouver un combo correspondant à ses besoins en termes de puissance, de format et de son (avec prise casque bien entendu…). Malheureusement, le rapport puissance/taille/prix est souvent inégal et les sonorités encore trop souvent caricaturales. À moins qu’on ne jette une oreille au Fly 3, ampli rikiki de chez Blackstar, sorti un peu avant Noël de l’an denier, et dont voici le test.
Fuselage
À première vue, on dirait que ce combo est un jouet pour enfant, en plastoc, version miniature (170 mm x 126 mm x 102 mm pour 0,9 kg, beau bébé tout de même) d’un ampli à lampes 20 fois plus grand, avec des détails amusants comme l’imitation des protections sur les coins de vrais HP.
Autrement, simplicité et sobriété sont au rendez-vous avec une grille ornée du logo Blackstar pour cacher l’enceinte de 3 pouces sur la face avant, des petits patins antidérapants en dessous et les entrées/sorties indispensables sur la face haute : entrée jack en métal, entrée mini-jack MP3/Line In pour brancher des auxiliaires et une sortie casque (ouf !) au format mini-jack toujours, aussi appelée Em. Out (Emulation Out) afin, par exemple, de brancher notre ampli sur une interface audio. Sur la face haute se trouve encore un bouton pour allumer l’appareil (avec une diode rouge pour indiquer l’état de marche) et un autre pour changer de canal (clair ou saturé quand on appuie dessus, appelé OD).
Sur la face arrière nous remarquerons une sortie « Extension Speaker », type câble Ethernet, pour y relier un deuxième HP (le Fly 103 qui coûte une trentaine d’euros), notre combo passant ainsi de 3 à 6 Watts et de mono en stéréo (renseignements pris auprès du distributeur, la stéréo s’applique aussi au delay. Oui, parce qu’il y a un delay intégré, nous verrons ça plus loin). Le Blackstar ne couvrira peut-être pas un batteur, mais les 3 Watts sont suffisants. Avec le deuxième HP, il aidera le jeune à sonoriser ses soirées et pourrir le salon de ses parents. Le Fly 3 me fait penser à une mini version de l’AMPLIFi que j’ai testé auparavant avec sa double fonction ampli guitare/enceinte Hi-Fi. S’il y avait eu aussi une connexion Bluetooth comme sur le Line 6, nous aurions été comblés. Mais le Bluetooth aurait certainement pas mal usé les piles qui alimentent le combo.
Carburant
En effet, derrière l’ampli se trouve une cavité pour loger 6 piles AA (alcalines ou rechargeables), fournies. J’avoue ne pas trop être fan des alimentations par piles, surtout des AA de moins en moins utilisées et pas si bon marché. À une époque où presque tous nos appareils sont équipés de batteries internes rechargeables, on aurait préféré éviter d’ouvrir (et sans doute, au bout d’un moment, de casser ou perdre) la fragile trappe en plastique. Et puis je n’aime pas m’inquiéter du moment où il faut changer les piles (même sur une wah-wah… c’est dire comme ça me stresse !). Blackstar n’a pas pu nous fournir de données exactes concernant l’autonomie de l’engin, mais en gros, il marche plusieurs semaines à volume modéré, au moins quatre heures tout à fond. Les plus anxieux d’entre nous pourront toujours brancher une alimentation (6,5 V) dans la prise DC IN située à droite de la trappe.
Tableau de bord
Comme nous l’évoquions précédemment, malgré sa taille ridicule, le Fly 3 est un non seulement un ampli bicanal, mais il est aussi muni d’un Delay.
Nous retrouverons sur la face haute 4 potards de réglage de son : GAIN, VOLUME, EQ et DELAY. Le premier augmente ou diminue la saturation, le second règle le volume, et le troisième l’égalisation, aussi dénommé ISF (Infinite Shape Feature, système développé dès leurs débuts par les anglais de Blackstar) qui permet d’obtenir un son « US » (plus aigu et défini) quand le potard est à gauche et « British » (plus sombre) quand il est à droite, avec toutes les nuances possibles entre les deux. Le quatrième potentiomètre réglera le temps entre les répétitions du Delay, numérique bien entendu, mais aux sonorités analogiques. Un mini-potard situé juste au-dessus nous permettra d’en fixer le niveau (il est inactif à 0), les répétitions n’étant en revanche pas ajustables (elles sont liées au temps, j’en ai compté trois au maximum).
Mach 3
Il est temps maintenant de prendre en main les commandes de l’appareil.
Voici la chaîne audio utilisée pour le test : Guitare > Blackstar Fly 3 > micro Shure SM57 > Carte son RME Fireface 802. Pour les guitares, j’ai alterné différents modèles et configurations de micros (S = simple, H = Humbucker). Le volume de l’ampli est à fond pour tous les extraits, sauf l’avant-dernier.
Nous débuterons sur le canal clair avec un thème de jazz (sur une Gibson ES-175T, H/manche). Je n’ai pas touché au potard de tonalité sur la guitare et pour obtenir ce son mat, j’ai simplement mis l’ISF sur la position BRITISH (tout à fait à droite), le GAIN est au 1/4. Au-dessus, ça crunche vite. Du coup, il est difficile d’avoir un vrai son clair avec un volume assez fort. Les utilisateurs de Twin Reverb seront probablement déçus… J’ai cherché pour l’exemple suivant un son à l’opposé, très funky (sur une Fender Telecaster Deluxe S/manche), GAIN toujours au 1/4, mais avec l’ISF au milieu. Le Fly 3 ne s’en sort pas trop mal dans les deux cas :
- 1 jazzy clean gibson es175t 00:22
- 2 funky clean fender telecaster deluxe 00:17
Attaquons-nous ensuite au crunch, sur le canal clair toujours (tous les exemples sont joués sur la Telecaster). Une petite rythmique rockab’ (GAIN à 7, ISF à midi, DELAY à fond, mais avec un temps à 0) et juste derrière, une impro solo avec un jeu plus ou moins dynamique (GAIN à 7, ISF US, DELAY vers midi). Enfin, deux derniers exemples pour comparer le crunch du canal clean et le crunch du canal OD. Pour cela j’ai mis le GAIN à fond sur celui du canal clean (ISF à midi, DELAY à 4) et je l’ai mis au 1/4 seulement sur le canal OD (le reste des réglages étant identique).
- 3 rockab crunch delay fender telecaster deluxe 00:31
- 4 crunch bluesy fender telecaster deluxe 00:36
- 5 crunch clean fender telecaster deluxe 00:17
- 6 crunch od fender telecaster deluxe 00:18
Nous remarquerons que l’ampli répond bien aux coups de médiator et que le crunch du canal OD est plus creusé et plus aigu que le celui du canal clair (que je préfère pour cette application). Nous remarquerons qu’avec un temps nul, le DELAY sonne comme une « room reverb » ou un très léger slapback.
Profitons-en pour examiner l’effet. Voici un exemple avec le niveau de DELAY à fond et le réglage du temps d’abord à 0 (room), puis au 1/4 (slapback), ensuite à midi (delay rapide), ensuite aux 3/4 (plus lent) et pour finir à fond (lent). Ce petit delay, bien pensé, mouillera notre son de manière agréable. Il n’est certes pas aussi complet qu’une vraie pédale d’écho, mais c’est quand même un vrai plus pour notre ampli.
Passons à présent au canal OD avec trois exemples joués sur une Musicman Luke (micros actifs, S/manche) qui nous permettront d’entendre l’impact du potard ISF (GAIN à fond) d’abord avec le son US (potard à gauche), puis le son BRITISH (potard à droite), puis entre les deux :
- 8 od us musicman luke 00:26
- 9 od british musicman luke 00:26
- 10 od isf midi musicman luke 00:26
La différence est assez flagrante entre le son aigu « US » et celui plus étouffé « BRITISH ». La position idéale semble être celle à midi. Baissons le GAIN à midi et écoutons encore la différence entre le son US et BRITISH à l’aide d’une Gibson Les Paul Boneyard Joe Perry Signature (H/chevalet). Avec l’ISF à droite et le GAIN toujours à fond, nous allons ensuite tenter d’obtenir un son métal en passant sur le humbucker de la Musicman. Pour finir, nous mettrons tous les potards à fond, y compris ceux du DELAY, toujours sur la Musicman :
- 11 rock us gibson boneyard 00:23
- 12 rock british gibson boneyard 00:18
- 13 metal musicman luke 00:11
- 14 afondlesballons musicman luke 00:51
On reconnait bien là le son Blackstar, des anciens de chez Marshall, surtout sur la position BRITISH. Selon moi, le meilleur son saturé qu’on puisse obtenir de notre petit ampli se trouve sur la position « midi » de tous les potards. Il réagit aussi très bien au volume de notre guitare en éclaircissant correctement le son quand on le baisse.
Pour finir ce test, j’ai branché un vieil iPod dans l’entrée MP3 de l’ampli et j’ai improvisé sur une backing track (avec une Fender Custom Shop 69 NOS, S/manche, GAIN à 7, VOLUME aussi, ISF à midi, DELAY à fond, TIME à midi). Le rendu est plutôt bon sauf pour les basses, le petit boîtier arrive à les encaisser, mais on sent qu’il atteint ses limites quand les volumes de l’ampli et de l’iPod sont très élevés. Et puis comme je n’étais pas satisfait du son métal que j’ai obtenu tout à l’heure, j’ai mis l’ISF à midi et j’ai recommencé, mais via la sortie « Em. Out » directement dans la carte son (sur la Musicman, H/chevalet). On notera que le résultat est vraiment intéressant, on pourra ainsi expérimenter et enregistrer nos prochaines compos avec. D’ailleurs, contrairement à certains amplis, le son au casque n’est pas désagréable et nous pourrons travailler confortablement dans n’importe quelle condition.
- 15 backing track mp3 fender customshop 69 00:21
- 16 metal emulation musicman luke 00:25
J’ai pu constater au cours du test que l’appareil soufflait quand tous les potards étaient à fond (avec un très très léger « hiss »), même avec des humbuckers. Rien de trop grave, d’autant que réglé avec plus de nuance, l’ampli reste globalement silencieux. Après l’avoir fait voler et maintenant que nous avons à nouveau les pieds sur terre, quel jugement portons-nous sur cet appareil ?
Top Gun
Loin des caricatures de certains combos « cheap », le Blackstar Fly 3 est un ampli polyvalent délivrant des sons remarquables, notamment grâce au petit delay intégré pas du tout superflu, eu égard à sa taille et à son prix, une soixantaine d’euros. Les profs de guitare ou leurs élèves pourront l’emporter au cours (il rentre dans certaines housses), il fera aussi un excellent ampli d’entrainement, de voyage et d’appartement (vu le peu de place qu’il prend et son double usage). Le guitariste, du débutant au professionnel, peut y aller les yeux fermés. Le Fly 3 a frôlé de peu l’award Audiofanzine, et s’il ne l’a pas atteint, c’est à cause de l’alimentation par piles qui nous rebute. Quand les ingénieurs de Blackstar le mettront à jour avec une batterie rechargeable (voire du Bluetooth et une reverb), il leur sera acquis. Si seulement j’avais connu ce type d’ampli, avec prise casque, à l’âge de 15 ans ! Ça m’aurait évité de devoir user de toute mon ingéniosité, mon énergie et ma malice pour cacher le Bandit 112. Ceci dit, il n’a jamais revu le magasin, je l’ai toujours…