Une fois n'étant pas coutume, j'ai le plaisir de vous proposer un test original. Pour être tout à fait franc c'est même du jamais vu dans le milieu étriqué de la presse spécialisée qui entretient votre passion, votre art, que dis-je, votre raison de vivre. Car nous sommes réunis aujourd'hui pour comparer quelques jeux de cordes de basses. Oui vous avez bien lu et on ne lésinera pas sur les accessoires habituels tels que extraits sonores, photographies dignes du Pulitzer et bien sur les figures de style littéraire qui trouveraient sans mal leur place au sein d'un numéro du Cirque d'Hiver.
Toutes les occasions sont bonnes…
Quand on m’a parlé du fait de tester un jeu de cordes, je me suis bien sûr demandé si je n’avais pas perdu quelques crédits auprès de la rédaction ou s’il était encore question d’une blague que je n’aurais pas comprise, avec mes faibles moyens intellectuels de testeur se prenant un peu trop souvent au sérieux. Et puis avec le temps, le dessin d’un processus de test a germé dans mon esprit, telle la stratégie de combat d’un grand maître de guerre.
À la base, il était question de parler d’un seul jeu de cordes, une nouveauté sortie chez Ernie Ball, dont la sortie était marquée par une belle entreprise du service marketing de chez Hightech distribution : le fournisseur nous a donc envoyé un jeu des nouvelles Cobalts et nous proposa de poser quelques questions au grand maître de chez Ernie Ball, à savoir son fils, Sterling. Puis, durant le salon de Francfort au milieu d’une multitude de cadeaux en nature proposés insidieusement à votre serviteur, afin d’attirer ses bonnes grâces, se trouvaient deux jeux des nouvelles Élixir Nanoweb.
J’avais donc l’occasion de comparer ces deux nouveautés au sein d’un même papier et comme Audiofanzine ne recule devant aucune dépense pour satisfaire ses lecteurs, on m’a donné des crédits pour acheter deux jeux supplémentaires plus classiques, afin d’optimiser ce comparatif. En conclusion, je vous propose d’estimer ensemble les cordes suivantes : Ernie Ball Nickel Slinky et Ernie Ball Cobalt, un bon vieux jeu de d’Addario et la nouveauté de chez Elixir. Et non content de proposer un simple comparatif sonore, je vous propose par la même un test d’usure des cordes en seconde partie.
Cordes à sonner…
Voici un petit descriptif des cordes testées ci-dessous, d’un tirant identique (45–100) :
D’Addario EXL 170
Un gros classique au rayon de nos cordes, qui connaît un succès notoire depuis quelques décennies, autant par leur caractère neutre passe-partout que par leur prix raisonnable. Elles se retrouvent assez souvent montées d’origine sur de nombreuses marques d’instruments. Ces cordes emballées hermétiquement et bobinées aux États-Unis se composent d’un acier rudimentaire et d’un plaquage en nickel. Agréables au toucher, ni rêches ni trop lubrifiées, le standard de la marque sonne rondelet quand on le joue aux doigts. La dynamique d’un jeu au slap n’est pas forcement mise à bien par l’emploi de ces cordes qui assurent plus facilement un low-end et un signal corpulent qu’une brillance et une dynamique soutenues.
Le jeu de 45–100 présente un tirant assez fort de 78 kg, qui paraît plus conséquent que les autres jeux testés. Je me repose sur l’effet que leur montage a produit sur le réglage du manche de la Jazz Bass Classic 60 utilisée sur ce test, qui pour le coup s’est légèrement creusé.
- Low-end favorisé
- Prix accessible
- Conforte un jeu au doigt
- Manque de brillance, pas top pour le slap
- Durée de vie assez limite pour ceux qui veulent conserver une bonne dynamique
Ernie Ball Super Slinky Bass
Fer de lance de la marque, dont la fabrication de cordes fut l’activité première, la série Slinky s’est bien démocratisée sur le marché malgré un prix légèrement supérieur aux standards. Fabriquées aux États-Unis, les Slinkies proposent une âme en acier, bobinée de nickel. Très agréables au toucher, légèrement plus glissantes que des d’Addarios ou des GHS (on aime ou on n’aime pas, moi j’apprécie), les Slinkies étaient marquetées pour ce trait de sensualité et une aptitude à mettre en valeur les percussions. Personnellement, je trouve le rendu de ces cordes bien équilibré entre brillance et tenue des graves. Ça claque quand on slappe et ça gronde tout de même aux doigts (avec une pointe de brillance en plus), quant au rendu au médiator, j’estime, malgré mon faible niveau dans ce style, qu’il est tout à fait honorable. Il manque un poil de punch par rapport aux Elixir et les nouvelles Cobalt d’Ernie Ball.
Autre avantage de ces cordes, elles se montent très vite, car elles ne demandent pas trois heures pour se détendre. Un point que j’apprécie particulièrement, puisque j’ai dû me taper cinq changements de cordes dans une même journée et que je ne vous cacherais pas que cet exercice fut des plus laborieux.
- Bon équilibre général entre low-end et dynamique
- Agréables sous les doigts mais légèrement plus glissantes que les standards plaqués nickel
- Durée de vie moyenne pour ceux qui les préfèrent claquantes
- En France, elles sont plus chères qu’un autre standard
Elixir Nanoweb Stainless Steel
La marque a fait sensation sur le marché, il y a quelques années maintenant, en proposant des cordes entièrement gainées d’un enduit polymérique (plus précisément du téflon de chez Gore-tex) qui isole les cordes de tout encrassement et garantit ainsi une durée de vie supérieure à la normale. Le budget moyen d’un guitariste en cordes étant parfois considérable, la marque s’est imposée sur ce simple argument économique. D’un caractère tout à fait neutre, pour ne pas dire plat, les Elixirs se déclinent en deux gammes : les plaquées nickel et récemment les cordes en acier inoxydable. L’emploi de l’alliage brut est censé assurer une dynamique supérieure aux modèles nickelés, en gros plus de brillance sans le coté rugueux propre à l’acier, compensé par l’emploi du fin revêtement en téflon adoucissant considérablement le toucher.
En soi, il est vrai que ces cordes présentent un toucher soft. Car si je les compare aux trois autres marques, elles sont nettement plus glissantes que la concurrence malgré le nickel qui compose leur revêtement. C’est ici un choix qui fera débat entre ceux qui apprécient des cordes glissantes et leurs confrères qui préfèrent les cordes plus abrasives. Pour ma part, je trouve leur contact un poil trop soft. Quant à la dynamique avancée par le constructeur sur l’emballage, elle est certes appréciable à l’oreille sans forcément briller par essence.
À l’écoute, on a plus l’impression d’avoir une tranche de médiums en moins qu’un surplus d’aigus. Le son reste donc assez rond aux doigts pour une tension du manche moindre (lors de leur montage, un réglage du manche se fait directement pressentir). À l’opposé des Slinkies, les Elixir demandent lors de leur montage à être longuement détendues avant de se stabiliser à l’accordage. À noter, ces Elixir présentent pour moi le meilleur sustain de cette sélection.
- Bonne assise des graves sur le jeu aux doigts
- Très bon sustain
- Meilleure durée de vie
+ ou – Cordes glissantes
- Pas plus claquantes que ça, enfin un peu plus que la normale sans briller pour autant par rapport à de l’acier non traité
- Demandent un temps supplémentaire avant de se stabiliser à l’accordage
Ernie Ball Slinky Cobalt
La nouveauté de la marque a été présentée à la fin de cet hiver. Ici le neuf concerne directement l’alliage du bobinage qui n’est ni en acier, ni en nickel mais fait d’un alliage en cobalt. Présentée comme une révolution par la marque, l’innovation vise à pousser le gain du signal (le cobalt étant censé amplifier le phénomène d’induction électromagnétique), tout en favorisant la brillance. Voilà pour le contenu marketing qui appuie la sortie du produit sur le marché, qu’en est-il dans la réalité ?
Pour ce qui est du gain, il a une différence évidente de niveau avec les modèles de la marque nickelés et sur ce test, il faut bien avouer que ces cordes envoient sensiblement plus que ses concurrentes. Un simple coup d’œil sur le vumètre confirmera mon affirmation. Concernant la brillance soulignée par l’emploi des Cobalts, elle est en effet légèrement supérieure au rendu des Nickel Wound, mais il me semble à l’écoute que c’est tout le spectre du signal qui se retrouve à la hausse. Le rendu des graves est relativement conservé et les médiums, dans leur tranche la plus haute, semblent soulignés lorsqu’on joue aux doigts. Je trouve donc ces cordes bien balancées pour le jeu au médiator et le slap, car elles offrent une dynamique qui sied parfaitement à ces styles de jeu. Le rendu aux doigts n’a pas ma préférence, question de goût, pour ma part je préfère un signal un poil moins sophistiqué dans les médiums.
Pour le reste, le grain que proposent les Cobalts est en effet fort appréciable. La couleur de l’alliage se rapproche du Stainless Steel, sans accrocher pour autant les doigts. En fait, le contact des Cobalts se rapproche des sensations du plaqué nickel de la marque, en plus souple et plus lubrifié. Le sustain quant à lui n’est pas aussi bon que chez Elixir sans pour autant faire défaut lorsqu’on joue.
Le défaut notable de ces cordes s’est révélé à l’écriture tardive de cet article qui a précédé de quelques semaines les enregistrements. Car en ressortant la Jazz Bass (montée pour les besoins de ce test avec exclusivement des cordes de Sol afin d’estimer leur propension à l’usure), je me suis rendu compte que la corde en Cobalt présentait des signes d’oxydation (des petites tâches noires apparentes ici et là), il ne semble pas que cela ait affecté le son pour autant et un coup de chiffon régulier aurait peut-être suffi à éviter la chose. Mais quoi qu’il en soit, je trouve que pour une corde qui a été posée il y a moins de deux mois, c’est un peu tôt pour sortir le Frameto.
- Plus de gain (testé et approuvé)
- Contact sympa au toucher, corde très souple
- Un poil de brillance et de hauts médiums en plus sans perdre trop de graves
- Sensibilité de l’alliage Cobalt à l’oxydation
Interview de Sterling Ball
Pourquoi user du Cobalt comme alliage ?
Lorsque nous nous sommes lancés sur une nouvelle gamme de cordes, notre objectif était de proposer un grain nouveau qui soit efficace. Nous cherchions avant tout à augmenter le gain et la clarté et nous avons du tester plus de trois cents alliages pour obtenir une corde qui soit à la fois mécaniquement plus performante, tout en renforçant le phénomène d’induction électromagnétique. Notre formule faite d’acier et de cobalt s’est avérée la plus adaptée et apporte une tonalité nouvelle dont nous sommes très satisfaits.
Quelles cordes utilisez-vous personnellement ?
J’utilise des Regular Slinky Cobalt sur toutes mes guitares ! J’ai une Albert Lee montée en double et une Reflex comme guitares principales en studio et pour écrire. La Luke III me fait de l’oeil, je pense m’en offrir une prochainement. Côté basse, j’utilise des filets plats sur ma 25e anniversaire et des cobalts sur ma StingRay.
Les Cobalts sont-elles propres à un style musical ?
Les Cobalts passent partout, elles assurent un son plus clair et un gain supérieur, dans n’importe quel style, du jazz au métal. Elles sont aussi polyvalentes que ce que l’on peut trouver sur le marché actuel.
Le cobalt va t’il remplacer le nickel ?
Le cobalt est utilisé pour ouvrir de nouveaux horizons sonores et nous pensons que sur de nombreux points, les Cobalts assurent mieux que leurs concurrentes. Le plaqué nickel a encore un avenir et les cordes en cobalt ne siéront pas à tous. Mais je pense que l’utilisation du cobalt est la plus grosse innovation de ces trente dernières années.
Pourquoi ne pas avoir gainé les Cobalts ?
L’avantage principal de ces cordes et d’assurer un grain qui perdure. La force mécanique de cet alliage est bien supérieure à ce qui existe. Les cordes en cobalt sonnent plus et plus longtemps que n’importe quelle autre corde en alliage classique non gainé. Notre but était d’assurer les performances tonales, nous n’avons pas ressenti le besoin d’utiliser de revêtement supplémentaire.
Tous les enregistrements ici bas ont été effectués sur une Jazz Bass Mexicaine Classic 60 avec la tonalité ouverte à toute blinde, directement insérée dans la carte son.
- cordes origine Fender 45–10001:10
- d’Addario EXL 17001:09
- Ernie Super Slinky 01:09
- Elixir Nanoweb Stainless Steel01:14
- Ernie Cobalt Slinky01:12
Et l’usure dans tout ça ?
Voici une tentative (je dis tentative, car je ne suis pas certain de la pertinence de la chose) d’estimation d’usure des différents jeux de cordes testés. Pour la chose, j’ai monté les cordes de sol de chaque jeu sur la Jazz Bass (pourquoi les cordes de sol ? afin de garder une tension à peu près similaire à celle d’un jeu complet). Vous me pardonnerez les frisouilles intempestives et certaines vibrations de cordes tout à fait involontaires. Il semble que jouer sur une basse accordée en G-G-G-G ne soit pas une entreprise des plus évidentes et je dois avouer que l’accès à la tige de réglage sur cette Reissue mexicaine m’a dissuadé de tout réglage. Pour chaque corde, j’ai enregistré un chromatisme de six notes, en trois fois, avec trois semaines d’intervalle entre les prises. Je vous laisse maîtres d’estimer le résultat obtenu. Quant à moi, je me prépare à l’éventualité d’un test de pontets, d’attache-courroie et de vis de fixation de micro. Maintenant que la porte est ouverte, on ne se refusera rien chez Audiofanzine.
- G d’Addario00:19
- G Ernie Regular00:19
- G Elixir00:19
- G Cobalt00:19