Pourquoi les artistes se loupent (parfois) au 2ème ou 3ème album ?
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Will Zégal

Bien souvent le premier album d'un groupe n'est pas celui qui sonne le mieux - mais c'est celui dans lequel se cristallisent toute l'envie du groupe, tous ses rèves, toutes ses envies, éventuellement celui où figurent les chansons qui ont duré depuis longtemps dans le répertoire - après, on passe au "travail", dur de refaire aussi spontané et passionné...
Bon, je ne trouve pas que les premiers albums soient forcément les plus réussis. Ils ont souvent le charme, mais aussi les défauts des premiers albums.
Ce sont souvent les seconds qui sont les meilleurs (j'ai l'impression). Et ça part souvent en sucette au troisième.
Pourquoi ?
On parle ici d'artistes qui rencontrent le succès.
Quand un artiste fait un premier album, ça fait souvent longtemps qu'il existe, qu'il crée et qu'il tourne. Il a dans sa musette plein de chansons. Il en sélectionne un certain nombre pour cet album et enregistre.
C'est souvent effectivement assez frais, spontané, plein de coeur et tout. Mais aussi plein de défauts (qui peuvent avoir leur charme), parce que sur un premier album, on fait tous des erreurs, car on apprend (voir la section "du live au studio" dans l'interview de Laurent De Wilde)
Après l'album, l'artiste tourne. Parfois, si ça se passe bien, il a pas mal de promo (presse, radio, télé, au mieux), toutes choses qui prennent du temps. Il n'a pas forcément le temps de se consacrer à la création. Puis, il entre en studio pour le deuxième album.
Pour ce deuxième album, il y a toujours du stock de morceaux de ces années de lancement. Comme le premier album a bien marché (ou au moins reçu un bon accueil critique), que l'artiste est plus connu, tourne plus, le label met plus de moyens.
On a donc le cumul de :
- l'expérience du premier album
- de l'expérience scénique accrue
- plus de moyens : meilleurs studios, meilleurs ingés son, possibilité de faire venir des musiciens externes au groupe (section de cuivre ou de cordes, percussionnistes, etc)
- reconnaissance (peut-être ingés son et producteurs plus investis, des invités qui viennent plus volontiers, etc.)
et tout ça avec un "stock" qui permet d'avoir une bonne sélection de morceaux.
Ce qui donne en général un album réussi. Souvent le meilleur.
Grâce auquel l'artiste rencontre un grand succès public. Il tourne beaucoup (tous les festivals se l'arrachent), il fait beaucoup de radios, de télé, d'interview... Tout ça dure un an ou deux.
Après, il faut rentrer en studio pour le troisième album. Et c'est le drame !
L'artiste a vécu plusieurs années "hors du monde" (sur la route, dans le poste, etc). Il n'a plus nourri sa créativité (il n'y a pas des masses d'artistes qui sont capables de créer correctement dans un tour-bus ou dans une loge de télé). Son stock de bons morceaux a été en grande partie épuisé par les deux premiers albums... Il faut vite en créer de nouveaux, mais l'inspiration n'a pas été forcément nourrie par le mode de vie et les rencontres (j'ai entendu plusieurs artistes parler de ce phénomène).
Comme l'artiste est devenu très rentable, il y a une pression du label et de l'entourage pour rester dans "ce qui a déjà marché". L'artiste peut aussi avoir envie de maintenir ce succès pour lequel il a ramé tellement d'années. C'est humain.
Le problème, c'est qu'il faudrait se renouveler... tout en faisant la même chose. Car les "fans" nouvelle acquis attendent de l'artiste qu'il soit conforme à l'album précédent, mais si c'est la même chose, ça n'intéresse pas grand monde.
Bref, tout ça conduit souvent à une troisième album bien produit, propre sur lui et sans grand intérêt. Mais qui peut quand même marcher : ceux qui ont été séduits par le second (et l'ont peut-être découvert en piratage) vont acheter le troisième.
La suite ? Elle dépend des artistes. Certains restent enfermés dans leur truc et finissent par tourner en rond... Tant que ça marche. C'est le cas à mes yeux d'une bonne partie de la sois disant "nouvelle scène française" (Bénabart & co) qui ne sont plus nouveaux depuis longtemps.
D'autres savent prendre du recul, éventuellement un certain virage et se renouveler... et faire à nouveau de bons albums, souvent en baissant le ryhtme.
[ Dernière édition du message le 01/02/2011 à 15:56:09 ]

Will Zégal


Splotch

Ca me rappelle des discussions avec un groupe de potes (de moins de 22 ans) qui sans jamais avoir sorti d'album était tellement bouffé par le temps passé à faire des concerts pendant 2 ans qu'ils arrivaient plus à créer quelque chose de cohérent. Résultat: cette année il ne joue presque plus pour pouvoir se concentrer sur la création.
J'ai un peu le même avis sur les premiers albums mais j'ai jamais vraiment repéré la baisse de qualité sur le troisième.
Le plus dur c'est pas la chute... C'est l'impact!!!!
[ Dernière édition du message le 01/02/2011 à 15:39:03 ]

Anonyme

tout ça me parait plausible et pertinent
mais faudrait citer des noms!!!
tiens, au hasard, Van Halen: van halen 1 béton, van halen 2 flamboyant mais plus pop, et van halen 3 tout merdique (surtout que van halen 3 c'est au moins le 8è albumstudio ) - Pour Led zeppelin, c'est pas pareil 1 terrible, 2 moins bon à mon gout, 3 superbe mais très différent...
non sérieusement il faut étayer cette impression avec des noms de groupes et d'albums, c'est trop facile avec juste les groupes qui ont sorti des albums ayant pour nom "1" "2" et "3"
ce qui m'amène à te demander si tes observations concernent les groupes actuels ou non, français ou non, pop- rock ou plus large...
[ Dernière édition du message le 01/02/2011 à 15:40:11 ]

Will Zégal

Ça vient majoritairement d'artistes français, plutôt dans la vague chanson. A la fois pour mon ressenti sur les albums et par ce que j'ai entendu d'eux, en direct ou en interview.
Mais je prendrai le temps de chercher des listes de références plus précises, parce que je pense qu'il y a aussi des exemples ailleurs, même si je n'en ai pas en tête pour l'instant.

Anonyme

alors dans le domaine chanson, la notion de "groupe "reste vague: certains tournent avec le smemes zicos depuis longtemps, et on les retrouve sur les albums (miossec, dominique A quand il ne fait pas tout seul ses albums à la maison...), mais le plus souvent les collaborateurs sur albums ne sont pas des gens avec qui le chanteur tourne... enfin il me semble
le topic serait plus pertinent sur les groupes pop-rock, à mon sens... à vérifier

Will Zégal

Qu'il s'agisse d'une personne qui fait carrière sous son nom (avec ou pas les mêmes musiciens) ou d'un groupe ne change pas grand chose à mes yeux.

Anonyme


"Pour ce deuxième album, il y a toujours du stock de morceaux de ces années de lancement. Comme le premier album a bien marché (ou au moins reçu un bon accueil critique), que l'artiste est plus connu, tourne plus, le label met plus de moyens.
On a donc le cumul de :
- l'expérience du premier album
- de l'expérience scénique accrue
- plus de moyens : meilleurs studios, meilleurs ingés son, possibilité de faire venir des musiciens externes au groupe (section de cuivre ou de cordes, percussionnistes, etc)
- reconnaissance (peut-être ingés son et producteurs plus investis, des invités qui viennent plus volontiers, etc.)
et tout ça avec un "stock" qui permet d'avoir une bonne sélection de morceaux.
Ce qui donne en général un album réussi. Souvent le meilleur.
Grâce auquel l'artiste rencontre un grand succès public. Il tourne beaucoup (tous les festivals se l'arrachent), il fait beaucoup de radios, de télé, d'interview... Tout ça dure un an ou deux.
Après, il faut rentrer en studio pour le troisième album. Et c'est le drame !"
[ Ce message faisait initialement partie de la discussion "Quel est votre guitariste préféré : attention débat stérile s'abstenir !" qui a été fusionnée dans ce sujet le 10/02/11 ]

pezib

Oui, c'est vrai pour tous les artistes, français ou internationaux, et de tout temps. Cependant, en ce qui concerne les groupes devenus "standards", je suis tout à fait d'accord pour dire que le premier album "met une claque" et que le deuxième du coup, déçoit.
As-t-on tout donné dans le premier ? Devient-on "blasé" ?

kravatorf

p'tet que cumuler les jobs d'auteur, compositeur, interprète, showman et rockstar c'est un peu compliqué ?
du coup au 2ème ou 3ème album ... ça craque
d'ailleurs en france les "gros qui durent" ne font pas tout et ont un rythme de production plutôt élastique
[ Dernière édition du message le 01/02/2011 à 19:15:31 ]

Will Zégal


cortmgm

flag
Rage Against The Machine
Cette fois, je crois que nous sommes complètement ça y est c'est foutu...

crossroads

Flag
Oasis
Instrumental/Ambient/Post-Rock : https://dzeta.bandcamp.com/

Pictocube

A mon avis il y a aussi une question d'époque... Je ne peux pas m'empêcher de penser que certains artistes d'aujourd'hui sont très éloignés des buts et des ambitions d'il y a 20 ans et que ça influe sur la qualité de leur travail. L'approche de la musique n'est parfois plus du tout la même.
Je pense notamment à des artistes qui souhaitent simplement mettre en valeur leur textes et leur personnage sans vraiment se soucier du contenu musical qui va les accompagner, j'ai le sentiment d'en voir beaucoup plus dans la chanson française et dans la musique en général aujourd'hui.
Parce que finalement, faire des albums, c'est uniquement ou presque pour satisfaire le public et la prod non ? Je veux dire fondamentalement, pas besoin de faire des album pour jouer ensemble ou faire des concerts ou tout déchirer ou les trois non ? Donc est-ce que tout les artistes veulent faire de leurs albums un exemple de perfection, un but à atteindre ? Finalement, en dehors des "puristes" ou des album-concept, j'en doute.
Tant qu'il y aura des couilles en or, il y aura des lames en acier

Anonyme

Citation de : Pictocube
(...)Je pense notamment à des artistes qui souhaitent simplement mettre en valeur leur textes et leur personnage sans vraiment se soucier du contenu musical qui va les accompagner, j'ai le sentiment d'en voir beaucoup plus dans la chanson française et dans la musique en général aujourd'hui.(...)
Parce que beaucoup d'entre-eux sont auteurs depuis 15 ans et musiciens depuis 6 mois.
Je ne sais plus qui l'a dit mais je plussoyes le fait que pendant une grosse promo/grosse tournée, ton "côté artistique" tu le laisses à la maison.
Quand tu reviens chez toi, un an et demi plus tard, il faut le retrouver et te rappeler comment on s'en sert.

Pictocube

Ca résume pas mal ce que je voulais dire
J'ai l'impression qu'il y à 20 ans on s'en foutait un peu des albums alors que maintenant, beaucoup considère ça comme le paramètre le plus important (récompense pour le nombre d'album vendu, passage en radio selon nombre d'album, etc.).
J'ai aussi l'impression qu'aujourd'hui on achète plus facilement un album même si il ne nous satisfait pas, pour l'avoir...
Tant qu'il y aura des couilles en or, il y aura des lames en acier

j-master

C'est marrant, parce que beaucoup de choses ont été dites depuis le post initial, que je trouve toutes très justes, bien observées, toussatoussa... mais que je n'arrive pas à retrouver dans la plupart des artistes que j'apprécie... ? C'est très bizarre, du coup... et quel que soit le style (comme la plupart d'entre nous, je n'écoute pas qu'un seul style), je ne retrouve pas trop ce schéma dans ma collection de disques, et même plutôt l'inverse.
:rienàraconterc'estgênant:
"L'Homme est la nature prenant conscience d'elle même." - Elisée Reclus

Pictocube

Ben forcément y'a aussi des contre-exemples.
Bon soyons prudent, ne dérapons pas vers un débat mort né de plus...
Je pense à Daft Punk, dont les albums, s'ils ont parfois pu être considérés comme novateurs, ne sont pas non plus des monuments de musique, voir même sont un peu lassant quand on se les tape en entier. Ils en ont pas sortis beaucoup non plus. Et à coté de ça, il font un live très similaire depuis plusieurs années qui déchire et parvient à réunir des fans de tout horizon...
A coté de ça, j'apprécie beaucoup plus Gainsbourg sur certains album qu'en live. Et c'est aussi un exemple où il y a vraiment du bon et du mauvais au début comme à la fin. CA rejoins aussi ce que je disais tout à l'heure dans le sens où les meilleurs albums de Gainsbourg sont souvent les moins connus (je pense).
Tant qu'il y aura des couilles en or, il y aura des lames en acier

Pretextat

Mademoiselle K illustre parfaitement la description de Will .

Tsaddeous


=LouF=

Citation de Picto :
Parce que finalement, faire des albums, c'est uniquement ou presque pour satisfaire le public et la prod non ? Je veux dire fondamentalement, pas besoin de faire des album pour jouer ensemble ou faire des concerts ou tout déchirer ou les trois non ? Donc est-ce que tout les artistes veulent faire de leurs albums un exemple de perfection, un but à atteindre ? Finalement, en dehors des "puristes" ou des album-concept, j'en doute.
je sais pas trop. Il y a peu etre aussi des artistes qui se concentrent plus sur le coté studio, l'album comme une narration, un terrain d'expérience et qui ne font pas ou peu ou mal des lives et puis d'autres qui misent à fond sur les concerts et parfois les albums ne leur rendent pas spécialement honneur.
ça depend un peu du style de musique évidemment. Mais en pop-rock et chanson française, y'a un peu des deux.

Will Zégal

Parce que finalement, faire des albums, c'est uniquement ou presque pour satisfaire le public et la prod non ?
J'espère que non.
J'espère bien que pour la plupart des artistes, il s'agit d'abord de réaliser une oeuvre.
Bien sur, on n'a pas besoin de faire d'album pour créer de la musique (et des textes), les jouer, faire du live, etc.
Mais faire un album est une démarche en soit dans laquelle écriture et composition ne sont que le premier étage d'une fusée qui en comporte beaucoup.
C'est notamment l'occasion d'explorer des univers sonores, de faire des arrangements qui seraient impossibles sur scène, etc.

Will Zégal

En effet, comme on l'a dit, un artiste peut avoir besoin de temps après un album à succès (et tout ce qui s'en suit) pour se ressourcer avant d'attaquer la création d'un suivant.
Mais dans notre monde médiatique, un artiste n'existe plus s'il n'a pas d'actu. Or, quand on est en écriture et composition et en studio, on n'a pas d'actu. Et pas le temps pour faire de la promo.
Il y a donc pression pour réduire au maximum le temps de "silence" entre le succès consécutif à un album et la sortie du suivant. Temps qui devient peut-être insuffisant.

Anonyme

Je pense que c'est le moment de parler des labels qui "freinent" l'écriture/enregistrement d'un nouvel album tant qu'il y a du blé à se faire avec le précédent. Du coup quand le nouveau sort, les compos ne sont pas "fraiches" dans la tête de l'artiste et la conviction en promo/concert n'est pas la même.
Entre le tourneur qui peut te demander de faire des dates (en jouant les titres du précédent donc) et le label qui veut pas que tu rentres en studio tout de suite, ça peut rendre nerveux et nuire à la création.
Sinon, pour en revenir à:
Parce que finalement, faire des albums, c'est uniquement ou presque pour satisfaire le public et la prod non ?
Un album c'est aussi une fin de période, on enregistre pour finaliser cette période. Comme un deuil en gros

Will Zégal

parler des labels qui "freinent" l'écriture/enregistrement d'un nouvel album tant qu'il y a du blé à se faire avec le précédent
Pour l'enregistrement, je vois bien. Mais pour l'écriture... Je ne vois pas comment un label pourrait empêcher un artiste d'écrire.
Les tournées et tout ça, oui. Mais sauf si ça dure vraiment trop (c'est épuisant et pas toujours facile d'être away from home), un artiste va rarement refuser des dates.
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