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L'Histoire du Mellotron - Le clavier polyphonique emblématique des sixties

On le retrouve chez Paul McCartney, ou chez les frères Gallagher. Mais si l'existence du célèbre clavier à bande a profondément marqué l'histoire du rock anglais, c'est aux Etats-Unis que l'instrument puise ses racines.

Le clavier polyphonique emblématique des sixties : L'Histoire du Mellotron

Qui es-tu, Mello­tron ?

Avant de rentrer dans le coeur du sujet, il faut déjà savoir de quoi on parle. Popu­la­risé en Angle­terre au début des années 60, le terme de Mello­tron englobe une série d’ins­tru­ments capables de repro­duire les sons d’ins­tru­ments acous­tiques : flûtes, batte­ries, violons, et même des arran­ge­ments très complètes. Niveau méca­nique, oubliez les oscil­la­teurs ou les tran­sis­tors, le Mello­tron fonc­tionne grâce à un système de bobines à bande magné­tique, dans lequel chaque touche du clavier a sa propre longueur de bande. Les bandes qui contiennent les sons ne sont donc pas des boucles ; ce sont des bandes linéaires qui sont toujours lues à partir d’un point de départ fixe. M300 panel

Aux origines : la trou­vaille de Cham­ber­lin

Si le Mello­tron est plutôt asso­cié au bouillon­ne­ment musi­cal des années 60, peu d’au­di­teurs se doutent que la première version de l’ins­tru­ment soit née quelques années à peine après la Seconde Guerre mondiale. Surfant sur la popu­la­rité de la bande magné­tique en plas­tique dans les années 40, l’in­ven­teur Harry Cham­ber­lin déve­loppe le premier modèle de clavier élec­tro­mé­ca­nique à bande, chez lui en Cali­for­nie. En écou­tant un enre­gis­tre­ment de lui-même jouant de l’orgue, il a le déclic : pourquoi ne pas créer un instru­ment capable de rejouer de grands instru­ments acous­tiques faci­le­ment depuis chez-soi, pour que les familles puissent reprendre des stan­dards depuis leur salon sans grands moyens ?

Allant au bout de son idée, il part enre­gis­trer un orchestre pour donner vie aux compo­sants de sa première créa­tion en 1949 : le modèle 100. À ce stade, l’ins­tru­ment prévoit une longueur de bande ancrée à une extré­mité, passant sur un ensemble de rouleaux serpen­tins à ressort, puis sur une tête de lecture de bande et un cabes­tan. Lorsque la touche est relâ­chée, un méca­nisme à ressort ramène la bande à son point de départ ; ce faisant, la lecture démarre toujours au même point de la bande afin de repro­duire de manière réaliste l’at­taque et le rendu du son de l’ins­tru­ment enre­gis­tré. Enfin, un contrôle de la vitesse du moteur du cabes­tan permet d’ef­fec­tuer des réglages et des varia­tions de hauteur tonale, seul moyen de modi­fier le son véri­ta­ble­ment.


Progres­si­ve­ment et au gré du succès commer­cial crois­sant de son affaire, Cham­ber­lin déve­loppe de nouveaux modèles plus sophis­tiqués. Le modèle 300 propose un clavier de près de 35 notes avec trois pistes sur chaque bande, ainsi qu’un système de cyclage qui permet­tait à la bande d’avan­cer puis de recu­ler pour chan­ger de son. En 1962, la sixième version du Cham­ber­lin est une unité à deux claviers, avec un méca­nisme de bandes côte à côte. Mais alors que l’af­faire tourne bien, que Cham­ber­lin est passé du garage à l’usine, l’in­ven­teur est trahi par l’am­bi­tion d’un collègue de travail. Sous le manteau, le Cham­ber­lin Model 600 s’en­vole en Angle­ter­re…

 Démo présen­tant plusieurs sons du M-1 Remote Cham­ber­lin © Sound Space Audio

L’aven­ture anglaise

Si la petite affaire de Cham­ber­lin fonc­tionne bien au début des années 60, elle reste rela­ti­ve­ment mécon­nue du grand public et les instru­ments se vendent majo­ri­tai­re­ment au bouche à oreille. Cela, Bill Fran­son en a bien conscience. Ancien laveur de vitres de l’in­ven­teur, puis vendeur pour ce dernier, Fran­son flaire le poten­tiel de l’in­ven­tion. En 1962, il dispa­raît des radars, deux modèles de M600 sous le bras. Débarqué en Angle­terre, il retire les écri­teaux « Cham­ber­lin » des appa­reils et part en quête de colla­bo­ra­teurs pour déve­lop­per un nouveau modèle plus perfor­mant et le commer­cia­li­ser dans le pays. À Birmin­gham, il se lie avec les ingé­nieurs de Brad­ma­tics, et fonde Streetly Elec­tro­nics. Ensemble, ils lance­ront le premier véri­table Mello­tron : le MK1 (ci-dessous).

Capture d’écran 2024-09-08 à 19.45.12

C’est le véri­table tour­nant dans l’his­toire de l’ins­tru­ment. L’en­tre­prise anglaise va corri­ger la plupart des défauts du modèle crée par Cham­ber­lin. En effet, les instru­ments de l’Amé­ri­cain sont conçus de manière assez aléa­toire. L’es­thé­tique des boîtiers était simpliste, les commandes placées un peu partout sans logique et légen­dées à la main ou du ruban d’étique­tage. De plus, certains modèles avaient des amplis à piles de 9V qu’il fallait chan­ger très régu­liè­re­ment. De plus, le câblage de certains modèles était relié à tous les compo­sants en métal des appa­reils, rendant l’en­tre­tien des appa­reils très déli­cat, voire dange­reux.

Au milieu des années 60, Cham­ber­lin apprend la super­che­rie et engage des pour­suites contre Streetly Elec­tro­nics. Une affaire soldée par un accord à l’amiable : des royal­ties payées à Cham­ber­lin pour chaque modèle vendu, une garan­tie d’une main mise de Cham­ber­lin sur la vente des appa­reils aux Etats Unis, et même une colla­bo­ra­tion notam­ment pour l’en­re­gis­tre­ment de nouveaux instru­ments. Sur le Mk-1, le fameux son « Three violins » que l’on retrouve dans Space Oddity de David Bowie, (1969) ou The Rain Song de Led Zeppe­lin (1973) a été enre­gis­tré par l’in­gé­nieur améri­cain.

Après l’âge d’or, retour au calme

Après les diffé­rends réglés, les affaires reprennent vite avec le lance­ment par Streetly Elec­tro­nics en 1968 du M300, un seul clavier à 52 touches combi­nant lead et rythme. Un an plus tard, c’est le M400 qui fera sensa­tion. Proche des demandes des musi­ciens, ils créent un instru­ment moins lourd et facile à trans­por­ter, et éradiquent les ryth­miques de la banque de son pour déve­lop­per plus de leads (sons privi­lé­giés par les musi­ciens à l’époque.). Le M400 est donc un instru­ment rela­ti­ve­ment pratique et petit, muni d’un seul et même clavier à 35 touches. Dans l’his­toire du Mello­tron, c’est de loin le modèle le plus réussi en termes de ventes (plus de 1800 exem­plaires construits à l’époque).

Vers la fin des années 70, Streetly fait face à un nouvel obstacle. En raison d’un désac­cord avec leur distri­bu­teur améri­cain concer­nant la marque dépo­sée, les anglais de Streetly perdent les droits d’uti­li­sa­tion de la marque « Mello­tron ». Sans se lais­ser abattre, ils pour­suivent leurs acti­vi­tés en renom­mant le produit « Nova­tron ». En 1977, ils lancent donc le Nova­tron Mark V, suivi du Nova­tron M400 en 1978, qui était essen­tiel­le­ment le M400 clas­sique avec un nouveau surnom. Progres­si­ve­ment, leur chiffre d’af­faires décroit par manque d’in­té­rêt de la part des musi­ciens, déjà pris dans l’en­goue­ment des samplers.

Offi­ciel­le­ment, Streetly ferme ses portes en 1986. Depuis la fin des années 90, la marque Mello­tron renaît de ses cendres. Streetly a été ranimé, d’abord pour assu­rer le suivi et l’en­tre­tiens des instru­ments, puis pour en construire d’autres dès 2007.

Les temps modernes

En 2010, Mello­tron a réin­tro­duit l’em­blé­ma­tique instru­ment dans une version numé­rique compacte, le Mello­tron M4000D mini, qui conserve le son, l’ap­pa­rence et la sensa­tion authen­tique du clavier d’ori­gine tout en ajou­tant quelques amélio­ra­tions signi­fi­ca­tives. On y retrouve une banque de samples riche, 100 sons origi­naux de Mello­tron et Cham­ber­lin avec une qualité qui n’a rien à voir avec un VST.

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Prix : €2299

Pour le trou­ver : https://fr.audio­fan­zine.com/synthe-nume­rique/mello­tron/mello­tronm4000d-mini/

Un mello­tron sans mello­tron : les logi­ciels

Côté logi­ciel, on a toujours l’im­pres­sion d’avoir l’em­bar­ras du choix. Mais pour recréer le son d’un Mello­tron, les bonnes options sont rela­ti­ve­ment réduites. Petit tour d’ho­ri­zons des options dispo­nibles.

1. Gforce M-TRON Pro

Consi­déré comme l’al­ter­na­tive logi­ciel au rendu sonore le plus fidèle à l’ins­tru­ment, le MTRON Pro dispose d’une biblio­thèque de sons massive de 3,5 Go, et comprends plus de 700 patchs.

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Prix : €209.99

Pour le trou­ver…

2. Artu­ria Mello­tron V

On ne vous présente plus Artu­ria. À l’ini­tia­tive des meilleures émula­tions logi­cielles de claviers et synthé­ti­seurs analo­giques clas­siques, le Mello­tron V d’Ar­tu­ria vous donne la possi­bi­lité de toucher à tous les apspects de l’ins­tru­ment à votre guise. Vous êtes libre de peau­fi­ner chaque aspect de votre son, les combi­nai­sons de mixage d’ins­tru­ments variables, le scin­tille­ment de bande, la satu­ra­tion et le bruit inhé­rent.

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Prix : €149

Pour le trou­ver…

3. Mello­tron de AIR Music Tech­no­logy

Un peu moins cher que les deux autres, ce VST est une bonne option pour se rappro­cher des sons de l’ins­tru­ment origi­nal, avec six jeux de bandes compre­nant les échan­tillons de bandes Flute, Choir et Strings. En tout, vous dispo­sez d’une tren­taine de pré-réglages à re-trafiquer à votre guise en mani­pu­lant les potards.

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Prix : €100

Pour le trou­ver…

Le mello­tron en cinq titres

1. The Beatles – Straw­berry Fields Fore­ver (1967)

On ne vous présente pas ce clas­sique, dans lequel le Mello­tron joue les prota­go­nistes dès l’in­tro­duc­tion avec un son de flute psyché­dé­lique qui met l’au­di­teur sur un nuage.

2. David Bowie – Space Oddity (1969)

Chez Bowie, le Mello­tron est utilisé pour créer les sons de corde, qui aident à créer cette ambiance spatiale et surna­tu­relle au fil de la chan­son.

3. Led Zeppe­lin – Stair­way to Heaven (1971)

Du côté de Jimmy Page et ses acolytes, c’est aussi dans l’in­tro­duc­tion que cela se passe avec ce son de flute, appor­tant cette dimen­sion mystique et éthé­rée pour soute­nir un riff incon­tour­nable.

4. Radio­head – Exit Music For a Film (1997)

Sur leur album « OK Compu­ter », Radio­head utilise le Mello­tron pour forcer le trait de l’at­mo­sphère étrange et obsé­dante de la chan­son, en parti­cu­lier avec des sons de choeur.

5. Chil­dish Gambino – Redbone (2016)

La mode est un éter­nel recom­men­ce­ment ? Cinquante ans après l’âge d’or du Mello­tron, on le retrouve chez Chil­dish Gambino avec des grandes vagues de cordes luxu­riantes et qui créent une texture chaleu­reuse et vintage tout au long de la chan­son.

 


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