Previously on « Le guide du mixage » : votre fieffé factotum a eu l’audace de vous confier une tâche : analyser le mix de « The look » du point de vue de l’automation. La semaine suivante, l’insouciant scélérat s’essaye à son tour à l’exercice…
Dès l’intro du morceau, vous remarquerez qu’il y a une automation du volume du clavier principal ainsi que de la réverbération, ce qui donne à l’auditeur une sensation de rapprochement du son. Notez que ce synthé navigue légèrement à gauche de l’espace stéréo et semble relativement éloigné, même une fois l’automation finie.
Puis la batterie et la voix principale rentrent en scène pour le premier couplet. Cette voix campe bien au centre, vêtue d’une réverbe profonde qui ne déborde donc que très peu sur les côtés.
Arrive alors le refrain. Il y a un changement notable sur la batterie avec l’arrêt du charley qui était sur la droite au profit d’une ride sensiblement excentrée sur la gauche. Le clavier, pour sa part, ne change pas d’un iota. En revanche, la voix principale apparait plus en avant, certainement grâce à l’ajout d’un delay doublant la ligne de chant aux extrémités de la stéréo en conjonction avec une autre réverbération plus large, plus courte et moins profonde que la précédente.
En fin de refrain, l’introduction de la ligne de basse annonce la prochaine section : un pont purement instrumental qui va booster l’ambiance du morceau. Outre cette basse, plusieurs évènements viennent accentuer le contraste entre cette partie et la précédente. Le plus évident est l’arrivée de la guitare. Cette dernière se situe complètement à droite du champ stéréo et se voit doublée à l’autre extrême une autre prise quasi identique.
Côté instruments percussifs, la ride s’efface pour laisser la place au charley tout à droite et un quijada, aussi connu sous le nom de mâchoire d’âne (fait son apparition à l’extrême gauche.
Le clavier principal, quant à lui, passe du fond gauche à l’avant-scène sur la droite sans que cela ne vienne troubler l’écoute ; l’effet contribue pourtant à raviver l’intérêt du public de façon inconsciente. L’ensemble du pont sonne ainsi plus large et proche qu’avant sans que la rupture ne soit trop manifeste, chapeau bas ! Ce passage instrumental se termine par une brève passe d’armes entre ride et charley afin de souligner le prochain changement de partie.
Retour au couplet avec peu ou prou le même mix que sur le premier. Notez cependant que, d’une part, les maintiens de la ligne de basse et de la mâchoire d’âne permettent de ne pas trop faire retomber la sauce ; tandis que d’autre part, le retour du synthé principal à sa position d’origine redonne de la profondeur et agit donc comme un levier de contraste en regard du pont précédent. De plus, des doublages ponctuels de certains mots du chant viennent subtilement renforcer la course en avant du récit musical.
Le deuxième refrain n’a qu’une seule différence avec le premier, mais elle est de taille puisqu’il s’agit de l’intervention des chœurs. Sur le papier, cela n’a peut-être l’air de pas grand-chose, sauf que d’un point de vue strictement auditif, l’astuce fait mouche puisqu’elle octroie à cette partie une personnalité qui lui est propre et sans laquelle ce refrain ne se serait pas distingué du précédent. Mine de rien, cela contribue grandement à l’évolution « dramatique » de la narration qui apparaît comme plus « vivante », à défaut d’autre terme.
Vient alors un pont d’un nouveau genre. Si le clavier principal reste identique au couplet, la batterie se voit amputée de la grosse caisse, le couple ride/mâchoire d’âne reste en place et la caisse claire s’habille d’une réverbération plus marquée, alors que la voix et la basse disparaissent au profit d’un nouveau synthé plaquant calmement des accords éthérés. Tout ceci entraîne une sensation de calme avant la tempête histoire de renforcer l’impact émotionnel de la partie qui suivra, à savoir le solo. D’ailleurs, en fin de ce pont, une intervention des chœurs suivit de près par une note de basse servent de tremplin qui propulse l’auditoire vers le véritable climax du morceau.
Le décor de ce solo est quasiment identique au premier pont instrumental, à ceci près qu’un nouvel élément a fait son apparition aux extrémités du champ stéréo : des claps. Encore une fois, c’est tellement subtil que le public n’y verra que du feu, mais inconsciemment ces claps pousseront les têtes à se dandiner encore plus, d’autant que le calme du pont précédent allié à une belle amorce à sa fin ont savamment préparé le terrain. Quant à l’instrument soliste, un synthétiseur sauce 80's, il est bien planté au centre et semble ne pas évoluer d’un pouce tout au long de la performance. Pourtant, si vous tendez bien l’oreille, vous remarquerez qu’à l’occasion de la répétition de la ligne mélodique, de nouvelles harmoniques apparaissent, notamment dans les aigus. Cet infime changement accompagné du switch entre le charley et la ride permettent à eux seuls de conserver toute l’attention de l’auditoire. Joli, n’est-ce pas ?
Après un tel point d’orgue, difficile de conclure le morceau par un fade out sans passer pour une chute au rabais. Pourtant, la production ose tout et ça marche. Le clavier principal s’en va tranquillement, plus ou moins dans le même esprit que lors de son entrée en scène sur l’intro. Épanadiplose, quand tu nous tiens ! De plus, le fade de chacun des instruments ne se fait pas exactement à la même vitesse. C’est presque imperceptible, mais c’est ce qui contribue, entre autres, à la perception claire des claps. Bref, l’ensemble rend ce fade out quasiment vivant. Je vous l’avais bien dit : Devil’s in the details…
Une dernière remarque avant de conclure. Je n’en ai pas parlé au cours de cette analyse, mais je tiens tout de même à attirer votre attention sur l’intelligibilité irréprochable de la voix. C’est sans nul doute le fruit d’une automation minutieuse du fader de volume de la piste chant. À bon entendeur, salut !
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Comme je vous le disais la semaine dernière, il s’agit d’une analyse succincte réalisée après très peu d’écoutes et je ne peux absolument pas garantir que les détails relevés ici soient bel et bien le fruit de l’automation. En revanche, je vous assure que tout est faisable par ce seul biais.
J’espère que cette petite étude de cas vous aura été profitable. Personnellement, je trouve ce titre de Metronomy absolument fantastique au niveau de la réalisation artistique. Les enseignements que l’on peut en tirer en termes de subtilité et d’efficacité de production sont précieux et ils peuvent facilement être appliqués à tous les styles musicaux. Avec ce bagage en poche, je suis certain que vos futurs chefs-d’oeuvre en ressortiront grandis !