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Pédago
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Automation - Étude de cas : à moi de jouer ! Le guide du mixage — 112e partie

Previously on « Le guide du mixage » : votre fieffé factotum a eu l’audace de vous confier une tâche : analyser le mix de « The look » du point de vue de l’automation. La semaine suivante, l’insouciant scélérat s’essaye à son tour à l’exercice…

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Dès l’in­tro du morceau, vous remarque­rez qu’il y a une auto­ma­tion du volume du clavier prin­ci­pal ainsi que de la réver­bé­ra­tion, ce qui donne à l’au­di­teur une sensa­tion de rappro­che­ment du son. Notez que ce synthé navigue légè­re­ment à gauche de l’es­pace stéréo et semble rela­ti­ve­ment éloi­gné, même une fois l’au­to­ma­tion finie.

Puis la batte­rie et la voix prin­ci­pale rentrent en scène pour le premier couplet. Cette voix campe bien au centre, vêtue d’une réverbe profonde qui ne déborde donc que très peu sur les côtés.

Arrive alors le refrain. Il y a un chan­ge­ment notable sur la batte­rie avec l’ar­rêt du char­ley qui était sur la droite au profit d’une ride sensi­ble­ment excen­trée sur la gauche. Le clavier, pour sa part, ne change pas d’un iota. En revanche, la voix prin­ci­pale appa­rait plus en avant, certai­ne­ment grâce à l’ajout d’un delay doublant la ligne de chant aux extré­mi­tés de la stéréo en conjonc­tion avec une autre réver­bé­ra­tion plus large, plus courte et moins profonde que la précé­dente.

En fin de refrain, l’in­tro­duc­tion de la ligne de basse annonce la prochaine section : un pont pure­ment instru­men­tal qui va boos­ter l’am­biance du morceau. Outre cette basse, plusieurs évène­ments viennent accen­tuer le contraste entre cette partie et la précé­dente. Le plus évident est l’ar­ri­vée de la guitare. Cette dernière se situe complè­te­ment à droite du champ stéréo et se voit doublée à l’autre extrême une autre prise quasi iden­tique.
Côté instru­ments percus­sifs, la ride s’ef­face pour lais­ser la place au char­ley tout à droite et un quijada, aussi connu sous le nom de mâchoire d’âne (fait son appa­ri­tion à l’ex­trême gauche.

Le clavier prin­ci­pal, quant à lui, passe du fond gauche à l’avant-scène sur la droite sans que cela ne vienne trou­bler l’écoute ; l’ef­fet contri­bue pour­tant à ravi­ver l’in­té­rêt du public de façon incons­ciente. L’en­semble du pont sonne ainsi plus large et proche qu’avant sans que la rupture ne soit trop mani­feste, chapeau bas ! Ce passage instru­men­tal se termine par une brève passe d’armes entre ride et char­ley afin de souli­gner le prochain chan­ge­ment de partie.

Retour au couplet avec peu ou prou le même mix que sur le premier. Notez cepen­dant que, d’une part, les main­tiens de la ligne de basse et de la mâchoire d’âne permettent de ne pas trop faire retom­ber la sauce ; tandis que d’autre part, le retour du synthé prin­ci­pal à sa posi­tion d’ori­gine redonne de la profon­deur et agit donc comme un levier de contraste en regard du pont précé­dent. De plus, des doublages ponc­tuels de certains mots du chant viennent subti­le­ment renfor­cer la course en avant du récit musi­cal.

Le deuxième refrain n’a qu’une seule diffé­rence avec le premier, mais elle est de taille puisqu’il s’agit de l’in­ter­ven­tion des chœurs. Sur le papier, cela n’a peut-être l’air de pas grand-chose, sauf que d’un point de vue stric­te­ment audi­tif, l’as­tuce fait mouche puisqu’elle octroie à cette partie une person­na­lité qui lui est propre et sans laquelle ce refrain ne se serait pas distin­gué du précé­dent. Mine de rien, cela contri­bue gran­de­ment à l’évo­lu­tion « drama­tique » de la narra­tion qui appa­raît comme plus « vivante », à défaut d’autre terme.

Vient alors un pont d’un nouveau genre. Si le clavier prin­ci­pal reste iden­tique au couplet, la batte­rie se voit ampu­tée de la grosse caisse, le couple ride/mâchoire d’âne reste en place et la caisse claire s’ha­bille d’une réver­bé­ra­tion plus marquée, alors que la voix et la basse dispa­raissent au profit d’un nouveau synthé plaquant calme­ment des accords éthé­rés. Tout ceci entraîne une sensa­tion de calme avant la tempête histoire de renfor­cer l’im­pact émotion­nel de la partie qui suivra, à savoir le solo. D’ailleurs, en fin de ce pont, une inter­ven­tion des chœurs suivit de près par une note de basse servent de trem­plin qui propulse l’au­di­toire vers le véri­table climax du morceau.

Le décor de ce solo est quasi­ment iden­tique au premier pont instru­men­tal, à ceci près qu’un nouvel élément a fait son appa­ri­tion aux extré­mi­tés du champ stéréo : des claps. Encore une fois, c’est telle­ment subtil que le public n’y verra que du feu, mais incons­ciem­ment ces claps pous­se­ront les têtes à se dandi­ner encore plus, d’au­tant que le calme du pont précé­dent allié à une belle amorce à sa fin ont savam­ment préparé le terrain. Quant à l’ins­tru­ment soliste, un synthé­ti­seur sauce 80's, il est bien planté au centre et semble ne pas évoluer d’un pouce tout au long de la perfor­mance. Pour­tant, si vous tendez bien l’oreille, vous remarque­rez qu’à l’oc­ca­sion de la répé­ti­tion de la ligne mélo­dique, de nouvelles harmo­niques appa­raissent, notam­ment dans les aigus. Cet infime chan­ge­ment accom­pa­gné du switch entre le char­ley et la ride permettent à eux seuls de conser­ver toute l’at­ten­tion de l’au­di­toire. Joli, n’est-ce pas ?

Après un tel point d’orgue, diffi­cile de conclure le morceau par un fade out sans passer pour une chute au rabais. Pour­tant, la produc­tion ose tout et ça marche. Le clavier prin­ci­pal s’en va tranquille­ment, plus ou moins dans le même esprit que lors de son entrée en scène sur l’in­tro. Épana­di­plose, quand tu nous tiens ! De plus, le fade de chacun des instru­ments ne se fait pas exac­te­ment à la même vitesse. C’est presque imper­cep­tible, mais c’est ce qui contri­bue, entre autres, à la percep­tion claire des claps. Bref, l’en­semble rend ce fade out quasi­ment vivant. Je vous l’avais bien dit : Devil’s in the details…

Une dernière remarque avant de conclure. Je n’en ai pas parlé au cours de cette analyse, mais je tiens tout de même à atti­rer votre atten­tion sur l’in­tel­li­gi­bi­lité irré­pro­chable de la voix. C’est sans nul doute le fruit d’une auto­ma­tion minu­tieuse du fader de volume de la piste chant. À bon enten­deur, salut !

Voilà, c’est tout pour aujour­d’hui. Comme je vous le disais la semaine dernière, il s’agit d’une analyse succincte réali­sée après très peu d’écoutes et je ne peux abso­lu­ment pas garan­tir que les détails rele­vés ici soient bel et bien le fruit de l’au­to­ma­tion. En revanche, je vous assure que tout est faisable par ce seul biais.
J’es­père que cette petite étude de cas vous aura été profi­table. Person­nel­le­ment, je trouve ce titre de Metro­nomy abso­lu­ment fantas­tique au niveau de la réali­sa­tion artis­tique. Les ensei­gne­ments que l’on peut en tirer en termes de subti­lité et d’ef­fi­ca­cité de produc­tion sont précieux et ils peuvent faci­le­ment être appliqués à tous les styles musi­caux. Avec ce bagage en poche, je suis certain que vos futurs chefs-d’oeuvre en ressor­ti­ront gran­dis !

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