Aujourd’hui, je vous propose d’aborder un concept relativement simple à comprendre et qui devrait grandement vous aider lors de l’élaboration de vos automations.
Vous l’avez certainement compris, l’un des principaux enjeux de l’automation consiste à capter, et surtout conserver l’attention de l’auditeur tout au long de votre morceau. Mine de rien, c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Cela relève même du grand art lorsque le titre à mixer est « simple » en matière de composition et/ou d’orchestration. Cependant, c’est loin d’être impossible, comme nous avons pu le voir à l’occasion de l’analyse de « The look » de Metronomy. Afin de vous faciliter la tâche dans cette quête de l’attention, il me semble fort utile de toujours conserver un concept à l’esprit : malgré des milliers d’années d’évolution, l’homme n’en demeure pas moins à la base un animal…
En quoi cela est-il important dans le domaine du mixage ? C’est, en définitive, assez simple à comprendre. Les animaux sont des proies ou des prédateurs, voire les deux dans la majorité des cas. Pour survivre, la nature les a dotés de sens qui leur permettent d’analyser le monde extérieur. Qu’il s’agisse de l’ouïe, de l’odorat, ou bien encore de la vue, ces sens existent donc à l’origine pour deux raisons : aider à repérer les éventuels dangers dus à l’approche d’un prédateur d’une part, et détecter le moindre frémissement provoqué par une potentielle pitance d’autre part. Par conséquent, un léger bruit, une infime odeur ou un simple mouvement attirent naturellement l’attention des animaux. Vous n’êtes pas convaincu ? Pensez donc à la réaction d’un chat devant lequel vous agiteriez un bête bout de ficelle… Cela vous parle-t-il plus maintenant ? Il s’agit là d’un réflexe, c’est l’instinct qui parle, et c’est plus fort que nous. Oui, j’ai bien écrit « plus fort que nous », car l’être humain est un animal comme les autres de ce point de vue là. Nous pouvons donc exploiter cet état de fait au cœur de nos mix, et l’automation est un outil fantastique pour ça !
Basic Instinct
Pour profiter de notre animalité auditive, rien de plus simple : l’arrivée ou la disparition d’un élément dans le mix, le déplacement d’un des instruments au sein du paysage sonore, ou bien encore un changement de « couleur » du spectre de tout ou partie du titre feront la blague. Mais attention ! Même si une variation soudaine et drastique fera toujours son petit effet, la plupart du temps il convient de la jouer discret sous peine de voler la vedette à la star de votre mix. Le but est de captiver l’auditeur, pas de le distraire de l’essentiel. De plus, la fréquence de ces changements ne doit pas non plus être trop élevée sinon vous risquez de fatiguer, et donc perdre, le public. Imaginez par exemple un violon oscillant à outrance entre les deux extrêmes du champ stéréo, rien de mieux pour refiler la nausée. Bref, une fois de plus la subtilité est de mise ! Quand je vous disais que l’automation était un art à part entière…
Nous allons à présent voir comment cette jolie théorie se déroule en pratique.
Usual Suspects
Commençons par les éléments vedettes de votre mix. Qu’ils s’agissent de voix et/ou d’instruments, il est important de comprendre qu’en règle générale, il ne peut y avoir au maximum que trois éléments au-devant de votre scène sonore en même temps, sous peine de brouiller votre propos. Ces éléments se répartissent l’espace stéréo de façon basique : droite, centre, gauche. Notez bien ceci : trois éléments maximum en même temps. Cela ne veut donc pas dire qu’il ne peut y en avoir plus sur toute la longueur du titre, ou qu’il ne peut y en avoir moins au même moment.
Cependant, si le morceau présente plus de trois éléments « stars », il conviendra de mettre en place un jeu de chaises musicales de façon à ce qu’il n’y en ait que trois maximum au même instant. Et pour gérer le passement de relais d’un instrument à l’autre, l’automation est bien sûr un outil de choix. Volumes, panoramiques, mutes, EQs, réverbes, etc. serviront à orchestrer ce jeu de chaises musicales qui contribuera grandement à conserver l’attention de l’auditeur puisqu’ils engendreront, de fait, du mouvement.
À l’inverse, lorsqu’il n’y a qu’un ou deux éléments vedettes, impossible de compter sur la stratégie des chaises musicales pour maintenir l’intérêt du public. Heureusement, il existe d’autres subterfuges tout aussi efficaces. Par exemple, les variations de réverbération et/ou delay d’une section du morceau à l’autre sont diablement efficaces pour suggérer, de façon subtile ou non, une sensation de vie/changement/mouvement (rayer la mention inutile…). Autre parangon du genre, le jeu avec les panoramiques des bus d’effets, toujours d’une section à l’autre. Il est évident que l’élément star est indéboulonnable du centre de l’espace stéréo, mais ce n’est pas le cas des bus d’effets lui étant dédiés. Ainsi, il est tout à fait envisageable de caler par exemple son delay d’un côté du champ stéréo sur un couplet et de faire l’inverse sur un autre passage. Cette astuce ajoutant une sensation de vie est particulièrement prisée par certains producteurs/ingénieurs du son tel que Nigel Godrich, pour ne citer que lui.
Dernier exemple de technique reposant sur notre animalité auditive et facilement applicable aux acteurs principaux de votre film musical : l’emploi d’effets ponctuels. Un delay, une réverbération, un chorus, une distorsion, ou tout autre effet du genre suffisamment marqué et employé sur un seul mot ou une seule note judicieusement choisis attirera forcément l’oreille. Attention toutefois, afin d’exploiter la chose à son maximum, il faut absolument que cet usage soit ponctuel puisque cette astuce repose avant toute chose sur la sensation de surprise pour accrocher l’auditoire.
La prochaine fois, nous verrons comment jouer avec les éléments constituant le « décor » de votre mix afin de les rendre plus attrayants via l’automation.