Cette semaine, continuons notre voyage en territoire légèrement saturé en discutant des plug-ins simulant des enregistreurs à bande et des consoles de mixage de légende…
Comme nous le verrons, ce genre de plug-ins s’utilise en tout début de mixage, en général en guise de premier insert sur chacune des pistes. Pourtant, je n’évoque le sujet que maintenant… Erreur de ma part ? Que nenni ! J’aborde cette question seulement aujourd’hui à dessein. Pourquoi donc ? Eh bien tout simplement parce que j’estime que ce genre de traitement n’est absolument pas indispensable pour obtenir un bon mix !
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Certains de ces plug-ins sont vraiment très bons dans leur domaine et il m’arrive fréquemment d’y avoir recours lorsque j’estime la chose utile pour le morceau sur lequel je travaille. Cependant, je considère que pour votre apprentissage de l’art délicat du mixage, il vaut mieux que vous sachiez d’abord vous débrouiller sans ce type d’outils pour mieux les apprécier plus tard et les utiliser à bon escient le cas échéant. D’autant que ces armes peuvent facilement être à double tranchant ! En effet, si elles peuvent d’une certaine façon faciliter le mixage grâce à la coloration tonale ainsi qu’à l’impact dynamique qu’elles induisent, elles peuvent également grossièrement masquer certains problèmes à l’oreille non avertie, ce qui ne manquera pas de compliquer la donne. Pour prendre un exemple visuel, imaginez un montage vidéo avec des plans n’ayant pas les mêmes balances de blanc, les mêmes niveaux de contraste, etc. Si l’on applique à cet assemblage maladroit un filtre sépia, le tout paraîtra légèrement plus cohérent, mais les problèmes ne seront pas réglés pour autant et le monteur amateur aura beaucoup de mal à les résoudre, aveuglé qu’il sera par le pseudo-vernis de la sépia.
Bref, tout ça pour dire que je vous conseille fortement de vous passer de ce genre d’outils tant que vous n’arrivez pas à sortir un mix convenable sans. À bon entendeur…
Pour quoi faire ?
Mais alors, quel est l’intérêt de ces plug-ins ? Outre la patine « vintage » et/ou « analogique » qu’ils peuvent apporter, ces joujoux ajoutent au signal traité une certaine dose de distorsion harmonique. Ainsi, ils impliquent une certaine forme de cohésion sonore lorsqu’ils sont utilisés avec parcimonie sur chacune des pistes du mix. Cette sensation de cohérence est également la résultante de l’ajout d’un léger bruit de fond.
D’autre part, la coloration tonale et le massage de la dynamique découlant de l’usage de ce genre de plug-ins permettront d’utiliser des égalisations et/ou des traitements dynamiques moins drastiques en cours de mixage, ce qui est plutôt une bonne chose. Mais pour cela, il faut bien évidemment que l’ingénieur du son choisisse des émulations dont les caractéristiques tonales et dynamiques collent avec la vision qu’il a du mix…
Enfin, les composantes non linéaires inhérentes à ces outils peuvent produire une impression de « mouvement » discret ainsi qu’une sensation d’espace 3D plus réaliste, ce qui ne manquera pas de rendre le morceau plus « vivant », à défaut d’autres termes.
Comment utiliser des simulateurs d’enregistreurs à bande/consoles ?
C’est une question récurrente sur la toile : dans quel ordre doit-on utiliser les plug-ins de ce type ? La réponse à cette question n’est pourtant pas très compliquée si l’on prend la peine d’analyser un peu la situation. Que cherche-t-on à faire avec ces outils ? Reproduire la chaîne de traitement du signal qui était la norme avant l’avènement du tout numérique, non ? Du coup, il suffit de répliquer cette chaîne à l’identique. En situation de mixage, cette dernière se résumait aux enregistrements provenant d’un magnéto multipiste dont chacune des pistes était envoyée dans une tranche de la console. Là, il y avait égalisation et/ou compression via les modules internes ou externes à la console, envoi éventuel vers les bus auxiliaires, puis sommation du tout via le bus master qui nourrissait l’enregistreur à bande stéréo chargé de recueillir le rendu final.
Moralité, en suivant ce raisonnement, la chaîne de traitement virtuelle devrait être comme suit :
- Simulation d’enregistreur à bande multipiste en premier insert de chaque piste
- Émulation d’une tranche de console analogique placée juste après
- Vos traitements habituels (EQ, compresseur, etc. )
- Simulation du bus master de la console analogique choisi auparavant placée en premier insert de votre bus master virtuel
- Les éventuels traitements sur le bus master
- Et enfin, une modélisation d’un enregistreur à bande stéréo en dernier insert du bus master
Attention ! Comme vous naviguez ici dans le monde de la simulation analogique, il est impératif de respecter les niveaux de fonctionnement optimums recommandés pour les émulations choisies. Par conséquent, l’étape de Gain Staging est plus que jamais capitale et doit bien entendu avoir lieu avant que vos signaux n’attaquent cette chaîne. De plus, il vous faudra également veiller à respecter la structure de gain entre chaque plug-in si vous ne voulez pas vous retrouver avec un surplus de coloration/distorsion qui peut s’avérer plus destructeur qu’autre chose. N’oubliez pas que les bienfaits de la distorsion harmonique proviennent essentiellement de la superposition de plusieurs petites couches successives, et non pas d’un seul plug-in poussé à bloc…
Pour finir, sachez qu’il est possible de pousser le mimétisme un cran au-dessus lors de l’utilisation de ce genre de plug-ins. En effet, dans le monde analogique, le nombre de pistes disponibles est limité par les entrées/sorties physiquement présentes. Évidemment, il existe des « combines » afin de palier à ce problème, comme la synchronisation de plusieurs multipistes à bande ou bien encore la réalisation de sous-mixes stéréo de certains groupes de pistes. Du coup, suivant l’époque de la production que vous cherchez à reproduire, il conviendra de respecter les règles suivantes :
- Plus la production est vintage, moins il y a de pistes et plus les émulations choisies sont colorées
- Plus la production se rapproche des années 90, plus il y a de pistes et moins les émulations sont colorées
- Au-delà de 24 pistes, vous pouvez faire des sous-mixes de groupes de pistes (batterie, guitares, etc. ), ou combiner plusieurs types d’enregistreurs multipistes pour simuler la synchro
Voilà, avec tout ceci, vous devriez être en mesure de mettre à profit toute la palette sonore offerte par les plug-ins modélisant les appareils analogiques de légende.
Sur ce, rendez-vous dans le prochain épisode pour un bref tour d’horizon des joujoux produisant de la distorsion harmonique qui trouvent grâce à mes yeux.