Outre le fait de garantir un « headroom virtuel » et un niveau optimal afin de traiter chaque piste avec n’importe quel plug-in et/ou processeur hardware externe, la méthode de « Gain Staging » décrite dans l’épisode précédent permet également une première écoute critique « réaliste » du titre à mixer afin d’affiner votre vision de celui-ci et d’élaborer la trame d’une stratégie visant à atteindre votre but.
En effet, il se trouve qu’une écoute dans de telles conditions offre une perception plus juste des atouts et/ou défauts de chacun des éléments, ce qui favorise la mise en œuvre de solutions adéquates, comme nous allons le voir…
Versus…
Avant d’appuyer sur « play », assurez-vous une nouvelle fois que vos faders sont à zéro et vos panoramiques au centre. Munissez-vous d’une feuille et d’un stylo et lancez la lecture. Si le volume vous semble trop faible, ajustez le niveau de votre carte son ou de vos enceintes, mais ne touchez surtout pas aux faders de votre DAW.
Maintenant, écoutez… Écoutez qui est devant, qui est derrière ? Et à quel(s) moment(s) ? Quelles sont les pistes qui ont un volume perçu consistant et quelles sont celles dont le niveau ne cesse de bouger ? Quels sont les instruments en « conflit » ? Et à quel niveau se situe ce conflit ?
Prenez tout ça en note et faites une autre écoute, mais cette fois-ci avec le volume de votre carte son sensiblement plus faible. Vous remarquerez alors que les rapports entretenus par les forces en présence ont changé. Notez de quelle manière et en quoi cela affecte le ressenti que procure alors le morceau. Refaites encore une fois cette manœuvre, mais avec un volume plus important (attention toutefois à vos chtites Noreilles !). Et bien sûr, notez encore et toujours vos constatations.
Une fois ces écoutes faites, il est temps de confronter les notes que vous venez de prendre à la vision du mix que vous avez soigneusement couchée sur papier auparavant. La réalité des enregistrements à ce stade correspond-elle à ce que vous aviez alors en tête ? Même s’il y a de fortes chances pour que la réponse ne soit pas un grand « oui » unanime, ce ne sera probablement pas non plus un grand « non ». Ainsi, vous remarquerez que certains éléments travaillent déjà dans le bon sens à vos yeux et ne nécessiteront donc pas trop de travail, ce qui vous permettra de concentrer vos efforts sur les autres. D’autre part, il est encore temps de rajuster votre vision du mix en prenant en compte des détails qui vous auraient échappés précédemment. Par conséquent, vous devriez être maintenant capable d’élaborer une stratégie afin de pallier aux premiers problèmes que vous avez « spontanément » relevés.
Stratégo…
Tout cela vous semble abstrait ? Alors, parlons clairement des enseignements à tirer de cette séance d’écoutes critiques en regard de votre vision du mix.
Pour commencer, un élément dont le volume perçu semble relativement constant et élevé ne nécessitera de fait que très peu – voire pas du tout – d’intervention sur la dynamique. Son placement au sein du mix selon votre bon vouloir s’effectuera facilement via le fader de volume. À l’inverse, une piste ayant un volume perçu erratique demandera une attention particulière et engendrera l’emploi d’un traitement de la dynamique pointu afin de la stabiliser et de pouvoir la placer à votre guise.
Les conflits entre instruments se régleront quant à eux essentiellement à grands coups d’EQ et/ou de panoramique.
En ce qui concerne le placement devant/derrière, si le paysage actuel ne vous convient pas, un mélange de réverbération et/ou delay, panoramique, EQ et volume sera nécessaire pour réarranger l’ensemble à votre goût.
Enfin, les écoutes avec changement de volume donnent une certaine idée du contenu fréquentiel « en l’état » de vos pistes. En effet, et sans trop rentrer dans les détails techniques, il se trouve que l’oreille humaine est plus sensible aux fréquences médiums, plus particulièrement entre 1 kHz et 5 kHz. Moralité, les éléments se détachant le plus à faible volume sont ceux dont le contenu fréquentiel est chargé en médiums. Lorsque l’on augmente le volume, les éléments plus riches en graves et/ou en aigus reprennent alors du poil de la bête. Ces indications vous seront utiles afin de savoir comment traiter tel ou tel élément pour le « piéger » dans la zone du spectre que vous souhaitez.
Forts de ces constats, vous devriez désormais avoir quelques pistes solides pour attaquer votre mix dans le bon sens tout en respectant votre vision du puzzle sonore !
Juste une remarque avant de finir. Dans cet article, je vous conseille de modifier votre volume d’écoute à plusieurs reprises. Il s’agit là du seul et unique cas où cette action est bénéfique. Pour toutes les étapes suivantes, il ne faut en aucun cas toucher au volume d’écoute ! Pourquoi donc ? Eh bien justement à cause de ce que je vous ai expliqué. Les changements de volume entraînent un équilibre spectral perçu différent à chaque nouveau niveau d’écoute, ce qui peut être dévastateur puisque la tâche d’un ingénieur du son est, entre autres choses, de stabiliser et d’équilibrer les différents éléments au sein du spectre audible. Par conséquent, pour les étapes à venir, je vous encourage à définir un niveau d’écoute général confortable sans excès et de vous y tenir mordicus.
Sur ce, rendez-vous la semaine prochaine !