Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou
< Tous les avis E-MU EMULATOR II+HD
Ajouter ce produit à
  • Mon ancien matos
  • Mon matos actuel
  • Mon futur matos
E-MU EMULATOR II+HD
Photos
1/16
E-MU EMULATOR II+HD

Sampleur de la marque E-MU

Comparateur de prix
Petites annonces
Forums
ArcheoMane ArcheoMane

« Le sampler Voodoo  »

Publié le 01/10/25 à 17:13
Rapport qualité/prix : Correct
Cible : Les utilisateurs avertis
Il fallait que je parle un peu de mon expérience avec ce vieil Emu-2. Comment et pourquoi j'en suis arrivé à débourser plus de 4000 euros en 2024 pour acheter un vieil instrument réputé instable, souvent en panne et totalement obsolète en terme de puissance - proposant un maximum de 17sec de samples 8 bits/27k... ?

Background avant achat….

J'ai commencé le sampling en tant qu'ado dans les années 90 – mais à partir de la crise du disque (2004) l'arrivée du mp3 et la mort des vinyl shops, le PC a progressivement remplacé les bécanes laissant ma vieille config prendre la poussière. Je me revois époustouflé par Reaktor, les premiers Kontakts - toutes ces nouvelles possibilités de puissance, réalisme et multisampling... Enfin de nouvelles façon de produire et d'être créatif qui laissait présager plein de nouveaux territoires à explorer. Mais paradoxalement, ce monde 24bits sans contraintes ne m'a pas amené grand-chose de plus... Si ce n'est une perte de sens et donc de motivation.

J'avais maintenant des milliers de gigas de sons, des banks par milliards avec tout ce qui existe : tout les synths de l'univers, des tonnes de field records, de sfx, des voix, des loops ... j'avais regroupé plus de 1500 CDs format aKai dans un disque dur. Mais dans cette immensité, alors que j'avais maintenant tout et plus encore, je pouvais perdre des heures et des heures pour valider deux ou trois sons vaguement intéressants (et qui en plus, n'étaient même pas vraiment les miens). Le son issu du PC était propre mais jamais vraiment "délirant". Puisque tout passait par ma carte Apogee, le son avait maintenant cette empreinte homogène, lisse, toujours identique quel que soit l'instrument utilisé - et c'était le son basique - celui de tout le monde.

La navigation dans les profondeurs d'une synthèse avait laissé la place à du "zapping". Je me revois des après-midis à cliquer et faire tourner des milliers de presets sur une séquence jusqu'à attendre un brin de soleil sonore... C'est devenu ça. Certains y trouvent du plaisir mais dans mon cas, faire de la musique assistée par informatique n'était plus si marrant et même une activité devenue assez ennuyante... donc j'ai naturellement arrêté la MAO. Presque 15 ans. Je faisais du piano à l'ancienne et ça me suffisait...

La rencontre avec un Emu 3 en 2023 a été pour moi décisive et une grosse baffe intersidérale (une des plus importantes en 30 piges de son) cette grosseur, cette stéréo, ce bas ultra ferme : pour être franc, je m'attendais pas à ça ! j’avais jamais entendu un sampler capable de sonner comme ça en sortie brut, sans aucun processing... A coté mon vieil asr10 sonnait en carton pâte.. C’était incroyable… Dans cette tornade archéologique, j'ai même eu la chance de pouvoir retaper un vieux Synclavier PSMT et me familiariser avec l'électronique vintage....

Mais pour dire vrai, la pièce archéologique qui m’avait toujours fait rêver, c’était le E2. Quand un copain m'a parlé de son vieux Emu2 HDD+ qu'il souhaitait revendre - j'ai sauté sur l'occasion pour aller le tester direct. Je n'en avais pas vraiment besoin mais j'étais super curieux. Avec déjà à la maison une SP12, un E3 et un Emax, le Emu2 me semblait être plus une lubie de collectionneur qu'une gear pour un musicien d'aujourd'hui mais il fallait en avoir le cœur net et se faire sa propre idée du truc…

Le test

Je me revois en train de découvrir l’EII pour la première fois, à naviguer dans cette interface - si simple, si logique - ce workflow parfaitement ergonomique – et surtout ce son crémeux ultra caractérisé, très étrange et à la fois un peu indéfinissable : ce coté âpre et rugueux tout en étant large et précis. En jouant avec l'EII se développe cette impression de clarté dans le son comme du 16 bits mais sans avoir ce coté un peu " cd/ plastique et artificiel" qu'on retrouve dans la plupart des sampleurs 16bits. Ca donne un peu l’impression d’avoir un signal 8 bits sur-vitaminé, pêchu mais pas lo-fi ni bruité : le bas est monstrueux et large , le bas-medium sonne ferme et percutant et les aigus semblent doux et musicaux.

Coté sensation sur la machine, le plaisir à toucher est immense. Le design bleu aidant, j’ai l’impression d’être à la maison, dans une espèce de grosse SP12 deluxe super sexy, avec juste ce qui lui manquait au plan sonore : plus de temps de sample (17 sec), plus d’éditions, un filtre programmable, une enveloppe...

Les premières impressions et sensations sont saisissantes : l’effet de citation est magique. C’est toute la bande son d’une époque qui résonne dans cette sonorité, évidemment. Dur ne pas penser aux esthètes 80 : des premiers pas de Front 242 époque « No Comment » , à l’arrivée de Alan Wilder dans Depeche Mode époque CTA, à Coil, Soft Cell et bien sûr Tear For Fears, Pet Shop Boys mais pas que, Prince, Jean-Michel Jarre, Enya, Vangelis, Tangerine Dream, Stevie Wonder, David Bowie, Pink Floyd, Genesis, Queen, New Order, Ultravox, Peter Gabriel, même chez Charles Aznavour un EII a été documenté.

Quoi de plus normal car L'E-Mu Emulator II est une station de travail échantillonneur/synthétiseur classique abordable des années 80 et force est de constater que tout le monde l’a utilisé à fond. C’est un des claviers les plus présents dans les disques de la période 1984-1988. Les banks et collections sont toutes des classiques, et on peut s’amuser des heures à décortiquer les 3 librairies OMI pour y retrouver des presets historiques, de l’harp eolian en passant par le Big Biggie et le fameux Loon un exemple célèbre de preset Emulator II qui a voyagé, un cas fascinant … appelé “Loon” / “Wind Chimes / Birds / Stream” ce sample est devenu célèbre car il a été repris dans des morceaux comme "Pacific State" (808 State) et "Sueño Latino". Ce sample est devenu une sorte d’empreinte sonore, un marqueur identitaire.

On se souviendra aussi des techniques de resample chère à Alan Wilder : avec DM, La plupart des synthés ne sont plus joués en direct mais systématiquement rééchantillonner par l’Emulator pour dé-synthétiser le son et le rendre plus rugueux et plus acoustique… pour un son, passer dans l’ Emu 2 c’est un peu comme passer chez le tailleur : toujours mieux stylé après.

C'est aussi un échantillonneur qui impressionne l’oreille par sa proximité de son avec les gros synth analo… pas de secret, l’explication est assez simple : la moitié des étages de l’Emu 2 sont analogiques. Evidemment il a des gros filtres analog passe-bas à 4 pôles de 24 dB/oct - les fameux SSM2045 également utilisés dans le Prophet 5 rev2. L'Emu a également des étages VCA analog (les enveloppes) et aussi les modulations (LFO). Ca aide déjà pas mal….

Et puis il y ‘a cette histoire incroyable. L’Emu2 est un sampler à échantillon faible bits : il tourne en 8 bits sur une fréquence de 27K mais pourtant, il sonne magistral. Il explose la bande passante habituel des 8 bits (ce côté un peu nasal, nasillard et moche du son 8 bits classic) et si il est empreint de cette couleur un peu lo-fi, c’est juste le bon dosage. Ici pas de gros alias comme le Mirage, c’est même étonnamment propre pour un sampler de 1984. Particulièrement agréable à travailler pour créer des pads et des sons analogiques chaleureux. Certains disent qu’il est 14 bits, ce qui n’est pas exact car son DAC est pure 8 bits. En revanche, Rossum a été tres creatif pour permettre à cet instrument 8 bits de rivaliser avec une fidélité de type 14 bits- mais avec 6 bits de moins : c’est l’explication technique de ce son incroyable et hybride. Un peu lofi tout en restant extrement noble et classieux.

Ce saut quantique en matière de fidélité ? Le fonctionnement de l'E2 offre un son unique grâce à sa compression DPCM mu-255, son principe de fréquence d’échantillonnage variable basé sur un diviseur au lieu d’encoder linéairement, les ingénieurs d’Emu ont utilisé une méthode connue sous le nom de delta/sigma ou « 8-bit companded ». Sans entrer dans des mathématiques compliquées, la façon la plus simple de comprendre ce que cela signifie est de penser ainsi : au lieu d’analyser la valeur de chaque échantillon sur toute la plage d’amplitude , l’EII utilise les 8 bits pour faire une mesure plus précise de la différence de valeur entre l’échantillon actuel et le précédent (presque toujours une valeur plus petite, donc stocké avec plus de précision en seulement huit bits). En conséquence, pour 99 % des sons, l’EII donne des résultats nettement plus précis que n’importe quel sampleur précédent. Voila comment Rossum a damé le pion à Fairlight en proposant le meilleur sampleur de l'époque 4 fois moins cher.

Bien sûr, ca marche pas parfaitement sur tout notamment sur des transitoires d’attaque rapide sur toute la plage dynamique (comme dans les percussions) . Par conséquent, lorsque Emu a sorti son échantillonneur de percussion dédié, le SP12, l’année suivante, ils ont utilisé un échantillonnage linéaire de 12 bits plutôt que de 8 bits delta/sigma

D’origine, il utilise des disquettes géantes de 5 pouces pour le stockage mais aujourd’hui on préfèrera évidemment mettre un Gotek ou mieux encore un DREM (pour pouvoir charger des grosses banks en 4 secondes). Un séquenceur 8 pistes est également intégré mais difficile à utiliser – j’ai laissé cette partie de coté.

Il peut être connecté à un Mac pour faciliter le montage à l'aide d'un logiciel tel que Sound Designer de Digidesign. L'Emulator II avait de nombreuses nouvelles fonctionnalités pour son époque. Contrôle MIDI, SMPTE et informatique. L'édition d'échantillons comprend la troncature, la boucle manuelle/automatique, l'inversion, le fondu enchaîné des commutateurs de vélocité et d'échantillons ensemble.

Il y a huit LFO séparés et huit sorties individuelles supplémentaires pour chaque voix. Ne vous y trompez pas, l'Emulator II était un échantillonneur professionnel de longue date du milieu des années quatre-vingt pour les musiciens et les concepteurs sonores.

L'Emulator II a reçu de nombreuses mises à niveau au cours de sa production de quatre ans de 1984 à 1988. Ceux-ci comprenaient l'émulateur II + avec le double de la mémoire d'échantillons et l'émulateur II + HD qui ajoute un disque dur interne de 20 Mo.

Si la série Emulator II a été remplacée par le très amélioré Emulator III en 1988, il sonne très différemment – et finalement ces deux instruments peuvent etre tres complémentaires l’un de l’autre. Pour moi le petit truc qui a fait toute la différence dans l’Emu 2 est cette dynamique sonore, ces enveloppes habités, ce son vivant, cette respiration musicale incroyable liée à cette technique inédite d’échantillonnage ....

Achat ?

Après plusieurs heures à tripper dans l'Emu, je savais que j'étais sous le charme. Totalement conquis. J'ai donc fait un crédit direct pour le prendre rapidement car il yen a assez peu en bon état... pour le financer j'ai notamment revendu l'Emax qui n'avait plus aucun intérêt et qui sonne vraiment beaucoup plus terne et moins habité.

A chaque fois que j'allume l'E2, il se passe des sons et accidents incroyables. Un vrai bouillon sonore très inspirant, un vrai instrument que j'aime qualifié de "voodoo" car plein d'Energie et de grigri ....

Mon sampler préféré a ce jour ...