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- coyote14
Le polyphonique analogique réinventé
Publié le 23/12/17 à 14:23Je poste cet avis après 3 jours d'utilisation intensive sur ce fameux, stratosphérique, inaccessible Schmidt Synthesizer, pour lequel nous avons programmé une banque de 64 sons. Stephan Schmidt, qui est à l'origine des synthés MAM, des synthés analogiques mono simples et plutôt d'entrée de gamme. C'est la première surprise : comment le géniteur d'appareils aussi basiques a-t-il pu concevoir un projet d'une telle ampleur ? Une partie de la réponse se trouve dans la durée de développement du synthé, et par le partenariat noué avec le constructeur EMC.
Evacuons tout de suite l'épineux sujet du tarif. Non pas que ce soit un détail, après tout, on est en face du synthétiseur contemporain le p…Lire la suiteJe poste cet avis après 3 jours d'utilisation intensive sur ce fameux, stratosphérique, inaccessible Schmidt Synthesizer, pour lequel nous avons programmé une banque de 64 sons. Stephan Schmidt, qui est à l'origine des synthés MAM, des synthés analogiques mono simples et plutôt d'entrée de gamme. C'est la première surprise : comment le géniteur d'appareils aussi basiques a-t-il pu concevoir un projet d'une telle ampleur ? Une partie de la réponse se trouve dans la durée de développement du synthé, et par le partenariat noué avec le constructeur EMC.
Evacuons tout de suite l'épineux sujet du tarif. Non pas que ce soit un détail, après tout, on est en face du synthétiseur contemporain le plus cher, exception faite de la ré-édition du Moog 55 qui culmine à 35.000$...Il y a plusieurs façons d'appréhender le sujet : les vaut-il ? Peut-il tout faire ? Est-il seul au monde pour produire certains sons? Je vais tenter de répondre par cet avis, mais je pense que la réponse de ses heureux possesseurs trouve bien davantage sa réponse ici : le plaisir et la passion de posséder un objet d'exception, car, de fait : il l'est, assurément, indiscutablement. Une forme de déraison, également.
La première chose à avoir à l'esprit, c'est que le concepteur a fait un choix sans ambiguïté : une machine pour joueur de clavier, expressive, avec tout en façade, avec des décisions fortes et assumées, telles que l'absence d'effets, de séquenceurs/arpégiateur et d'entrée audio. Loin d'un simple fantasme de geek, au bout de quelques jours, on devient très efficace sur la machine qui n'est pas, contrairement à ses apparences, une usine à gaz. L'organisation du panneau est très logique, la sérigraphie claire et des flèches viennent renforcer la compréhension du routage à travers les différentes sections.
Quelques mots sur les principales spécifications : construction de très haute qualité, clavier léger très agréable, épaisses boiseries magnifiques (digne de mobilier haut de gamme), tous les boutons, encodeurs (aucun slider) sont très agréables, bien dimensionnés. Le panneau est (bien heureusement) inclinable, ce qui procure une position de travail parfaite : avec le temps à passer sur le panneau principal, c'était indispensable. La couleur du rétroéclairage de l'écran est réglable par un potentiomètre dédié, un second se chargeant de la couleur des diodes. On transite entre les différentes couleurs de façon progressive, cela donne un look différent selon l'humeur, la météo ou ses goûts personnels (Cordula a dû les conseiller sur ce point
Le synthé possède 8 voix de polyphonie (électronique discrète), chacune étant pourvue de 4 oscillos (tous différents), 5 filtres, une section de gestion de la stéréo et du volume, un VCA. L'écran LCD ne comporte aucun paramètre de synthèse, il n'a pour rôle que de gérer le mode Special, Utility, les paramètres MIDI...Enfin un synthé qui utilise un écran à bon escient, là où il apporte le plus de valeur ajoutée...Laissant à la façade bien peuplée le rôle de sculpter le son. Du reste, l'écran n'est pas central sur le Schmidt, il est déporté à droite, et c'est assez malin de l'avoir situé là car une fois le son sculpté, on va sur l'écran pour le nommer, le dumper, etc...Il ne balafre pas la superbe façade, mais se pose plutôt en support fonctionnel de la machine.
Le synthé est pourvu de contrôles temps réels, à commencer par la face arrière munie de plusieurs entrées pédale, d'un aftertouch monophonique, d'un joystick et de 2 molettes, et d'une vélocité très bien implémentée dans tous les étages de synthèse. Dans cette section, on aurait pu imaginer une molette supplémentaire, un pad X/Y, ou un ruban...Cela manquera peut-être à certains (surtout le Ribbon controller).
Manquent donc également à l'appel un séquenceur ou arpégiateur, ainsi que des effets. Ce n'est pas un oubli, pas même une lacune : la philosophie de l'instrument n'est pas du tout une machine qui joue « seule » ou de façon assistée. C'est un synthétiseur, avec un clavier, pour performers. Quant aux effets, là aussi, c'est un choix, même s'il est possible de simuler des pseudo-effets avec la synthèse : reverb, delay, phasing, formants, saturation...(je suis arrivé à des résultats très sympas sur le sujet, mais ça demande de l'huile de coude).
Avant d'aborder chaque étage de synthèse, je vais commencer par le cheminement du signal, car c'est l'une des grandes forces de ce synthétiseur.
L'architecture du synthé est très singulière, grâce à la notion centrale de « groupe » qui est un principe de bus audio, qui fonctionne de la façon suivante : les groupes d'entrées prélèvent et dosent le signal des 4 oscillateurs, pour router le signal vers 2 filtres différents (un multimode 4 pôles, et/ou un filtre double combinant 2 filtre 12 dB). C’est une station d’aiguillage, dont la première originalité est qu'on peut envoyer un même oscillateur vers tous les filtres simultanément, ou bien plusieurs oscillos vers plusieurs filtres, réglés différemment ou identiquement...C'est très souple. Chaque input B peut moduler le filtre, que ce soit dans le groupe d'entrée 1 comme 2. Cette gestion par Groupe est un peu complexe au premier contact, mais au bout de quelques heures, elle délivre toute sa saveur, en permettant de sculpter très finement les timbres. On a ainsi souvent le sentiment d'avoir en mode programme plusieurs sons différents en layer, ce qui est rendu possible par la superposition d'oscillateurs différents cheminant dans plusieurs filtres tout aussi différents.
Le filtre LPF3 est un 12 dB statique, doté d'un routage beaucoup plus restrictif : on ne peut lui envoyer qu'un seul des 4 oscillateurs, doser le cutoff et le gain. C'est tout ? Oui...Mais c'est l'un des plus belles valeurs ajoutées à la machine, car c'est davantage un super booster de fréquence, qui vient rajouter du coffre et du bas au signal, un peu à la façon de l'onde Sine en sortie de filtre sur les Yamaha CS50/60/80, mais en plus efficace.
Les groupes de sortie prélèvent les signaux de sortie des filtres, pour être gérés individuellement en volume d'une part, dans l'espace stéréo d'autre part. Les dual Filter peuvent y être dosés en volume, et une saturation peut leur être rajoutée (contrairement au VCF qui n'en a pas ? Dommage...). Le VCF3 peut être dosé ici également, mais curieusement, les VCF1 et VCF2 ne le peuvent pas : seule la sensibilité à la vélocité du groupe peut être ajustée. Disons que la philosophie de base est de passer par le VCF non dosable, et de doser/moduler les Dual Filter qui sont des filtres additionnels.
Un très astucieux inverseur de phase se situe dans chaque groupe de sortie. J'ai pu obtenir des sons très fins, subtils en routant un seul et même oscillateur vers les 2 groupes en opposition de phase.
Toujours en continuant dans les étages de synthèse, nous parvenons à la gestion du volume des groupes de sortie (rappel : il y en a 2, qui regroupent un VCF 1 ou 2, un Dual Filter 1 ou 2, et un VCF3). Cette partie gère le volume de 2 façons : soit en faisant une transition progressive entre les groupes (le groupe 1 morphe plus ou moins vite vers le groupe 2, ou l'inverse, ou en aller/retour...), soit par un LFO. Un simple réglage statique peut s'y substituer.
Je dois avouer que la gestion des niveaux audio n'est pas évidente : il m'est arrivé de faire de jolis sons avec un niveau de sortie trop faible après les filtres. Heureusement, la machine autorise une mémorisation de volume par programme. Et puis, la qualité hallucinante des sorties audio ne procure aucun souffle (je répète : aucun), on peut monter le gain de son interface sans crainte. Il n'empêche : un petit booster de volume en sortie n'aurait pas été superflu.
Vient la géniale gestion des panoramiques. Géniale, car simple, et parce qu'elle permet une largeur stéréo des sons très intéressante, à vrai dire la meilleure que j'ai vue sur un synthé analogique : là, on est vraiment dans le domaine du « Schmidt only ». On peut donc gérer individuellement le positionnement stéréo des 2 groupes, soit par un encodeur pour chaque groupe (donc on peut « excentrer le son » de chaque groupe de façon statique), soit par un LFO pilotable en vitesse comme en profondeur (réglage statique, ou par la vélocité). Un mot sur le LFO: en sus d'un comportement classique de modulation cyclique, on peut le régler sur un signal d'enveloppe « one shot », dent de scie ou triangle. Ainsi, sur le panoramique, une affectation au signal dent de scie fait transiter le son d'un groupe de la droite vers la gauche à une vitesse définie par le « rate » du LFO. Autrement, un paramètre Voice Spread répartit chacune des 8 voix dans le champ stéréo, et se substitue au réglage individuel de chaque groupe dans l'espace stéréo. Le Voice Spread va donc se charger de remplir le champ stéréo avec plus ou moins de largeur.
On arrive au dernier étage de synthèse qui est le VCA. Par défaut, le son est de type « gate » on/off. Si l'on veut bénéficier de l'unique enveloppe ADSR, il faut l'activer. Le paramètre « Soft » adoucit l'attaque en cas de redéclenchement successif de note quand l'enveloppe n'a pas achevé sa course, évitant les « clics » intempestifs. La fonction retrigger décide si l'enveloppe doit être redéclenchée de zéro quand on change de note. A noter que le paramètre « Repeat », censé faire boucler l'enveloppe du VCA, n'est pas encore implémentée au moment où j'écris ces lignes, j'espère que Schmidt finalisera ce point (dans le même ordre d'idée, de mystérieux switches nommés « special » ornent la façade, sans fonction implémentée pour l'instant : on espère qu'ils auront bientôt une fonctionnalité dédiée !)
Le portamento (appelé Glide) est classique, sauf sur un point : le dosage est soit linéaire, soit exponentiel. Des paramètres de retrig (identique à l'enveloppe) et Legato sont de mise (comme sur les DSI Le portamento polyphonique fonctionne mais je ne suis pas arrivé à des résultats vertigineux comme sur un Jupiter 8 : je pense qu'il m'a manqué de temps pour explorer plus finement cette possibilité, je réclame votre indulgence ! Je suis arrivé au résultat souhaité via les enveloppes.
La gestion de la polyphonie est on ne peut plus simple : mono (une seule voix à la fois), polyphonique (8 voix identiques à la fois), ou bien Unison (8 voix empilées une même note monophonique). Ce mode unison est monstrueux et impressionnant, le detuning des voix se faisant avec le paramètre « Master Tune », dont l'utilisation est détournée ici pour désaccorder les voix entre elles. J'avoue qu'un encodeur « Detune » dédié n'aurait pas été de trop, c'est étrange d'activer l'unison à droite du clavier, pour le detuner totalement à gauche.
Nous voici arrivés à la fin de la description de l'architecture, on va pouvoir s'intéresser au clou du spectacle : les oscillateurs et les filtres, qui sont vraiment l'ADN de ce synthétiseur si particulier.
Il y a 4 oscillateurs, tous différents.
L'oscillateur 1 est le plus complet. La structure est en « poupée russe » : la sélection d'une forme d'onde peut se suffire à elle-même, ou donner accès à des paramètres supplémentaires.
Il y a un square et une dent de scie, et une onde PWM modulable, du classique, mais ça ne va pas durer...S+PWM est une dent de scie double, dont la phase est décalable. À l'usage, cela fait une onde de type « super saw ». L'onde Multi PWM cumule 4 ondes rectangulaires sur un seul oscillateur, dont on peut modifier la largeur de crête et l'espacement. On choisit ensuite comment les 4 ondes se combinent : sommation simple, sommation 1+2/soustraction 3+4, redresseur/normaliseur, ou ring mod avec oscillateur 4 (ouf!). L’objectif est de produire des formes d’onde complexes, ce que le Schmidt parvient très bien à faire. Quand on arrive là, on peut difficilement appréhender quel sera le résultat avant d'activer les paramètres, il n'y a plus qu'à essayer, pour se rendre compte que le résultat est toujours riche et musical. Enfin, un unique noise est de la partie, dont on ne choisit pas la couleur, mais je suis arrivé à le colorer en le passant dans le LPF3.
L'onde PWM peut être modulée par un LFO, lui-même déclenchable par la vélocité (encore elle). Ses formes d'onde sont là aussi cycliques, par pas, ou en enveloppe simple. La fréquence du LFO est modulable par le suivi du clavier, ce qui permet d'avoir un battement qui varie en fonction de la note jouée : très utile pour les nappes.
Un mot sur le (déroutant) sub-oscillateur : il ne s'agit pas d'un sub-oscillateur au sens classique du terme. D'habitude, un SubOsc va jouer la même note une ou deux octaves plus bas que l'oscillateur principal. Ici, il peut être réglé sur la même hauteur, voir au dessus. Il s'agit donc d'un sub-oscillateur au sens « oscillateur auxiliaire ». Du coup, sa réponse est un peu déroutante, et il ne rajoute pas vraiment de « bas ». Je pense que la raison est que le Schmidt étant polyphonique, un suboscillateur qui « grossit ou épaissit » aurait posé des problèmes de niveau avec un jeu polyphonique, c'est davantage sur les monophoniques qu'on trouve cette fonction traditionnellement. Pour rajouter du bas/gras, on va plutôt mettre à contribution le LPF3.
Enfin, cet oscillateur 1 peut être modulé par le noise, intéressant pour les résultats un peu bruitistes.
Passons rapidement sur l'oscillateur 2 qui est le plus simple, il reprend les formes d'onde de l'oscillateur 1 sans la Multi PWM. Il permet en plus à l'oscillateur 3 de le piloter en ring mod. C'est un oscillateur « de complément », mais il est surtout là pour piloter le 3ème oscillateur, comme nous le verrons.
L'oscillateur 3 est déjà plus touffu : il reprend l'architecture de l'osc1, sans la multi PWM, mais c'est celui qui permet d'être commandé en FM, en ring mod et en synchro par l'oscillateur 2. Du coup, il dispose de commandes de pitch plus évoluées, par le LFO, lui-même pilotable par la vélocité. Le ring mod peut être piloté au choix par l'oscillateur 2 ou le Subsoc2. Le vertige est proche ! Le LFO de la PWM de l'oscillateur 3 peut aussi être détourné de son utilisation première pour quasiment tout piloter dans cette section, permettant d'agir autrement que dans les fréquences audio.
L'oscillateur 4 est vraiment une valeur ajoutée considérable à l'instrument. Il se charge des sons métalliques, même s'il est lui aussi bel et bien analogique ! De conception, il s'agit de 6 ondes rectangulaires qui interagissent en ring modulation. La particularité : on ne choisit pas une seule onde, mais un couple d'ondes indissociables, entre lesquelles on peut naviguer avec un LFO ou par la vélocité, selon plusieurs trajets (aller simple, aller/retour, cycle...). Cet oscillateur 4 va permettre d'ajouter au son des textures très différentes des autres oscillateurs. Je m'en suis beaucoup servi pour créer des attaques de son, un peu à la manière de la synthèse du D50, en déclenchant son action par la vélocité, avant qu'il ne soit relayé par le son plus conventionnel (tout est relatif...) des oscillateurs 1, 2 et 3.
Il a un petit défaut : comme il est analogique, la combinaison des ondes en ring mod ne produit pas des sons accordés sur la fondamentale : on aurait aimé que ce soit le cas par défaut, car ici, il faut toujours tuner l'oscillateur 4 pour le régler sur la fondamentale, ou à la quinte...Petite perte de temps ici.
On a fait le tour des oscillateurs ! Avouons qu'on aurait déjà un synthé très sérieux si l’on s’en tenait là, mais ça ne s'arrête pas là, car il y a une section dédiée à la gestion de la PWM. Il rassemble 3 LFO (éventuellement synchronisables), qui pilotent chacun la PWM des oscillateur 1, 2, et 3. C'est intelligent d'avoir rassemblé ces paramètres au même endroit, plutôt que l'avoir laissé dans chaque section oscillateur. Ça permet surtout d'en simplifier la compréhension. Au menu, vitesse, profondeur, déclenchement par la vélocité. On apprécie le paramètre « min/max » qui veille à ne pas dépasser le seuil maxi de PWM, sans quoi, le son devient inaudible pendant un laps de temps quand on dépasse le maxi.
Voici le vibrato, qui agit soit sur les 4 oscillateurs en même temps, soit indépendamment sur chacun d'entre eux, selon plusieurs formes d'onde (sine, square, S/H, S/H+sine qui produit un signal aléatoire lissé). Dommage dans cette section qu'on ne puisse aller franchement jusque dans les fréquences audio pour faire de la FM, avec un suivi de clavier (chose qu'on peut faire toutefois avec l'oscillateur 3...). Il y a une fonction de copie d'un réglage de vibrato entre oscillateurs, c'est très utile, et simple à utiliser.
Un ensemble de 4 enveloppe (une par oscillateur) assignables à la profondeur de modulation du noise, du vibrato ou du pitch est présente. C'est une enveloppe simple (linéaire ou exponentielle), avec une modulation positive ou négative, déclenchable par la vélocité. Un exemple d'application est de modifier l'attaque du pitch selon la force de frappe, ou bien déclencher le vibrato sur certaines vélocités uniquement...Là encore, un réglage commun à tous les oscillateurs, ou individualisé, est possible. Sur la plupart des synthés, l'étage des oscillateurs est sommé et tout est mis en commun à partir de là : par sur le Schmidt... Quantize permet de quantiser l'enveloppe pour la faire évoluer sur des pas, mais uniquement pour le pitch. Je n'ai pas vu comment régler les pas sur une échelle chromatique, comme sur un CS60/80.
Nous voici arrivés aux fabuleux filtres du Schmidt. Ce sont donc les groupes d'entrées qui distribuent les envois de chaque oscillateur. Un groupe rassemble donc un couple LPF + DF (dual filter), qui peuvent travailler en parallèle, ou en série (le LPF étant alors le second).
Les 2 LPF 1&2 sont identiques (sauf l'enveloppe du LPF2, redéclenchable), idem pour les DF1&2. Chacun des filtres possède ses propres LFO, enveloppes de modulations, qui sont indépendantes, mais qu'on peut coupler.
Le LPF est multimode : une transition progressive est possible entre les modes LP, BP et HP via l'encodeur dédié, mais malheureusement pas avec une source de modulation (comme sur un Oberheim ou un DSI OB6). Les sources de modulation sont ensuite classiques (Keyfollow, Vélocité, profondeur d'enveloppe et de LFO). Le LFO ici est toujours une onde simple, mais redéclenchable avec un clock interne si l'on veut, synchronisable en MIDI si nécessaire. De manière générale, les LFO sur un Schmidt sont des enveloppes simples bouclable, dans cette section comme dans les autres. L'astuce ici consiste à découpler les paramètre « Time » et « Rate » : Time définit la fréquence de l'horloge, Rate la vitesse du LFO qui est distincte : quand « Time » se déclenche, le LFO est interrompu dans son cycle et opère une décroissance exponentielle à partir du niveau où il se trouve. A l'usage, il se comporte dont un peu comme un S&H, sauf qu'au lieu de figer un palier, il fait un decay. Les LFO des 2 VCF peuvent être synchronisés (pas nécessaire en MIDI!), avec des divisions temporelles différentes et sous-multiples l'une de l'autre. L'enveloppe n'est pas classique : elle propose outre ses paramètres ADSR 2 niveaux de Decay, pour gérer la décroissance sur 2 portions distinctes ou bien permettre de faire une pseudo réverb en dissociant niveau de sustain et point de départ du release. Un paramètre de retard d'enveloppe est aussi de la partie : voilà une enveloppe analogique des plus complètes !
La vélocité peut faire varier l'attack, le decay et la profondeur de modulation.
Une fonction maline et précieuse : chaque groupe disposant d'une entre A et B, le volume de l'entrée B peut être modulée en entrée de filtre avec un fade in, un fade out ou un LFO, tous réglables, eux même modulables en vélocité. Voilà comment on peut simuler une attaque sur un son, quand on met dans l'entrée B l'oscillateur 4, par exemple, ou un noise. La couleur générale de ce filtre est douce, efficace, mais musicale, n'allant pas jusqu'à l'auto-oscillation.
Le Dual Filter est un filtre double. 4 routages différents permettent de mettre en série 2 filtres 12 dB, pour aller jusqu'à un filtre 24dB dont on peut gérer 2 fréquences de coupure différentes. La sortie du filtre A peut moduler en audio le filtre B (!!!). Ici, la présentation des sources de modulation est différente du LPF : si des potentiomètres dosent toujours l'action (enveloppe, LFO, Vélocité), des switches choisissent la destination : cutoff ou espacement des 2 fréquences de coupure (ce qu'on appelle « Space »). La résonance est dosable par switch sur 7 paliers seulement, dommage, mais pas un véritable problème à l'usage. Sur ce dual filter, alors que le filtre est un 2 x 12dB, la résonance sait se montrer rapidement nerveuse, rajoutant une couleur un peu MS/TB si l'on veut, elle est plus proche de l'auto-oscillation paradoxalement, mais présente un signal volontairement saturé dans les réglages extrêmes. Chacun des 2 filtres constitutifs a donc son propre réglage, mais qu'on peut mettre en commun.
Le Dual Filter 2 du second groupe d'entrée a les mêmes réglages, et a en plus la possibilité de cloner les réglages du DF1 grâce à des diodes dédiées : on peut alors contrôler DF1 et DF2 avec les mêmes encodeurs. On a le choix entre une enveloppe ADR classique, ou bien un mode RAMP (génial!) : ici on choisit parmi 32 motifs de LFO, dont le motif est bouclé/atténué jusqu'à 8 fois (le 1er cycle est très présent, puis l'intensité s'estompe au fil des répétitions), et lissable (Ramp Quantize permet de « casser les angles » de la forme d'onde rectangulaire).
L'action sur l'espacement des fréquences de coupure, sur la résonance...permet d'atteindre assez facilement des sons de type formants dans les réglages de résonance élevés du DF1/2. Rappelons que les Dual Filter ont chacun leur distortion dosable dans les groupes de sortie. Ces distorsions ne rajoutent pas de gain, mais écrasent le signal, elles se comportent plutôt comme des fuzz, n'espérez pas jouer du Hendrix avec elles. Elles sont précieuses pour écraser un peu le signal un peu trop policé de la machine.
De manière générale, une grande force de la machine est de pouvoir cumuler toutes les sources de modulation : voilà ce qu'on entend par « absence de compromis » !
Et pour clôturer la section filtrage, le LPF3 accueille l'un des 4 oscillos pour rajouter du coffre et du bas au son, on peut le doser finement. Il est indispensable sur cet instrument, car sans lui, une partie importante du spectre sonore n'aurait pu être couverte.
Les contrôleurs temps réels sont relativement peu nombreux, mais judicieusement choisis : molette double pitch bend/modulation (à la « Yamaha »), Vector Joystick avec ressort de rappel, vélocité, aftertouch, pédales externes...Comme je l'indiquais au début, un ruban n'aurait pas été de trop. Un regret également, c'est que le Vector Joystick a 2 défauts selon moi : une zone « morte » lorsqu'il passe par son point zéro, et un ressort de rappel : il aurait mieux valu qu'il n'y en ait pas, cela aurait permis à partir d'un même programme de fabriquer en live plusieurs « snapshots » en le laissant en position excentrée. Il n'y a pas non plus de mode « Lag » permettant d'amortir le mouvement parfois brutal qu'on peut avoir. En revanche, j'ai bien aimé le fait qu'il puisse travailler au choix sur 2 ou 4 axes, avec possibilité de modulations inversées/négatives.
L'affectation des contrôleurs est presque parfaite : on commence par choisir la source grâce aux switches lumineux au-dessus des molettes. Ensuite, on va activer la destination, sur le panneau principal, et l'affectation est faite ! Pour doser cette modulation (polarité et force), il faut aller sur l'écran LCD. J'ai dit « presque parfaite », car on aurait pu faire tout cela en un tour de main, par exemple : doser le sens et l’amplitude de la modulation rien qu'en tournant l'encodeur associé, plutôt qu’à l’aide du LCD. On aurait pu également imaginer des templates pour éviter de se retaper ses assignations de zéro à chaque fois. Mais c'est déjà très satisfaisant ainsi.
N'ayant pas expérimenté les layers/splits et la multitimbralité, je passe mon tour, mais il semble que ces fonctionnalités ne présentent ni surprise ni omission. Il faut imaginer ce que cela doit être d'empiler jusqu'à 8 sons totalement différents, sur une machine où déjà rien qu'un seul son ressemble déjà à un empilage de plusieurs programmes !
J'ai effleuré depuis le début le sujet du son. Comment sonne un Schmidt ? Difficile de répondre simplement à la question, tant les possibilités sont vertigineuses. Je dirais que le premier mot qui me vient à l'esprit est « précision » : le Schmidt est un synthé qui permet d'atteindre un résultat très maîtrisé, à l'image d'un diamant dont on polirait les facettes patiemment. Il peut réserver des surprises, mais toujours des bonnes et surtout : logiques. Ce n'est pas un synthé qui part en cacahuète (exception faite des résonances des Dual Filter et leur étage de distorsion, à la limite), tout est très bien calibré (ça fait regretter que les grandeurs ne soient pas exprimées en unités physiques). Le son est très majestueux, fluide, remplit l'espace grâce à la PWM et la gestion évoluée de la stéréophonie. Il ne se laisse pas apprivoiser facilement, c'est un synthé à dompter qui peut sonner un peu raide si l'on fait n'importe quoi, mais on arrive toujours à un résultat intéressant, voire unique.
L'autre caractéristique du son Schmidt, c'est un son terriblement expressif, vibrant, envoutant. On le doit à 3 choses principalement : l'immense étendue spectrale des oscillateurs, leur variété. La musicalité hors pair des filtres. L'affectation exemplaire des sources de modulation dans toutes les sections du synthé, et tout particulièrement : la vélocité, présente à tous les étages, qui agit partout et toujours, procurant un son totalement polymorphe, jamais identique, hyper expressif. Il n'y a que les synthés FM pour rivaliser sur ce terrain.
Stephan Schmidt a eu l'idée géniale de faire un synthé à synthèse soustractive qui ne sonne pas (ou pas que) comme un synthé à synthèse soustractive, ni même comme un synthé analogique. Il est reparti de la page blanche, sans essayer de singer un CS80 auquel il emprunte l'expressivité, mais avec un son totalement moderne et bien plus varié. Le Schmidt est un peu un « anti-vintage ». Il est plus à mettre en comparaison avec les gros modulaires, mais sur 8 voix de polyphonie et de multitimbralité.
Les domaines où il excelle sont avant tout les nappes évolutives. Je l'ai trouvé également excellent sur les sons de brass synthé, les leads, les petits sons incisifs/acidulés aux enveloppes snappy, les FX et sur les énormes accords plaqués/detunés pour faire des sons impressionnants, amples. L’une de ses principales applications sera, de façon très évidente, la musique à l’image pour ses sons amples, ses FX, des ambiances inquiétantes et son expressivité.
La gestion de la stéréo est totalement unique, et pourtant simple à maîtriser. L'espace stéréo que procure le son est juste géant. Le synthé est vraiment stéréophonique, c'est une grande différence avec la plupart des analos polyphoniques qui ne le sont souvent pas ou, quand ils le sont, que grâce à leur section d'effet.
Là où il s'éloigne de son domaine d'excellence, c'est sur les sons dévolus aux monophoniques haut de gamme comme le Minimoog/Pro One, qu'il ne remplacera pas (mais dont il est le complément parfait...). Les grosses basses envahissantes, les kicks à grands coups d'auto-oscillations...ne lui sont pas accessibles. Ici, je réponds donc à la question : peut-il tout faire, et vous aurez compris que la réponse est non.
A la question du début : « est-il le seul à pouvoir faire certains sons », la réponse est un oui franc et massif, en particulier les grosses nappes/stabs polyphoniques, mais pas que !
Enfin, vaut-il les 20.000 euros et quelques auquel il est vendu, j'avoue franchement qu'au moment où je travaillais dessus, je restais étonné d'un tel prix, car tout de même, « c'est une somme », et on peut pour ce prix acheter un bon petit paquet de bécanes de légende. Mais maintenant que je l'ai quitté depuis une semaine, je n'ai plus envie que d'une chose : vendre tout ce que ce que j'ai pour en acheter un...Il me manque ! (L’addiction sur un synthé existe...).
La machine n'est pas parfaite, toutefois. Le manque de certaines formes d'ondes de LFO (pas de sine), la navigation dans les menus, notamment pour écrire/sauvegarder ses sons (on pourrait afficher le nom du son avant de l'écraser, au lieu de se limiter à son numéro de banque/prog), des modulations et présentations inhomogènes de certains LFO/enveloppes selon les sections...nous compliquent un peu la vie. On a parfois le sentiment que chaque section, chaque filtre, chaque oscillateur...a été conçu par des personnes différentes. L'absence de grandeurs physiques dans les unités, le fait que la réponse du filtre multimode ne soit pas modulable...Mais c'est bien peu de choses au regard de ce qu'offre cette machine ultra généreuse et musicale.
La construction totalement exemplaire, l'absence de bugs combinée à sa très grande stabilité, l'usage du numérique là où il apporte le plus sans rien céder à la génération sonore qui reste analogique d'un bout à l'autre...font de cette machine un OVNI qui marquera l'histoire de la manufacture électronique, à coup sûr. Le Schmidt est un diamant, dont le son mérite d'être poli à chaque instant, mais qui donne toujours ce pour quoi il a été pensé : le plaisir du jeu que seuls les instruments d'exception peuvent procurer.
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