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Le Sacre du Printemps de Stravinsky

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Sujet de la discussion Le Sacre du Printemps de Stravinsky
Hi,

Je reviens un instant sur le Sacre du Printemps de Stavinsky qui a été plébicité plus d'une fois tout au long d'un fil consacré à l'oeuvre la plus parfaite.

J'ai eu la curiosité de réécouter cette oeuvre car il me semblait ne jamais l'avoir écouté dans sa totalité.

Je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi hermétique ! Il faut vraisemblablement disposer de clés que je ne possède pas à l'évidence. Certaines oeuvres d'art, musique ou autre, sont directement accessibles et vous parlent spontanément. D'autres oeuvres demandent une initiation, des clés d'accès dont j'ai fait mention ci-dessus. Dans le cas de cette oeuvre de Starvinsky, j'ai l'impression qu'elle est réservée à une caste d'initiés dont je ne fais pas partie. Il me semble que c'est une oeuvre de musicien faite pour des musiciens, et encore, sans doute pas n'importe lesquels.

Je réceptionne cette musique comme un congloméra de sons sans liens entre eux. Le fait qu'il soit déjà impossible d'identifier la tonalité de l'oeuvre m'enlève déjà tous mes repères. Une musique sans tonalité... pour moi cela n'a plus de sens, ce sont les fondements même de la musique qui s'écroulent.

Chaque fois que j'écoute une oeuvre musicale, classique généralement, je suis toujours envahi par des images. Un petit film se déroule dans ma tête qui accompagne la musique que j'entends. Ici, dans le Sacre du Printemps, je ne perçois absolument rien. J'encaisse des sons réellement agressifs et malveillants; rien en tout cas qui puisse évoquer le printemps.

Sincèrement, je voudrais comprendre ce mystère. Sans ironie aucune, j'aimerais que l'un d'entre vous m'explique le cheminement qu'a été le sien pour parvenir à apprécier cette musique. En est-il parmi vous qui ne soit pas musicien et qui apprécie l'oeuvre en question ?

Merci.

Groupir.
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11

Citation : Pour moi, une oeuvre est belle et elle l'est immédiatement ou elle ne l'est pas.



Je t'avoue que j'ai longtemps pensé comme toi, que l'Art se devait d'être beau immédiatement. Sauf que, si l'on résume à cela, alors l'Oeuvre ne peut pas être intemporelle et doit absolument correspondre aux canons esthétiques de l'époque.

Peut-on dire de Machaut que c'est laid ? Ou alors que ce n'est pas de l'Art ? C'est particulier, il faut un certain état d'esprit, une certaine mise en condition pour apprécier la beauté, les mêmes éléments que l'on retrouve à l'écoute de la musique de Stravinsky ! :D:

On ne voit bien qu'avec les yeux. Le cœur est invisible pour l'essentiel. 

12
KoalaMan,

Là, et peut-être sans le vouloir, je pense que tu me rejoins. En effet, lorsque tu parles d'un certain état d'esprit, d'une certaine mise en condition, c'est une autre manière d'exprimer le fait de recevoir une préparation, d'obtenir les clés d'accès comme je disais plus haut. AFicionado parlait d'auditeur averti.

Je connais une petit peu le moyen-âge au travers de romans historiques ayant pour cadre cette époque. Lors de mes vacances en France (je suis Belge), j'ai eu l'occasion de visiter l'abbaye cistercienne de Fontfroide près de Narbonne, ainsi que celle de Montmajour près de Fontvieille dans les Bouches-du-Rhône. Personnellement, j'ai été touché par la magie des lieux, "j'ai des clés". Si bien que lorsque j'écoute Guillaume de Machaut, je suis immédiatement replongé dans cet atmosphère de vielles pierres moyen-âgeuses.
C'est cela aussi qui me manque et qui pourraît peut-être me permettre d'apprécier le Sacre : pas de repère.

A+

Jean-Jacques (Groupir)
13
Groupir,

Tu n'es pas le seul à être choqué par le Sacre du Printemps. A sa première, en 1913 à Paris, il y a eu une véritable émeute dans la salle. Juges-en plutôt à ces quelques échos chez les critiques de l'époque:
"Dès le prélude (cette petite phrase du basson, si haut perchée et d'une si mystérieuse couleur), les rires et les sarcasmes fusaient dans la salle. Saint-Saëns, barbiche au vent, se levait indigné, et s'en allait en vitupérant contre l'art sauvage qu'il avait cru découvrir et qui manquait de respect à l'usage. Manifestation qui devint générale et engendra un chahut infernal. Coups de sifflets, hurlements, tumulte capable de couvrir l'orchestre."
Marquise de Pourtalès: "J'ai 75 ans et c'est la première fois qu'on ose ainsi se moquer de moi!"

De même, quand tu penses qu'il s'agit d'une oeuvre ésotérique faite pour les musiciens, tu te trompes: Ravel, Schmitt, d'Indy et d'autres l'ont taillée en pièces.
Debussy a écrit avec dédain: "c'est une oeuvre sauvage avec tout le confort moderne".

C'était novateur pour l'époque, et ça a eu du mal à passer. Stravinsky a mis des années à s'en remettre. Donc ta réaction est compréhensible. Personnellement j'ai eu aussi du mal à m'y habituer, mais maintenant je peux l'écouter sans peine.

Quant aux musiques vraiment déconcertantes (et je dirai même en ce qui me concerne: inécoutables), essaie de te mettre dans les oreilles du Penderecki, ou du Boulez en configuration dodécaphonique et tu m'en diras des nouvelles! Peut-être que du coup, tu te mettras à adorer le Sacre du Printemps! :D:
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Citation : Quant aux musiques vraiment déconcertantes (et je dirai même en ce qui me concerne: inécoutables), essaie de te mettre dans les oreilles du Penderecki, ou du Boulez en configuration dodécaphonique et tu m'en diras des nouvelles !



:8O: Y'a quand même dans la musique contemporaine des trucs vachement plus barrés que Penderecki ou Boulez ! :fou:

On ne voit bien qu'avec les yeux. Le cœur est invisible pour l'essentiel. 

15

Citation : Y'a quand même dans la musique contemporaine des trucs vachement plus barrés que Penderecki ou Boulez !



Qu'est-ca que tu appelles des trucs plus "barrés"? :???:
16
Des choses moins conventionnelles que Boulez, Stravinsky ou même pas mal d'oeuvres de Penderecki.

Des choses qui destructurent la forme, qui exploitent la microtonalité ou des systèmes polyrythmiques plus complexes. Des musiques qui font appel à un instrumentarium plus évolué que l'orchestre symphonique (auquel on ajoute de temps en temps quelques ondes Martenot pour faire djeunz), qui ont une représentation dans l'espace, qui sont moins "écoutables" pour l'habitué de Chopin et de Brahms ! :langue:

On ne voit bien qu'avec les yeux. Le cœur est invisible pour l'essentiel. 

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Citation :
Des choses moins conventionnelles que Boulez, Stravinsky ou même pas mal d'oeuvres de Penderecki.

Des choses qui destructurent la forme, qui exploitent la microtonalité ou des systèmes polyrythmiques plus complexes.


Euh, ce qui compte au premier abord, c'est l'effet que ça fait quand on écoute. La satisfaction intellectuelle du compositeur m'importe peu si cela ne me plaît pas. Après, si j'aime, je peux effectivement chercher à savoir pour quoi c'est beau. Mais si ça ne l'est pas... c'est foutu.
18
Le problème, c'est que nous n'avons pas tous les mêms repères!
J'apprécie le Sacre, parce que je retrouve une energie et une exploitation de timbres que je qualifierais "d'incandescence".
Cette "incandescence, je la retrouve comme un des facteurs principaux de ce qui guide mes gouts.

Que ce soit en musique écrite européenne, en jazz, en Rock, en hip hop, en musique indienne, cubaine etc...etc....


> koalaman:
ah, oui, on peut être encore plus déconcerté par la musique contemporaine avec instruments électroniques rythmiquement aléatoiresjouant avec le timbre et la disposition dans l'espace etc...etc...

Citation : Tu n'es pas le seul à être choqué par le Sacre du Printemps. A sa première, en 1913 à Paris, il y a eu une véritable émeute dans la salle. Juges-en plutôt à ces quelques échos chez les critiques de l'époque:



Et au niveau du ballet, et de la scénographie, je ne te raconte pas la révolution!
Réactions identiques pour tout ce qui est danse, art scénique en général!
Le sacre est une des révolutions majeurs de l'histoire des arts en général!
C'est plutôt bon signe, qu'aujourd'hui, elle puisse encore déranger!
C'est Stravinsky qui doit être content!

Etrange objet, ce sacre!
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Citation : Chaque fois que j'écoute une oeuvre musicale, classique généralement, je suis toujours envahi par des images. Un petit film se déroule dans ma tête qui accompagne la musique que j'entends. Ici, dans le Sacre du Printemps, je ne perçois absolument rien.



Regarde "Fantasia" de Disney, cette musique y est illustrée
Je ne connais rien en théorie musicale mais à part les chefs d'oeuvres et les merdes absolues soit on accroche ou on n'accroche pas... heureusement qu'on n'a pas tous les mêmes goûts :)
Je ne suis pas musicien, j'ai aimé cette musique à la 1ere fois que je l'ai écoutée mais je préfère l'oiseau de feu du même compositeur
20

Citation : Euh, ce qui compte au premier abord, c'est l'effet que ça fait quand on écoute.



Je crois que c'est là que nous divergeons : je ne conçois le plaisir d'une écoute qu'avec la longueur. Quel plaisir physique immense de rentrer en quelques secondes, dans l'univers totalement étranger d'un compositeur, d'être en empathie avec lui !

Le hic, c'est que nous vivons dans un monde (que je ne critique pas sur tout, hein, je ne suis pas rétrograde) où il faut tout, tout de suite. Tout comprendre tout de suite ; tout transmettre, tout de suite ; tout assimiler, tout de suite.

Hors, découvrir un compositeur, et l'aimer, c'est autre chose qu'une simple consommation d'un truc qui fait du bien aux oreilles. Prenons le temps d'écouter encore et encore les mêmes choses nouvelles !

On ne voit bien qu'avec les yeux. Le cœur est invisible pour l'essentiel.