Editorial du 19 décembre 2015 : commentaires

Il fait noir. Il fait rouge. Il fait noir. Il fait bleu. Il fait noir. Il fait vert. Il fait noir. Il fait jaune. Il fait n…

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Aaaah ! Enfin ! Enfin, la lumière s’allume ! J’ai cru que ça n’arriverait jamais ! Faut dire que j’en ai soupé de la nuit : 11 mois à rester dans une boîte à chaussures à ne rien faire, c’est un coup à rendre dingue la plus zen des décos Feng shui. Surtout qu’au lieu de me mettre parmi les sujets de la crèche qui se marrent bien avec les moutons, on m’avait rangé entre trois boules et deux flocons : vous imaginez la conversation… Pas même une boîte à musique ! Rien ! Rien que de stupides boules pendant 11 mois, et l’odeur du vieux journal qui les protège de la casse : un numéro de 20 minutes plein de pub avec des mots croisés déjà faits… Du coup, je me rattrape et je regarde tout ce qu’il y a à voir, enregistre toutes les images, tous les sons et toutes les odeurs pour y repenser les 11 prochains mois de l’année.

Mais voilà le gamin s’approche de moi ! Je sais qu’il m’adore : ‘Apanel’ qu’il m’appelait il y a deux ans ! ‘Apanel ! Apanel !’ qu’il disait en déchirant ses paquets !

Oooooh ! Qu’est-ce qu’il a grandi depuis l’an dernier !

« Maman, je peux prendre le Père Noël ? »

Et comme il parle bien maintenant !

« - D’accord Paulo, mais tu fais attention à ne pas le casser : ce n’est pas un jouet !»

Bien sûr que je peux être un jouet ! Et solide avec ça ! Du taillé dans le bois et peint à la main ! Prends-moi petit ! Emmène-moi en virée ! Verts de jalousie qu’ils seront les autres. Même l’étoile qui fait toujours la fière du haut du sapin ! Oh ça oui, on va en avoir des trucs à raconter, on va bien se marrer ! Vas-y Paulo !

Je vois sa chambre : un bazar de petites voitures, de legos et de peluches sous lesquelles on devine un lit. Il y a là Tom et Loulou, Oui-Oui et Potiron, Emile la Pieuvre, Max et ses Maximonstres au grand complet. Et puis une lettre avec des photos collées : sa liste ! Voyons ce que nous avons là : plein de machins de l’espace que je ne connais pas, des dinosaures aussi, une panoplie de Spiderman, et des voitures évidemment… Et puis quoi ? Une guitare électrique ? Rien que ça : le petit veut devenir musicien ! C’est génial ! Quand je vais dire ça aux autres ! Un musicien ! C’est mon plus beau cadeau à moi, parce que je sais que l’an prochain peut-être, il nous jouera des chansons qu'on emportera dans la boîte. Oh bien sûr, il ne croira sans doute plus au Père Noël d’ici là, mais j’espère bien que je serai encore sur le sapin et qu’il réclamera d’autres instruments encore : des pianos ou des cloches, des pipeaux ou des violons, et même des bidules pour ordinateur, puisqu’on fait aussi de la musique comme ça maintenant : en cliquant sur des ronds qui font 'Flesh', en tapant sur des carrés qui font 'Push', tout ça pour envoyer des notes dans les nuages…

J’ai vraiment de la chance de l’avoir ce petit. Et comme j’y pense, je repense aussi au bonhomme de neige qui était avec moi sur l’étal de la brocante, quand le gamin m’a trouvé et qu’il a fait une comédie à sa mère pour qu'elle m’achète. Qu’est-ce qu’il est devenu celui-là ? Dans une autre famille ? Sur un autre sapin ? Ou toujours dans son carton de vide-grenier ? Je repense encore à tous les Noëls que j’ai faits moi-même, tous ces visages joyeux, ces enfants heureux, ces familles unies au milieu des paquets étincelants… Que c’était beau vu du sapin !

Me reviennent aussi les moins bons souvenirs. Ce couple qui s’était engueulé devant la bûche, ou la petite Magalie qui brûlait de fièvre, et tous ces Noëls que j’ai passés sur le sapin synthétique de la maison de retraite, au milieu des vieux regardant la télé : je n’ai plus supporté Michel Drucker depuis ce temps-là… Là bas, une fois, il y avait eu cette jeune fille qui m’avait fixé longtemps de ses yeux pâles et embués, me regardant comme si elle ne me voyait pas. Et comme une larme avait roulé sur sa joue, elle avait murmuré : « c’est facile pour toi… » Qu’est-elle donc devenue ? J’espère qu’on lui a peint un joli sourire depuis, sur son joli visage. Et si ce n’est pas le cas, qu’elle croisera la route de mon Paulo. Parce que s’il devient effectivement musicien, il pourra peindre ce qu’il veut sur le visage de qui il voudra : du sourire comme du souvenir, du réconfort comme de l’espoir, et emmènera les gens loin de ce qu’ils sont, à coups de notes et de mots. C’est aussi à ça que ça sert la musique. Surtout à ça d’ailleurs.

Alors j’espère bien qu’il va l’avoir sa fichue guitare pour Noël. Et l’ampli qui va avec. Surtout qu’il s’est donné du mal pour écrire le plus adroitement possible une longue phrase avec presque pas de fautes en bas de page :

« Sur se, bon wik et A la cemène prochène »

Los Teignos
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