Après avoir évoqué les choix stratégiques et les différentes méthodes pour enregistrer votre démo, il va falloir maintenant vous organiser. De la préparation au relationnel en passant par la pochette, ce second volet vous dira tout ce qu'il y a à savoir pour mener à bien votre entreprise.
Que vous enregistriez en studio, chez vous ou dans une salle extérieure, il vous faudra de l’organisation et de la rigueur.
Le planning
Établissez un planning et un calendrier de travail. Veillez bien à ce que tout le monde réserve ses journées (et éventuellement ses nuits) et soit pleinement disponible les jours dits. J’insiste sur le « pleinement ». Sinon, faites votre démo à un autre moment. La soi-disant heure d’absence d’un des intervenants peut vite se transformer en un nombre impressionnant d’heures perdues. Donc, disponibilité à 100% pour les quelques jours (et nuits) que va durer la réalisation de la démo.
Concentrez au maximum le travail. Pour une démo, un travail étalé dans le temps sera probablement moins bon. Que vous décidiez de consacrer un, deux, trois ou quatre jours à la démo, essayez de les regrouper, quitte à profiter de vacances. Si vous faites appel à du bénévolat, insistez bien sur l’engagement, sur la nécessité d’être là et disponible le(s) jour(s) J. On hésite parfois à être un peu ferme avec quelqu’un qui vous aide gracieusement, mais il faut savoir lui faire comprendre que s’il prend des engagements, il doit les tenir parce que ça implique plusieurs personnes. Si vous sentez moyennement votre généreux bénévole, essayez de prévoir un remplaçant, au cas où…
Limitez la durée du projet : si vous êtes super perfectionniste, vous risquez de vouloir réenregistrer x fois telle ou telle partie pas assez satisfaisante, de revenir 15 fois sur le mix, bref, de prolonger indéfiniment le travail. Ceci ne servira à rien. N’oubliez pas que ce n’est qu’une démo. En 2 jours, 4 jours maxi, vous aurez un résultat correspondant à votre niveau. Pas plus, pas moins. Ce n’est pas parce que vous passerez plus de temps dessus que le résultat sera nettement meilleur. Sachez aller à l’essentiel et vous contenter du résultat, puis vous consacrer à autre chose : trouver des dates, faire des affiches, préparer des communiqués de presse. Le travail ne manque pas.
Le matériel
De la même façon, faites une check-list précise du matériel. N’hésitez surtout pas à prévoir du doublon, même pour les instruments. Quand on démarre, on a pas toujours du matériel au top et c’est trop bête de perdre une demi-journée à cause d’une basse qui buzz, d’un timbre de caisse claire qui se barre ou d’une baguette de batterie cassée ! Si vous devez fournir tout ou une partie du matériel d’enregistrement, n’hésitez pas à demander des directives et un listing précis à la personne qui fera office d’ingé son. Si vous devez enregistrer dans une salle que vous ne connaissez pas, renseignez-vous sur la qualité du circuit électrique, notamment des prises de terre. Un ampli qui ronfle parce que la terre est mauvaise, ce n’est pas génial pour l’enregistrement. Si vous pressentez un problème, surtout, prenez les devants. Attention aux câbles : c’est souvent un gros point faible. Ayez-en plusieurs en rab. De même les piles pour les pédales, les éventuels micros avec alim incorporée, etc. Quelques piles 9V ne sont pas un investissement énorme. Et surtout, des jeux de cordes neufs en secours. À ce propos, il faut que les instrumentistes à cordes aient changé leurs jeux de cordes au bon moment pour avoir à la fois des cordes en bon état et un accordage stabilisé.
Préparation artistique
D’abord, je vous conseille de lire le dossier « bien travailler en répétition » précédemment paru. Il vous donnera sans doute des orientations intéressantes pour bien préparer vos séances d’enregistrement. Le maître mot de ce dossier sur le travail en répétition est « être carré ». Il va en être de même pour votre démo. Le but principal ne sera pas d’en mettre plein la vue sur la virtuosité des musiciens ou vos merveilleuses qualités d’arrangeurs, mais de montrer que vous savez jouer carré, bien en place. C’est souvent la première chose, le premier critère que retiendra un organisateur.
Répétez bien les morceaux que vous comptez enregistrer. Consacrez-y intégralement les 2 ou 3 répétitions qui précèdent l’enregistrement. L’idéal, surtout si vos répétitions sont habituellement espacées, est de pouvoir grouper plusieurs répétitions dans la semaine ou les jours qui précèdent les séances de studio. Vous devez répéter les morceaux tels quels. Ce n’est pas le moment d’y apporter des changements, nouveaux arrangements ou autres variantes, sauf pour simplifier et faciliter le jeu. N’oubliez pas : il faut être carré. Si vous avez une idée de génie, vous pourrez toujours la mettre en œuvre après la réalisation de la démo. N’oubliez pas que le mieux est souvent l’ennemi du bien. Faites efficace !
Au contraire : si un morceau que vous souhaitez faire figurer dans la démo comporte une partie à problème que vous avez du mal à passer, n’hésitez surtout pas à le simplifier pour faire efficace. Simplifier peut sembler dommage, mais si le jour de l’enregistrement, vous n’arriviez pas à faire une bonne prise, cela pèsera sur votre moral, pourra créer des tensions dans le groupe et nuira à la bonne exécution de l’ensemble des morceaux. Au contraire, si vous jouez carré, vous aurez du plaisir, serez à l’aise et pourrez vous lâcher. Cela transparaîtra dans vos enregistrements et les rendra bien meilleurs. À la rigueur, s’il vous reste un peu de temps à la fin de l’enregistrement, vous pourrez alors tenter des expériences. Concernant le choix des morceaux, nous verrons cela plus bas.
Autre point de préparation à faire avant la réalisation de la démo : enregistrez-vous ! Même avec un dictaphone. Le fait de vous enregistrer va vous permettre de vous faire une idée de l’état de votre jeu et de l’avancement de votre maîtrise. Cela va vous indiquer des axes de travail pour les prochaines répétitions, vous aider à choisir les morceaux les mieux maîtrisés et ceux qui sonnent le mieux. Un autre intérêt essentiel de vous enregistrer auparavant est d’éviter toute mauvaise surprise lors de la réalisation de la démo. En effet, les groupes se croient généralement meilleurs qu’ils ne le sont. Ce n’est qu’en s’enregistrant et s’écoutant tranquillement qu’ils prennent conscience de leurs faiblesses. Un enregistrement (démo, maquette, voire album) d’un groupe peut s’avérer mortel pour celui-ci. Certains musiciens vont se prendre une grande claque (« putain ! Je ne suis pas en place ! »), d’autres vont entendre réellement pour la première fois ce que jouent d’autres membres du groupe (« quoi ? Tu joues un Mi mineur là ? Mais c’est un Sol majeur ! »). Sachez que je n’exagère pas. Moralité, tout ceci va vous sabrer le moral et créer des dissensions dans le groupe (« machin est vraiment pas bon. Il baisse le niveau du groupe. C’est un boulet ») qui pourront aller jusqu’à l’éclatement de celui-ci. Bien dommage, non ? Vous ne me croyez pas ? Demandez autour de vous combien de jeunes groupes ont éclaté après avoir enregistré. Pour éviter ceci, il est donc bon de s’enregistrer régulièrement et de s’écouter.
La claque
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Bien sûr, cela n’empêchera pas que le résultat de la démo risque de ne pas vous satisfaire. Elle sera probablement en dessous de ce que vous espériez, de la façon dont vous imaginiez que votre groupe sonnait. En bref, vous allez tout à coup être confronté à une brutale réalité : vous n’avez pas encore le niveau de vos idoles ! Mais pas de panique pour autant. Le regard que vous allez porter sur le résultat de votre travail ne sera pas celui de la plupart des auditeurs, heureusement. Vous, vous n’entendrez au début que ce qui ne va pas, les pains, les trucs pas en place, les déséquilibres de son, les paroles mal prononcées, les choeurs pas très justes. L’auditeur lambda, même si c’est un connaisseur, voire un musicien averti, entendra d’abord de la musique. Et c’est ça qu’il jugera. Personnellement, pratiquement après chaque enregistrement, j’ai détesté ceux-ci. Alors que beaucoup de gens trouvaient ça très bien, voir adoraient. Il m’a fallu à chaque fois pas mal de temps pour trouver ça pas si mal.
Ne vous inquiétez pas, c’est plutôt bon signe : l’autosatisfaction n’est pas le meilleur moyen d’être motivé pour progresser. Et si ça peut vous rassurer, sachez que bien peu d’albums de grandes stars sont parfaits. Pour prendre un exemple fort, écoutez Miles Davis : les pains se comptent à la pelle, et pourtant, le génie est là. Et le frisson qui va avec. Le jour J, veillez à ce que tout le monde arrive à l’heure. Montez immédiatement le matériel, sans tension, sans précipitation, mais sans perte de temps.
Relations avec l’ingénieur du son
Si vous allez en studio, attention aux ingés son bavards. Certes, il est bon de prendre le temps de faire connaissance. Mais certains aiment bien prolonger plus que de raison la discussion du matin, histoire de ne pas attaquer trop tôt dans le vif. Il faut trouver un équilibre dans la relation avec l’ingé son. C’est très important. Disons que vous devez être au même niveau. Il faut à la fois qu’il sente votre respect pour son expérience, votre envie d’écouter ses conseils et à la fois qu’il n’oublie pas que c’est vous le boss parce que c’est vous qui payez. Restez modeste et poli avec lui, faites confiance à son expérience et son savoir-faire, mais n’hésitez non plus pas à être directif, voire ferme. C’est votre groupe et c’est vous qui savez le son que vous voulez.
– « Bon, on va peut-être commencer à installer le matériel ? »
- « Ouais, ça va, on a le temps… »
- « Tant mieux. Mais on va quand même installer. Je serai plus tranquille quand ce sera fait. »
Ne lui donnez jamais d’ordre, mais demandez-lui les choses. « Donne-moi plus de batterie » passe moins que « tu peux me mettre un peu plus de batterie en retour s’il te plaît ? » Le résultat sera sûrement le même, mais il risque de vous bichonner. Bon, n’exagérons rien. On est dans une atmosphère de travail et on n’est pas obligé de dire s’il te plait merci à chaque phrase. Mais c’est mieux. Bref, il faut être poli sans être servile. L’ingé son aussi a non seulement droit, mais besoin de respect. Plus il aura plaisir à travailler avec vous, plus il se sentira à l’aise et respecté, plus il soignera votre bébé. Et si ça passe carrément bien humainement, il y a fort à parier qu’il se mettra en quatre pour vous faire une belle démo.
Attention : il est plutôt logique d’être intimidé lorsqu’on est un jeune groupe inexpérimenté et qu’on se retrouve pour la première fois en studio face à un ingé son expérimenté. Ne tombez pas dans le piège classique qui consiste à cacher sa timidité, voire son malaise derrière une arrogance d’artiste sûr de lui. Vous ne tromperez personne, mais vous créerez une atmosphère désagréable. Ne jouez pas non plus les blasés. Au contraire : ne boudez pas votre plaisir d’être en studio, de voir cet environnement merveilleux et ce matériel de rêve. On ne vous méprisera pas pour ça. Au contraire, votre plaisir peut faire plaisir à l’ingé son et le mettre de bonne humeur. Et si vous savez par ailleurs vous montrer professionnel, discipliné, efficace et déterminé, vous aurez droit à un big respect.
N’hésitez donc pas à demander ou à signaler quand des choses vous semblent anormales ou ne vous conviennent pas. Et insistez s’il le faut.
– « C’est moi où j’ai un peu trop de réverbération sur ma voix ? »
- « Non, c’est normal »
- « Bon »
La plupart du temps, il va baisser ladite réverb, mais s’il ne le fait pas :
« J’ai encore trop de réverbération sur ma voix. Tu peux la baisser s’il te plaît ? »
Jusqu’à ce que vous obteniez satisfaction. Il vous respectera pour ça, surtout si vous restez poli. Mais laissez-lui quand même le temps de faire ses réglages entre deux demandes.
Au début, attention à ne pas trop bousculer l’ingé son au début. Il va avoir plein de choses à connecter, probablement des câbles à passer, les micros à placer et beaucoup de réglages à faire. Il va donc y avoir un temps assez long pendant lequel vous n’aurez rien à faire qu’attendre et être prêt à jouer à sa demande. Demandez-lui d’ailleurs si vous pouvez jouer pour vous chauffer pendant ce temps. Ou n’hésitez pas à lui proposer un coup de main (qu’il refusera probablement parce qu’il n’y aura pas grand-chose que vous puissiez faire à sa place, mais ça lui fera plaisir). Sachez aussi le laisser tranquille quand il a besoin de se concentrer.
Au moment de faire les réglages des tranches, il faut respecter scrupuleusement ses directives. Il faut que chaque musicien ne joue que lorsque l’ingé le lui demande et s’arrête dès qu’on le lui demande. Pensez aussi à vous être accordés au plus tôt et profitez du moindre temps mort pour vous réaccorder. En venant de l’extérieur dans un studio souvent bien chauffé, les instruments vont bouger pendant quelque temps avant de se stabiliser. Or, il n’y a rien de plus galère que de régler correctement une tranche pour un instrument mal accordé. N’oubliez pas non plus de vous réaccorder régulièrement au cours de la séance.
Chassez toute perte de temps
Comme dans tout travail, la production d’une démo peut être pleine de petites pertes de temps qui n’ont l’air de rien, mais qui mises bout à bout, vont peser lourd à la fin du projet. Quelqu’un pris d’une subite envie de pisser au moment d’enregistrer, un musicien qui s’aperçoit au moment d’appuyer sur ‘REC’ qu’il ne s’est pas réaccordé, un clavier qui n’a pas noté ses sons et qui passe son temps à rechercher le patch qu’il utilise habituelle et dont, dans le stress du moment, il a oublié le nom ou le numéro… Tout temps que vous perdrez risquera d’être soit de la qualité, soit du contenu perdu sur le résultat final.
Pensez donc à chasser tous les temps morts. Allez aux toilettes avant de commencer les balances ou au pire lorsque vous savez qu’il y en pour quelques minutes pour un autre musicien. Revenez vite. Rien de plus pénible que d’attendre un musicien absent pour continuer le travail. Sauf exception et hors pauses, il ne doit jamais arriver que quiconque attende les bras croisés. S’il y a un temps mort, profitez-en pour vous réaccorder, aller chercher une bouteille d’eau, préparer l’instrument dont vous aurez besoin au prochain morceau… Mais n’engagez non plus pas de tâche trop longue, sinon, ce sont les autres qui vous attendront. Le coup classique d’en profiter pour aller fumer une clope pendant qu’untel est parti aux toilettes se termine souvent par une grosse perte de temps, au moins une demi-heure.
Pauses et consommations
Les pauses se prennent en général tous ensemble, à des moments opportuns par rapport à l’avancement du travail. Pas selon les caprices de chacun. Mais si quelqu’un déclare avoir besoin d’une pause, c’est peut-être le moment d’en faire une. Rien ne sert de continuer à enregistrer avec un batteur qui est vidé, un guitariste qui a les doigts en sang ou un bassiste qui a des crampes dans le bras.
Si vous allez chercher des cafés, demandez à l’ingé si vous pouvez les boire ou non dans le studio ou la cabine et proposez-lui-en un. Certains ingés verront d’un mauvais oeil le risque de voir une tasse de café reversée sur une console ou un rack, d’autres s’en foutent. Mais faites attention à ces détails, notamment l’endroit où vous posez d’éventuelles boissons : qu’elles ne risquent pas d’être reversées et surtout pas sur du matos, qu’il appartienne au studio ou à vous. N’oubliez pas non plus que 99 % des studios sont non-fumeurs. Tout ceci n’est, après tout, que du simple respect et de l’élémentaire politesse.
Au moment des pauses, prenez le temps de souffler un bon coup, de boire votre éventuel café, de fumer votre clope, mais ne vous éternisez pas à refaire le match de la veille, commenter le dernier album d’untel ou la dernière provocation d’un quelconque ministre. N’oubliez pas que vous avez un travail à faire et un temps limité pour le faire. Ne speedez pas non plus. Sachez souffler le temps nécessaire pour recharger les batteries sans perdre un temps exagéré.
Même chose au moment du déjeuner. Faites une vraie pause : une journée de studio, c’est long et éprouvant et un petit bol d’air fait du bien. Mais ne restez pas digérer jusqu’au milieu de l’après-midi. Il est bon de se renseigner auparavant des solutions de restauration possibles. S’il n’y en a pas, ou que le secteur ne comporte que des brasseries pleines à craquer le midi, voyez si vous pouvez décaler le déjeuner pour ne pas être pris dans la foule ou prévoyez un pique nique à manger tranquillement dans un square ou dans le coin détente du studio : ce sera moins stressant et probablement moins cher. Durant les journées de studio, certains ont besoin de prendre l’air, d’autres préfèrent rester dans l’ambiance troglodyte des studios. Respectez les inclinaisons de chacun, mais si une partie du groupe décide de sortir, déterminez une durée précise pour son retour.
Concernant le déjeuner, évitez de vous remplir la panse. Faites plutôt un repas léger qui vous évitera un gros coup de barre après le repas. Car c’est un moment qui risque d’être essentiel dans les enregistrements. Par contre, prévoyez des petits grignotages pour le milieu de matinée et d’après-midi. La journée va être longue. Et si possible, des grignotages qui ne feront pas des miettes partout.
Évitez de consommer de l’alcool et tout stupéfiant, calmant ou excitant (autre qu’un peu de café, sans excès). Cela risque de nuire à votre concentration et à votre pêche. Il sera toujours le temps d’aller boire un bon coup et de se taper une bonne clope après la journée de travail. Mais si vous travaillez sur deux jours, restez tout de même raisonnables et couchez-vous tôt. En tout cas, si la séance se termine tard (ce qui est probable), ne traînez pas après le boulot. La seconde journée sera sans doute encore plus intense que la première, car les choses seront lancées et vous aurez besoin de toutes vos forces.
Mais enregistrer quoi?
On l’a dit, une bonne démo n’a pas besoin d’être longue. Deux morceaux sont quand même un strict minimum. De trois à cinq, c’est correct. Évidemment, vous aurez sélectionné auparavant les morceaux que vous allez enregistrer. Essayez, si vous en avez le temps, d’enregistrer un ou deux morceaux de plus que votre objectif. Tous les morceaux que vous allez enregistrer ne seront certainement pas mixés, faute de temps, mais vous pourrez choisir les enregistrements les plus réussis. Bien sur, vous allez prendre vos meilleurs morceaux. Pensez cependant aux aspects techniques. Ainsi, si un morceau que vous aimez beaucoup implique une configuration instrumentale très différente de l’habituelle, ne le sélectionnez pas ou gardez-le pour la fin, s’il y a le temps. En effet, configuration instrumentale différente signifie nouveaux réglages, repositionnement des micros, etc. Essayez de construire une démo équilibrée. Il vous faut des morceaux pêchus, mais n’hésitez pas non plus à mettre des morceaux même très cool qui vous tiennent à cœur et que vous pensez particulièrement bien maîtriser et surtout, qui peuvent apporter une émotion à l’auditeur.
Voici ce que j’estime idéal pour une démo (style et ordre des morceaux) :
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- Morceau pêchu, voire bien gras, voire violent (selon votre style de musique) : l’auditeur est entré dans votre univers avec le premier morceau, il peut accepter des choses moins faciles, moins « grand public ».
- Morceau plus cool, voire très cool. Chargé d’émotion. Avec les deux premiers, vous avez fait passer la pêche, avec celui-ci, c’est au tour du frisson.
- Morceau vif.
- Morceau de choix. Morceau au choix. Là, vous êtes assez libre. On peut être dans le vif ou le cool. C’est surtout l’occasion de mettre un morceau un peu à part de votre répertoire. Une chose à savoir tout de même : terminer un disque par un morceau vif donne envie à l’auditeur de remettre le disque. Cela dit, il faut savoir que, en prospection directe (quand c’est vous qui irez présenter le disque) ce morceau de même que le précédent ne sera pas vraiment écouté (voir encadré). Attention quand même à ne pas mettre un morceau qui risquerait de terminer sur une mauvaise impression après de bons morceaux. On l’a dit : la longueur est moins importante que la qualité. Il est souvent tentant de laisser un morceau un peu plus faible « parce que ça en fait un de plus ». C’est une grosse erreur, car ce morceau faible va dévaloriser l’ensemble des morceaux en décevant l’auditeur. Mieux vaut un auditeur frustré, ayant envie d’en entendre plus qu’un auditeur déçu. Surtout pour une démo visant à décrocher des concerts.
N’oubliez pas votre objectif : il faut que votre démo donne envie à l’organisateur de vous entendre en concert et donc, pour cela, de vous embaucher. Un organisateur ne programmera pratiquement jamais un truc qu’il n’aime pas sous prétexte que ça peut plaire à un certain public. Il a tant de choix ! Par contre, il pourra prendre le risque de programmer un truc qu’il apprécie, même s’il craint que ça ne passe pas trop auprès du public habituel de son lieu de spectacle.
Il est possible que vous ayez déjà des enregistrements en concert parce que vous avez branché un MD en sortie de votre console ou que vous avez joué sonorisé par quelqu’un qui vous a enregistré. Si un ou plusieurs morceaux sont valables, vous pouvez sans problème les inclure dans la démo, même si le son général ou l’équilibre des instruments est bof. Si le morceau est pêchu, qu’on sent une bonne ambiance du public, n’hésitez pas à l’inclure. Vous demanderez à l’ingé son de masteriser ce ou ces morceaux avec les autres. N’oubliez pas de le prévenir à l’avance. Ce choix de morceaux à mettre dans la démo se fera de toute façon en phase finale, de même que l’ordre des morceaux sur le disque.
Choix d’enregistrement
Si vous travaillez sur deux jours, la logique veut que ça se passe plus ou moins comme ça :
Enregistrement multipiste | Enregistrement direct 2 pistes | |
1er jour |
Matin : mise en place, balances et réglages, premiers enregistrements tests. Après-midi : enregistrement |
Matin : mise en place, balances et réglages, premiers enregistrements tests. Après-midi : enregistrement |
2ème jour |
Matin : Écoute, sélection des morceaux, début du mixage Après-midi : mixage, puis masterisation. |
Matin : enregistrement Après-midi : écoute, sélection, masterisation. |
Vous voyez que dans le second cas, le temps d’enregistrement est plus long. Cela permet ainsi d’enregistrer plus de morceaux et de choisir les meilleurs et surtout, d’enregistrer plusieurs prises du même morceau et de choisir la meilleure. C’est la solution que je recommande. Bien sûr, cette solution interdit l’éditing et oblige à refaire une prise complète si un des musiciens fait un (trop) gros pain. Mais en enregistrant plusieurs prises, on a de fortes chances d’en trouver une bonne. De toute façon, de l’éditing, vous n’avez pas vraiment le temps d’en faire. (L’éditing consiste à éditer les pistes enregistrées de façon à corriger certaines choses, remettre en place un coup de caisse clair mal placé, par exemple).
L’avantage de l’enregistrement en deux pistes est que l’on évite ensuite le mixage puisqu’il est déjà fait à l’enregistrement (l’ingé son a évidemment fait une balance équilibrée auparavant). Ce qui fait gagner un temps considérable. Je trouve pour ma part qu’il vaut mieux avoir du temps pour faire de multiples prises de chaque morceau, les écouter tranquillement et garder la meilleure que de passer du temps à mixer une prise qui n’est pas forcément la meilleure que le groupe puisse donner.
Pour une démo, j’aurai tendance à penser que c’est la meilleure solution, à condition que les musiciens du groupe soient capables de jouer leurs morceaux de bout en bout sans plantade, avec un minimum de pains.
Si par contre, vous maîtrisez mal vos morceaux, il vaut mieux enregistrer en multipistes pour pouvoir faire des ‘drops’ et des ‘re-re’ en cas de problème. Mais si vous ne maîtrisez pas assez 5 ou 6 morceaux pour pouvoir les jouer correctement de bout en bout, c’est sans doute qu’il est encore un peu tôt pour enregistrer une démo et qu’il faut encore répéter.
Le temps gagné va aussi servir à une bonne masterisation (prémasterisation corrigeront les pédants). En deux mots, il s’agit d’appliquer aux mix une égalisation générale pour mieux structurer le son et donner un son similaire aux différents mix qui composent le CD. On applique également un traitement dynamique, généralement un compresseur et un limiteur. En effet, le mixage est généralement réalisé quelques dB sous le zéro dB absolu (qui est le niveau maxi en audionumérique, donc pour les CD). La compression va « remonter » le mix à 0dB pour le rendre plus fort. Elle va aussi écraser la dynamique, c’est à dire réduire l’écart entre les sons les plus faibles et les plus forts, donnant ainsi plus de présence au son du disque. Ces traitements visent aussi à équilibrer le son afin qu’il passe au mieux sur différents systèmes d’écoute. Pour un album, on réalise la masterisation dans un studio spécialisé avec un ingé son spécialisé. Mais dans le cas d’une démo, surtout une première, il serait aberrant de dépenser quelques centaines d’euros dans une masterisation spécialisée. C’est donc l’ingé son de votre studio qui va la réaliser.
Quel son viser ?
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Ce point dépend en grande partie de votre style de musique. Cependant, il y a quelques points qui sont spécifiques à une démo, indépendamment du genre musical. Au passage, signalons tout de même qu’il peut être bon d’apporter à l’ingé son un CD bien produit d’un groupe dans votre style dont vous aimez bien le son afin de lui donner une idée de la couleur sonore que vous souhaitez obtenir. Une même musique, en fonction de la façon de l’enregistrer et de la mixer, peut sonner très alternative ou très pop. Et l’ingé son ne connaîtra pas forcément la couleur sonore propre à votre genre musical.
Si vous enregistrez live, il faut que ça sonne live. L’ingé saura quoi faire. Mais ne lui demandez pas de chercher à obtenir un son de grosse production studio. D’une part, c’est impossible, d’autre part, ce n’est pas souhaitable. Par contre, sonner « live » ne veut pas dire sonner « concert ». Vous avez joué dans un studio, sans public et pas à Bercy ou même à la MJC du coin. Normalement, l’ingé son doit savoir faire la nuance et la faire passer.
Votre démo va être écoutée sur les systèmes les plus incongrus et parfois les plus pourris. Il ne sera pas rare qu’un organisateur l’écoute dans son bureau sur les enceintes multimédia à 20 balles de son ordinateur. Dans les bars et petits lieux, vous aurez droit à tous types de systèmes de diffusion, y compris les mini-chaînes à trois francs six-sous. Souvent, celles-ci comportent un « bass boost » qui est un vrai massacre pour la musique. Ce système « pousse » artificiellement les basses que les petites enceintes (et peut-être même amplis) de ce genre de chaînes sont incapables de reproduire. Pour cela, elles fonctionnent d’après un principe psycho-acoustique (le même que celui du plug in MaxxBass de Waves) consistant à recréer dans les bas médiums des harmoniques correspondant aux basses. C’est un vrai massacre pour tout le bas du spectre. Souvent aussi, on a des mini-chaînes avec bassboost, mais sur lesquelles sont branchées de grosses enceintes parfois de qualité. Le mélange de rendu du bassboost et des bonnes basses sorties « naturellement » par ces bonnes enceintes peut s’avérer… détonnant. L’ingé son doit prendre ceci en considération, surtout au moment du mastering. Paradoxalement, l’idéal est d’avoir un son pas trop chargé en basses et bien présent, voire légèrement excessif dans le médium, là où se trouve l’intelligibilité de la voix et de la plupart des instruments, ainsi que dans le bas des aigus. Car les enceintes sont souvent disposées n’importe comment dans les bars, rendant la diffusion du son un peu… spéciale.
D’où la nécessité d’une stéréo réduite. Si elle est très large, vous aurez de sacrées surprises. Il n’est pas rare en effet d’avoir une enceinte dans une partie du bar et l’autre dans un autre, voire dans une autre pièce. Si vous avez la rythmique de guitare tout d’un côté, elle risque fort de disparaître dans de telles conditions d’écoute. Ça ne veut pas dire aller jusqu’à sortir un mix mono, mais veillez bien au cours du mixage à ce que ce qui sort de chaque côté soit équilibré et se suffise à lui-même. Cela se vérifie aisément en mutant alternativement chaque voie (chaque côté, quoi). Ce n’est pas le moment de faire des fantaisies
Compression : attention aux excès
La grande tendance actuelle consiste à chercher le son le plus « puissant » possible sur les CD. Mettez sur votre chaîne un disque d’il y a 10 ou 20 ans et ensuite un disque récent dans style musical similaire et vous verrez de quoi je parle. Selon votre style de musique, il sera ou pas souhaitable de suivre cette tendance.
Ce travail sur la compression sur fait au mastering, sur la dynamique (il y a eu une compression de chaque instrument au moment des prises, mais c’est une autre histoire). Quand on compresse (trop) fortement, on induit de la distorsion. Ce qui peut être souhaitable dans certains styles de musique, mais ne le sera pas forcément pour d’autres. Les organisateurs ont l’habitude du faible niveau des CD de démo qui ne sont pas passés par des grands studios de masterisation (quand même ils ont été masterisés). Donc, qu’ils soient obligés de pousser le volume de leur chaîne ne sera pas en votre défaveur. Alors, vous pouvez dire à l’ingé qu’il n’est pas forcément obligé de compresser comme un bourrin. D’autant que certains ingés ont tendance à le faire sans trop en parler au client, car ils pensent que ça plaira plus au client d’avoir un CD qui sonne fort, que ça lui donnera l’impression d’un travail plus pro. Mouais… Cette force se paye aussi. On a parlé de la distorsion, mais il y a aussi la perte de nuances. Maintenant, il est vrai que la nuance n’est pas ce qu’on cherche dans une démo.
Par contre, une distorsion qui peut être discrète, voire bienvenue sur une bonne source de grosse production peut vite sonner cracra sur une démo forcément moins chiadée au niveau son. D’autant que le compresseur utilisé sur votre démo ne sera sûrement pas un compresseur haut de gamme dédié au mastering, ce qui fait une belle différence quant à l’élégance de la distorsion, donc prudence.
Le travail sur la dynamique ne se résume pas au taux de compression. Il y a notamment les attaques et relâchements du compresseur. Selon les réglages, les transitoires (attaques des notes) seront plus ou moins claquantes ou douces. À vous de voir selon votre style de musique, mais ne laissez pas forcément l’ingé son faire un truc trop claquant si votre musique ne s’y prête pas.
Présentation du disque
Il y a à ce sujet plusieurs écoles qui s’opposent. Certains veulent faire une jaquette classieuse, un peu comme un album, coller une étiquette sur le CD… Personnellement, je me base sur la logique de marketing que j’ai eu l’occasion de pratiquer dans une vie passée : le packaging d’un produit doit annoncer son contenu. Si vous avez une jaquette classieuse, qui peut faire penser à une production d’album, mais que votre démo sonne moyen, l’auditeur aura une déception en écoutant le disque. Inversement, si vous avez une démo qui sonne bien, mais que la jaquette est cracra, vous ménagez certes une bonne surprise à l’auditeur, mais aurez dévalorisé votre travail. Essayez donc d’être cohérent entre le contenu et le contenant.
Premier point : le boîtier. Inutile de prendre un boîtier cristal ou de bricoler un digipack. Les slim cases font très bien l’affaire. Ils présentent un triple avantage :
- Ils protègent bien le CD et présentent plus sérieux qu’une enveloppe papier
- Ils évitent de s’enquiquiner avec une jaquette de dos puisqu’ils n’en comportent pas
- Ils sont moins lourds, donc coûtent moins cher en cas d’envoi postal
Pour la jaquette de façade, je trouve qu’une simple double page imprimée maison ou photocopiée fait parfaitement l’affaire. Une double page que vous allez plier en laissant les pages du milieu (le verso au moment de l’impression) vierges. Ça donne un peu d’épaisseur, ça tient sur le recto d’une page A4 et peut donc être imprimé à la maison, vous n’avez qu’une face à imprimer et les découpes et façonnages sont réduits.
Sur la page qui fera la façade du boîtier, mettez le nom du groupe (éventuellement le logo ou le graph si vous en avez un). Vous pouvez éventuellement mettre la formule ou le slogan qui résume votre groupe (ce qu’on appelle le baseline sous un logo en marketing). Genre « le gros son qui tue sa mère » ou « chanson d’hier et de demain ». Ça peut être aussi le nom du style ou mouvement musical si vous n’avez pas de slogan, genre « trance goa acoustique » ou « rap pythagoricien ».
N’inscrivez pas de titre genre album. C’est un peu prétentieux pour une démo. Sauf si vous avez une formule excellente ou un truc drôle en correspondance avec votre nom de groupe et votre style, par exemple « Les Billig Défoncées, première galette »
Sinon, inscrivez simplement « démo » suivi éventuellement d’une date ou de l’année (le fait de mettre une année fait genre le groupe a une histoire !). Enfin, mettez en bas et en petit une information de contact, par exemple un numéro de téléphone.
Sur la page intérieure, celle qui fera face au CD une fois le boîtier ouvert, inscrivez :
- Éventuellement une brève présentation ou un historique du groupe en quelques phrases. Restez bref et soyez percutant. Les formules type « Nono à la batterie, Seb au percus, Nestor à la basse… », l’organisateur s’en fout. Pensez que vous avez peu d’espace que chaque information doit être pertinente. Une information pertinente est dans ce cas une information qui donne envie d’embaucher votre groupe. Pas la peine non plus de faire monter la mayonnaise exagérément. Si vous êtes un groupe débutant, ne vous faites pas passer pour de vieux routards. Ça ne marchera pas et vous passerez vite pour des guignols qui ont pris le melon. Si vous avez déjà eu droit à un article de presse élogieux, vous pouvez en mettre quelques phrases en citant la source. Genre « excellente soirée avec les Zbirgmurf […] les quatre jeunes gens ont fait bouger un public conquis » La Dépèche du Midi 25/12/2205.
- La liste des morceaux avec les numéros de piste et leurs auteurs/compositeurs. La durée des morceaux n’est pas nécessaire, mais elle peut être souhaitable si vous avez un ou des morceaux très longs ou très courts. Si un ou des morceaux ont été enregistrés en concert, le préciser. (« en concert à … »).
- Les informations de contact : téléphones (deux si possible), une adresse e-mail, l’adresse du site Internet, une adresse postale.
- Si vous avez enregistré en studio, le nom du studio et de l’ingé son. Si c’est du « fait maison », il n’est pas nécessaire d’indiquer quoi que ce soit.
Laissez tomber les tonnes de remerciements genre « merci à Jojo pour son micro, à René pour son ampli, à maman pour m’avoir fait et à papa pour l’héritage ». On s’en fout, du moins l’organisateur. S’il y a des gens à remercier pour leur aide, vous leur ferez une édition spéciale de la démo, avec une jaquette soignée et pourquoi pas personnalisés (un futur collector) et il sera temps d’y faire figurer tous les remerciements qui vous tiennent à coeur.
Comment présenter tout ça ?
Personnellement, c’est :
- Une mise en page propre, simple et claire, sans fioritures
- Polices simples et lisibles, éventuellement correspondant à votre univers musical. Vous pouvez utiliser deux polices : une un peu fantaisie, reflétant votre univers musical pour les grands textes (nom du groupe par exemple) et une toute simple, genre ‘times’ ou ‘geneva’ pour le reste. Attention à l’utilisation de polices fantaisies illisibles. C’est agaçant et ça fait amateur.
- Impression noire sur papier blanc. Point. Papier de couleur à la rigueur. Ça ne revient pas cher, ça peut s’imprimer sur n’importe quelle petite imprimante jet d’encre de base, ça passe bien en photocopie, ce n’est pas sorcier à mettre en page.
Sur le CD, je suis contre l’étiquette car :
1– Ca revient cher (il faut que vous puissiez distribuer et envoyer plein de démos)
2– C’est long et embêtant à coller proprement
3– Ca nuit à la durée de vie du CD
4– C’est du boulot pas évident d’en faire une qui ait de la gueule.
Pour moi, la bonne option est tout simplement d’écrire au marqueur le nom du groupe + démo + un numéro de téléphone (au cas où le CD perdrait sa jaquette).
Il y a un cas où je recommanderais une démarche différente pour la présentation : c’est celui d’un groupe faisant fortement intervenir sur scène des éléments visuels. Par exemple, avec des costumes de scène, des fonds de scène peints, des éléments de décors, voire de la vidéo. Dans ce cas, l’aspect visuel est une partie intégrante du spectacle et il faut que cela transparaisse au niveau de la démo. Dans ce cas, laisser le ou les graphistes du groupe s’exprimer et délirer. Votre démo peut-être bariolée, livrée dans un boîtier fait maison, etc. N’oubliez pas cependant que la démo sera à reproduire à la main et à des dizaines d’exemplaires. Un boîtier en pâte Fymo ou en bois, ça peut être top délire et percuter les organisateurs ! Mais s’il vous faut une journée pour faire chaque copie, ou si celle-ci vous revient cher, vous allez hésiter à en distribuer plein. Or, une démo est faite pour être envoyée ou donnée en masse. Pensez-y. Comme on est dans le fait main, on peut cependant se permettre de travailler en géométrie variable selon les cibles. Par exemple, rester sur quelque chose de simple pour les dizaines d’envois aux bars, pubs, MJC, et autres petits lieux et faire un truc top moumoute pour les envois aux festivals.
Questions légales
Réaliser un enregistrement que l’on va diffuser implique le respect de certaines dispositions juridiques et légales. Pas de panique : ça ne va pas être sorcier. En fait, une démo se réalise généralement « comme ça », sans respecter ce qui est normalement la loi. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas connaître celle-ci et même la respecter !
Théoriquement, tout enregistrement en France destiné à la diffusion doit respecter les règles sur le droit d’auteur et ce qu’on appelle aujourd’hui les droits voisins. Par exemple, si votre démo comporte des reprises ou des morceaux dont l’un des auteurs (fut-il un membre du groupe) est inscrit à la SACEM, vous devez payer les droits d’auteur correspondant. Quoi ? Même si c’est une démo distribuée gratuitement ? Eh oui. Et c’est logique, même si nous n’entreront pas ici dans les considérations sur cette légitimité. Sachez que la SACEM et la SDRM (société de reproduction des droits mécaniques, filiale de la SACEM s’occupant de la perception des droits d’auteurs sur les productions de disques) ont prévu le cas de la diffusion gratuite avec un tarif en conséquence. Ce tarif est faible. Il est de l’ordre que quelques dizaines de centimes d’euros par morceau et par exemplaire de CD produit.
Théoriquement, vous devez déclarer à la SDRM :
- La liste complète des morceaux et leurs auteurs et compositeurs de même que leur durée
- Le nombre d’exemplaires de CD (ou tout autre support) que vous allez produire
- Le fait que ces CD ne sont pas destinés à la vente, mais à être distribués à titre promotionnel.
La déclaration peut se faire en ligne sur le site de la SDRM
Suite à cela, sous quelques jours, la SDRM vous donnera le prix à payer. Une fois le montant réglé, vous obtenez un document certifiant que les droits ont été payés pour X CD, document qu’il faut remettre au presseur chargé de fabriquer les CD et sans lequel tout presseur refusera de presser : il n’en a pas le droit.
Par ailleurs, comme le précisera le document de la SDRM, le presseur devra faire figurer sur les CD « exemplaire gratuit non destiné à la vente ». Telle est la loi, la règle, et c’est ainsi qu’il faut procéder lorsqu’on veut faire presser un CD.
Maintenant, il y a fort à parier que si vous gravez vous même vos CD à la maison pour les distribuer gratuitement à quelques dizaines d’exemplaires, personne n’ira vous chercher des poux dans la tête pour cela. Si votre démo ne comporte que des compositions originales et qu’aucun membre du groupe n’est inscrit à la SACEM ou toute autre société d’auteur, vous n’avez rien à payer.
Si vous décidez de vendre votre démo sur les concerts tellement elle est réussie, il semble cependant moins risqué et plus moralement honnête d’effectuer les déclarations nécessaires à la SACEM. Dans le cas de CD pressés à la maison, vous pouvez déclarer et payer au fur et à mesure, par exemple par paquets de 50 CD. Compte tenu du montant des droits d’auteurs, cela représente une somme plus que raisonnable et il serait honnête de votre part de rémunérer ainsi les auteurs dont les créations vous font gagner de l’argent. Le montant, pour un CD composé uniquement de morceaux soumis à droits est environs de 10% du prix de vente de CD. Soit en gros 50 € pour 50 CD vendus 10 € (qui vous en rapporteront ainsi 500 € brut). Attention : j’ai évoqué ce sujet parce qu’il est tentant, avec une démo assez réussie et un public demandeur, de vendre celle-ci. Cette décision devra dans tous les cas venir après la réalisation. N’ayez pas en tête d’objectif de commercialisation ou vous risquez de perdre votre objectif initial qui est de décrocher des dates. Vendre la démo ne peut être qu’un bonus (qui ne vous rapportera pas des masses de toute façon) et une cerise sur le gâteau. Mais si vous loupez le gâteau, la cerise n’aura aucun intérêt.
Rémunération et contrats des collaborateurs
Si vous allez dans un studio, si vous engagez quelqu’un pour vous enregistrer chez vous, comment allez-vous rémunérer cette personne ? Rappelons que légalement, tout salaire est soumis à charges sociales. Lesquelles sont souvent conséquentes. En fait, il faut savoir qu’un salaire se décompose en (très) gros comme ceci :
Montant total versé par l’employeur |
Dont charges patronales |
Salaire brut |
Charges sociales salariales |
Salaire net |
100 |
30 |
70 |
19 |
51 |
Vous voyez qu’entre ce que vous verserez en tant que patron et ce que touche le salarié, il y a pratiquement 50% d’écart. Il est donc très important de savoir sur quelle base on part. Généralement, on parle de salaire brut. A l’employeur de calculer ce que ça lui coûte (salaire brut x 1,4) et à l’employé de savoir ce que ça lui rapporte (salaire brut – 25 %). Ces calculs sont légèrement différents de ce que vous connaissez peut-être dans d’autres secteurs d’activité. En effet, depuis la réforme de l’intermittence du spectacle, les cotisations chômage employeur et salariés des intermittents ont été multipliées par deux.
Rien ne dit que pour l’enregistrement d’une démo, vous serez soumis à ces questions. Mais il m’a semblé important de vous les faire connaître. Après tout, vous pouvez très bien travailler avec un ingé son intermittent désirant être déclaré et il est important de savoir de quel salaire vous parlez afin d’éviter les surprises. C’est un point important aussi à connaître lorsque vous allez négocier des cachets avec les organisateurs. Sachez aussi qu’avant toute embauche de salarié (fut-il intermittent), l’employeur doit faire une déclaration préalable d’embauche auprès de l’URSAFF. Enfin, il doit établir un bulletin de paye. Pas simple tout ça ? Eh non. Heureusement, il existe des solutions de simplification. Des organismes comme l’URSAFF vous renseigneront et vous conseilleront sans problème pour les meilleures solutions, peut-être même les nouveaux chèques emploi. L’URSAFF, dur avec les employeurs indélicats (après tout, son boulot est de récupérer les cotisations qui financent le système social) est un interlocuteur de bon conseil et dévoué quand on a besoin du moindre conseil ou renseignement.
Il existe aussi des associations spécialisées dans le traitement de salaire des intermittents comme « Allo Jazz » située à Savigny-sur-Orge. Ils peuvent, contre un pourcentage du salaire, s’occuper de toute la paperasse. Enfin, sachez que légalement, aujourd’hui, tout salaire d’intermittent pour un employeur occasionnel doit passer par le GUSO (successeur du « guichet unique ») organisme qui facilite grandement les démarches, les déclarations, les répartitions des cotisations, etc. Renseignez-vous auprès du GUSO, ils sont aussi là pour ça.
Le cas le plus courant que vous rencontrerez sera cependant le paiement d’une facture de prestation. Si vous faites appel à un studio, celui-ci sera probablement sous une structure juridique de type entreprise (à la rigueur, association). Vous aurez alors tout simplement à payer pour une prestation donnée pour laquelle vous aurez une facture.
Sachez que le studio doit vous établir un devis précis. En effet, en France, il est interdit de facturer une prestation de plus de 150 euros à un particulier sans devis préalable signé. Ce devis devra comporter normalement le nombre de jours (ou d’heures) de studio et la nature du travail. Exigez qu’il spécifie bien qu’à l’issue de ce temps, vous devez sortir avec un enregistrement masterisé. Pourquoi ? Tout simplement pour éviter tout risque de « petite » arnaque. Par exemple, si le boulot traîne un peu, qu’on vous « force » à payer une journée de plus pour terminer le boulot. Avec un devis bien établi, si tout doit être bouclé en deux jours, tout le sera, quel que soit le résultat. Après, si vous estimez qu’il est préférable de prolonger pour avoir un meilleur résultat, ce sera votre choix, mais le studio ou l’ingé son ne pourront pas vous forcer la main ou être tentés de faire traîner. Bien sûr, les studios sont généralement aussi honnêtes que n’importe quelle autre profession (c’est dans leur intérêt) et tout se passe bien dans la quasi-totalité des cas. Mais les contrats ne sont pas faits pour quand ça se passe bien, mais quand ça se passe mal. On peut toujours tomber sur une brebis galeuse ou il peut y avoir des incidents. Par exemple, un équipement essentiel du studio qui tombe en panne, faisant perdre ½ journée de boulot. Avec un contrat en bonne et due forme, on pourra difficilement vous faire payer la demi-journée perdue, alors que sinon…
Travail au noir ?
Est considéré comme travail illégal (ou travail au noir) tout travail contre rémunération se faisant sans déclaration auprès des organismes du travail et sans versement de charges sociales. Vous pouvez décider (comme des millions de français) que deux jours d’enregistrement et mixage ne valent pas la tracasserie des démarches administratives et le « surcoût » des cotisations sociales. C’est – dirai-je – de votre propre conscience (oui, j’ai été à l’école des bons pères). Sachez que le travail au noir comporte des risques auxquels on ne pense pas forcément. Bien sûr, le risque est faible qu’un inspecteur du travail se pointe dans votre home-studio pour contrôler si les gens qui sont là y sont dans le cadre d’une activité bénévole ou professionnelle. Mais que se passe-t-il en cas d’accident ? Si l’ingé son que vous avez « embauché » se prend un ampli de 30 kg sur le pied ou est victime d’un court circuit électrique ? Si l’accident est bénin, il pourra être déclaré en incident domestique et tout ira bien. Mais si l’accident est plus sérieux ? La couverture en cas d’accident domestique et accident du travail est sans commune mesure. L’accidenté a alors tout intérêt à déclarer l’accident en accident du travail. Surtout si les dommages causent un long arrêt de travail ou un handicap permanent.
Attention donc au travail au noir qui n’est pas si anodin qu’il puisse y paraître. À savoir aussi que dans tous les cas, un contrat permet de verrouiller les choses (par exemple, le cas d’un collaborateur arrivant avec une demi-journée de retard) et surtout, il fait fuir les margoulins. Quel que soit le mode de travail et de rémunération prévue, une personne qui refuse de signer un contrat sous prétexte que la bonne parole suffit ou qu’« on se fait confiance » est à mes yeux suspect.
En tant que musicien, que groupe, surtout débutant, vous serez fréquemment face à des employeurs qui préfèreront vous prendre « au noir ». Sachez donc ce qu’il en est (dans ce genre de cas, l’employeur risque bien plus gros que le salarié) et sachez que dans tous les cas, un contrat permet de prévenir au lieu de guérir.
En 6 ans de carrière professionnelle et des centaines de concerts, je n’ai eu qu’UNE seule fois un impayé, et encore, partiel : nous étions embauchés par plusieurs organisateurs différents et l’un deux n’a pas payé sa part. Nous n’avons pas jugé utile de perdre du temps et de l’énergie pour quelques dizaines d’euros, d’autant que nous étions déjà bien payés, mais si nous l’avions vraiment souhaité, il n’aurait pu échapper à sa dette.
Tout ce chapitre peut vous faire peur. Pas de panique : les choses se passent pratiquement toujours bien et sans soucis. Je vous ai donné ces éléments pour éviter toute mauvaise surprise et pour que vous sachiez ce que vous faites. Comme dit Jean-Claude Vandamme : aujourd’hui, il faut être ‘aware’ !
Conclusion
Enregistrer une bonne démo n’est pas si difficile ni si coûteux pour peu qu’on prenne bien les choses en main, que l’on se prépare et s’organise bien. Il faut surtout éviter quelques écueils. Ces écueils, je les ai pratiquement tous heurtés ! C’est dire si je sais de quoi je parle ! Bien préparé, ce projet peut s’avérer une vraie partie de plaisir, un moment important pour la cohésion du groupe et une expérience enrichissante, notamment pour l’enregistrement de vos futures maquettes et pourquoi pas albums. En attendant, restez simples et allez à l’essentiel : musicalité, fraîcheur, pêche sont les maîtres mots d’une démo réussie. Et quelle fierté d’avoir un enregistrement réussi et vivant ! Et quel booster pour la carrière du groupe ! Vous pouvez discuter du sujet sur [URL=https://fr.forums.audiofanzine.com/apprendre/mailing_forums/index%2Cidtopic%2C231523%2Cpage%2C1.html]le thread spécialement créé pour l’occasion.[/URL]