Pour commencer cette deuxième partie sur les sets, on peut se poser une première question : faut-il un set ou plusieurs ? Cela dépend beaucoup de l'endroit où vous allez jouer et de la durée du concert. Si vous faites une scène ouverte à la fête de la musique, une première partie, que votre concert s'inscrit dans un ensemble de spectacles, prévoyez un unique set. Vérifiez bien le temps dont vous disposez auprès de l'organisateur et n'hésitez pas à vous chronométrer en répétition. Nous allons d'ailleurs ajouter à notre tableau une colonne avec la durée approximative des morceaux. N'oubliez pas de compter le temps entre les morceaux pour les éventuels changements d'instruments, mais aussi pour parler un peu avec le public. Mais sachez que, à moins d'avoir un métronome ou des séquences sur lesquelles vous pourrez vous caler, il y a de très fortes chances pour que vous jouiez plus vite sur scène qu'en répétition à cause de l'énergie de la scène et probablement du trac.
Si vous jouez dans un bar/pub, prévoyez de préférence plusieurs sets. En effet, la durée de concert est souvent très longue en bar (par exemple 21h30 à 0h30 ce qui fait quand même 3 heures). D’une part, vous n’avez probablement pas un répertoire assez long. D’autre part, il est bon de faire des pauses. Elles vont vous permettre de souffler un peu pour reprendre des forces, de boire un coup, voire de prendre un peu l’air. Le public aussi appréciera ces pauses. Elles lui offrent un peu de calme (relatif), leur permettent de discuter un peu avec les potes, de commander à boire… et de discuter avec vous (un des grands plaisirs des concerts en bars, quand on ne se fait pas alpaguer par un fâcheux imbibé).
Si vous devez jouer pendant 3 heures, prévoyez 3 sets de 40–45 min avec des pauses de 15–20 min entre chaque. Si vous n’avez pas assez de morceaux, vous pourrez rejouer le 1er set en 3e position, voire même jouer trois fois le même set (mais ça, c’est un peu limite). En effet, il faut savoir que la plupart des gens ne passent pas toute leur soirée dans un même bar et que le public du troisième set sera probablement différent de celui du premier. Ceux qui sont restés toute la soirée sont probablement mordus et seront indulgents, sinon ravis de réentendre les morceaux.
Du rab
Prévoyez toujours quelques morceaux en plus de votre ou de vos sets. Ces morceaux serviront à rallonger un set si on vous autorise à prolonger le concert ou si vous avez joué beaucoup plus vite que prévu. Ou encore, si vous arrivez à la fin d’un set et qu’il est prématuré pour des questions d’ambiance de faire immédiatement la pause prévue. Ils pourront aussi servir pour un éventuel rappel, mais… voir plus bas.
Dans ces morceaux « en rab », vous pouvez mettre quelques morceaux un peu moins bien maîtrisés qui ne trouvent pas leur place ailleurs. Si vous les faites à la fin d’un concert, bien chauds, il y a de fortes chances pour qu’ils passent nickel. Si vous vous plantez alors que vous avez conquis le public, c’est pas bien grave et un peu d’humour d’humilité au micro sauveront la mise avant d’enchaîner sur un autre morceau.
Les rappels
Faut-il prévoir les rappels dans le timing du concert ? Par exemple, si vous devez jouer de 22h00 à 00h30, faut-il s’arrêter à minuit pour ménager la dernière demi-heure pour un rappel ? Chacun fait comme il veut, mais personnellement, ma réponse est non.
D’abord, parce que ça se voit et je trouve ceci extrêmement prétentieux. Ça signifie que le groupe sait qu’il va avoir un rappel, comme s’il savait qu’il allait forcément conquérir le public et même comme si c’était un dû. Cela m’agace déjà fortement chez les artistes connus, alors chez les débutants…
Ensuite, imaginez que vous n’ayez pas de rappel. Ça ne veut pas dire que vous soyez mauvais ou que le public n’a pas aimé. Mais l’ambiance peut être en partie retombée à cause d’éléments extérieurs (un poivrot qui emm… tout le monde, une bagarre… même si ces gens se font vider, ça casse toujours un peu une ambiance). Le public peut aussi être tout simplement fatigué. Il a bien aimé ce que vous avez fait, mais vous ne lui avez pas donné assez d’énergie pour qu’il s’égosille à vous rappeler. Là, vous n’avez pas l’air bête ! Vous vous êtes privés d’une demi-heure de plaisir de jeu, donné l’impression que vous étiez un peu court au niveau répertoire et peut-être même que vous n’aimez pas suffisamment la scène pour y rester jusqu’à la dernière minute.
Dans la plupart des cas, on trouve le temps de placer un rappel après l’heure de fin prévue. Quand c’est impossible (groupes qui s’enchaînent, bar qui ferme), il vaut mieux un public surexcité et frustré de ne pas avoir son rappel que risquer de ne pas avoir de rappel. Et puis, c’est meilleur pour votre moral et votre égo !
Bref, prévoyez quelques morceaux supplémentaires (ou une liste de morceaux déjà joués) en cas de prolongement ou de rappel, mais ne suscitez pas volontairement celui-ci et jouez plutôt jusqu’au bout du temps qui vous est imparti.
Synthèse : établissement de l’ordre
Vous avez maintenant votre tableau rempli. En fonction des particularités de votre groupe, il est possible que vous ayez des choses à ajouter. N’hésitez pas, mais conservez un tableau clair et lisible à l’écran. Vous allez maintenant pouvoir établir l’ordre. L’intérêt des tableurs est qu’ils permettent facilement de déplacer les lignes. Vous avez toutes les clefs en main et vous seuls pouvez déterminer quel est l’ordre qui convient à votre répertoire. Résumons.
Nous avons vu que le critère le plus important est celui de l’intensité. Il faut donc commencer par un morceau plutôt pêchu (mais pas trop) que vous maîtrisez très bien et qui risque de plaire au plus grand nombre de spectateurs. Le degré de maîtrise du premier morceau est essentiel. Commencer par un morceau parfaitement maîtrisé va vous mettre à l’aise. Il va aussi donner une première impression de qualité au public, ce qui est essentiel.
Ensuite, il suffit de suivre les différents principes que nous avons vu, notamment en ce qui concerne la variation de l’intensité : des montées progressives, puis un ou deux morceaux cools, puis on remonte progressivement, etc. N’oubliez pas de prendre en compte les questions techniques et changements d’instruments pour grouper des morceaux entre eux et limiter les temps morts.
Si vous prévoyez plusieurs sets, considérez chacun d’entre eux comme un miniconcert. Chacun doit donc partir assez vif, avoir son ou ses moments calmes et finir pêchu.
Impression de la playlist
Vous allez imprimer un exemplaire pour chaque musicien. Avant de le tirer, effacer les informations qui ont servi à établir l’ordre et ne conservez que les éléments qu’il sera important de se rappeler sur scène, comme les changements d’instruments. Laissez de la place pour que chaque musicien puisse ajouter ses propres notes ou, mieux encore, sortez l’exemplaire de chaque musicien avec les notes dont il a besoin.
Concernant la présentation, pensez à la façon dont la set-list va être utilisée sur scène : on n’a pas besoin de la même taille de caractères si elle est posée sur un pupitre, sur le dessus d’un clavier, au sol ou scotchée sur les retours. Si elle doit aller sur un pupitre, pensez qu’elle n’y sera probablement pas seule, mais qu’il y aura des partitions ou des notes. Il peut alors être bon de faire tenir la playlist sur un bandeau peu large au bord de la feuille qui restera toujours visible même si on pose des partitions par dessus.
L’utilisation de couleurs pour faire ressortir certains éléments peut sembler une bonne idée à condition que vous soyez sur de l’éclairage. Sous un projo rouge, votre belle écriture en rouge deviendra invisible ! Évitez aussi les fioritures genre fond de couleurs ou gris, etc. Le mieux est de faire simple, avec une police très lisible en noir sur fond blanc (à la rigueur, blanc sur fond noir). Utilisez des caractères les plus gros possible tout en conservant un espacement suffisant entre les lignes, sinon, vous ne vous y retrouverez pas. Surtout, la playlist doit tenir sur une seule page.
Si vous ne pouvez pas imprimer, écrivez-la soigneusement à la main avec un marqueur. Pas de rature ni quoi que ce soit : il vaut mieux perdre ½ heure à recommencer que devoir se mettre à genoux sur scène pour bien lire le morceau suivant. Prévoyez qu’il puisse y avoir des modifications de dernière minute qui obligeraient à raturer. Si vous partez d’une feuille pas super propre…
Dans tous les cas, que le leader ou celui qui s’occupe des impressions fasse plusieurs tirages ou des photocopies. Chaque musicien doit avoir sa playlist et en est responsable, mais si au dernier moment, l’un d’eux a oublié ou perdu la sienne…
Enfin, si vous remaniez la playlist, détruisez toutes les anciennes copies et ne conservez qu’une sauvegarde datée. Cela évitera les confusions et assurera que chaque musicien a bien le même set ! Dans le même esprit, n’oubliez pas d’intituler les playlists si vous en avez plusieurs (« playlist bars », « playlist festivals », « playlist Stade de France »). Et si chaque musicien a une présentation différente, pensez aussi à faire figurer le nom de chacun. Titre et nom peuvent être de petite taille: ils suffisent juste à identifier la bonne playlist.
Playlists pour les techniciens
Si vous avez la chance de jouer dans un cadre où vous serez sonorisé et éclairé, il peut être excellent de préparer une setlist pour l’ingé son et une pour l’ingé lumière. À chacun, vous indiquerez les éléments importants pour l’aider dans son boulot. Par exemple les changements d’instrument pour l’ingé son, les ambiances des morceaux pour l’ingé lumières. Pas la peine de donner des directives précises : ils n’auront pas forcément le loisir ou l’envie de les suivre, mais rien ne vous interdit, surtout si vous le demandez gentiment aux techniciens avant le concert, d’avoir une ambiance d’une couleur particulière sur tel ou tel morceau ou une réverbe cathédrale sur la voix lead sur tel autre.
En tout cas, les techniciens risquent d’apprécier que vous leur ayez préparé une « conduite ». De toute façon, celle-ci sera absolument nécessaire si l’ingé son doit lancer certains playbacks (attention : ceci est tout de même risqué avec un ingé son qui ne vous connaît pas).
Conclusion
Un set ou une playlist se prépare pour un type de concert. N’hésitez pas à le refaire à chaque fois que vous abordez un nouveau genre de lieux pour vous y adapter. Mais essayez au maximum de conserver des ordres similaires. L’enchaînement des morceaux fait partie des réflexes que vous devez acquérir avec le temps au même titre que le travail de chaque morceau. Pensez d’ailleurs à répéter les morceaux dans l’ordre de la playlist, en enchaînant un set complet à chaque fois.
Avec l’expérience, vous allez pouvoir affiner votre set, changer la place de quelques morceaux, etc. Mais ne le faites pas sur la base d’un unique concert : chacun est différent et une formule qui accroche moyennement un jour peut tout exploser le lendemain, souvent sans qu’on sache vraiment pourquoi.
Pour terminer, n’oubliez pas qu’en art, il n’y a pas de règles. Ce dossier n’est donc pas un recueil de règles absolues, mais des directions générales ou des lignes de conduite que vous pouvez évidemment transgresser en fonction de votre style de musique ou de groupe, de vos propres particularités ou tout simplement si vous le sentez « autrement ».
Bons concerts.
Dans de prochains volets, nous évoquerons les lieux où jouer, la prospection des dates, les contrats et cachets, etc., mais aussi la technique, le matériel de base, la location… À suivre…