Vendre votre musique pour moins de 30 € sur 20 plateformes de vente en ligne dont la Fnac, Amazon ou iTunes, c'est la proposition de Zimbalam. Que reste-t-il à Pascal Nègre?
Si, depuis l’aube de l’humanité et les percus préhistoriques, la musique n’a rien perdu de son concret, le support discographique tend quant à lui à se dématérialiser : le MP3 remplace peu à peu le CD, les magasins physiques disparaissent pour devenir des sites web et c’est jusqu’au moteur de recherche qui prend progressivement la place du vendeur qui, autrefois, vous indiquait dans quel bac trouver votre disque, et vous conseillait sur tel ou tel album que vous devriez aimer. Si ce n’est pas encore le cas, il ne fait aucun doute qu’iTunes, Fnac.com et Amazon vendront bientôt de plus gros volumes que les magasins physiques, avec un gros avantage logistique sur ces derniers : plus besoin d’entrepôt pour les caisses de disques, le stock demeurant sur un serveur informatique, duplicable à l’infini.
Cette petite évolution n’est pas sans effets sur les grands acteurs de l’industrie et le rôle qu’ils jouent dans la commercialisation d’un album. Jusqu’ici, une fois le disque enregistré et masterisé, l’artiste dépendait de l’investissement financier d’un label ou d’une major pour le presser à un grand nombre d’exemplaires, puis le diffuser dans un réseau de points de vente. Deux tâches qui sont amenées à disparaître avec la vente en ligne et des services comme Zimbalam.
Zimbalam.com est l’émanation ‘grand public’ de Believe Digital, une société qui est à la fois une maison de disques misant sur des artistes, et prestataire spécialisé dans la mise en ligne de catalogue pour les maisons de disques traditionnelles. L’idée est simple : permettre, pour une somme forfaitaire et dans le cadre d’un contrat de diffusion non exclusif, de placer directement ses œuvres sur 20 plateformes de ventes en ligne à travers 240 pays. Votre maquette sur Fnac.com, Amazon et iTunes, c’est désormais possible à raison de 19,90 € pour 2 titres ou 29,90 € pour un album.
Qui dit vente dit également revenu, et c’est là l’énorme surprise de Zimbalam puisque vous touchez 90 % du montant des transactions. Si vous vendez votre deux titres à 2 €, c’est ainsi 1,40 € qui sera viré sur votre compte à la fin du trimestre. Pourcentage hallucinant, tarifs dérisoires et non-exclusivité, l’affaire semble trop belle pour être vraie. C’est pour cette raison que nous nous sommes directement rendus chez Believe Digital dabs le 18e arrondissement de Paris, pour en savoir plus sur Zimbalam, tester le service, rencontrant au passage Denis Ladegaillerie, juriste de formation ayant successivement bossé pour Universal Musique US, eMusic, MP3.com ou encore Rollingstone.com, mais surtout cofondateur et président de Believe Digital.
Interview de Denis Ladegaillerie
Sur les raisons qui l’ont poussé à créer Zimbalam, il explique :
« L’industrie du disque est une pyramide : à la base, énormément d’artistes en début de développement, et tout en haut, un nombre très limité d’artistes qui sont de très gros vendeurs. La pyramide représente à la fois la décroissance du nombre d’artistes quand tu passes d’une étape de développement à une autre selon ton degré de notoriété, mais aussi le degré de services dont tu as besoin pour passer au niveau de développement suivant. Quand on a commencé Believe Digital, notre prestation de distribution numérique ne se situait pas tout à fait en bas de la pyramide (NDR : Believe Digital aidait alors les maisons de disque à placer leur catalogue sur les points de vente Internet), et nous avons évolués dans les deux sens : d’un côté vers le haut de la pyramide avec une activité similaire à celle d’une maison de disque (promo et du marketing web, radio ou télé), et vers le bas avec Zimbalam. L’an dernier, par exemple, nous avons reçu à Believe près de 50 000 maquettes qui ont donné lieu à 200 contrats. Sur les 200 artistes signés, certains vont marcher et d’autre non. Mais c’est la même chose avec les 49800 que nous refusons : nous n’avons aucun moyen de savoir si dans le lot, certains ne vont pas exploser pour des raisons annexes. Un tel bossera par exemple chez Publicis et parviendra par le biais de ses connaissances à placer un titre sur une pub Mercédès, tandis qu’un autre est pote d’un monteur chez France Télévisons et verra sa compo devenir le générique d’une nouvelle émission. Autant de raisons qui font qu’un artiste que nous n’avion pas remarqué peut exploser d’un coup.
D’où l’idée de tout brasser avec Zimbalam… Toutefois, j’imagine que la qualité des 49800 maquettes reçues est souvent loin d’être évidente et je sais par ailleurs qu’Apple refuse certaines applications pour l’App Store. J’imagine qu’ils sont aussi sélectifs au niveau du catalogue musical proposé par iTunes ?
Concernant la musique, ils acceptent tout et j’en étais le premier étonné. Depuis 3 ans, iTunes reçoit énormément de demandes de distribution d’artistes en direct, des artistes qu’ils nous adressent pour se décharger logistiquement. Or, quand nous leur avons dit que nous avions signé 200 contrats sur 50 000 maquettes, ils nous ont engueulés et ont même menacé de ne plus travailler avec nous, parce qu’ils veulent tout.
Leur but, c’est donc d’avoir la plus grosse ?
C’est d’avoir le plus gros catalogue. Ils ont aussi une réflexion à deux niveaux : prenons une fille de 15 ans qui s’est fait payer un enregistrement en studio par ses parents pour son anniversaire. En en parlant à ses copains ou sa famille, elle peut ne générer que 15 ou 20 ventes, mais c’est déjà du bénéf car les coûts logistiques sont faibles. Ensuite, même si elle ne vend pas assez pour produire un bénéfice, elle contribue à éduquer le marché, car elle incitera ses amis à acheter plutôt qu’à télécharger illégalement.
En outre, ce qu’on peut considérer comme de la pollution n’est pas gênant car la masse de titres n’est pas visible. En page d’accueil d’iTunes, il y a une sélection éditoriale. Que derrière, il y ait 300 000 artistes ou 1 million qui proposent des choses de qualité discutable n’est du coup absolument pas gênant.
Dans une telle multitude, le nerf de la guerre pour se distinguer, c’est donc la communication et le marketing. Que propose Zimbalam à ce sujet ?
Ce qu’on voulait faire avec Zimbalam, c’est un service précisément identifié : la prestation est purement technique et on ne fait pas du tout de marketing ou de communication. On vous met juste un player compatible MySpace (NDR : et bientôt Facebook) à disposition parce qu’on sait que c’est un des outils les plus efficaces en terme de transformation en vente, mais ça s’arrête là. Nous envisageons malgré tout, dans le sillage du player, de proposer une sorte de minisite artiste mais pour l’heure, nous sommes encore en réflexion à ce sujet.
Il n’y a donc pas de miracle Internet…
De toute façon, ce qu’on voit à l’heure actuelle, c’est que le marketing numérique est très proche du marketing physique : pour faire connaître en artiste, il faut qu’il passe en radio, qu’il soit en page d’accueil de Dailymotion, d’iTunes. Or, il y a le même goulot d’étranglement dans le monde numérique que dans le monde physique : on ne peut mettre que quelques artistes en avant sur la page d’accueil d’iTunes Store, Yahoo ou MySpace. Et les gens responsables de ces mises en avant ne vont pas mettre en avant un disque s’il n’y a pas de qualité derrière… On retombe donc sur les mêmes schémas.
Et on peut passer de Zimbalam à Believe ?
Nous restons attentifs aux stats de téléchargement qui nous sont fournies quotidiennement par iTunes, histoire de repérer un artiste dès qu’il se produit quelque chose autour de lui. Le cas échéant, nous pouvons le contacter pour lui proposer un plan marketing, avec Believe.
Du coup, si j’ai 10 000 euros pour faire un disque, j’ai intérêt à la faire avec 5000 € et à consacrer l’autre moitié de mon budget à acheter mon titre moi-même pour me faire repérer ?
C’est une chose à laquelle nous faisons la guerre. On a beaucoup eu ça en Italie, notamment. Mais c’est complètement inutile car iTunes dispose d’informations sur l’acheteur (n° de carte bleu, login, etc. ce qui est drôle, c’est que les gens qui font ça achètent en général un nombre rond de titres…
Et à propos de la non-exclusivité ? C’est une chose à laquelle les acteurs de l’industrie du disque ne nous ont pas habitués ?
Oui, mais en même temps, si tu payes Zimbalam pour mettre ton titre sur iTunes, tu n’as pas d’intérêt à le mettre une deuxième fois en allant voir un de nos concurrents.
Vous n’êtes pas présent sur des médias comme Deezer. C’est volontaire ?
Tout à fait. A l’heure actuelle, la rémunération d’une écoute sur Deezer ramène entre 1/10 et 1/15 d’euros à son auteur. Cela ne nous a donc pas semblé pertinent pour l’artiste. Surtout que Deezer a tendance à cannibaliser le marché de la vente de MP3.
Faites-vous attention aux droits d’auteurs, en vérifiant par exemple si l’uploader est sociétaire SACEM ?
On ne se pose pas la question pour l’instant de savoir si nos clients sont sociétaires ou non, sachant que pour l’heure, ce sont les services de distribution européens qui reversent des droits à la SACEM, sans faire de distinction entre les sociétaires et les non-sociétaires. De fait, chaque fois qu’un titre de 0,99 € est acheté, la SACEM touche un droit de reproduction mécanique de 7 centimes, que l’auteur soit l’un de ses sociétaires ou non. Si demain, on réclamait à la plateforme de vente de reverser l’argent correspondant aux non-sociétaires de la SACEM pour le reverser nous-mêmes à l’artiste, ils ne sauraient pas le faire.
Donc la SACEM perçoit de l’argent qui ne lui revient pas ?
Tout à fait, mais elle sait à quel artiste cela correspond et ce dernier devient par la suite sociétaire, il bénéficie d’une rétroactivité de 2 ans.
(NDR : Sur ce point, j’ai toutefois appelé la SACEM qui nie toucher les 7 centimes en question pour les artistes n’étant pas dans son catalogue, laissant à penser qu’il faudrait plutôt aller chercher du côté d’Apple pour savoir où passe cet argent.)
Par ailleurs, est-ce que le fait d’être présent sur plusieurs points de vente en ligne peut servir de justificatif pour devenir un sociétaire de la SACEM ?
En fait, j’avais contacté la SACEM à ce sujet et il est question qu’un certain nombre de ventes puisse permettre à un artiste de prétendre à devenir sociétaire. Mais ça n’est pas encore en place… »
Zimbalam et moi
Sur ces belles paroles, il fallait évidemment tester l’offre de Zimbalam pour mesurer la qualité du service. Nanti de deux maquettes et d’un visuel de pochette vite fait bien fait sous Photoshop, votre serviteur a donc souscrit à l’offre 2 titres à 19,90 €. Il n’y a pas grand-chose à dire sur le backoffice du site si ce n’est qu’il est très clair et bien conçu, de l’upload des morceaux à la gestion de vos contenus en ligne, avec la possibilité de monitorer vos ventes en temps réel (du moins sur iTunes) et de consulter vos relevés ou même le contrat qui vous lie à Zimbalam. Attention toutefois : toutes les données relatives aux fichiers ne seront plus modifiables une fois que les morceaux auront été propagés sur les différents points de vente, opération qui demande entre 2 à 6 semaines de délai selon les sites. Il faudra y faire d’autant plus attention que les plateformes prennent certaines libertés par rapport aux informations initialement saisies. Ainsi, mon nom d’artiste ‘[nwaR]’ (soit la transcription de noir en alphabet phonétique international s’est ainsi transformé en ‘Nwar’ sur iTunes, car le cahier des charges du catalogue Apple proscrit l’usage de caractères spéciaux et le libre placement des majuscules. C’est dommage si l’on considère que ‘Nwar’ ne veut rien dire, et que sur la Fnac ou Amazon, c’est bien le nom de [nwaR] qui a été gardé.
Quant à la politique de prix, elle varie d’un site à l’autre : si j’avais précisé dans le formulaire que le titre unitaire était à 0,99 € alors que l’achat de deux titres était à 1,49 €, seul iTunes semble avoir respecté ma volonté. L’achat de deux titres sur fnac.com se fait ainsi à 1,98 € tandis qu’Amazon a pris la liberté de placer le prix de vente à 0,79 € par titre. Interrogé sur ce point, les gens de Zimbalam m’expliquent toutefois que la somme perçue sera la même pour moi et que c’est Amazon qui rogne ses marges par pure agressivité commerciale. A vérifier sur le long terme vu que les virements sont trimestriels et que je n’ai pas encore eu de premier paiement.
Plus gênant, j’avais indiqué que la pochette de l’album était sous licence Creative Commons et, sans doute par erreur lors du parsing des données, mes titres se sont vus affublés d’un copyright Creative Commons, alors que j’avais bien précisé le nom de l’auteur et du compositeur (Arnaud Cueff) lors de l’upload.
Amorcer les ventes…
Nous en parlions dans l’interview, Zimbalam met aussi à votre disposition un player que vous pouvez intégrer sur votre MySpace ou sur n’importe quel site web en copiant-collant un bout de code HTML. Plutôt bien réalisé et configurable à loisir (plusieurs tailles notamment), ce dernier permet d’accéder aux espaces de vente, mais aussi à la bio que vous aurez saisie, ou encore à un éventuel clip vidéo. Si son portage est prévu pour Facebook, j’ai été dans l’impossibilité de l’utiliser sur mon blog Wordpress, car Wordpress désactive les composants Javascript par sécurité. En installant un Wordpress Open Source sur un serveur free, j’ai pu toutefois l’intégrer…
Reste que ce player très bien foutu et un blog sous-alimenté par manque de temps ne suffisent pas à devenir la nouvelle étoile de la chanson française et, passé l’excitation de voir un résultat apparaître lorsqu’on tape son nom sous iTunes, on se rend bien compte de ce que Denis voulait dire lorsqu’il avançait que Zimbalam se limitait à une prestation technique. J’ai bien pu faire acheter mon disque à mes collègues, à mes amis ou à ma famille, il n’en reste pas moins que mes ventes n’ont pas décollé et que je ne suis du coup pas plus attractif qu’avant pour un contrat dans une maison de disque.
Pour ce faire, il faudra travailler le référencement de mon site, faire du buzz autour des morceaux, trouver un maximum de gens à qui les faire écouter et, évidemment, faire des concerts. Ce n’est qu’alors que Zimbalam me permettra peut-être de mettre du beurre dans les épinards.
Reste que le deal est parfaitement honnête : pour 20 €, on m’a mis sur 20 points de vente et j’attends mes royalties en fin de trimestre. Comptez sur moi pour exhiber mon revenu bancaire lorsque cela se produira. Impossible de savoir si je pourrai vous payer ne serait-ce qu’une bière avec l’argent reçu, mais je n’ai aucun doute sur le fait que ceux qui s’attèleront vraiment à faire la promotion de leurs œuvres tireront un vrai bénéfice de ce genre de service, et plus si affinités.