Depuis quelque temps déjà, un vent chaud souffle depuis la Pologne, et ce, directement sur nos trognes de bassistes.
Certains d’entre vous connaissent déjà les produits typiques de ces régions slaves : des basses Mayones aux amplis Taurus, le pays affiche de belles ventes au-delà de son territoire. Car même si elles ne sont pas légion, les marques polonaises s’exportent toujours mieux que les nôtres. Wojtek Pilichowski n’est pas une basse, ni un ampli polonais, mais il s’exporte aussi pour se faire endorser. Et c’est la marque anglaise Ashdown qui s’y colle, avec la tête PiBass, que nous associerons à une enceinte en 12 pouces : la Mi12.
Un stack de 240 watts, pour moins de 800 € et un poids total ne dépassant pas 19 kilos. On pourra facilement comprendre ceux qui intrigués, m’ont demandé de tester la chose pour eux.
Des cendres de Trace Elliot
Quand un consortium achète une marque d’instrument ou d’amplis, il est généralement constaté que les choses viennent à drastiquement changer pour cette dernière. Et quand en 1992, Kaman se paye la marque anglaise Trace Elliot, son personnel ne tarde pas à en payer les frais. C’est le cas de Mark Gooday, un ingénieur officiant chez Trace en tant que manager et qui sera remercié en 1997 durant une réduction du personnel. Comme Mark a les épaules d’un entrepreneur, il décide de rebondir la même année et réalise un rêve tenu au secret jusque-là : créer sa propre marque.
Ashdown Engineering est alors fondée. Mark a décidé de baptiser l’entreprise du nom de jeune fille de sa femme et il prend le parti de créer des amplis haut de gamme, soudés à la main au Royaume-Uni, comme l’étaient les Trace Elliot durant la grande époque. La marque grossit, décide de s’intéresser aux nouvelles technologies et se retrouve première sur le créneau de la Classe D, avec la fameuse Superfly.
Puis, Ashdown se penche sur le marché de l’entrée de gamme et fait sous-traiter la production en Asie, afin d’attirer une nouvelle clientèle sur des produits plus accessibles. Aujourd’hui, la compagnie qui a vendu plus d’un million d’amplis aux bassistes propose des systèmes miniaturisés à prix réduit, c’est le cas de la PiBass et de la MiBass.
Low Cost
La clientèle est clairement ciblée pour ce produit, son prix accessible étant un argument de vente défendu par la marque et imposé par Wojtek Pilichowski. Le bassiste, qui est aussi professeur, tenait à ce que le tarif puisse intéresser les débutants. Ce stack comprend une tête d’ampli de classe D, au petit format (8×31×22cm) et au poids plume (3,5 kilos pour 240 watts) et un caisson équipé d’un 12 pouces et son tweeter (non réglable et constamment actif), aux dimensions réduites (54×39×36cm), pour 16 kilos à la pesée. Voilà de quoi soulager quelques dos, fourbus par la pratique de notre art.
La PiBass est équipée d’un égaliseur semi-paramétrique débrayable, d’un switch actif passif, d’un boost pour les aigus et ses connectiques comprennent une entrée jack, une sortie casque, une DI et une seule sortie pour enceinte (au format Speakon). Son tableau de bord ne comprendra pas le classique vu-mètre qui siège généralement sur la façade des amplis Ashdown. On pourra néanmoins profiter d’une LED bleu éclairant par jeu de transparence l’emblème de Wojtek (le symbole π) et témoignant simplement de la mise en marche de l’ampli.
La PiBass et la Mi12 sont toutes deux fabriquées en République Populaire de Chine.
Bien fourni, mal fini
Je ne suis généralement pas le dernier à défendre la démocratisation des prix et à constater que les débutants d’aujourd’hui sont, de manière générale, mieux servis que celui que je le fus à son époque (on avait la télé en couleur, mais pas de portables, c’est juste pour vous situer…). Et il est évident qu’à moins de 800 € pour un stack de 240 watts, l’irréprochable n’est pas forcément de mise. Mais le déballage de la tête a fait apparaître quelques déceptions tant sur sa finition, que sur la qualité de certains composants qui l’équipent. J’ai pu constater à cet effet que les vis du châssis de la PiBass étaient mal serrées et légèrement enfoncées de travers. Est-elle passée par un service technique avant de tomber entre mes mains ? On peut gager que la chose est possible.
Mais j’ai par la suite remarqué que les switchs étaient légèrement tordus (voir photos), que leur action générait du bruit (essentiellement le Bright et l’embrayage de l’EQ) et pour finir, durant leur manipulation, que les bandes de l’égaliseur présentaient une fragilité assez évidente. De son côté, l’enceinte s’en sort mieux : la pose du tolex n’est pas forcément d’une précision impériale, mais il n’y a pas de quoi se fâcher. Si les ouvriers qui assemblent ce matériel et notamment, ceux qui sont en charge de fixer la grille pouvaient juste apprendre à visser droit, cela ne serait pas forcément plus mal. Voilà pour le constat.
Pour les débutants ?
Si le prix peut certes ravir les plus novices, souvent moins fortunés ou plus frileux à la dépense que les bassistes plus confirmés, je doute que l’emploi d’un égaliseur semi-paramétrique soit tout à fait pertinent pour un néophyte. Obtenir un son d’un égaliseur simple relevant d’un certain apprentissage, faire de même sur ce système, demande une réelle expérience sur le terrain. Car si un égaliseur semi-paramétrique permet des ajustements bien plus fins et précis, il est tout aussi susceptible d’embrouiller l’utilisateur.
Est-ce qu’un débutant a vraiment besoin de cela ?
Aristote aura beau parler, en nous racontant que celui qui peut le plus peut le moins… Je serai plus enclin à dire que tout ce qui est superflu ne profitera pas au débutant. Pourtant je vous l’avoue volontiers, je n’ai rien d’un philosophe grec, mais aux dernières nouvelles, Aristote n’était pas bassiste non plus !
Et puis il faudra préciser que les trois potards permettant de balayer les fréquences ne se limitent pas qu’aux bandes des médiums. Ils affectent aussi le spectre de la bande grave et celui de l’aiguë. Imaginez donc à quel point l’ajustement du signal devient une épreuve de précision. À chaque fois qu’on touche au semi-paramétrique, il faut réajuster les bandes extrêmes et à chaque fois que l’on touche à une bande, l’inverse s’impose. Je prédis que pas mal de novices vont se sentir un peu décontenancés par la PiBass et ses réglages poussifs. Malgré mes vingt ans de basse, je me suis moi-même senti un peu perdu.
Et Pi basta
C’est parti pour une courte séance d’écoute, cette fois j’ai vraiment galéré pour tailler des sons, alors je ne vous présenterai que cinq extraits, bien emballés dans mes excuses. J’utilise toujours ma vieille JB Standard et un Beyerdynamics pour les prises, le tout mixé avec la DI dans une interface UR22 de Steinberg.
Premier constat au branchement, la DI souffle un peu, j’ai donc pris le temps de bien placer le micro pour pouvoir baisser le volume du XLR dans le mix.
Second constat, l’ampli avec ou sans DI branchée fait pas mal de bruit, notamment le souffle du Tweeter qui, quand on joue seul, fini par bien prendre la tête et les oreilles qui l’entourent. Il serait donc satisfaisant de pouvoir à l’avenir condamner ce piezo, un simple volume ou au minimum un interrupteur à l’arrière de l’enceinte.
Je ne remettrai pas en question la polyvalence de ce système, pour l’avoir testé, j’ai pu obtenir la rondeur d’un Bassman, les jolis médiums d’un AMPEG et la dynamique d’un SWR. Mais que de travail pour le faire ! J’avais pourtant pris le parti de chercher des signatures sonores assez simples, mais cet égaliseur est réellement tatillon pour moi qui ai plus l’habitude des valeurs simples. Je sais pourtant régler un semi-paramétrique, j’ai eu à le faire maintes fois même si mon matériel personnel en est dépourvu. Mais ces trois potards m’ont donné bien du fil à retordre, je ne pourrais pas m’imaginer sur scène avec un tel système à gérer.
Le premier extrait est une prise avec l’égaliseur débrayé, juste pour vous donner quelques repères. Sur le second, j’ai répété la même ligne en employant l’égaliseur sans le paramétrique. Pour la troisième prise, qui consiste en un petit groove chaloupé, j’ai cherché un son rond, mais quand même précis. Cette fois le semi-paramétrique fut de la partie comme sur tous les extraits qui suivront. Un peu de médiator sur le quatrième (je n’ai pas pu faire mordre le gain comme je le voulais) et enfin du slap.
Je dois reconnaître que pour le prix de ce stack, les sons qu’il délivre sont vraiment variés. Il est possible de modeler le signal pour qui prendra le temps de le faire et d’aboutir à un grain de qualité. Mais il faudra pour cela passer par des étapes d’ajustement que je trouve personnellement laborieuses. On aurait peut-être pu faire presque aussi efficace en restant simple, je l’espère en tout cas pour la prochaine version de la PiBass, s’il en est.
- EQ 0 Flat 00:18
- EQ 1 doigts sans Para 00:18
- EQ 2 doigts avec para 00:25
- EQ 3 mediator avec para 00:33
- SLAP 00:25
Peut mieux faire
Si pour quelques dizaines d’Euros de plus, la marque pouvait proposer un produit mieux fini et peut être plus simple à l’emploi, je serais le premier à le conseiller à un débutant. Pour ce premier jet, dans le Low cost à faible encombrement, Ashdown peut et doit mieux faire pour faire face à une concurrence qui a bien pris les devants sur le secteur. La puissance, le format réduit et le prix attractif sont bien là, il reste néanmoins des efforts à fournir quant à la qualité de fabrication de la PiBass et de ses composants. À suivre.