Après le test de la Schecter Ultra, publié au beau milieu de l’été, voici celui d’une petite nouvelle de la marque.
Venue tout droit de Corée du Sud (Lire la bio schecter dans le test précédent), la Diamond P custom IV donne sa version de la Precision Bass, avec deux micros doubles s’il vous plaît. Après s’être risqué sur le bizarre, nous allons donc apprécier le “tout-venant” du catalogue de cette compagnie.
Grand classique
Beaucoup de fabricants reprennent l’œuvre de Léo Fender au sein de leur catalogue. Bon nombre de copies de JazzBass et de Precision Bass, sur le marché contemporain, peuvent en témoigner. Je ne chercherai pas à justifier ce fait avéré, les classiques sont ce qu’ils sont. Il serait un peu déplacé de reprocher aux fabricants de violons d’aujourd’hui, comme d’hier, d’être et d’avoir été, de vulgaires faussaires de l’œuvre de Giovan Giacobo della Corna ou de Zanetto Micheli. J’éviterai donc la parallèle sur le marché qui nous concerne. Le génie se partage dans l’art, comme dans ses manufactures. Ce qui intéresse les gens comme moi, musiciens passionnés par leur outil de création, sont les degrés de lecture de ce qui fait un standard de la guitare basse. Car en soit, les concepteurs qui usent de cet emprunt se permettent assidûment une petite touche personnelle : un petit coup de ciseau, une fantaisie magnétique, un je-ne-sais-quoi qui tente à faire la différence avec l’icône d’origine. Pourquoi ? Parce que le génie s’interprète. Parfois avec brio, parfois comme on peut.
Alors qu’en est-il de cette Diamond P, qui comme son initiale l’indique, rentre pleinement dans cette catégorie ? De prime abord, la marque n’invente rien et mélange tout. Rien de péjoratif en soit, puisqu’une bonne synthèse vaut mieux qu’une piètre invention ! Mais il est important de dire les choses telles qu’elles sont : La Diamond P emprunte le manche comme le corps d’une Precision standard. Tandis que sa configuration de micros reproduit celle de l’ancienne Precision Deluxe US (équipée d’un pavé double JazzBass conçu à l’origine pour la Roscoe Beck Signature). C’est justement la présence de ce type d’humbucker en aigu qui m’a donné envie de tester cette quatre cordes. Puisqu’il équipe la Precision sur laquelle je joue depuis 11 ans. J’aime ce micro, sa pertinence dans mon signal et l’assise qu’il offre quand je joue aux doigts. Je suis donc curieux de revoir cette solution (double Precision et double JazzBass) à moindre coût et pourquoi pas chez un autre fabricant.
Fender avait déjà fait la moitié du chemin avec la Big Block mexicaine, en posant ce double en position médiane. Mais il manquait l’équivalant dans les graves. Avec du double au nord comme au sud, la configuration de la Diamond P devrait donner le change.
Le manche fixé par quatre vis, propose des mensurations à peu près égales au standard : 42 mm au sillet, 57 mm à la douzième case pour un diapason de 34 pouces. Même longueur et même largeur de touche ; un profil moderne en C et une case de plus (soit vingt et une frettes) que sur la PB Standard américaine. Facile à jouer, sans être tout à fait confortable pour les petites paluches, il est surmonté d’une touche en palissandre indien. Son sillet blanc a tout du synthétique, ce qui rime avec plastique et n’a rien de fantastique. Bien au contraire.
La basse a beau être neuve ; on aperçoit déjà, sous le passage de la corde de sol, quelques rognures blanches caractéristiques d’une matière trop molle. Un premier mauvais point, vous en conviendrez certainement. Les mécaniques sont de solides Grovers, aussi rassurantes que traditionnelles sur ce type d’instrument.
Le corps en aulne est ici d’un noir uni, avec un vernis brillant en guise de finition. Il se propose aussi en blanc (Vintage White) et en bleu métallisé (Dark Metalic Blue). Black is beautifull, mais attention aux traces de doigts, surtout quand on mange gras, ça ne pardonne pas ! Une plaque de protection de couleur unie vient surplomber la table. Le bloc chevalet-cordier assure un double montage de cordes : il laisse le choix entre passage traversant et montage sur la table. On favorisera donc le sustain ou l’attaque en fonction de ses envies et besoins. La qualité de ce dernier est irréprochable, il est massif, bien usiné et m’a l’air meilleur que ce qui est monté sur les standards US originaux. Les cordes d’origine sont des D’addario de tirant moyen, probablement du 45–105.
Une électronique passive commande les deux micros, constituée de deux volumes et d’une tonalité. Ce dernier potard embarque un système push-pull qui permet de passer le micro aigu en simple bobinage. Les micros sont présentés comme étant de la marque Schecter : un double Precision et un double JazzBass à aimants céramiques. De manière générale, la finition de ce modèle semble correcte.
Le test sera réalisé avec la basse directement branchée dans mon interface Novation. Je vous prie de bien vouloir excuser mon jeu un peu tremblant, je me suis foulé le poignet durant les fêtes. Peut-être à force de lever le coude…
Passive, mais pas lascive
Avec du double, on s’attend à un résultat assez massif. C’est effectivement le cas, la basse est puissante sans emprunter le raccourci d’un préampli embarqué. Mais parlons un peu de l’ergonomie générale, cela prendra très peu de temps, à peine une phrase : c’est une Precision Bass. Voilà, cela résume assez facilement la chose, que l’on soit debout ou assis.
Retour maintenant au chapitre du son, que j’exposerai en six exemples, profitant de ce qui s’offre à moi en matière de configurations magnétiques. Chose appréciable sur cette basse passive à trois contrôles : Il y a largement de quoi faire, entre le double bien gras des graves et celui placé dans les aigus. Et il est fort agréable de rester sur un grain passif, qui permet un signal à la fois sobre et naturel. La seconde chose appréciable ici, surtout pour les bassistes qui passent du temps en studio derrière une table de mixage, concerne le bon isolement de ce système passif. Les deux humbuckers remplissent parfaitement leur office sur ce point, ô combien important pour un musicien et l’ingénieur du son qui s’active dans son ombre.
De manière générale, j’en attendais un peu plus des micros employés : ils ont du gain, mais manquent un peu de caractère. Aux aimants céramiques, j’aurai certainement préféré l’Alnico. Une question de goûts et de couleurs, vous connaissez le refrain. Et puis il faut avouer que de nombreux concepteurs de micros savent user de cet alliage magnétique, même si je suis peu enclin à l’apprécier. Cependant, à l’écoute de ce que j’ai enregistré, l’impitoyable et subjectif testeur que je suis doit reconnaître que le grain n’est pas dénué de pertinence.
Le rendu du micro Precision est convaincant, en haut et en bas de sa tonalité. Assez profond dans les graves et élevé dans les médiums, il sera l’allié fidèle du gros son standard. Le micro aigu est tout à fait complémentaire et ouvre la voie vers des ambiances plurielles. La possibilité de passer en simple bobinage souligne cette polyvalence, il suffit de tirer sur le potard de tonalité pour changer la donne. On passe alors d’un son plein à un grain plus brillant, assez proche d’un micro JazzBass. Ce complément permettra de jouer sur la configuration établie, qui associe le micro Precision à son homologue en simple.
La couleur du micro aigu affiche une bonne tendance pour les bas médiums ; assez mordant dans ses intentions, il manque un peu de brillance quand on l’emploie en double bobinage. Cette carence se corrige quand on le passe en simple, ce qui en soi reste une bonne alternative. Mais ce recours porte un léger préjudice au corps et à la puissance du son, il faudra donc trancher. Je trouve ce micro très intéressant dans sa catégorie, il est presque aussi incisif qu’un pavé Music Man et demeure bien plus souple que ce dernier.
Pour cet enregistrement, j’ai un petit peu peiné à accentuer le jeu, cette basse présentant des pics sonores (on peut parler de saturation) à certains endroits du manche. Les micros étant réglés un poil trop haut. Je ne suis pas spécialement bourru de la main droite, je n’en apprécie pas moins de pouvoir laisser mon jeu s’exprimer avec aisance. J’ai donc usé d’un tournevis pour résoudre la chose. Je suis presque arrivé à mes fins, sans parvenir à condamner tout à fait le mal. Je préconiserai donc de passer sur un jeu de cordes plus costaud et de changer les vis des micros, pour pouvoir les enfoncer un peu plus sans fausser leurs têtes. Elles sont un peu longues à mon goût.
Cet essai aboutit sur un constat assez positif. La Diamond P Custom IV, profite d’une réalisation correcte et d’une palette sonore variée. Le grain est efficace, dans bien des domaines, sans toutefois m’emballer. Du fait d’un manque certain de tempérament que j’avais (peut-être trop) espéré. Il faut croire qu’avec le temps, je deviens difficile.
- Micro grave, tonalite milieu00:28
- Micro aigu, tonalite milieu00:34
- Micro aigu, tonalite milieu, switch simple00:34
- Slap, 2 micros, tonalite max00:22
- Slap, 2 micros, tonalite max, switch simple00:22
- Mediator, 2 micros, tonalite max00:26
La douloureuse
Néanmoins, j’aurais du mal à relativiser mon jugement sur le tarif de cet instrument (930€, prix public conseillé). Clairement prohibitive à mes yeux, l’addition est lourde pour cette passive au manche vissé, fabriquée en Corée et vendue en carton. Encore une fois je n’ai rien contre les productions d’Incheon, on y travaille bien. Mais un prix se justifie, au regard du client et surtout vis-à-vis de la concurrence. C’est dommage, à quelques centaines d’euros près, cette Schecter deviendrait vraiment intéressante pour un large public.