Après les quelques généralités que nous avons abordées sur les liaisons audio lors de notre introduction, l'heure est venue de s'intéresser aux câbles dans leur détail, et en particulier aux câblages de modulation.
On nomme câblage de modulation tous les ‘bouts de fil’ qui seront utilisés pour ce qui se branche jusqu’à l’entrée dans l’amplificateur. Ce sera donc vrai de la guitare sur l’ampli, comme de la platine CD ou du micro connectés à la console. Comme nous l’avons exprimé plus haut, les tensions véhiculées seront de l’ordre de quelques millivolts à environ un volt. Entre le micro et le haut-parleur, nous parlerons de tension électronique. On considère que toute la tension est transmise quand l’impédance de charge est supérieure à 10 fois l’impédance de la source.
On parle de ‘niveau micro’, quelques millivolts (-60 à –40 dBv), de niveau ‘instrument’ principalement pour la guitare électrique, quelques dizaines à quelques centaines de millivolts, et de niveau ‘ligne’, entre –10 dBv (-7,8 dBu = 316 mV) et + 4dBu (1,23V).
Figure 1 : Entre le Professionnel et le grand public, les choix techniques sont différents :
- la transmission asymétrique au niveau –10 dBV, utilisée en Hi-Fi ou en musique sur de très courtes distances.
- la transmission symétrique au niveau +4 dBu, utilisée pour les installations professionnelles sur de courtes et moyennes distances.
Le blindage
De si faibles tensions sont susceptibles d’être perturbées par toutes sortes d’interférences radioélectriques, que ce soit le néon situé au dessus de la régie, l’écran cathodique de l’ordinateur, un transformateur (y compris ‘l’alim’ séparée du rack d’effets…), jusqu’au téléphone portable. Ces radiations à proximité de nos câbles vont y perturber la circulation des courants et risquent d’induire des bruits indésirables : ‘ronflettes’, distorsions… Afin de limiter ces effets, on utilisera un blindage qui isolera le ou les conducteurs actifs, en ajoutant une ‘couche’ isolante supplémentaire qui absorbera la plus importante partie des rayonnements électromagnétiques. Un câble mono-conducteur entouré ainsi d’un blindage est nommé coaxial. C’est celui que l’on trouvera en général entre la guitare électrique et son amplificateur. Dans le câble de la guitare où l’on dispose d’un seul conducteur ‘actif’, le blindage véhicule aussi un courant, en retour. Cela veut dire qu’en tout point du câble, le conducteur actif est à la même distance du blindage, ce qui réduit les effets capacitifs dont nous avons parlé plus haut. Un câble de ce type est défini comme ‘asymétrique’ (unbalanced, en anglais). Le blindage peut être un enroulement de fil de cuivre autour du conducteur actif, une tresse ‘tricotée’ autour de ce même conducteur, ou un ‘feuillard’, simple film de cuivre qu’on trouve parfois dans un multipaire de câblage fixe.Le blindage a toutefois ses limites. Un rayonnement électromagnétique un peu intense pourra quand même perturber le signal actif. Par ailleurs, la distance entre les deux points de connexion a également une incidence, dans la mesure où les risques de perturbations sont plus importants sur un câble de 25 mètres que sur un ‘petit’ raccord de quelques dizaines de centimètres. Si l’on utilise un micro par exemple, la tension véhiculée par le câble sera de l’ordre de quelques millivolts : en sonorisation, on ne peut risquer, sur une grande distance comme celle entre la console et la scène, de voir apparaître des parasites que le blindage seul n’aurait pas réussi à atténuer. On va alors utiliser un câble disposant de deux conducteurs actifs et d’un blindage. On parlera alors de câblage symétrique (balanced, en anglais). Le blindage se comportera électriquement comme dans le cas du câblage asymétrique, et les deux conducteurs véhiculeront le même signal, opposés en phase. Ils seront, comme précédemment, entourés par le blindage. On partira du principe que si un rayonnement affecte un câble actif, sa proximité avec le second fera que ce dernier sera sans doute aussi affecté. Lorsque l’on ‘récupère’ un signal de ce type, dans l’entrée d’une console par exemple, on inverse la phase de l’un des conducteurs, et on le mélange au second, ce qui permet par ailleurs, un gain de 6dB. Cela fait aussi que le parasite sur l’un, identique à l’autre est maintenant en opposition de phase, il sera ainsi éliminé…
Le choix ‘qualitatif’ d’une liaison devrait donc systématiquement privilégier la symétrisation, mais le coût engagé n’est pas neutre : on utilise un câble avec un conducteur de cuivre supplémentaire, et le prix de cette matière première n’est pas négligeable. Par ailleurs, il faudra bien entendu utiliser des connecteurs spécifiques qui ont toutes les chances d’être également plus chers… Les ‘habitudes’ usuelles font donc préférer l’utilisation de câbles asymétriques pour des longueurs inférieures à 3 à 5 mètres, et des liaisons symétriques au delà de ces longueurs. Les câbles multipaires analogiques utilisés très fréquemment en spectacle utilisent donc systématiquement des liaisons symétriques et donc, des connecteurs appropriés. Dans ce cas, si les connectiques présentes sur les appareils tiennent souvent compte de la typologie de leur utilisation, il est tout de même des cas où il faut faire quelques travaux d’adaptation : un synthé dispose en général de sorties audio asymétriques en jack. Si l’on veut l’utiliser sur scène, on va chercher à le connecter au multipaire, et on ne trouvera sur ce dernier, que des embases XLR… Il faut donc trouver une solution qui ne perturbe pas la nature de la liaison symétrique, comme pourrait le faire par exemple, un simple adaptateur jack/XLR : c’est le rôle de la boîte de direct.
La boîte de direct
Problèmes de masse
La boucle de masse fait également partie des « bêtes noires » du technicien du son. En fait, on devrait d’avantage parler, à l’origine, de boucle de terre. Si plusieurs équipements sont reliés à la même terre, ce qui est de toute évidence, le cas dans une régie, et qu’un rayonnement électromagnétique « se balade » au milieu de tout ces équipements, peut se créer un courant induit qui va remonter, via la terre, à la masse électronique des appareils, qui est souvent reliée au châssis. La création d’un potentiel sur la masse a toutes les chances (si l’on peut dire !) de générer une superbe « ronflette »…
Quelle est la solution pour éviter ça ? Evidemment, tenter de supprimer la boucle! NON! Vous N’AVEZ PAS LE DROIT de ne pas connecter à la terre un appareil qui doit l’être. En clair, tous ceux qui sont livrés en France, avec une fiche CEE 7/7 type E (nommée parfois « schuko »).
Plusieurs solutions existent : la première consiste à donner une résistance élevée au blindage, en intercalant entre la tresse de masse une résistance de 1000 Ohms minimum.. Pas très pratique à mettre en œuvre, dans l’urgence d’un montage… La seconde, beaucoup plus « pro » mais forcément plus chère, est d’utiliser une boîte de direct. Les équipements de Classe II en fiche à 2 broches, sans terre et affichant le pictogramme ne sont en principe, pas concernés.
Lorsque l’on utilise un synthé sur scène et que l’on souhaite le relier à la console au travers d’un multipaire connecté sur les entrées micro de la console, on se heurte à un problème « physique » : notre synthé « sort » en jack, le multipaire est en XLR… La première idée qui vient aux McGivers que sont (presque) tous les musiciens, est de confectionner un adaptateur jack/XLR…. Sur le principe, rien à redire, si ce n’est que l’on va se trouver devant un problème d’adaptation d’impédance difficile à résoudre…
Figure 2 : le schéma de principe d’une boîte de direct.Il existe une solution « facile », consistant à utiliser un petit boiter qui d’une part, va symétriser le signal et d’autre part, réalisera précisément cette adaptation d’impédance. Autre exemple d’utilisation, l’utilisation d’une guitare électrique, directement sur la console : irréalisable, car que ce soit sur l’entrée ligne ou sur l’entrée micro de cette dernière, on aura là aussi, des impédances inadaptables… Une boîte de direct se présente toujours de la même manière : une entrée asymétrique haute impédance, un étage électronique ou un transfo qui assure la symétrisation et une sortie symétrique basse impédance, précédée d’un atténuateur.
On trouve dans le commerce des boîtes de direct « actives » et d’autres dites « passives ». Les boîtes passives font appel à un transformateur. Cette méthode permet une isolation totale entre l’entrée et la sortie, ce qui facilite l’élimination d’une possible boucle de masse, mais elle cause une atténuation importante, que l’on compense avec le gain d’entrée de la tranche. Aucune tension d’alimentation n’est nécessaire. Les boîtes de direct actives utilisent un circuit électronique. Ce dispositif ne permet pas une isolation totale, et peut dans certains cas être inefficace contre les problèmes de boucle de masse. Une alimentation est requise. Soit elle est intégrée dans le boîtier lui-même (pile 9V), soit elle provient d’une alimentation extérieure fournie par exemple par l’entrée micro d’une console (alimentation fantôme). Les deux technologies ont chacune leurs avantages et inconvénients. Compte tenu des composants utilisés, une boîte active sera moins chère qu’une boîte passive.
Précisons pour finir qu’une boite de direct peut présenter les fonctionnalités additionnelles suivantes :
- « parallel out » ou « link out » : sortie asymétrique directement reliée à l’entrée utilisable par le musicien pour relier son instrument à son ampli individuel tout en « envoyant » en symétrique le signal vers la console.
- Atténuateur sur l’entrée (-10dB, –20dB).
- Commutateur « EarthLift », permettant d’activer ou non la masse électrique de la liaison audio, pour limiter les cas de bouclage de masse dans certaines configurations.
- Inverseur de phase.
A suivre : les types de connecteurs