Avec la NRV10, M-Audio s'attaque au Graal du tout-en-un à même de satisfaire, sans le ruiner, l'utilisateur à la recherche d'une solution informatique ET d'une console de mixage.
Pari réussi ?
Bien connu pour ses interfaces audio de milieu de gamme, M-Audio nous propose aujourd’hui un produit inhabituel pour la marque : en effet, dans la veine des Alesis Multimix FW et autres Phonic HelixBoard FW, la NRV10 se pose comme un tout-en-un combinant table de mixage et interface audionumérique. Basée sur le mariage d’une console analogique 8*2 et d’une interface audio FireWire 10*10, la belle a pour ambition d’être le couteau suisse du musicien souhaitant utiliser une même configuration dans plusieurs activités : mix Live, enregistrement nomade ou en Home studio. Reste à voir si elle est à la hauteur de si louables ambitions.
Y’a tout dans le paquet
La NRV10 est livrée avec tous les accessoires nécessaires dont plusieurs câbles d’alimentation pour différentes normes (US, Angleterre, Japon et Europe) et 2 câbles FireWire (l’un au format 6 broches et l’autre en 4 broches, utilisé sur de nombreux ordinateurs portables). Côté logiciel, le bundle se compose d’une version démo de Pro-Tools M-powered 7.3 et du logiciel InterFX de la société Audifex dont je parlerai plus loin. Un ensemble complet auquel ne manque, hélas, que les supports de mise en rack qui restent en option…
La console est d’une qualité de construction très correcte. Le châssis métallique et la qualité des connecteurs inspirent confiance, et seuls les potards dont la course est un peu trop souple suscitent quelques doutes sur la tenue dans le temps.
Côté fonctionnalités, la partie table de mixage propose 8 canaux, soit 4 canaux mono avec préamplis micros, un stéréo, et un canal mixte pouvant être mono (microphone) ou stéréo (ligne). On regrettera tout de suite le manque d’au moins une entrée Instrument haute impédance qui aurait permis d’enregistrer une basse ou une guitare acoustique en direct ! Un oubli assez incroyable au vu des nombreuses tables d’entrée de gamme disposant de telles entrées.
Sur la tranche
Chaque tranche dispose d’un fader de 45mm, d’un égaliseur 3 bandes, des départs vers les 2 sorties auxiliaires et vers le multi-effet embarqué de la table, d’un insert et des entrées lignes (jack 6.35mm) / microphone (XLR) commutables via un bouton dédié. Chaque canal peut être dirigé soit vers les sorties principales, soit sur un bus de préécoute, façon « DJ », qui alimente uniquement la sortie casque, ce qui est très pratique pour vérifier un signal avant de router vers la Sono. Rien que du très classique et efficace, donc.
L’intégration avec la partie interface audio se fait au niveau de chaque canal. Un bouton nommé « FW » permet de sélectionner la source audio de chaque canal. Prenons l’exemple du canal 1. Lorsque le bouton est en position haute, il reçoit les signaux analogiques en provenance des entrées Micro ou ligne. En position basse, il reçoit le signal en provenance du canal 1 venant de votre PC via le Firewire. C’est donc 4 pistes mono et 2 pistes stéréo (ou 5 pistes mono et 1 stéréo) en provenance d’un ordinateur que l’on peut mixer directement sur la table. L’intérêt de la chose vient aussi du panachage, notamment pour le live. On peut ainsi mixer des pistes analogiques telles que guitare, basse ou voix, avec des pistes d’instruments virtuels ou de séquences en provenance d’un ordinateur. Très bien pensé !
La voie de son maître
Sur la partie Master, il est intéressant de noter que les signaux Main out, Control room et casque possèdent chacun leur réglage de niveau indépendant. Dans cette section se trouve aussi les contrôles de gain vers les départs auxiliaires externes et le multi-effet. On trouvera enfin en section master les différents contrôles de routing. Un switch permet de placer les égaliseurs avant ou après la conversion en numérique et la redirection vers les canaux Firewire. L’intérêt est de permettre de gérer différentes situations d’enregistrement.
En studio par exemple, on peut vouloir enregistrer une piste égalisée directement sur la console, car l’égalisation sera pensée pour un enregistrement. A contrario, lorsqu’on veut enregistrer un concert, l’égalisation sera pensée avant tout pour avoir un son correct dans la salle, ce qui peut impliquer des égalisations drastiques pour corriger un larsen ou un défaut dans l’acoustique du lieu. Dans ce cas précis, il vaut bien mieux mettre les EQ post conversion afin de récupérer un signal non égalisé dans l’ordinateur, quitte à le traiter ensuite avec des plug-ins.
Toujours sur la partie Master, on trouve le potard permettant de gérer le niveau des flux Firewire 9 et 10 dans la sortie Control Room. Ces flux étant généralement associés aux sorties « mix » de votre séquenceur. Ces 2 flux sont aussi disponibles sur la sortie casque, qui peut, elle-aussi, être routée de différentes façons. Un bouton permet d’en sélectionner la source : le mixage principal (Main Mix), le bus de préécoute ou la sortie « Monitor ».
Le multi-effet embarqué propose 16 programmes ainsi que 16 variations par programme. Sa programmation est assez basique : un potard cranté permet de régler le type d’effet souhaité (Reverb, Dely, Chorus, Flanger, etc.). Un second nommé « variation » et gradué de 1 à 16 permet de faire varier l’un des paramètres de chaque effet. Le manuel est très succinct quant à ces derniers, on ne peut y lire aucun détail. A l’usage, on s’aperçoit toutefois que plus on monte dans les variations et plus l’effet est prononcé.
Quant à la face arrière, elle propose les sorties Master et Control Room, un insert pour le master et le bouton d’activation de l’alimentation fantôme, malheureusement commun à toutes les pistes, ainsi que les 2 connecteurs FireWire 6 broches.
Cerise sur le gâteau
Cette cerise se présente sous la forme d’un add-on logiciel inattendu : InterFX. En effet, M-audio, en partenariat avec Audifex, ajoute à l’arsenal de la NRV un logiciel hôte de plug-ins VST complètement dédié. Ce dernier permet d’appliquer des effets VST sur les pistes analogiques de la console, et propose pour chaque piste un compresseur, un gate et 2 blocs d’inserts pouvant accueillir non seulement les plugs audifex, mais aussi n’importe quel effet au format VST.
Relativement peu gourmand en ressources, ce logiciel dédié fonctionne en totale intégration avec la NRV10. Il suffit de lancer InterFX, de router un canal de la table vers le flux FireWire correspondant, et on récupérera sur le master le flux traité par InterFX. 2 points sont toutefois à considérer dans cette utilisation :
- Le signal étant traité par l’ordinateur, on fait face à la latence inhérente aux systèmes informatiques. Il conviendra donc de régler une taille assez basse du buffer ASIO afin de minimiser cette latence.
- InterFX utilisant le driver ASIO de la NRV10 et celui-ci n’étant pas multi-client, il est impossible d’utiliser un séquenceur comme Cubase ou Sonar en même temps qu’InterFX.
A l’usage
A l’utilisation la NRV10 est vraiment bien pensée. On s’aperçoit très vite que quelle que soit la situation (enregistrement studio, petite sonorisation ou enregistrement live), elle possède toutes les configurations nécessaires pour s’adapter. Le jeu en live mélangeant instruments repris en analogique et instruments virtuels venant d’un PC portables se fait très simplement.Router un retour casque autonome en provenance d’un séquenceur (Cubase pour mon essai) sur les sorties auxiliaires de la console se fait en quelques opérations : assignation du mix vers les sorties 7 et 8 de la console dans Cubase, puis alimentation du bus auxiliaire via le potard dédié sur la tranche. Simple et bien pensé !
L’intégration informatique fonctionne elle-aussi très bien et je n’ai eu aucun souci lors de l’installation du driver M-audio qui est standard sur toutes interfaces Firewire de la marque et propose des Vu-mètres des entrées et sorties, ainsi que des réglages basiques : fréquence d’échantillonnage et taille du buffer ASIO/WDM. Dans votre logiciel audio fétiche, vous récupérerez ainsi les 10 entrées et les 10 sorties en provenance de la NRV10.
Et sinon, ça sonne ?
Côté audio, les préamplis sont issus de l’Octane, octo-preamp de référence de la marque. En enregistrement, on regrettera surtout le manque de gain de ces préamplis. Utilisés avec un AKG C414 pour l’extrait proposé avec ce test, il a fallu les pousser dans leurs retranchements pour que la guitare et la voix aient un niveau suffisant pour être enregistrés.
Fort heureusement, ces préamplis sont silencieux même à haut niveau, et de bonne facture. Ils sont donc largement utilisables dans 99% des cas. Faites toutefois attention si vous utilisez des micros nécessitant beaucoup de gain, comme des micros à ruban : la NRV10 pourrait tomber un peu à court…
L’égalisation sonne elle-aussi très correctement. Bien que trop succincte (seulement 3 bandes) et sans réelle couleur sonore pour du vrai mix studio « Out of the box », elle sera largement suffisante pour la sonorisation live.
Toujours dans une utilisation live, le multi-effet embarqué est quant à lui vraiment « utilitaire ». Si les effets ne sont pas de mauvaise qualité, le peu de réglages possibles les réserve là encore à une utilisation en sono plutôt qu’en enregistrement studio.
Exemple audio mp3 : Chanson calme pour console NRV (Version WAV)
Matos utilisé : Guitare Martin D35, Micro C414, et Los Teignos en exclu au chant (Les paroles sont de Jean-Louis Chautard et Gérard Grandjean sur une musique de Pierre Bénichou et Marie Grospierre)Conclusion
La NRV10 parvient-elle à être une solution « tout terrain » pour musicien / home studiste itinérant ? Pour moi la réponse est un oui sans vraiment de réserves. Le routing est archicomplet et bien conçu pour tout type d’utilisation, Home-studio ou concert. De plus, l’intégration entre la table de mixage et la partie interface audio tombe vraiment sous le sens et permet toutes sortes de configurations pour l’enregistrement, le mix, le live.En vis-à-vis de ça, les reproches que l’on peut faire à la NRV10 sont peu nombreux : certes, les préamplis n’ont ni une grosse réserve de gain ni énormément de caractère, mais ils sont largement suffisants pour une utilisation home-studiste et live. On pourrait aussi regretter que l’interface audio ne propose ni sorties numériques et ni connectique MIDI. Mais au regard du prix généralement constaté de 600 €, on est tout de même pas loin du sans-faute.