Vous avez fait le tour de vos 6 cordes et de votre multi-effet et cherchez un moyen d'approcher différement votre instrument ? Alors vous feriez bien de considérer le cas de l'Axon AX-100, un convertisseur MIDI pour guitare qui vous ouvre grand les portes du numérique.
Quel guitariste, un tant soit peu en recherche d’aventures sonores inédites, n’a jamais rèvé de faire sortir de sa guitare un improbable son de synthé analogique, de piano électrique, ou même d’un steinway à queue ? Quel compositeur-guitariste ne s’est pas un jour retrouvé désarmé face à un clavier à touches blanches et noires, avec le riff de rhodes du siècle en tête, sans possibilités de le jouer lui-même ? Quel gratteux MAOiste ne s’est jamais senti envieux face à la pléthore d’instruments virtuels en tous genre mis à la disposition des claviéristes mais inaccessible aux spécialistes de la 6 cordes ?
En studio comme en live, un guitariste éclectique constate bien souvent que la guitare est un instrument à l’étendue sonore relativement limitée, par rapport à la variété des sons dont jouissent les joueurs de clavier. Bien sûr, les constructeurs d’effets en tous genres rivalisent d’imagination pour transformer notre son de guitare en un son « autre », généralement plus synthétique, mais on n’est jamais très loin du registre d’une guitare.
C’est à ces problématiques que se propose de répondre Terratec avec l’AX100 Guitar-to-midi Converter qui figure à son catalogue depuis le rachat de la société AXON.
Principes de fonctionnement
Le constat de départ servant de base à l’Axon (et de ses concurrents) est simple :L’immense majorité des modules sonores, expandeurs, plug-ins, et autres instruments accessibles par nos amis claviéristes, repose sur la norme MIDI et sont donc susceptibles d’être pilotés par un clavier maître MIDI. C’est exactement ce que propose l’Axon : transformer notre 6 cordes en un clavier maître permettant de contrôler n’importe quel module compatible MIDI !
Techniquement, le « cœur » de l’Axon est un système de détection très précis du « pitch » des notes jouées sur chaque corde de la guitare, afin de les transformer en instructions MIDI. Or, la chose n’a rien de simple à réaliser ! En effet, les premiers systèmes de guitare-MIDI étaient très limités dans leur usage à cause de la latence induite par les temps de calculs nécéssaires à la conversion, entre le moment où le guitariste joue la note et celui où le son sort du module de sons MIDI.
Face à ce problème, l’Axon s’appuie sur la technique des réseaux neuronaux (non ne me demandez pas de rentrer dans le détail – j’en suis incapable) sensée permettre à la machine « d’apprendre » la technique de jeu du guitariste pour réduire le temps d’analyse du pitch – et donc la latence. Nous verrons par la suite si cette haute technologie tiens toutes ses promesses !
Capteur hexaphonique
Si le jeu sur une gratte était uniquement monophonique, la sortie d’une guitare pourrait être directement raccordée à n’importe quel convertisseur MIDI, puisqu’une seule note à la fois serait jouée et convertie en note MIDI. D’ailleurs, l’Axon propose en face avant une entrée dédiée aux instruments monophoniques (basse par exemple).
Là où les choses se compliquent, c’est lorsque le jeu devient polyphonique. Dans la mesure où il s’opère des recouvrements de fréquence, Il est impossible de détecter les hauteurs de toutes les notes composant un accord via une seule et unique sortie audio – à savoir la sortie jack de notre guitare.
Afin d’ouvrir toutes grandes les portes de la conversion MIDI polyphonique aux guitaristes il est nécessaire que notre 6 cordes soit équipée d’un capteur Hexaphonique. Ce capteur a tout d’un micro magnétique classique, à ceci près qu’il permet de « capter » le son de chaque corde individuellement, et donc de détecter du pitch de chaque corde indépendamment au sein de l’Axon.
Plusieurs marques proposent des capteurs hexaphoniques : Terratec avec l’A1X120 ou Roland avec le tout nouveau GK-3A pour les plus connus. En pratique tous ces capteurs sont interchangeables et fonctionneront très bien avec l’Axon. Ils permettent en outre d’envoyer des signaux MIDI basiques (Changement de preset (+ et -) et volume), ce qui autorise une relative autonomie du guitariste sur scène
Installer un de ces capteurs est une entreprise qui n’a rien d’évident, dépendant de chaque guitare. Je ne saurais trop vous conseiller de le faire installer par un spécialiste, tant cette pose doit être précise et stable, sous peine de vous retrouver avec une baisse conséquente de l’efficacité dans la détection des notes…
D’un point de vue esthétique et pratique, il est vrai que la pose d’un capteur sur une guitare peut sembler vraiment gênante. Toutefois les derniers capteurs sortis se font de plus en plus petits et faciles à installer (et à retirer). De plus, certaines guitares sont équipées en série d’un capteur hexaphonique, notamment chez le fabricant canadien Godin. Celui-ci étant complètement intégré à la guitare, il est presque invisible, et très fiable.
Ce type de capteur nécessite une connectique bien particulière (une broche 13 pins), dont le câble est assez épais et peu maniable. Toutefois, ces capteurs permettent tous de reprendre la sortie Jack de la guitare (via un adaptateur reliant la sortie jack au capteur), afin de véhiculer le son « normal » des micros de la guitare par ce même câble 13 pins. A noter d’ailleurs que tous les modules de conversion MIDI (dont l’Axon) disposent d’une sortie permettant de renvoyer le signal « Jack » vers un ampli, ou une console. C’est très pratique puisque cela permet d’éviter d’avoir plusieurs « fils à la patte », à savoir un câble pour le capteur, et un autre pour la sortie Jack standard.
Déballage
L’Axon prend la forme d’un rack 1U présentant de manière classique la plupart des réglages en face avant et des connexions en face arrière.Petite spécificité de l’Axon : Une entrée jack est réservée aux instruments monophoniques, comme une basse ou même un micro (Chanteurs précis et justes recommandés !) !. Ceci permet d’ouvrir la voie de la conversion MIDI à de multiples instruments, tels que les cuivres ou les cordes via la reprise par un micro.
Côtés connexions vers le monde extérieur, aussi bien en audio qu’en MIDI, le bébé de Terratec est plutôt bien fourni :
- 2 sorties Audio permettent de ressortir le son venant de la Sound Bank Interne de la version « SB » de l’Axon. En effet, l’Axon peut se voir équipé d’une banque de sons au format General MIDI, afin de pouvoir exploiter directement la conversion en MIDI, et donc de ne pas nécessiter obligatoirement l’ajout d’un module de sons externe. De facture assez quelconque, ces sons sont loin d’être inutilisables et transforment l’Axon en un tout-en-un très pratique, notamment en Live.
- Vient ensuite la « triplette » MIDI (IN, THRU, OUT) qui va justement nous permettre de nous connecter à n’importe quel module de sons MIDI.
- Fidèle à ce concept de « clavier maître » pour guitaristes, l’Axon nous propose des connexions bien connues des claviéristes :
- La possibilité de brancher 2 pédales d’expression, servant à modifier en temps réel de nombreux paramètres MIDI, tels que le pitch, un temps de delay, une fréquence de coupure de filtre, etc.
- Une entrée Footswitch « CHAIN » permettant de naviguer au sein d’une série de presets préprogrammés.
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- La sortie « audio out », permet de rediriger le signal issu du jack de la guitare et ayant transité par le câble du capteur hexaphonique, vers un ampli ou une console.
Ergonomie et possibilités
Disons le tout de suite, l’Axon réclame une solide connaissance du MIDI et une bonne dose d’implication dans sa structure pour en tirer la quintessence ! Seule une dizaine de boutons et un écran LCD de 2 lignes permettent de naviguer au sein des innombrables menus et paramètres de la machine.Si le but de cet article n’est pas de réécrire le manuel pour détailler l’ergonomie et l’intégralités des fonctions disséminées dans les menus et sous-menus de l’appareil, sachez tout de même que de nombreuses heures d’apprentissage seront nécessaires pour le maîtriser : un prix bien maigre à payer comparé aux immenses possibilités offertes alors par l’Axon. En effet, d’énormes possibilités s’ouvrent à celui qui aura la patience et la ténacité nécessaire !
Au nombre de ces dernières, on citera notamment la possibilité d’effectuer des « Split » (séparation) verticaux et horizontaux :
Jouer de la basse avec votre guitare tout en conservant la possibilité d’enchaîner quelques chorus de synthé analogique lead de temps en temps ? Rien de plus facile puisque l’AXON permet de séparer les signaux MIDI corde par corde. Vous pouvez donc réserver vos 2 cordes graves pour un synthé bass en VSTi sur un PC (ou MAC) et les 4 cordes aigues pilotant directement un Minimoog en lead bien acide !
Cette séparation peut aussi bien se faire de manière verticale, afin de pouvoir, par exemple, enchaîner une rythmique de piano électrique pour tous les accords joués avant la 5ème frette, et pouvoir passer sur un chorus démoniaque de saxo dès cette 5ème frette dépassée !
Et sachez que ces 2 types de séparation peuvent cohabiter, pour créer jusqu’à 4 « zones », multipliant ainsi les possibilités de contrôle sonore.
Bien sûr, si les séparations sont possibles, les « empilements » le sont tout autant : 2 sons différentes peuvent se chevaucher sur un groupe de notes. De même, comme avec n’importe quel clavier maître, chaque note peut être assignée à un son différent, ce qui ouvre quelques perspectives pour jouer, par exemple, de la batterie avec une guitare…
A ces possibilités s’ajoute enfin une fonctionnalité des plus intéressantes nommée « Pick Split ». Cette dernière sépare l’espace compris entre le bas du manche et le chevalet en 3 « zones de contrôles » distinctes, permettant d’avoir accès à de multiples paramètres rien qu’en déplaçant son jeu de main droite (pour les guitaristes droitiers bien sur !).
Si l’on combine cela aux 2 pédales d’expression, à la fonction « hold » (elle-même assignable à une « zone » particulière) ainsi qu’à l’arpegiateur intégré, on se retrouve très vite avec beaucoup plus de sons sortant de son synthé que l’on a de doigts aux mains et même de cases !
Apprendre et composer
Au-delà des délires sonores en tous genre, l’Axon peut être un auxiliaire pédagogie précieux. Relié à un ordinateur et un logiciel tel que Finale ou Sibelius, il permet de retranscrire immédiatement une partition jouée sur la guitare ! Un » plus " indéniable pour un professeur réalisant des exercices pour ses élèves !Evidemment, la qualité du fichier MIDI générée par l’Axon dépend en grande partie du niveau de jeu du guitariste et demande très souvent à être retravaillée mais cela n’a tout de même rien à voir avec le temps demandé par une retranscription manuelle !
De même, un compositeur pourra réaliser des fichiers MIDI facilement, via son séquenceur favori, ce qui lui permettra de « poser » des idées, quitte, là encore, à retravailler ces fichiers MIDI « à la main » ultérieurement et à ensuite tester toutes sortes d’instruments et de réglages.
On joue ?
Pour le guitariste « rock » que je suis, les sensations de jeu sont de prime abord assez déstabilisantes. En effet, si la latence est très réduite, elle est tout de même présente et un certain temps d’adaptation est nécessaire. Passé celui-ci, on sent vraiment que la machine « apprend » le jeu du guitariste et que les conversions se font de plus en plus précises et rapides.
Il est toutefois indéniable que le jeu doit être extrêmement propre. Ainsi, même si l’appareil retranscrit les effets typiquement guitaristiques au prix d’une programmation un peu contraignante (Bend, Hammer, Pull Off), il est nécessaire d’éviter le plus possible les « ghost notes », capables de mettre en déroute la machine.
Une machine qui vous oblige à progresser et à acquérir un jeu propre est elle finalement une mauvaise chose ? J’en laisse l’appréciation a chacun !
Conclusion
L’Axon est certes une machine complexe. Son ergonomie est certainement l’un de ses plus gros points faibles. Ajoutez à cela un manuel assez abscond, et vous obtiendrez un cocktail apte à décourager nombre de guitaristes !
Mais tout cela s’oublie très vite dés que l’on commence à maîtriser l’engin. Les possibilités se développent, l’imagination s’envole, on se met a penser à des empilements sonores jusqu’alors inconnus des guitaristes. L’accès à tous les synthétiseurs, expandeurs, boîtes à rythmes, et même plug-ins, via un ordinateur, ouvre un monde complètement nouveau.
Si l’on considère les innombrables contrôles en temps réel disponibles sur l’Axon, on sent d’ailleurs très vite que les heures d’expérimentation vont devenir des semaines, et les semaines des mois. Bref, l’investissement en terme de temps est donc à mon sens amplement justifié ! Si l’on ajoute à cela la qualité de la conversion MIDI, et le respect des spécificités du jeu de guitare, on obtient une machine qui peut vite devenir un élément indispensable d’un set ! Et si la chose rebutera les fans d’Angus Young et des rigs minimalistes, elle ravira tout ceux que les expériences d’un Steve Vai, d’un Jeff Beck ou d’un Vernom Reid fascinent.