Alors que Sound Forge n'a pas connu de mise à jour sur PC depuis la version 11 sortie il y a 4 ans, voici que la version Mac du célèbre éditeur audio débarque dans sa troisième mouture, la seconde étant sortie en 2014. Reste à savoir si cette dernière est enfin au niveau de la version PC.
Comptant parmi les plus anciens éditeurs audionumériques du marché, Sound Forge ne fut longtemps disponible que sur PC jusqu’à ce que Sony, qui l’avait racheté à Sonic Foundry, nous propose son portage sur Mac en octobre 2012. Le mot portage était toutefois un tantinet exagéré car, en dépit d’un design proche, cette version astucieusement nommée Sound Forge Pro Mac et non pas Sound Forge 10 était très loin de proposer toutes les fonctions de l’original. Près de cinq ans plus tard, il convient donc de faire le point avec le fraichement débarqué Sound Forge Pro Mac 3, sachant que c’est désormais Magix qui est aux commandes après le rachat de tous les logiciels de Sony Media Creative.
Retrouvailles
L’installation du logiciel passe par plusieurs installeurs : un pour Sound Forge, un pour le logiciel de traitement par lot Convrt, un pour iZotope RX 6 Elements et un dernier pour iZotope Ozone 7 Elements, ces derniers faisant partie du bundle. Une fois tout ce petit monde bien au chaud sur le Mac, un clic nous permet de retrouver l’interface familière du logiciel : on retrouve le même parti pris pour un design épuré mais relativement austère jouant sur différentes nuances de gris, de bleu et de blanc. A côté, Wavelab aurait presque l’air festif mais j’avoue que ce n’est pas pour me déplaire : il ressort de tout cela une clarté des plus agréables à l’usage.
Composée de trois panneaux et d’une zone centrale pouvant au mieux accueillir deux éditeurs simultanément en plus de deux barres d’outils, l’interface du logiciel est modulaire, vous permettant d’organiser au mieux votre espace de travail en fonction des tâches que vous avez à effectuer. Les différents outils ou visualiseurs peuvent ainsi se glisser simplement à la souris et s’arrimer à l’une des zones, donnant lieu lorsque cela s’avère nécessaire à des onglets. Outre des polices qui sont parfois un peu trop petites, on regrettera toutefois de ne pas pouvoir enregistrer les dispositions d’écran, ce qui aurait pourtant été très pratique.
Librement redimensionnables, les différents VU-mètres proposés par le logiciel peuvent quant à eux être affichés à l’horizontale comme à la verticale, mais sont hélas toujours en portion congrue. En plus de la forme d’onde sur l’éditeur principal, il faudra se contenter d’un Loudness Meter gérant les normes EBU R 128 et ATSC A 85 (avec la possibilité intéressante de générer un rapport au format texte), d’un VU-mètre par canal (Peak et VU/PPM) et… c’est tout ! Pas de visualiseur de phase pour observer la répartition du signal dans l’espace stéréo ? Non. Pas même un simple analyseur spectral pour afficher la courbe de réponse en fréquences ni de spectrogramme, que ce soit en 2D ou en Waterfall… Sur un logiciel à 300 euros qui se targue d’être pro, ça fait un peu tache.
Magix s’en sort toutefois grâce à la présence des plug-ins iZotope dans le bundle, et surtout d’iZotope RX 6 Elements qui propose quant à lui un éditeur spectral flanqué de quelques traitements (Voice De-noise, De-clip, De-click & De-hum). C’est un ajout qui n’a rien d’un gadget, sachant que le logiciel est vendu 130 $ chez iZotope. Le seul ennui, c’est de ne pas y avoir accès depuis Sound Forge même, la version Elements ne proposant pas le plug-in Connect qui permet la communication entre les deux softs : il faudra donc se servir des deux logiciels en parallèle, en important et exportant autant de fois que nécessaire… Bien évidemment, Magix a pensé à intégrer une passerelle vers son excellent SpectraLayers Pro… pour ceux qui le possèdent, sachant qu’il vous en coûtera 200 euros de plus, si tel n’est pas le cas, pour l’acquérir via le bundle Audio Master Suite.
Nouveautailles
Capable désormais de travailler en 24/192, ce Sound Forge Pro Mac 3 peut enfin, comme son cousin sur PC, graver des CD en mode Disc-at-once en suivant le standard Redbook. Mieux vaut tard que jamais, pensera-t-on à ce propos, sachant qu’à l’heure de la musique dématérialisée, du cloud et de la fibre, la possibilité de graver des CD n’est pas forcément ce qu’on attendait le plus dans cette nouvelle version. La preuve en est d’ailleurs que quantité d’ordinateurs sont désormais dépourvus de lecteur optique… Précisons par ailleurs que Sound Forge ne gère toujours pas le format DDP et que la gestion des pistes proposée par la version PC est absente de cette version. Et c’est bien dommage.
Répondant à des préoccupations nettement plus contemporaines, le logiciel propose un aperçu ‘Mastered for iTunes’. en encodant votre fichier audio comme le ferait Apple pour sa plateforme de vente, ce qui permet d’éviter les mauvaises surprises ensuite. L’idée est simple mais excellente, à ceci près qu’on aurait aimé qu’elle soit plus aboutie en s’inspirant du Fraunhofer Pro-Codec de Sonnox et qu’elle s’étende à d’autres plateformes : Youtube notamment…
Si l’on s’en tient aux nouveautés de cette V3, le test devrait s’arrêter là mais comme nous n’avions pas testé la V2 du logiciel, j’en profite pour évoquer l’un des ajouts les plus intéressants de cette dernière : le module de traitement par lots.
Par lot ? Non mais par lot, quoi !
Contrairement à ce qui existe sur la version PC, le convertisseur par lot fait l’objet d’un logiciel externe baptisé Convrt. Proposant une ergonomie classique, ce dernier fait le job : on sélectionne les fichiers ou dossiers à convertir, on définit une chaîne de traitements, on remplit d’éventuels tags pour documenter le fichier, on précise le format de sortie et on clique sur ‘Run’ pour que tous nos fichiers passent à la moulinette qu’on leur a concoctée. Hélas, le logiciel est loin d’être sans défaut.
Il peine en premier lieu à distinguer les effets des instruments virtuels et on se retrouve ainsi avec la possibilité de pouvoir traiter un fichier audio avec… Kontakt ! Évidemment, cela ne fonctionne pas et on aurait préféré que le tri soit fait à la détection des plug-ins, ne serait-ce que pour alléger les menus…
C’est d’autant plus vrai que les polices de caractères utilisées sont mi-nus-cules ! On regrettera encore le peu d’options laissées pour le nommage des fichiers convertis : un suffixe possible seulement, pas d’incrément, pas de date, pas de préfixe. Enfin, en marge des formats reconnus (FLAC, Ogg Vorbis, MP3, WAV, Sony W64, 3GP, 3GPP-2, AIFC, AIFF, Next/Sun, Wave (compressed), AAC, CAF et MPEG-4), on s’étonnera de l’absence du WMA ou encore du SD2, entre autres…
Bref, l’ajout de ce processeur par lots depuis la V2 est le bienvenu mais il y a toujours une grosse marge de progrès le concernant, d’autant que l’outil de scripting présent dans la version PC n’est toujours pas proposé dans cette version Mac.
Et puis c’est tout !
Aussi frustrant que cela puisse paraître, on a fait le tour ! Et c’est d’autant plus rageant que quantité de fonctions anciennes de Sound Forge PC n’ont toujours pas été intégrées dans cette version Mac.
Sans revenir sur les outils de visualisation qui font cruellement défaut, sans trop s’attarder sur la gestion bien légère du multicanal (où est passé le codec Dolby ? Le monitoring des sorties hardware ?) ou sur toutes les options qui ont disparu dans la fenêtre d’enregistrement, on est effaré de voir que le logiciel n’est toujours pas capable de faire du monitoring vidéo, et que toute la partie Sampling qui est l’une des forces de la version PC a été zappée, dont la très pratique fonction Auto-Region. Mais le pompon revient sans doute aux effets fournis avec le logiciel et qui se limitent à un Chorus, un Flanger/Wah Wah, une réverbe, un delay basique, le compresseur/maxmiseur Wavehammer et… les plug-ins génériques codés par Apple pour Core Audio qui sont non seulement loin d’être exceptionnels, et dont on dispose en outre depuis des lustres dans… GarageBand ! Qui est gratuit ! Permettez-moi un dernier point d’exclamation juste pour marquer le coup : !
On voit surtout vraiment mal comment justifier tout cela quand des concurrents moins chers que ce Sound Forge font mieux et quand on sait que Magix dispose, en plus des plug-ins proposés dans le Sound Forge PC, de quantités d’excellents plug-ins dans Samplitude ou en produits isolés. Certes, l’EssentialFX Suite, l’Analogue Modelling Suite Plus, la Vintage Effects Suite et la Variverb II n’existent pour l’heure, comme Samplitude, que sur PC. Mais on ne peut s’empêcher de penser, du coup, que c’était peut-être plus sur ces portages qu’il fallait bosser pour donner du sang neuf à Sound Forge plutôt que sur un graveur de CD aussi rustique.
Il faut sauver le soldat Sound Forge
En dépit de tous ces mauvais points, on reconnaitra toutefois au logiciel d’être relativement agréable à utiliser sur les opérations de base, stable et de bénéficier d’un énorme avantage : depuis l’arrêt de Bias dont le Peak faisait figure d’éditeur audio de référence sur Mac, on ne peut pas dire que la concurrence soit rude sur les ordinateurs à la pomme. Sur un marché borné par le freeware Audacity d’un côté et les plus onéreux Wavelab ou Audition de l’autre (sachant que le soft d’Adobe est définitivement tourné vers le son à l’image), Sound Forge n’a réellement que trois concurrents : DSP-Quattro, ReSample de 2nd Sense Audio et le fraîchement arrivé Acoustica 7 d’Acon Audio, le problème étant que tous sont bien moins chers que lui, et parviennent souvent à lui en remontrer en termes de fonctionnalités…
Du coup, Magix aurait une bonne carte à jouer au milieu de ce petit monde, pour peu qu’il redouble d’efforts pour mettre cette version Mac à la hauteur de Sound Forge 11. Car c’est sans doute ce dernier qui est, à l’heure actuelle, son plus redoutable concurrent : via Parallel ou Crossover, vous pouvez utiliser Sound Forge, le vrai, avec ses vrais plug-ins et toutes ses fonctionnalités.
Conclusion
Stable et globalement agréable à utiliser, Sound Forge Pro Mac 3 n’est pas un mauvais bougre mais il peine vraiment à convaincre au prix auquel il est vendu. Sans que tout soit irréprochable dans les nouveautés proposées par cette version et la précédente, ces dernières permettent bien sûr au logiciel de combler une partie de son retard fonctionnel, mais on ne peut s’empêcher d’être grandement déçu par l’ensemble, à plus forte raison quand on est utilisateur de la version PC : on a cette désagréable impression d’acheter une version Light du célèbre éditeur, flanquée de deux versions light des produits phares d’Izotope pour faire passer la pilule.
5 ans après le portage initial, cette version Mac n’est en effet que l’ombre de l’excellente version PC. Le tableau comparatif sur le site de l’éditeur peut bien faire croire que la différence entre les deux logiciels est minime, elle est en réalité colossale tant il y a des choses qui ont disparu d’une version à l’autre : la taille des manuels des deux logiciels est d’ailleurs assez parlante de ce point de vue. Avec son incapacité à gérer la vidéo, ses fonctions de gravure minimalistes et ses lacunes sur le plan du multicanal ou de la visualisation, on voit mal comment la conseiller à ceux qui font de la post-prod ou du mastering tandis que l’absence des fonctions plus orientées vers le sampling l’éloigne du public des musiciens et des Sound Designers, en dépit de l’intéressante passerelle logicielle vers SpectraLayers Pro. Certes, les journalistes et podcasters pourraient y trouver leur compte, mais ils pourraient bien aussi se contenter d’un ReSample ou d’un Acoustica voire d’un Audacity, ou s’orienter vers un Hindenburg pensé spécifiquement pour leurs besoins…
Bref, il n’est pas du tout évident que ce Sound Forge Pro Mac trouve son public parce qu’il n’est pas assez abouti pour les uns et trop cher pour les autres. Espérons que Magix, qui vient juste de récupérer le bébé, aura à coeur de le faire évoluer comme il le mérite, à l’heure où Sound Forge 12 ne devrait plus trop tarder à pointer le bout de ses octets sur PC. Vendue 60 euros seulement, la version Music Studio de ce dernier est d’ailleurs déjà sortie et se paye le luxe d’être plus avancée sur bien des points que le logiciel qui nous occupe. En attendant, on aura mieux fait d’utiliser cette dernière ou le Sound Forge 11 avec une machine virtuelle Windows sous Mac que de se jeter sur ce portage qui fait l’effet d’un fruit trop vert pour être goûté, voire cueilli.