Bousculé par la concurrence à l’heure où l’IA rebat pas mal de cartes, RX se devait de réagir pour conserver son statut de leader de la restauration audio. Autant dire que cette version est donc des plus attendues…
Véritable référence en matière de restauration audio au point qu’on l’aperçoit même dans des films au cinéma (Boîte Noire, où il est utilisé par Pierre Niney pour nettoyer des enregistrements audio de crashes aériens), RX voit son hégémonie de plus en plus contestée par la concurrence. Il faut dire que l’IA révolutionne gentiment les bons vieux algos de denoising comme de déréverbération au point qu’on a vu apparaître un certain nombre d’excellents plug-ins dédiés à ces tâches au fil des derniers mois (Clear chez Supertone, Clarity VX chez Waves, dxRevive chez Accentize, etc.) comme des solutions en ligne assez bluffantes (Adobe Speech Enhancer) tandis que RipX DAW et surtout l’incroyable Spectralayers, profitant eux aussi des algos de nouvelle génération, n’ont jamais été aussi excellents pour démixer puis traiter des fichiers audio, au point qu’on peut parler d’un nouveau paradigme pour la restauration qui échappe pour l’heure totalement à RX.
Bref, les gens d’Izotope se devaient de réagir pour ne pas voir leur logiciel phare se faire bousculer par ses challengers. Nous voici fixés sur les enjeux de cette version 11 qui, comme toujours avec Izotope, nous est livrée dans trois versions : Elements, rassemblant quelques modules de base au sein d’un assistant pensé pour le grand public, Standard (le logiciel complet) et Advanced qui, en plus de la version Standard, décline les modules en plug-in pour offrir plus de souplesse à l’usage. C’est d’ailleurs cette dernière version que nous testons ici…
Welcome to the machine (learning)
Ruons-nous d’emblée sur le Repair Assistant dont on nous assure qu’il fonctionne plus vite et mieux grâce à la magie du machine learning. Et c’est… vrai ! Nous voici d’emblée rassurés sur les progrès de cette nouvelle version sachant qu’après une phase d’analyse, Izotope RX vous propose un réglage de base des différents modules tout à fait approprié, même s’il demeure personnalisable, en surface depuis l’interface de l’assistant, comme en profondeur en accédant à la chaîne de modules paramétrée par ce dernier. Bien sûr, notre bon ami ne vous tirera pas d’affaire dans les cas épineux, mais gageons qu’il devrait ravir plus d’un podcasteur aux besoins simples, ce qui est précisément la cible de la version Element qui se focalise sur l’assistant.
Voyez en tout cas ce que ça donne en un seul clic et quelques secondes d’attente, puis en poussant le réglage Dereverb :
- repairsource00:12
- repairassistant100:12
- repairdereverb3000:12
Avouons que pour une source aussi cracra, l’assistant de RX s’en sort plutôt bien.
Un upload du même fichier sur Adobe Speech Enhancement permet d’obtenir un résultat qui, au premier abord, semble encore meilleur :
…sauf que la technologie utilisée montre ici certaines de ses limites. On devine qu’au-delà d’un denoising et d’une déréverbération de bourrin, l’outil resynthétise la voix qu’il a analysée en amont pour la déchiffrer, puis la compresse et l’égalise pour obtenir un résultat d’autant plus impressionnant que le niveau est bien gonflé. Probante sur la plupart des mots, la technologie s’avère toutefois un brin synthétique sur certaines inflexions et abîme certaines syllabes : mieux vaut ne pas savoir en outre le nombre de serveurs que la chose requiert…
On se doute en tout cas, à voir le résultat obtenu par l’Assistant de RX 11, qu’Izotope a bien progressé sur le denoising comme la déréverbération et c’est donc sans trop de surprise qu’on retrouve du machine learning les concernant au sein du module Dialogue Isolate, refondu pour cette V11.
Ce nouveau Dialogue Isolate est à n’en pas douter la réponse d’Izotope à ses rivaux récents, le module jouissant donc désormais d’un moteur basé sur du machine learning. Grâce à cela, il rivalise sans problème avec ces derniers :
- voiceisolate-original00:08
- voiceisolate-supertoneclear00:08
- voiceisolate-repairassistant00:08
À fond sur tous les réglages, le Clear de Supertone laisse encore passer pas mal de l’ambience et de la réverbe. RX 11 permet d’aller plus loin encore même s’il attaque du coup certaines syllabes… L’interface du module a aussi évolué pour permettre de travailler par bandes, comme chez Waves. Et c’est une très bonne idée car on pourra alors vraiment affiner le traitement à la recherche du meilleur compromis possible, sachant qu’on sera plus parcimonieux sur les médiums où se trouve la voix…
Loud and clear!
Dans le sillage de cet outil, l’éditeur profite également de cette V11 pour mettre à jour son Dialogue Contour destiné à travailler sur l’expressivité des voix. Dans les faits, il s’agit de contrôler la variation de hauteur d’une voix (avec gestion des formants) pour la rendre plus ou moins monocorde, mais aussi plus ou moins grave ou aiguë. Dans les faits, il y a de quoi féminiser une voix d’homme comme l’inverse, ou encore calmer les ardeurs d’un orateur ou d’une oratrice un peu surexcité. Si le module fonctionne plutôt bien, il faudra toutefois avoir la main légère sous les réglages sous peine de produire des artefacts… Reste qu’on est là face à un outil plus anecdotique que quantité d’autres dans RX, et que ce n’est sans doute pas ce dernier qui poussera les habitués à se payer la mise à jour… Voyez en tout cas comment donner un peu plus de peps à ce bon vieux Valery :
- giscard00:11
- giscardcontour00:11
On n’en dira pas autant du nouveau Loudness Optimize qui, contrairement au module Loudness Control dont on disposait déjà, permet d’ajuster le volume perçu non sur une moyenne de l’ensemble du fichier, mais à chaque moment de son dernier. Passé une détection via la commande Learn, RX génère ainsi une courbe qui, en fonction du seuil, du ratio, du boost et de la vitesse que vous avez déterminés, tâchera de se rapprocher en permanence de la valeur LUFS moyenne. Une sorte de compresseur doux en somme, qu’il sera intéressant de dégainer pour prononcer l’intelligibilité d’une voix par exemple, quelles que soient les fluctuation de son amplitude…
Et on appréciera d’autant plus de travailler sur le loundess de la sorte qu’il est au cœur du cahier des charges de nombreuses plateformes de streaming, et que sur ce point, cette V11 a aussi du nouveau à proposer. Enfin du nouveau… pour RX ! On le sait en effet : Izotope aime bien mutualiser les développements entre ses différents produits de sorte qu’on ne sera pas étonné de voir débarquer une pré-écoute audio simulant le rendu de différents services de streaming telle qu’on en dispose dans Ozone. La fonctionnalité ne parlera pas forcément à tout le monde, mais elle devrait ravir ceux qui doivent gérer un maximum de formats de diffusion.
Un bon point donc, comme l’arrivée (prochaine) d’une Arlésienne pour l’éditeur…
Effet d’annonce…
Sur le front de l’ARA qui permet d’intégrer le logiciel à une STAN, les choses avancent en effet enfin… un petit peu ! Conscient que c’est là une grosse attente des utilisateurs pour simplifier leur workflow, l’éditeur, qui s’était jusqu’ici contenté de gérer ARA dans la version Rosetta de Logic, promet que l’éditeur spectral de RX flanqué de modules de base (Gain, De-Click et De-Hum) pourront bientôt être utilisé de la sorte dans Pro Tools et Studio One… lors d’une mise à jour gratuite à paraître cet été !
On saluera cette annonce sans pour autant comprendre ce qui prend autant de temps à l’éditeur pour intégrer cette technologie vieille de dix ans déjà, ni comprendre pourquoi on ne disposera pas de tous les modules de traitement (s’agit-il de ne pas concurrencer la version Advanced ?), ni comprendre pourquoi le développement se limite à Logic, Studio One et Pro Tools alors que l’écrasante majorité des STAN du marché gèrent ARA depuis quelques versions déjà. Tant que la fonctionnalité n’est pas réellement disponible et sachant qu’une promesse n’est qu’une promesse, Izotope souffre donc toujours de la comparaison avec ses concurrents, qu’il s’agisse du petit Acoustica d’Acon Audio ou encore de Wavelab et surtout Spectralayers de Steinberg…
On attendra ainsi de voir si la mise à jour arrivera effectivement cet été pour compter cette nouveauté parmi les bons points de cette version 11. Et on le fera sans trop de regret vu qu’il nous reste à évoquer l’une des avancées majeures de cette version qui fera dire à plus d’un et plus d’une : enfin !
Le M/S est dit !
Il convient de le reconnaître : après des versions 9 et 10 en demies teintes, Izotope a donc fait le taf pour que RX garde sa couronne, d’autant que toutes les fonctionnalités que nous venons d’évoquer sont moins peut-être moins déterminantes que la dernière nouveauté de cette version 11 : le support du Mid/Side…
`Là encore, il s’agit d’une vieille demande de la part des utilisateurs et l’on comprend bien pourquoi à l’usage, car pouvoir passer d’une traditionnelle stéréo gauche/droite à une stéréo encodée en Mid/Side par le biais d’une simple option dans le menu ouvre un tout nouveau paradigme en termes de traitements. Quand on sait par exemple que la gravure des vinyles se fait effectivement en M/S (la profondeur du sillon contient le signal Mono et sa largeur le signal Side), quand on sait à quel point le M/S est la garantie d’une parfaite compatibilité Mono déterminante pour le son à l’image, on se réjouit de voir cela arriver dans RX.
Bien évidemment, les pros n’ont pas attendu cette V11 pour travailler les fichiers de la sorte mais son absence au sein de RX les obligeait à passer par de laborieuses conversions en amont et en sortie du traitement ou par des plug-ins de tierce partie. De fait, cette intégration fera gagner un temps fou et s’avère d’autant plus cohérente qu’Izotope a toujours été un grand défenseur du M/S via Ozone. Notons-le : c’est en outre un réel avantage face à Spectralayers qui, pour l’heure, ne gère pas la chose malgré sa capacité à décomposer l’audio en calques. Profitons-en d’ailleurs pour évoquer les défauts et axes de progression du soft…
Peut mieux faire…
Quitte à évoquer Spectralayers, on en profitera en effet pour regretter que le démixage soit toujours un brin sous-exploité dans RX dont le Music Rebalance progresse lui aussi sur le plan algorithmique dans cette V11, mais demeure toujours fonctionnellement rudimentaire : d’abord parce que seuls trois types de contenus sont reconnus (Voix, basse, batterie et le reste, là où Spectralayers gère pianos, guitares et sait démixer une batterie en grosse caisse, caisse claire et cymbales), ensuite parce que si l’on peut isoler chaque STEM dans de nouveaux documents, on aimerait qu’à son tour RX s’inspire de son concurrent en proposant une ergonomie par calques au sein du même document, avec la possibilité simple de transférer du contenu de l’un vers l’autre, histoire de parfaire à la main le démixage proposé par l’algo…
Par ailleurs, sans revenir sur l’intégration ARA qui, bien que promise, n’est toujours pas là au-delà de Logic sous Rosetta, on notera qu’aucun défaut relevé lors du test de la V10 n’a été corrigé : la transcription textuelle est toujours limitée à la seule langue anglaise au mépris des six milliards et demi de gens qui ne parlent pas anglais sur Terre, il est toujours impossible de fusionner les locuteurs détectés, et RX n’a pas progressé en tant qu’éditeur audio alors que Wavelab, pour ne citer que lui, a de son côté progressé en termes de restauration… Enfin, avouons qu’on ne serait pas contre une interface un peu plus évoluée pour organiser les plug-ins de tierce partie par catégories personnalisables plutôt que par marques, ce qui n’a absolument aucun intérêt…
Conclusion
Avouons-le : en profitant des avancées du machine learning et en intégrant enfin le traitement Mid/Side comme il se doit, cette onzième mouture de RX est bien plus enthousiasmante que les deux précédentes, assurant au logiciel d’Izotope de demeurer pour l’heure le leader des solutions de restauration… Pour autant, face à un Spectralayers qui le surpasse sur un certain nombre de points et parce qu’on sent bien que l’arrivée de l’IA est propice à ce que des challengers surgissent sur le marché, Izotope aura forcément à défendre son trône plus que jamais au cours des prochains mois. Rendez-vous est pris donc à la prochaine version pour voir ce qu’il en est, et dès cet été pour voir si la promesse d’ARA sera bel et bien tenue…