Plus d'un Go de boucles de basse-batterie-guitare-clavier-trompette dans le plus pur esprit de la grande tradition funky, le tout digéré par l'excellent moteur audio du sampler virtuel Intakt de Native Instruments… Du trémoussage en perspective !
Souvent pompés, jamais égalés… les grooves des années 70 ont envahi, avec la vulgarisation du sampler, la majeure partie des productions musicales depuis une vingtaine d’années.
Car si le rap a été largement précurseur, sachant utiliser les tourneries les plus diaboliques des rois du funk pour poser des textes cadencés interprétés tout en syncope, ce furent bientôt tous les styles, de l’électro à la pop, en passant par le jazz ou le drum’n’ bass (ce dernier rajoutant en passant aux boucles d’origine une bonne louche de BPM) qui firent appel à l’inégalable savoir-faire des fans de plateform boots pour marteler un tempo implacable. Et la mine d’or ne semble toujours pas épuisée, laissant ressurgir aujourd’hui encore d’innombrable trésors de swing et d’inventivité rythmique, réutilisés sans répit dans nombre d’albums, tous horizons confondus.
Projet ambitieux
Il était donc assez normal qu’un grand éditeur de banques de sons se penche sur la question et tente de retrouver l’esprit des années 70, en proposant une collection originale de samples, entièrement dédiée à cette époque qui a tant marqué le paysage sonore actuel. Et qui mieux que Zero G, avec son habituel perfectionnisme, était à même de relever un tel défi ? En effet, quoi de plus ardu que de s’attaquer à un style pour lequel la plupart des producteurs et des compositeurs ont préféré copier l’original plutôt que de le recréer, et d’espérer, tout en marchant sur les traces des grands maîtres des seventies, non seulement retrouver la substantifique moelle de ce qui a fait leur inébranlable réputation, mais en plus, d’y ajouter une petite touche personnelle, indispensable pour valider le bien-fondé d’un tel projet ?
Quoi qu’il en soit, l’équipe anglaise s’est lancé tête baissée dans cette aventure passionnante, forte d’une collaboration prestigieuse, puisque la réalisation de cette banque a été confiée à Mike Wilkie et Matthew Corbett, respectivement guitariste-bassiste et percussionniste-programmeur, compositeurs de musiques de films et de dessins animés pour Disney, BMG… fondateurs de la société de production musicale Lockdown Media, et récompensés en 2001 par le Online Music Award.
Back to the roots !
Amoureux du son et du matos vintage, mais en même temps parfaitement à l’aise avec les techniques de production up-to-date, les 2 compères mesurent d’emblée l’ampleur du challenge et décident pour l’occasion de se replonger dans l’univers des 70', en ré-écoutant en boucle des centaines de vinyls, puis en analysant le travail de tous ceux qui ont déjà tenté de restituer le son bien spécifique de l’époque. « La technologie d’enregistrement, autour de 73, était encore assez rudimentaire en comparaison avec les standards actuels, affirment-ils. De plus, on ne faisait alors pas autant attention à la précision du jeu. Ainsi, une partie de batterie qui serait aujourd’hui inéluctablement recalée dans un séquenceur audio, ou une voix qui serait » ajustée « avec un plug-in de correction de hauteur, restaient bien sûr telles quelles. En outre, les pianos électriques, inlassablement modélisés pour les programmeurs du monde entier, étaient bien réels, avec tout leur poids de pick-up défectueux et d’amplis souffleurs ! Ce sont toutes ces imperfections qui ont fini par faire ce paysage sonore si relax et si swing ! C’était une époque où l’inventivité d’un producteur pouvait déboucher sur un son totalement nouveau. Il fallait donc absolument retrouver cet esprit, et pour cela, rien de mieux à faire que de commencer par s’acheter des platform boots à paillette avec des talons de 10 cm et se faire une coupe afro, avant de se lancer sérieusement dans cet incroyable voyage sonore ! »
Matos vintage
Et le trip commence donc par la construction du décors, autrement dit, un studio d’enregistrement rempli d’instruments d’époque (on n’en est pas encore au clavecin, mais presque !!), pour donner aux samples la couleur bien graisseuse qui, en contradiction avec la transparence cristalline des productions de l’ère numérique, est devenu l’apanage de ce style.
Mike et Matthew ressortent donc la pure artillerie, avec, en l’occurrence, côté claviers, l’inévitable Fender Rhodes avec les lamelles authentiques, un EP Wurtlizer, un orgue Hammond avec la cabine Leslie qui ronronne à donf, et un synthé Crumar enregistré avec un ampli et un micro, « pour donner tout son grain. Côté guitares, c’est une Gibson Les Paul de 77 qui s’y colle, rincée par plusieurs amplis à lampe et largement distillée dans une »Cry Baby". Une authentique Aria Pro passée dans un vieil ampli Selmer se chargera des basses et une collection de vieilles casseroles ajoutera la batterie.
Voilà, le tableau est complet, et, avec la participation supplémentaire de Bill Mudge aux claviers, et de Steve Bailey à la trompette (oui, j’allais oublier l’indispensable accessoire de toute production funky), nous nous retrouvons donc, après quelques nuits passées aux manettes de cet antique vaisseau spécial, à la tête d’une banque de plus d’1 Go de samples qui, comble du perfectionnisme, ont été masterisés sur des galettes vinyl (si, si !) dans un vieux studio du sud de Londres, avant que celles-ci ne soient enfin re-samplées en numérique pour la production finale et le formatage pour le moteur audio qui va gérer tout ce beau monde : Intakt, le sampler de Native Instruments dédié à la lecture des boucles audio.
Installation
On se précipite donc sur le DVD-Rom, et, bonne surprise, comme nous y sommes maintenant habitué avec les produits Native, tout se passe en douceur. Après une fenêtre nous demandant de cocher la ou les versions du logiciel que nous souhaitons installer (Stand Alone, DXi, VSTi ou RTAS), la galette numérique dégurgite ses floppées de 0 et de 1 sur les papilles enchantées de notre bon vieux disque dur (il lui faut environ 1.5 Go d’espace libre) qui ronronne de plaisir en émettant le doux cliquetis significatif d’une bonne digestion de données saines et idoines !Après quelques minutes, l’agréable petite fenêtre annonçant que le logiciel a été installé avec succès nous saute à l’écran, et c’est parti pour la grande virée, nous voici les rois du funk ! Alors oublions pour une fois de nous répandre de mauvaise humeur sur la f…n’ procédure d’autorisation en ligne obligatoire pour pouvoir utiliser le soft plus de 14 jours, et consacrons nous sans plus tarder à la découverte de ce pur plaisir de groove, et des milliers de samples regroupés en 991 patches d’instruments, vigoureusement déversés par nos monitors en émoi.
L’organisation
Utilisant pleinement les possibilités d’Intakt, les loops sont gérés par les 3 modes de lecture du sampler : le Time Machine, qui permet de lire les grooves en les synchronisant automatiquement au tempo du séquenceur hôte, le Beat Machine, qui permet de découper les échantillons en « slice », ou tranches, et d’affecter chacun de ces petits bouts de boucle à une touche du clavier, pour pouvoir jouer chaque note séparément et créer ainsi soit des variations sur le groove d’origine, soit les utiliser dans la création de séquences totalement originales, et enfin, le mode Normal, qui, très proche du sampler classique, permet de jouer « musicalement » chaque échantillon, en le transposant à des hauteurs distinctes en fonction des différentes note du clavier auxquelles il est affecté.
Et l’on s’aperçoit dès les premiers chargements de patch que cette lecture trilogique donne une grande polyvalence à la banque proposée.
En effet, comme dans beaucoup de collections d’échantillons dédiées à des styles plus ou moins définis, Zero G a regroupés ses boucles sous la forme de « Construction Kits », proposant ainsi des petits bouts de musique préfabriqués à partir d’une basse, d’une batterie, d’un riff de guitare ou de cuivre, d’une voix… et prêt à l’emploi.
Mais à quel emploi ? Car outre le fait que ces kits laissent entendre que la musique est une sorte de Lego où il suffit d’empiler judicieusement une suite de plans pour obtenir un résultat original – ce qui n’est pas forcément faux (nous ne rentrerons pas dans ce débat, qui dure depuis Bach !), ils peuvent aussi bloquer sensiblement l’inspiration, cantonnant dans l’esprit de l’auditeur chaque boucle dans une fonction ou une couleur tellement prédéterminée, qu’elle perd d’emblée son potentiel d’imaginaire, ou, si vous préférez, sa virginité créatrice.
Et c’est là que aussi bien le mode Time Machine, qui autorise de dénaturer le groove original en malaxant son tempo, que le mode Beat Machine, qui permet de décomposer presque à l’infini chaque boucle, la transformant ainsi en une inépuisable mine de matière sonore, redonnent à ces « Sounds of the 70's » tout leur piquant et leur polyvalence.
Notons aussi que pour les puristes, Zero G propose un Tool Kit qui rassemble les loops, non pas en kit, mais par type d’instrument (basse, B3, Wurly…), permettant ainsi de trouver rapidement le type de son dont on a besoin.
La matière
On s’en doute, avec l’équipe de musicien engagé dans le projet, l’essentiel des boucles concerne la batterie, la basse, la guitare, les claviers et la trompette. Mais on trouve aussi quelques extras, avec des voix, des flûtes, des cordes… Bref, un véritable arsenal de couleurs hétéroclites, mais soigneusement homogénéisées par une constante : un son énorme, super fat, qui ravira les amateurs de matière grasse.Les panoramiques sont à l’image de la mode d’alors : au max ! Et la plupart des instruments poussent les Vu-mètres turgescents dans l’extrêmité d’un rouge intense. Les basses sont apocalyptiques, compressées, voire carrément distordues, les guitares crunchy à souhait, ou moelleuses, surfant savamment sur des wah-wah reptiliennes et des chorus hypnotiques, et distillant de nombreux petits phrasés très pratiques à utiliser pour pimenter ses instrumentaux. Les drums, très diversifiés, proposent toutes les tourneries classiques de l’ère patchouli, avec des sonorités à la fois très épaisses et très dynamiques, et leur utilisation en mode slice offre une gigantesque banque de percussion qui pourra sans aucun doute convenir, grâce à l’excellente présence des échantillons, à des styles très divers, dépassant de loin l’horizon fixé par le nom de la banque.
Regroupés dans une cinquantaine de Construction Kits aux noms évocateurs (On the Raydio, Power of Tower, Groover Funkington, Le Flic, Planet Groove…) et classé par tempo, de 90 à 165 BPM, les loops dressent un tableau assez complet des styles Soul, Funk et Disco, avec toutefois un petit clin d’oeil au Punk qui, tout en donnant un gigantesque coup de pied dans la fourmilière des 70's, a pourtant hérité d’une grande partie de sa philosophie de la prise de son.
Le kit, judicieusement nommé « Spit on the Floor », très inspiré des Clash, démontre bien d’ailleurs à quel point le groupe mythique est finalement très proche dans sa façon de sonner du reste du panorama Funk et Soul. Quoi qu’il en soit, que vous soyez Sly, James Brown, George Clinton, les Jackson Five, Grandmaster Flash ou Donna Summer, vous trouverez ici rythmique à votre pied, vous étonnant de clapper frénétiquement du talon tout en parcourant les nombreux grooves, foisonnants de cocottes super swing ou de basses ronflantes.
Un tact étonnant
Reste qu’en plus d’une production déjà brillante, Intakt nous fournit tous les outils d’édition pour exponentialiser nos désirs les plus fous, grâce à ses 3 fenêtres de paramètres.La première permet de gérer les caractéristiques de jeu de la boucle, telles que le volume, le pan, le pitch fixe, le mode de play back (jusqu’au bout, aller-retour …), les points de début et de fin de lecture, le mode de synchro (dont le très pratique retrigger, qui recale la lecture des échantillons lus simultanément à un endroit spécifié dans la mesure).
Un éditeur de loop graphique permet bien sûr de configurer ses propres points de découpage du sample en mode Slice, et de visualiser la tranche à transformer (car bien sûr, chaque slice peut être édité séparément, bénéficiant de tous les paramètres du logiciel, un mode Global permettant toutefois pour gagner du temps une affectation des changements à l’ensemble du loop). S’ajoutent ici quelques petits gadgets bien pratique comme le « Random slice Order », qui permet de jouer les différents slice dans un ordre aléatoire, ou l’ « Export Midi file », qui génère un fichier Midi à partir des points de slice, offrant ensuite la possibilité d’adapter ou de transformer facilement les boucles d’origine dans le séquenceur hôte.
La deuxième fenêtre propose une section de modulation. On y retrouve 2 générateurs d’enveloppe (AHDSR ou Pitch), 2 LFOs synchronisés et éditables (forme d’onde, vitesse, quantité…), et un Enveloppe Follower qui permet de générer un dessin d’enveloppe à partir de l’amplitude (le volume sonore) d’un son joué, dessin que l’on peut affecter ensuite à un autre contrôle (pitch, résonance du filtre, pan), autorisant ainsi de créer des symétries de comportement intéressantes.
Enfin, la troisième fenêtre est consacrée aux effets. Elle comporte d’abord une section filtre proposant 5 types (low pass 1, 2 ou 4 pole, high pass, et band-pass), avec contrôle de la résonnance, de l’enveloppe, et de la fréquence de coupure.
Un processeur Lo-Fi permet de pourrir votre son si vous n’aimez pas le trop clean, mais vue la qualité intrinsèque de cette banque, c’est-à-dire le suintant qui graisse, vous ne devriez pas avoir à surbooker l’engin. Viennent ensuite une distorsion avec choix entre émulation de tube ou de transistor, quantité et atténuation de fréquence, puis un delay synchronisé avec réglage de la vitesse et du feed back. Pour parachever le tableau, un Filtre Master à 3 types (lowpass 4 pole, high-pass et band-pass) peut se transformer en EQ paramétrique 3 bandes pour reprendre l’intégralité du signal passé par tous les étages d’édition.
Conclusion
Danse assurée, c’est certainement le mot d’ordre de cette banque funky habilement produite par Zero G. Bien sûr, cette collection est dédiée à la boucle, et, même si on peut » jouer « certains patches en mode Normal, les amateurs d’instruments virtuels resteront ici sur leur faim. Cependant, malgré ce point et les limitations qu’imposent un style aussi connoté et déterminé, l’éditeur tire habilement parti de toutes les fonctions du logiciel Intakt de Native Instrument, parmi lesquelles les 3 modes de lecture, bien sûr, mais aussi la performance d’un moteur audio qui mouline les boucles avec une souplesse hallucinante, notamment au niveau du changement de tempo. Ainsi, dépassant la simple tableau de genre, ce » Sounds of the 70's « s’adaptera parfaitement à votre »Bits of the 2005's" !
[+] Le grand soin apporté au choix des instruments et à leur enregistrement.
[+] Le pressage d’un vinyle pour avoir LE son : il fallait le faire !
[+] Toutes les 70's sont là : disco, funk, soul mais aussi punk.
[+] Les 3 moteurs de sampling complémentaires.
[+] Efficacité d’Intakt pour modifier les tempos.
[+] Les possibilités d’édition qui permettent de bidouiller pas mal les boucles de base et de sortir du côté préfabriqué.
[-] Système d’autorisation toujours aussi lourdingue.
[-] Les mêmes limites que toutes les autres collections de boucles : il ne faut pas se limiter à empiler les boucles si on ne veut pas sonner stéréotypé.