Doucement mais sûrement, les toulousains d'Analog-Lab font leur trou dans le petit monde de l'audio pro. Leur credo : offrir le gros son analogique à des prix raisonnables. En attendant le Fluid Tube Preamp et le très prometteur Vocoder X-32. AudioFanzine revient sur le premier produit de la société : le Xpass Filter.
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Le Xpass Filter est un filtre multimode de conception entièrement analogique, ce qui, comme nous le laissions entendre en introduction, est synonyme de « gros son » pour les férus de musiques électroniques en tout genre.
Connectique
Bien que le traitement sonore qu’il propose soit purement monophonique, le Xpass Filter accepte des signaux stéréo au format ligne (Jack 6,35 TRS) et RIAA (platine Vinyle, format RCA) et se montre capable de restituer un signal en pseudo stéréo en sortie du filtre.
Cette connectique est complétée par une entrée adaptée aux impédances d’instruments tels que la guitare ou la basse, ainsi que d’une entrée au format CV. Cette dernière permettra de piloter la fréquence de coupure du filtre (Cutoff) dans le contexte, par exemple, d’un synthé analogique utilisant ce format ou d’une pédale de contrôle en tension (non fournie). La chose est fort bien bienvenue mais l’on regrettera de ne pas disposer d’une entrée MIDI qui aurait simplifié le contrôle du Cutoff depuis une séquence MIDI ou une surface de contrôle. Pour ce faire, il faudra en effet disposer d’un convertisseur MIDI / CV externe, ce qui n’est pas le cas de tout le monde…
Sections d’entrées et de sortie
Avec son vu-mètre rétro éclairé et son châssis métallique, le Xpass Filter ne manque pas d’allure et semble des plus robustes. Si le boîtier inspire confiance, les potentiomètres ne produisent pas en revanche la même impression, certains offrant, lors des manipulations, un jeu très perceptible sur leur base. Du coup, bien qu’il n’y ait pas de griefs particuliers à formuler du côté de la précision ou du confort, on se demande si la chose sera à l’épreuve de manips sauvages, comme on peut en faire en live lorsque l’urgence de la situation conduit à malmener un tant soit peu le matériel. En vis-à-vis de cet aspect cheap, on appréciera que la marge laissée entre le zéro et le déclenchement du LFO sur le potar de ce dernier : un bon moyen d’être sur, en cas de manœuvre rapide, que la fréquence du LFO est nulle.
Sans être d’une précision extrême, le large Vu-mètre est quant à lui tout à fait utilisable et ajoute une touche « vintage » du meilleur goût à la machine. Le genre de petit détail agréable lors de l’utilisation…
La section d’entrée possède un potard de réglage du niveau et un Bypass, qui n’est cependant pas un « true bypass » puisque le signal transite tout de même par le préampli. D’aucuns trouveront la chose intéressante, d’autre le regretteront. Pour ma part, je n’ai pas noté de coloration sensible du signal.
A l’autre extrémité de la chaîne audio se situe la section de sortie, dont le niveau est contrôlable. Cette section possède une prise casque disposant de son propre réglage de niveau. Cette section propose aussi une fonction « Cue » qui, comme sur une table de mixage de DJ, permet de vérifier au casque les traitements subis par le signal avant de le réinjecter sur les sorties principales du filtre.
Cette fonction n’a toutefois d’utilité que si le filtre se trouve en Insert sur une table de mixage par exemple, les sorties principales étant bien entendues muettes au profit de la seule sortie casque lorsque le Cue est activé.
La Section Filtre
Le Xpass Filter propose 4 modes de traitement : Low Pass, High Pass, Band Pass et Notch, avec une pente commutable de 12db à 24db, ce qui a notamment pour effet de faire ressortir plus amplement la résonnance. Voilà qui ouvre de très larges possibilités au niveau sonore, d’autant qu’il est bien sûr possible de contrôler la fréquence de coupure et le niveau de résonance du filtre via 2 potards dédiés.
Il est possible de moduler ce filtre par l’une des 4 sources de modulation disponible. Un LFO à onde en triangle, un autre à onde en carré, une enveloppe de type Auto A-R particulièrement adaptée aux boucles rythmiques et un « Enveloppe Follower » qui reproduira sur la section filtre l’enveloppe du signal d’entrée. Tout ceci ouvre pas mal de perspectives même si, de l’aveu du concepteur même, l’enveloppe A-R gagnerait grandement à offrir une visualisation du seuil de déclenchement du Gate. En l’absence de cette dernière, il faut tripoter un bon moment les boutons avant de trouver un réglage efficace. Les LFOs possèdent enfin leur potentiomètre de fréquence dédié (mais non synchronisable à un tempo extérieur) et un potentiomètre « Mod Amount » qui permet de régler l’amplitude de la modulation qui sera appliquée au signal.
DU SON !!!
La grande originalité de ce filtre est la possibilité de basculer de façon très progressive d’un mode de filtre à l’autre, via le potentiomètre dédié « Xpass ». Cette fonction permet en effet de faire une sorte de « fondu » enchaîné du Lowpass au Hipass. On dispose enfin d’une inversion de la commande Bandpass/Notch.
En traitant une forme d’onde très basique sortant de mon Virus, manipuler de concert le potard Xpass et celui de fréquence de coupure du filtre m’a permis de passer de manière naturelle d’un son riche en basses à un son « lead » plutôt acide. A n’en pas douter, voilà qui devrait être très intéressant en live !
En mode Band Pass, le potard Xpass permet de faire des Sweeps sur le filtre qui sont vraiment impressionnants et musicaux ! Attention cependant à votre matériel en mode 24 dB : Le Xpass a une telle gouache dans ce contexte que si vous ne dosez pas précautionneusement fréquence de coupure et résonance, vous courez le risque d’endommager vos enceintes…
La bonne impression se confirme lorsqu’on colle le bébé d’Analog Lab aux fesses d’une MPC60 pour traiter des boucles rythmiques. Les passages des différents modes de filtres (avec une modulation basée sur l’enveloppe A-R ou l’Enveloppe Follower) permet de faire varier de manière drastique le son obtenu et le tout sonne vraiment bien fat. Mention spéciale pour la résonance qui possède un grain très chaud, et comme nous l’avons déjà dit prend encore plus d’ampleur quand on passe en mode 24dB… En un mot comme en cent, le gros son typique de l’analogique est bien au rendez-vous. Et c’est un régal pour les oreilles dans la mesure où Analog Lab a veillé à rendre son filtre musical en toute occasion…
De la personnalité d’un filtre
C’est un fait : on n’est pas du tout ici dans la philosophie de « destruction » sonore d’un Shermann Filterbank, mais plutôt dans celle, plus sage, d’un SEM d’Oberheim. D’ailleurs, le designer de l’appareil explique lui-même qu’avec le Xpass, il cherchait à retrouver les qualités du SEM, tout en ajoutant un mode 24 dB qui rende le filtre plus versatile et permette d’accentuer le potentiel créatif de la résonance. Et pour le coup, c’est une indéniable réussite. Bien que le Xpass puisse sonner crade lorsqu’on le pousse dans ses retranchements, il garde toujours un certain respect du signal qu’on lui soumet, là où le Shermann s’affranchit plus vite de la source sonore, la rendant assez vite méconnaissable.
Ce caractère respectueux prend d’ailleurs tout son sens lorsqu’on utilise le Xpass en Insert sur une table de mix reliée à des platines, comme le font les DJ grâce à la fonction « cue ». Une source complexe comme un vinyle garde toujours son intégrité, cependant que la grande précision du filtre passe-bande permet d’isoler un instrument dans le spectre pour le martyriser à loisir.
Conclusion
Rendant un son rond, chaud et épais comme seuls les appareils analogiques savent le faire, le Xpass Filter est une vraie réussite en terme de musicalité. On pourra certes adresser quelques reproches ici et là côté fabrication (Les potars notamment, ne m’ont pas convaincu) mais l’essentiel, à savoir le son, est là et bien là. Doté d’une vraie personnalité, il devrait séduire autant les musiciens que les DJs, à condition que ceux-ci prennent conscience qu’il n’a rien d’un outil de destruction sonore, comme peut l’être le Shermann Filterbank. Bref, un filtre aussi efficace que subtil, et qui laisse augurer du meilleur concernant les futurs produits d’Analog Lab.