Test de l'Audient ORIA Mini - SoundID Reference mis en boîte par Audient

La marque britan­nique Audient se place sur un marché encore assez peu exploré, avec l’ORIA Mini. Il s’agit là d’une petite inter­face héber­geant une solu­tion de « Room Correc­tion », autre­ment dit de cali­bra­tion ou opti­mi­sa­tion. Son grand atout, c’est de pouvoir accueillir le fameux logi­ciel Soun­dID Refe­rence de Sonar­works, bien connu de nos services, et proba­ble­ment d’une partie de nos lecteurs.

Correc­tion d’écoute de studio : enjeux, méthodes et options actuelles (logi­ciel, DSP d’en­ceintes, boîtier dédié)

Depuis quelques années, une des plus marquantes évolu­tions dans le domaine du moni­to­ring, c’est évidem­ment la correc­tion de pièce ou cali­brage des enceintes. Depuis l’ar­ri­vée des pion­niers Trin­nov puis Sonar­works, jusqu’à la quasi-géné­ra­li­sa­tion des correc­tions inté­grées dans le DSP des moni­teurs, les inno­va­tions dans ce domaine ont changé le paysage sonore de manière spec­ta­cu­laire. Reve­nons à la base : on a beau avoir de très bons systèmes de moni­to­ring, les défauts acous­tiques de la pièce dans laquelle on les utilise nous limitent dans la préci­sion de notre écoute, et notre capa­cité à faire des choix en conscience. On cherche donc natu­rel­le­ment à compen­ser autant que possible les défauts ou tendances acous­tiques d’une pièce, par des égali­seurs, filtres, délais, etc. Au début des années 2000, des recherches sur la spatia­li­sa­tion du son sont menées dans notre IRCAM natio­nal, fierté française s’il en est. De ces recherches naîtra la société Trin­nov, qui propose son Opti­mi­zer à partir de 2008 à de grandes socié­tés audio­vi­suelles, puis en 2010 au grand public. Trin­nov, précur­seur en la matière, conti­nuera ensuite à déve­lop­per toute une gamme de produits dans cette direc­tion, dont l’ac­tuel Nova. En 2012, Sonar­works fait irrup­tion avec le logi­ciel Soun­dID Refe­rence, qui a eu depuis un succès phéno­mé­nal, et dont nous-mêmes sommes des adeptes. Les produits Trin­nov sont des boîtiers physiques qui intègrent les logi­ciels de trai­te­ment, tandis que Sonar­works propose un logi­ciel qu’on pourra utili­ser seul ou en plugin, asso­cié à un micro de mesure. En 2022, le construc­teur d’en­ceintes Adam Audio a la brillante idée d’éta­blir un parte­na­riat avec Sonar­works, pour permettre au Soun­dID Refe­rence d’im­plé­men­ter direc­te­ment les correc­tions dans le DSP des moni­teurs.

En même temps ou peu après, de nombreuses marques s’en­gouffrent dans la brèche et déve­loppent leurs propres systèmes de cali­bra­tions, propo­sés avec leurs nouveaux modèles : Gene­lec, Neumann, mais aussi… IK Multi­me­dia. La marque italienne est deve­nue récem­ment l’agi­ta­teur prin­ci­pal sur ce marché : tout d’abord en propo­sant cette correc­tion avec des moni­teurs, mais surtout, ensuite, en la plaçant dans un petit boîtier physique à inté­grer entre la carte son et les enceintes. Passons en revue les avan­tages et incon­vé­nients de ces diffé­rentes solu­tions. La correc­tion Soun­dID par un logi­ciel dans l’or­di­na­teur, très effi­cace et pas très chère, a pour limite de s’ap­pliquer à toutes les sorties, alors que les correc­tions sont calcu­lées pour une paire d’en­ceintes précise, ce qui oblige à désac­ti­ver lorsqu’on écoute au casque ou sur une autre paire. Autre défaut, l’ap­pli­ca­tion de cette correc­tion implique une latence impor­tante en sortie. Le DSP des moni­teurs qui fait le travail, c’est assez idéal, mais cette solu­tion se limite à quelques paires de moni­teurs commer­cia­li­sées ces dernières années, et si vous avez déjà vos enceintes que vous aimez, il vous faudra y renon­cer pour en rache­ter. Par consé­quent, la propo­si­tion initiale de Trin­nov, suivie par IK Multi­me­dia et main­te­nant par Audient, sera la bonne pour de nombreux utili­sa­teurs : vous pouvez garder vos moni­teurs, ou choi­sir ceux que vous voulez indé­pen­dam­ment de cette ques­tion, et insé­rer une correc­tion qui ne s’ap­pliquera qu’à la sortie qui ira de votre carte son aux moni­teurs avec lesquels les mesures ont été effec­tuées. En revanche, ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est que le signal subira deux conver­sions AD puis DA supplé­men­taires, en entrée et sortie du proces­seur.

On sera donc très atten­tifs à la qualité des conver­tis­seurs, si on ne veut pas appau­vrir le signal en même temps qu’on le corrige. Dans ce registre-là, on trouve donc le Nova de Trin­nov, plébis­cité pour sa grande qualité mais qui coûte plus de 3500 €, l’ARC Studio qui est vendu moins de 300 € (dix fois moins cher !), et donc désor­mais, l’ORIA Mini, vendue 430 € avec le logi­ciel Soun­dID Refe­rence. N’y allons pas par quatre chemins, le seul produit équi­valent et concur­rent, à notre connais­sance, c’est le IK Multi­me­dia ARC Studio. Ce dernier fait un super travail, qu’on a pu obser­ver à plusieurs reprises, mais la qualité des conver­tis­seurs propo­sés par une marque plutôt axée sur de l’en­trée de gamme nous semble être une petite limite.

Audient ORIA Mini : connexions (analo­giques/S/PDIF), ORIA Control, profils, sub et inté­gra­tion Soun­dID Refe­rence

L’ORIA Mini est donc un petit boîtier rectan­gu­laire noir, qui se connecte en USB à l’or­di­na­teur. Celui-ci la recon­naît assez rapi­de­ment, et l’ORIA est alimen­tée par cette connexion USB. Il faut ensuite télé­char­ger et instal­ler son logi­ciel de contrôle, ORIA Control Desk­top Soft­ware. Le logi­ciel propose des fonc­tion­na­li­tés assez clas­siques de moni­to­ring, en stéréo avec sub : volume, vu-mètres, Mute et Solo sur les diffé­rentes voies, fréquence de coupure du sub et acti­va­tion de celui-ci, Dim, inver­sion de pola­rité, etc. Il présente égale­ment une égali­sa­tion par voie, à utili­ser si on souhaite corri­ger manuel­le­ment les moni­teurs, plutôt qu’uti­li­ser un logi­ciel prévu pour cela. Car l’ORIA Mini peut aussi être ache­tée sans le logi­ciel Sonar­works, donc moins chère, ce qui nous semble nette­ment moins inté­res­sant. Si on veut pouvoir utili­ser l’as­so­cia­tion avec Soun­dID Refe­rence, il faut évidem­ment l’ins­tal­ler aussi, avec des exten­sions (Add Ons) prévues pour commu­niquer entre les deux logi­ciels et envoyer des fichiers depuis Soun­dID vers l’ORIA Control. Il reste à insé­rer, cette fois en analo­gique, le boîtier entre les conver­tis­seurs DA et les moni­teurs. On trouve à l’ar­rière du boîtier deux entrées analo­giques en jack TRS pour les deux canaux, ou une entrée numé­rique en S/PDIF, au choix. Ces deux entrées peuvent aussi être connec­tées en même temps, et la fenêtre Control permet alors de passer de l’une à l’autre. On note que l’en­trée numé­rique peut permettre de faire l’éco­no­mie de deux conver­sions, plutôt inté­res­sant. L’ORIA Mini offre la possi­bi­lité d’ajou­ter un sub à notre écoute stéréo, on trouve donc trois sorties analo­giques en jack TRS. À l’avant du boîtier, un inter­rup­teur nommé Profile permet­tra d’al­ter­ner entre les diffé­rentes confi­gu­ra­tions enre­gis­trées, et quatre voyants lumi­neux nous indiquent laquelle des quatre premières confi­gu­ra­tions est active. On peut en enre­gis­trer jusqu’à trente deux au total. L’in­ter­rup­teur Profile, si on appuie plus longue­ment dessus, permet aussi de contour­ner tota­le­ment le DSP. L’ORIA Mini est livrée avec un micro de mesure Sonar­works, et un petit câble USB C.

Procé­dure de mesure avec Soun­dID Refe­rence : 37 posi­tions, export du profil et trans­fert dans ORIA Control

La première étape de la correc­tion consiste à mesu­rer la réponse acous­tique dans la pièce, avec le logi­ciel Soun­dID Refe­rence. Cette procé­dure prend une ving­taine de minutes, et consiste à mesu­rer des balayages de fréquences, à trente-sept endroits diffé­rents autour du point d’écoute. Le logi­ciel de cali­brage de Sonar­works prend soin au préa­lable de s’as­su­rer que la confi­gu­ra­tion du studio est compa­tible avec le proces­sus de cali­brage, puis demande quelle sera l’uti­li­sa­tion du fichier de cali­brage, afin de le rendre compa­tible avec le proces­seur utilisé, ORIA Mini en l’oc­cur­rence. Audient a aussi inté­gré un cali­brage Sonar­works dans la ORIA, qui est la grande sœur de la Mini, une inter­face audio complète, et Avid dans ses inter­faces MTRX ou DAD. Une fois le proces­sus de mesure fina­lisé, le logi­ciel génère un fichier de cali­brage et nous propose de l’en­re­gis­trer sur l’or­di­na­teur. Depuis Soun­dID, nous pouvons procé­der au trans­fert du fichier de cali­brage vers l’ORIA Control, les deux logi­ciels se mettent en commu­ni­ca­tion et l’ORIA Control véri­fie si nous voulons impor­ter le fichier comme un nouveau réglage ou encore rempla­cer celui en cours d’uti­li­sa­tion.

Résul­tats d’écoute : préci­sion, gestion du sub et conver­sion

Nous avons donc procédé à deux mesures de notre paire de moni­teurs. La première a été faite sans le cais­son de graves, et la deuxième avec, afin d’éva­luer le produit dans toutes ses capa­ci­tés. Le réglage préa­lable du sub, tant en termes de niveau que de fréquence de coupure, n’est pas parti­cu­liè­re­ment mentionné dans Soun­dID. Nous utili­sons donc le réglage par défaut de celui-ci, avec une coupure à 100 Hz et un envoi de chaque canal de la stéréo, sans niveau spéci­fié. La première surprise est qu’après la série de mesures avec le cais­son de basses actif, le fichier de correc­tion généré rend le sub inac­tif. Il est néan­moins très facile de le réac­ti­ver dans l’ORIA Control. La marque a conscience de ce léger défaut et nous assure corri­ger cela lors d’une mise à jour prochaine. Le profil sans sub est très concluant et nous rappelle avec préci­sion la correc­tion que nous avons l’ha­bi­tude d’uti­li­ser avec Soun­dID, qu’il soit en utili­sa­tion seule ou inséré sur le bus d’écoute de notre DAW. Les défauts natu­rels de nos enceintes Gene­lec 1030A cumu­lés à notre pièce semblent avoir été corri­gés avec préci­sion. L’image est stable et large, les basses sont plus profondes, les hauts médiums plus doux et le tout moins agres­sif. On aime­rait quand même tenter d’at­té­nuer le niveau d’ap­pli­ca­tion de la correc­tion, comme nous avions l’ha­bi­tude de le faire dans le Soun­dID, mais cette fonc­tion n’est pas dispo­nible chez ORIA. En revanche, les diffé­rents accès sont très pratiques et l’er­go­no­mie est bien pensée. On a notam­ment faci­le­ment accès à une modi­fi­ca­tion du volume géné­ral pour chacun des préré­glages. De la même manière, l’ORIA Control nous donne accès au volume et au délai de chacune des enceintes, pour chacun des préré­glages. Pour les profils qui ont été géné­rés par Sonar­works, il faut déver­rouiller le réglage au préa­lable afin de pouvoir le modi­fier, et ce, enceinte par enceinte, et cette petite précau­tion est assez appré­ciée. De la même manière, après chaque modi­fi­ca­tion de profil, le logi­ciel nous demande si nous voulons en sauve­gar­der un nouveau ou écra­ser l’exis­tant avant d’en chan­ger. Dans la confi­gu­ra­tion qui inclut l’uti­li­sa­tion du cais­son de graves, le résul­tat est aussi très inté­res­sant, même s’il nous paraît évident que le niveau nomi­nal du sub est vrai­ment exces­sif. Nous déci­dons donc d’at­té­nuer le niveau du cais­son de basses dans l’ORIA Control de 6 dB avant de retrou­ver un équi­libre qui nous semble cohé­rent. Éton­nam­ment les courbes de correc­tions sont diffé­rentes au-delà des fréquences graves, entre les fichiers de correc­tion avec et sans le cais­son de basses, et le résul­tat fréquen­tiel à l’écoute l’est aussi sensi­ble­ment, notam­ment dans les hauts médiums. Les deux réglages sont pour autant cohé­rents et nous paraissent corri­ger de manière très effi­cace aux défauts de la pièce. On note d’ailleurs que le passage d’un réglage à l’autre se fait de manière très fluide et sans silence imposé, ce qui permet de faire des écoutes compa­ra­tives précises et rapides. Un atout impor­tant d’Au­dient sur ce marché, c’est la conver­sion audio­nu­mé­rique. La marque est spécia­li­sée dans les inter­faces et conver­tis­seurs, et c’est un construc­teur assez sérieux dans ce domaine. Les conver­tis­seurs 32 bits ont une plage dyna­mique de 127 dB, et sont présen­tés comme ayant un rapport signal bruit parti­cu­liè­re­ment avan­ta­geux. C’est entre autres sur ce terrain-là que l’ORIA Mini se distingue de son prin­ci­pal concur­rent. Un peu plus anec­do­tique, un contrôle à distance est possible avec une appli­ca­tion iPad ou Stream Deck. En revanche, très impor­tant, l’ORIA supporte un niveau d’en­trée de 18 dBu, pas plus. Nous avons eu la mauvaise surprise d’en­tendre un fort clip­ping numé­rique lors de nos premiers pas, nos conver­tis­seurs géné­rant un signal de 24 dBu. C’est là un point très sensible, et il faudra s’as­su­rer que la carte son utili­sée en amont peut être réglée à ce niveau précis.