À l’instar de Gibson avec Epiphone, Takamine fait fabriquer en Indonésie des petites guitares acoustiques pas chères sous le doux nom de Jasmine. Que reste-t-il de ces fameuses électro-acoustiques dans ce modèle d’entrée de gamme indonésien dépourvu de préampli ?
L’Indonésie fabrique des guitares pas chères depuis plus de 15 ans, et leurs chaînes de production sont maintenant bien rodées, y’en a même qui disent que leurs ouvriers commencent à être payés… Mais pour produire une guitare, et en particulier une guitare sèche et la vendre à un tel prix, les économies sont traquées dans les moindres recoins et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Voyons donc ce que la petite princesse nous réserve.
En route pour Disneyland ?
Que les choses soient claires, cette Jasmine est une vraie guitare, bien que dotée d’une table en épicéa contreplaqué. Son dos et ses éclisses sont en agathis, bois couramment utilisé dans les instruments d’entrée de gamme, pour sa sonorité tout à fait correcte et son prix bas. C’est le même compromis qui a été retenu avec l’utilisation du nato pour le manche. Le chevalet et la touche sont quant à eux, en bois plus noble, j’ai nommé le palissandre. Vous pouvez voir que la couleur de la touche n’est pas homogène. Un détail qui ne serait sans doute pas passé au contrôle qualité d’une guitare plus onéreuse, mais ce souci n’est qu’esthétique : mieux vaut un bon bois moche qu’un mauvais bois sombre et lisse.
La rosace ne fait pas dans la dentelle avec des incrustations en plastique, mais à ce prix, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Concernant le pickguard de forme « goutte d’eau », il peut paraître facilement rayable sur les photos, mais le plastique de protection était encore en place. Les sillets, comme sur la majorité les modèles d’entrée de gamme, sont eux aussi en plastique, pompeusement nommés « os synthétique » et celui du chevalet est compensé pour garantir la justesse des notes sur l’ensemble du manche.
La tige de réglage du manche se trouve sous la rosace pour que le technicien puisse facilement régler l’instrument si nécessaire.
Côté pratique toujours, l’attache-courroie est idéalement vissée sur le manche lui même. Très utile si vous jouez souvent debout, sauf si votre sangle possède des attaches en plastique, car celles-ci risquent de ne pas pouvoir se plaquer contre le manche et augmenter ainsi l’inclinaison de l’instrument vers le sol.
L’ensemble est donc en demi-teinte, avec une finition globalement satisfaisante, et une impression de fragilité difficile à objectiver. Toutefois, rien de rédhibitoire n’est à déplorer, ce qui est déjà une petite victoire dans cette gamme de prix.
Jasmi(mi)ne(s)
Le manche est dans la tradition Takamine, très rond, épais mais d’une largeur réduite, convenant parfaitement aux petits doigts. Les amateurs de jeu en « pouce par dessus » seront comblés. Ceux qui préfèrent utiliser la position académique pour les barrés et ceux qui ont de grandes paluches (comme votre serviteur), le seront beaucoup moins.
Aucune frette ne dépasse et le collage du manche paraît bien réalisé. Le vernissage satiné est réussi, et confère une glisse tout à fait agréable.
Les mécaniques quant à elles, sont joliment chromées mais l’illusion n’est que visuelle, car dès qu’on les actionne, on est loin de la douceur d’utilisation de mécaniques à bain d’huile et l’accordage précis requiert un peu de patience. Malgré cela, la petite Asiatique semble plutôt bien tenir l’accord.
Une princesse à caresser
Comme souvent, les cordes d’origine (des Phopher, inconnues au bataillon, qui semblent être des copies de D’Addario Phosphor Bronze) sont proches de l’exécrable, ce qui fausse obligatoirement le test. En effet, la brillance et la profondeur s’en trouvent réduites. Le nouvel acquéreur devra donc changer celles-ci dare-dare.
Mais concentrons-nous tout de même sur le son de la petite Indonésienne. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette Jasmine donne bonne impression en sonnant fort, avec des graves présents. Mais (il y a toujours un mais en entrée de gamme) les médiums semblent un peu en retrait et les aigus, bien que fortement présents, sont peu définis.
Le strumming explose, comme vous pouvez l’entendre sur l’extrait suivant :
J’ai utilisé un médiator épais (1,14 mm) pour le test et le résultat aurait sans doute été meilleur avec un médiator plus fin. D’un point de vue purement subjectif, on a un peu la sensation de jouer sur une électro-acoustique branchée, avec une attaque omniprésente et des queues de notes en retrait. Cette petite préfèrerait-elle qu’on la caresse ? Voyons avec l’extrait suivant en picking :
Sa bonne projection est un atout sérieux en picking et le manque de médiums se fait moins ressentir. Le bourdon sonne plein, avec un sustain tout à fait correct. Les aigus semblent également plus précis, bref, elle semble bien plus convaincante en ballade qu’en rock.
Vérifions cela avec un petit riff :
On retrouve les aigus légèrement agaçants déjà constatés dans l’essai en strum. Et pourtant la guitare était bien réglée, les cordes suffisamment éloignées du manche pour ne pas friser. Encore une fois, difficile de trancher avec les cordes d’origine. Toutefois, on se rend bien compte que cette guitare n’aime pas qu’on lui « rentre dedans » et préfère un jeu en douceur pour s’exprimer sous son meilleur jour. Elle peut même se montrer chaleureuse si on maîtrise parfaitement l’attaque.
Une princesse au cœur tendre
À 149 € environ, avec sa bonne présence sonore, son manche qui ravira les petites mains et son aptitude au jeu aux doigts, la petite princesse est une parfaite candidate pour trôner sous le sapin. Je la conseillerais en particulier à la gent féminine, qui devrait être séduite par son côté doux et chaleureux tant qu’on n’attaque pas trop fort. En somme, une guitare pour jouer du folk, plutôt déconseillée à ceux qui se prennent pour Pete Townshend.
Merci à Guitar Street de nous avoir accueillis dans leur magasin.