Fin de notre mini-série sur les dreadnoughts pas chères, avec une outsider un chouïa plus onéreuse que ses concurrentes.
Baton Rouge propose une guitare sobre équipée d’une table massive en restant sous la barre des 200 euros. Votre serviteur a donc une nouvelle fois payé de sa personne pour vous aider à choisir le cadeau de Noël idéal.
Authentic Louisiana at every turn ?
La firme, encore peu connue du grand public, est spécialisée dans les guitares acoustiques et les ukulélés. Pourtant la devise de la ville de Baton Rouge est pour le moins exagérée si on l’applique à cette guitare. En effet, la marque est… allemande. Ce n’est donc pas en Louisiane, mais dans le land de Bade-Wurtemberg que cette guitare a été conçue.
Le siège de la marque se trouve à Tübingen, ville jumelée avec Aix en Provence, elle-même jumelée avec la ville de Baton Rouge. Simple coïncidence ?
Trêve de billevesées, car cela se complique encore un peu plus : la fabrication de leurs modèles low cost est évidemment asiatique. Ainsi, ce sont des ouvriers chinois qui se chargent de la fabrication de la R11.
Deutsche konzeption
La Sino-Germanique présente bien. Sa tête, d’une forme originale peu ostentatoire, est équipée de mécaniques à bain d’huile douces et précises. Un critère important quand on sait le temps que l’on passe à s’accorder dans une vie de guitariste.
On continue de se rassurer avec le choix du classique acajou pour le manche, le dos et les éclisses. Quant à la touche et au chevalet, ils sont en palissandre d’une qualité qu’on pourrait qualifier de supérieure. Évidemment, on est loin du palissandre de Rio hors de prix, mais bien au-dessus de celui équipant la touche des guitares électriques à 50 €. Le frettage est correctement réalisé, on ne risquera donc aucun saignement, contrairement au pauvre Jean-Jacques avec ses Gibson. L’accès à la tige de réglage se trouve en bas du manche, sous la rosace, comme sur une large majorité de guitares folk.
Mais l’argument choc de la petite Chinoise réside dans sa table en épicéa massif. Une rareté dans cette gamme de prix, préfigurant précision et profondeur de son. La prudence reste de mise, car il vaut mieux une guitare équilibrée en contreplaqué, qu’un instrument à table massive bâclé. Le test sonore nous dira si le ramage est conforme au plumage.
Le tout est recouvert d’un discret vernis satiné en couche peu épaisse. Les points de repère sont reportés sur l’avant de la touche, pour rassurer les débutants paniqués à l’idée de se perdre sur le manche. Les sillets, quant à eux, sont en plastique et celui de chevalet est compensé comme sur la majorité des guitares folk modernes.
Question finition, la rosace dessinée est sommaire, et la forme du chevalet tout à fait banale. Ce n’est pas sur l’originalité visuelle que cette guitare compte marquer des points. Et ce ne sont pas non plus les détails pratiques qui la serviront car aucune attache-courroie n’est prévue pour jouer debout. Une simple sangle à lacets pourra régler le problème, mais étant donné le prix de cette petite pièce métallique, cela relève de la mesquinerie.
La R11 joue la carte de la sobriété. L’essentiel est donc présent, mais aucun cri de groupies en furie n’est prévu après cette rapide évaluation visuelle.
En route pour le Mississippi
Délicatement posée sur la cuisse, manche en main, la R11 ne déroute pas. Le placement est naturel et le manche, relativement fin et plat, devrait convenir à peu près à tout le monde, particulièrement en position académique. Il est tout à fait possible d’utiliser son pouce gauche pour jouer sur la corde de Mi (voir même sur celle de La), avec un confort peut-être légèrement moins évident, mais tout à fait convenable.
On apprécie également le vernis satiné, doux et glissant ni trop, ni trop peu.
Il est temps de brancher vos oreilles pour une exploration sonore de la petite Chinoise, d’origine allemande, d’inspiration américaine, de culture française (ouf !).
Aucune indication concernant la provenance des cordes d’origine n’étant disponible, vous devrez vous fier à mon ressenti. Et il est plutôt positif : aucun aigu stressant ni grave faiblard n’est à signaler.
Faut de tout pour faire un monde
Tout est là : des graves bien profonds, des aigus clairs et des médiums équilibrés. Les variations dans l’attaque se ressentent distinctement, les débutants seront donc motivés dans leur progression sans pour autant sacrifier le plaisir. Contrairement aux autres modèles testés, les nuances sont fidèles et la main droite peut tout à fait remplir son rôle en façonnant l’attaque, la guitare se contentant de la diffuser sans tout miser sur les aigus.
Là encore, l’équilibre des fréquences est plus que satisfaisant et les variations de dynamique sont amplifiées. On peut jouer les pinailleurs en disant que cette guitare manque de personnalité, mais à ce prix, on ne peut pas tout avoir. Encore une fois, comme elle retranscrit fidèlement l’attaque, tout est possible et je ne vois pas comment on pourrait être déçu avec un tel instrument vu son prix. L’essai aux doigts doit donc logiquement être concluant lui aussi.
Pas de dichotomie ici entre le strum et le picking, la Chinoise s’en sort dans toutes les situations. Les graves en particulier, sont bien plus présents que dans tous les autres modèles testés (merci la table massive). Mais c’est surtout l’équilibre entre graves, médiums, aigus qui lui permet d’être à l’aise dans la plupart des registres.
La Sino-Germano-Louisianaise s’en sort avec les honneurs, grâce à une polyvalence digne de ses origines bigarrées. L’esbroufe laisse place au son, avec un corps et une précision digne d’une milieu de gamme.
Outsider In
À 189 € environ, cette R11 est la plus onéreuse des modèles testés, mais propose une guitare équilibrée, un cran au-dessus en termes de qualité sonore. Ce n’est pas la plus belle, mais sûrement la plus efficace dans bien des situations. À conseiller donc sans modération, aussi bien au débutant qu’à l’amateur, sauf peut être pour ceux qui recherchent un son « roots » ou un instrument à forte personnalité.
Merci à Paul Beuscher de nous avoir accueillis dans leur magasin.