Dans la jungle des guitares pas chères, Ibanez se distingue par un modèle au look typé avec son coloris « Antique Natural » jouant clairement la carte « vintage ». L’habit fait-il le moine au pays des dreadnoughts Indonésiennes ?
Longtemps leader du marché des guitares pas chères, Ibanez a dû subir la concurrence frontale de la part de leurs propres ingénieurs (partis fonder Cort), ainsi que d’innombrables copistes. Les Nippons ont su relever le défi en délocalisant leur production (comme tout le monde) mais aussi en veillant scrupuleusement à la qualité des instruments estampillés de la marque. Mais tenter de réunir qualité et originalité à ce prix, n’est-ce pas un peu présomptueux ?
Stéréotypes
Dès le premier coup d’œil, le vernis ultra brillant saute aux yeux. On aime ou on n’aime pas, et même si la couche est franchement épaisse, il faut admettre que le résultat a de la gueule. Détaillons donc l’engin de haut en bas.
Sur sa tête, à la forme typique de la marque vue maintes fois sur ses célèbres modèles demi-caisse, se trouve l’accès au truss rod, caché en haut du manche. Vous pourrez l’apercevoir après avoir dévissé le cache en plastique. Cette petite particularité, couramment employée dans l’univers électrique, comblera les techniciens qui pourront voir l’effet du réglage du manche en temps réel sans avoir à tourner l’instrument dans tous les sens. Côté mécaniques, celles équipant l’indonésienne sont de type die cast (moulées sous pression). Elles se révèlent tout à fait efficaces à l’usage, et si leur vieillissement ne sera peut-être pas aussi bon que celui de mécaniques à bain d’huile, on reste dans le haut du panier pour cette gamme de prix.
Son manche en acajou et sa touche en palissandre sont parfaitement réalisés, et les frettes sont soigneusement posées. La finition continue d’être bluffante lorsqu’on s’approche du corps : les incrustations nacrées qui ornent la rosace sont du plus bel effet. Associé à une plaque « tortue » d’inspiration Taylor, l’ensemble accentue le look « vintage » de l’instrument. Une table en épicéa (non massive, faut pas pousser mémé dans les orties), accompagnée d’un dos et d’éclisses en acajou forment le corps cette belle dreadnought.
Enfin, le chevalet en palissandre et son sillet compensé (en plastique, comme celui de la tête) ne déchaîneront pas les passions, mais inspirent confiance et sérénité quant à la transmission du son à la table et à la justesse de l’instrument.
L’indonésienne ne manque donc de rien, une attache courroie étant placée derrière le manche pour pouvoir jouer debout avec n’importe quelle sangle.
Mais la plus grosse surprise, absolument pas vintage, se trouve sur le flanc gauche de l’instrument : un accordeur est incrusté dans l’éclisse ! (une rareté dans le monde des guitares acoustiques dépourvues de préampli). Alors certes, on se rend rapidement compte qu’il n’est pas d’une précision chirurgicale, mais c’est tout de même bien pratique. En particulier lors des changements de cordes afin de vérifier qu’on ne va pas trop loin à la recherche du mi aigu et éviter ainsi de le casser avant même l’avoir joué (c’est déjà arrivé aux meilleurs d’entre nous). Pour un accordage plus fin, un accordeur plus précis ou vos oreilles aguerries feront l’affaire.
Un look vintage donc, mais une conception on ne peut plus moderne.
There is a low
Encore une bonne nouvelle : les cordes sont des D’addario EXP. Vous ne serez donc pas tenus de les changer immédiatement (ce qui est loin d’être toujours le cas quand on achète sa première guitare).
Le manche se révèle tout à fait confortable, la pince académique comme le « pouce par dessus » sont aussi aisés l’un que l’autre. On est proche de la sensation d’un manche de guitare électrique. Cependant, après quelques minutes de jeu, celui-ci donne la désagréable sensation de coller. La faute au vernis brillant, très épais. Un détail qui peut se révéler rédhibitoire pour ceux qui transpirent abondamment des mains.
Mais trêve de verbigérations et place au son.
Country House
L’Ibanez s’en sort tout à fait dignement, en encaissant les coups de médiator sans broncher. Les aigus ne sont peut être pas très précis (tout comme mon jeu sur cet extrait), et les graves peu profonds, mais les médiums sont bien présents et le son d’ensemble chaleureux. Cela lui confère une bonne aptitude au strumming et on s’imagine tout de suite chanter en attaquant franchement les cordes sur la plage, au coin du feu ou sur les bords du Bayou (ou de la Marne). La projection est moyenne, d’autres modèles dans la même gamme sonnant bien plus fort, mais cela permet d’attaquer franchement sans arrière-pensée.
Le boogie ne lui fait pas peur, pas plus que les bends. Les médiums chaleureux sont toujours de la partie. Les graves et les aigus restent légèrement en retrait, mais après tout, une guitare, c’est principalement des médiums. Et l’équilibre général reste tout à fait correct. Je ne l’ai pas essayée avec un bottleneck, mais nul doute que la SGT s’en sortirait avec brio.
Voyons maintenant comment elle se comporte en finger picking avec une attaque bien plus légère.
Le son n’est pas très précis, et les aigus viennent à manquer dans ce registre, mais le « moelleux » des médiums flatte l’oreille. On est loin de la guitare d’étude qui amplifie chaque erreur. Cette guitare n’est pas exigeante et utilise ses qualités pour le plaisir plus que pour la précision.
Cette Ibanez ne cherche donc pas à passer inaperçue : avec un look affirmé et un son en accord avec sa plastique, elle est avant tout destinée aux amateurs de blues, de rock et de country plutôt qu’aux accompagnateurs en retrait.
You’re so great
Pour 169 € environ, Ibanez fait fort avec un modèle qui ose un look typé en restant dans le bon goût, avec un son équilibré, se payant même le luxe d’offrir un accordeur intégré. Cette SGT120E se destine aux débutants, mais aussi aux amateurs qui cherchent leur guitare de vacances pour jouer au coin du feu. Son seul vrai défaut est ce vernis brillant très désagréable pour ceux qui ont les mains moites. Si ce n’est pas votre cas, vous serez comblés pas cette petite Indonésienne, en particulier si vous êtes friand de jeu au plectre.
Merci à Guitar Street de nous avoir accueillis dans leur magasin.