L’entreprise japonaise qui a emprunté son nom à la montagne faisant face à ses locaux, le mont Takamine prêt de Gifu, a fêté ses 50 ans l'année dernière. Pour l’occasion, elle met sur le marché une nouvelle série appelée un peu pompeusement «Pro Series», avec une quinzaine de modèles différents.
On y retrouve déclinées les formes classiques des guitares folks, avec une cohérence dans la série pour le choix des bois, pour les corps en tout massif, la présence de barrages en X et du préampli CT4B II. Pas de grande innovation ou d’excentricité sur cette série, mais plutôt une combinaison réussie des petits plus que Takamine a su apporter à ses instruments au fil des années, avec une recherche de classicisme, de sobriété et de qualité dans la lutherie.
La guitare que je teste aujourd’hui, la P1DC, fait partie de la « Pro Series » (P), l’un des premiers, et des plus simples, modèles de cette série (1), elle est de forme Dreadnought (D) et a un pan coupé (C pour Cutaway).
Je vais au long de cet article vous détailler plus précisément de quel bois se chauffe cet instrument, mais aussi en profiter pour évoquer les différences entre les modèles 1, 2 ou 3 de cette série.
Promenons-nous dans les bois
Cette guitare, à l’allure des plus traditionnelles avec sa teinte naturelle vernie, est de forme Dreadnought. Cette coupe de guitare a été inventée par la marque américaine Martin au début du siècle dernier, le Dreadnought étant alors un navire de guerre évoquant la forme plus volumineuse de l’instrument. Depuis c’est devenu un des plus grands classiques de la lutherie folk.
La table d’harmonie est en cèdre massif, le dos et les éclisses en sapelli massif, le manche en palissandre africain et la touche en acajou. Pour une guitare de ce prix-là, avoir un corps en tout massif est un plus évident pour la vibration et pour le son de l’instrument. Il est vrai que le sapelli africain n’est pas un bois précieux dans la lutherie, mais malheureusement l’acajou, l’érable ou le palissandre se font rares et chers de nos jours. Si vous n’êtes pas content, triplez votre budget ou remontez le temps de 60 ans !
Si vous recherchez un peu plus de profondeur et de sustain n’hésitez pas à tester le modèle P2DC qui, pour une trentaine d’euros supplémentaires, environ 1015 € au lieu de 990 € pour une P1DC, propose le même modèle avec une table en épicéa au lieu du cèdre. Je n’ai malheureusement pas pu tester cette variante pour écouter la différence qu’apporte l’épicéa par rapport au cèdre.
Pour 1200 € vous aurez accès à la P3DC qui propose deux principales différences avec le modèle 1 : tout d’abord les barrages sont scalopés à la main (comme sur les Martin vintage), ensuite un soin particulier est alors porté aux détails esthétiques : mécaniques ambrées, rosace et filets travaillés, etc.
Le savoir-faire japonais
Pour cette série « Pro » Takamine se devait de nous sortir le grand jeu et d’honorer sa réputation de qualité et de finition irréprochable.
Tout d’abord le manche est rond, en forme de C, et légèrement asymétrique pour un meilleur confort de jeu. En effet il est très agréable, assez fin, mais pas trop, on est sur une dreadnought tout de même !
Ensuite c’est un chevalet sans cheville. C’est beau, c’est sensé apporter plus de sustain mais c’est surtout plus pratique pour changer les cordes, plus besoin de pince plate !
Plus surprenant encore, le sillet de corps Takamine est en deux parties, il est coupé en deux entre les cordes de sol et de si. C’est esthétiquement un peu brut, mais très cohérent au niveau acoustique pour obtenir une justesse parfaite sur l’ensemble du manche, de la 1re à la 20e case.
Le préampli CT-4B II qui équipe toutes les guitares de cette série est pour moi assez basique, mais il fait bien son travail. Donc aucune surprise quant au son du micro piezo, c’est-à-dire efficace dans une sono pour le live, mais pas sur une table pour de l’enregistrement studio. Les 3 potentiomètres d’équalisation sont aussi fonctionnels, mais sans grande profondeur. Le classique accordeur intégré est bien pratique, surtout avec ses 3 positions (Off, On avec Bypass et On sans Bypass). On peut quand même regretter le manque d’amplitude et de précision de ces potentiomètres, on aura vite fait de perdre ses réglages avec un faux mouvement, et c’est problématique surtout au niveau du bouton de volume.
Par contre le petit plus Takamine sur leurs préamplis est qu’ils sont interchangeables sans avoir à passer chez un luthier. La manipulation est assez simple, du coup ça donne envie de tester leurs préamplis avec lampe (Cool Tube) … Bien vu et belle idée marketing !
Dernier petit détail, mais que je tiens à préciser, car il montre bien l’intérêt que porte la marque nippone à la finition de ses instruments, la prise jack femelle est de très bonne qualité et bloque parfaitement votre jack quand il est inséré dedans.
Tais-toi et joue !
En acoustique la guitare sonne vraiment bien pour une dreadnought à 1000 €. Son point fort réside pour moi dans ses médiums chaleureux et dynamiques. Il faut rappeler que souvent on est séduit à la première écoute par une guitare aux aigus charmeurs ou aux graves puissants, mais que ce sont ses fréquences médiums qui permettent à l’instrument de trouver véritablement sa place dans le mix de l’ensemble.
Ensuite les aigus ne sont pas trop criards même s’ils manquent légèrement de brillance. Les basses sont chaleureuses et agréables, on pourrait regretter qu’elles n’aient pas un peu plus de puissance vu la forme de l’instrument, mais avec une bonne prise de son on pourra facilement leur donner de l’ampleur. La projection n’est pas énorme, mais tout dépend de l’utilisation qu’on compte faire de cet instrument, et c’est au profit de la précision que l’on perd en puissance. Pour ma part les dreadnoughts à forte projection me fatiguent assez vite, sauf pour des utilisations particulières qui n’impliquent souvent pas ou peu de reprises.
En branché c’est tout à fait correct pour cette gamme de prix, cohérent avec le micro piezo, un préampli correct et basique et une lutherie, disons de « gamme intermédiaire ». Donc par rapport à la concurrence on n’a rien à redire.
Pour mes extraits audio j’ai laissé l’équalisation à plat et branché ma guitare en direct dans la carte son pour prise piezo. Pour la prise acoustique, j’ai utilisé un micro DPA, qui est assez droit, il me semble.
- Takamine P1DC Piezo 00:58
- Takamine P1DC DPA 00:58
- Takamine P1DC mix 00:58
Avez-vous des questions à mes réponses ?
Pour une utilisation « professionnelle » en tant que soliste, et pas en tant qu’accompagnateur, je trouve quand même que les guitares folk dans les 1000 € sont un peu frustrantes, car on n’a pas le frisson qu’on attend en cassant à ce point sa tirelire. Il faut malheureusement pousser vers les 2000 € pour être sûr de signer un contrat à vie … Et oui on peut dire que le prix des guitares d’exception a explosé avec la production d’instruments en masse.
Mis à part cette frustration récurrente, je n’ai pas repéré de véritable défaut apparent, et pourtant j’ai cherché… Ce qui me pousse à dire qu’encore une fois Takamine est un des champions du rapport qualité-prix, avec une très bonne finition et un souci du détail pour des prix corrects. Alors, dans le doute et l’hésitation j’aurais tendance à faire confiance à la marque nippone !