Yamaha propose avec sa série A une toute nouvelle gamme de guitares électro-acoustiques, avec 8 modèles allant de 600 à 1000 € environ. Les A1 étant les moins chères et les A3 le haut de gamme.
La marque nippone, qui a commencé en construisant des orgues il y a 130 ans, a depuis cherché à être à la pointe de l’innovation et de la recherche acoustique. La nouveauté sur cette guitare est son préampli au système breveté SRT 63. Yamaha a tenté d’y confronter de manière originale deux des plus grandes préoccupations technologiques actuelles : la modélisation numérique des sons analogiques et la prise de son des guitares acoustiques. Il ne s’agit pas ici de reproduire des sons de guitare, mais de modéliser la prise de son studio (micro vintage, espace, résonance de la caisse) à partir d’un micro Piezo évolué. En effet un des enjeux actuels est de trouver, pour la scène ou pour le home studio, une alternative au classique micro Piezo qui ne permet pas de rendre compte de la vraie couleur acoustique de l’instrument.
C’est donc une guitare au look rustique et ultra classique, mais avec une innovation technique ambitieuse et alléchante que j’ai eu la chance de tester pour vous. Comme cette guitare promet beaucoup et se veut polyvalente, je l’ai « grattée » dans toutes les situations : home studio, concert, répétition, non sans l’avoir tout d’abord « goûtée » en acoustique, à la maison.
La Yamaha des Bois
L’A3R est une élégante dreadnought au pan coupé vénitien. J’en profite pour faire une petite remarque sur la forme dreadnought. On a souvent l’impression que par sa taille imposante (c’est la guitare traditionnelle du folk américain, la grosse guitare de cowboy) elle sera dure à jouer. Mais en fait, on remarque que l’on a une bonne position assise avec cette guitare dans les mains. Les petits modèles (Auditorium par exemple) ont l’air plus facile d’accès, mais impliquent souvent de compenser avec le reste du corps, par exemple en surélevant la jambe d’appui ou avec l’épaule. Ceux qui ont un peu mal au dos après de longues heures passées assis à jouer de la guitare (ou aux jeux vidéos) pourraient être agréablement surpris par les guitares plus volumineuses.
Mais revenons à notre instrument, dont le corps et la table sont en bois massif, avec la table en épicéa et le dos et les éclisses en palissandre. Son manche est en acajou, la touche et le chevalet sont en ébène. En utilisant ce beau bois, le constructeur a clairement misé sur le côté boisé et chaleureux de l’instrument. Tout d’abord avec le très joli bending et la rosette en acajou, mais surtout avec ce magnifique manche au surprenant verni mat, sur lequel on sent au toucher les nervures du bois. On dit souvent que c’est une question de goût, qu’on aime ou qu’on n’aime pas les manches au vernis mat. Moi qui préfère les vernis brillants, j’ai été conquis par celui-ci. Il y a de grandes chances que vous le soyez aussi : il est très réussi.
Quant à son look, il est des plus sobre et classique, sa seule originalité étant sa plaque de protection à la forme légèrement baroque.
La finition semble au premier abord de très bonne qualité, le manche et les frettes sont fins, et les mécaniques sont à bain d’huile. Quelques petits défauts (sillet de tête mal positionné et frettes aigües mal poncées qui peuvent attraper les cordes sur des rythmiques appuyées) étaient présents sur le premier modèle qui nous a été confié et nous l’avons renvoyé. Heureusement le deuxième était le bon et aucun de ces défauts ne fut cette fois-ci à déplorer. Le futur acquéreur devra cependant être attentif à ce genre de détail, et cela vaut pour toutes les marques, même les plus prestigieuses… Quelques éléments nous chiffonnent tout de même : le vernis du corps n’est pas d’une qualité exceptionnelle (même s’il reste convenable pour une guitare dans cette gamme de prix) et nous trouvons que le bouton de la sangle est mal placé sur le manche, à un endroit peu pratique pour une guitare à pan coupé.
Il est temps de vous raconter comment elle chante cette A3R !
Comme un Yama(ha)Kasi dans la ville
Ma première impression, qui me durera tout au long de mes expériences avec cette guitare, est que le manche est très agréable. Les cordes sont très proches du manche, il n’y a pas de frisette et une bonne justesse sur toutes les octaves. La grande qualité de cette guitare est donc sa facilité de jeu dans toutes les positions.
Au niveau du son, les aigus sont bien définis et les médiums agréables, ce qui n’est pas le cas dans la même gamme de prix chez certains bons concurrents. Il n’y a cependant que très peu de basses et la projection n’est pas très grande. Cela peut se justifier par l’utilisation principalement branchée de la guitare (le son sera plus facile à capter pour le micro et à développer par la suite), mais c’est décevant pour un instrument de cette taille. À part ce manque de basses, pas d’autre déception pour le test en acoustique, cette guitare est propre et sonne bien. Mais il est temps d’aller jeter une oreille vers ce qui doit la rendre vraiment spéciale, allons la brancher.
Elle est où la notice ?
Avant de plonger dans le test pur, il est nécessaire d’expliquer les multiples paramètres que propose ce nouveau préampli très sophistiqué. Cela parait un peu compliqué à première vue, mais c’est en fait très facile d’utilisation. Cette guitare est équipée de micros individuels pour chaque corde, ce qui permet une meilleure utilisation des potentiomètres low, mid et high : on a donc accès au son classique du Piezo. Mais ce qui fait la spécificité du SRT 63, c’est la possibilité de passer le signal du micro à travers une simulation de prise de son studio par de grands micros vintage. Attention il ne s’agit pas d’une émulation du son de la guitare, qui reste celui de l’instrument joué, mais celle de la prise de son. En effet un Piezo classique ne profite pas de la résonance de la caisse, de l’air, de la pièce et de l’espace. Il réagit aux vibrations des cordes au niveau du sillet de chevalet. C’est pourtant lui qui est majoritairement utilisé pour la scène, car il évite les problèmes de volume, de repisse, de feedback… Grâce à la sono, aux amplis électro-acoustiques et au spectacle, on s’est habitué à ce son en concert, même si beaucoup cherchent actuellement à améliorer la sonorisation live de nos acoustiques. En revanche, pour l’enregistrement on est toujours déçu par les Piezo et on privilégie la prise de son par des micros studios, et particulièrement avec les 3 proposés en émulation par ce préampli : le Neumann U 67 (micro large membrane à condensateur), le Neumann KM56 (micro petite membrane à condensateur) et le Royer R-122 (micro dynamique à ruban). Ça met l’eau à la bouche !
Donc on peut choisir entre ces 3 émulations et le bouton potentiomètre Blend nous permet de mélanger le son issu directement du capteur et celui de la simulation de microphone. Ce qui permet de doser habilement et selon les situations la coloration recherchée.
La commande Focus/Wide permet, en mode Wide, d’ajouter à la prise de son de proximité un micro d’ambiance. On utilisera plus sûrement le mode Focus, mais ajouter de l’espace peut être très intéressant dans certains cas. Le « Body Resonance » permet quant à lui d’ajouter ou de retirer de la résonance de la caisse. C’est la fonction qui reste pour moi la moins évidente.
Le programme A.F.R. (Anti Feedback Reduction), inspiré des programmes utilisés en sono, propose 5 filtres différents qui promettent de trouver et de supprimer une fréquence qui gonfle. Cela devrait pouvoir éviter l’utilisation de « bouchon de rosace », mais aussi être utile pour l’utilisation de certains effets qui peuvent avoir des fréquences qui réagissent mal sur certaines notes comme l’octaver.
Il faut aussi noter qu’il y a, comme dans beaucoup de nouvelles guitares, un accordeur intégré. C’est bien pratique : ça nous fait une pédale de moins à transporter, mais il faut dorénavant penser à couper l’accordeur en rangeant sa guitare, surtout quand on joue unplugged (branché il ne marche qu’en mode bypass), sinon une mauvaise surprise nous attendra au prochain concert ou à la prochaine répète. Dernière bonne idée de Yamaha : alimenter la bête avec deux piles 1,5V, c’est beaucoup moins cher que les classiques piles 9V.
Bon maintenant, ça donne envie de l’essayer sur tous les terrains !
La tournée des grands-ducs
J’ai essayé cette guitare successivement en home studio, dans un ampli électro-acoustique, puis dans une sono soit en répétition, soit en concert. Le préampli SRT 63 ne réagit vraiment pas pareil selon les cas. Commençons par le home studio.
J’ai enregistré avec chacun des micros le même petit morceau : « Yamaha des Bois », que m’a inspiré cette guitare. Tout ceci à plat dans ma carte son (sans effet ni mixage), j’ai donc pu comparer les différentes simulations et leur attrait par rapport au micro Piezo. J’ai aussi ajouté une prise de son avec un micro DPA, qui est actuellement une des meilleures alternatives pour la sonorisation live. Cela donne déjà un très bon aperçu des possibilités de l’A3R. Voici 5 extraits pour que vous vous fassiez vous-même votre avis. À l’écoute c’est flagrant, les possibilités des simulations dépassent de loin le Piezo et font même de la concurrence au DPA.
- A3Rpiezo00:41
- A3RNeumannU6700:42
- A3RneumannKM5600:42
- A3RroyerR12200:41
- A3Rdpa00:42
J’avais déjà utilisé certains de ces micros en studio c’est très intéressant et ludique, car on retrouve leurs caractéristiques propres. Par exemple j’ai beaucoup aimé le Royer, qui n’est pas le plus séduisant des 3. Mais on retrouve ici les défauts qui font le charme de l’original. Le Neumann U67 risque lui de remporter tous les suffrages, comme avec l’original. Bien sûr on n’atteint pas le niveau de l’utilisation des micros originaux, mais il faut compter environ 1500 € pour un vrai Royer et 2500 € pour chacun des Neumann, alors tout dépend du budget que vous avez !
Sur scène par contre, mais aussi dans un ampli électro-acoustique, on est vite tenté de tourner le potentiomètre du côté de la captation directe du micro, en gardant une coloration du son avec l’une des simulations. En effet, le Piezo apporte enfin la présence dans les basses et même un certain dynamisme qu’on peut lui reprocher en enregistrement. A contrario, les simulations se perdent dans leurs fréquences aiguës ou hauts médiums, elles donnent davantage une impression de micro de guitare électrique et sont plus propices au larsen.
Conclusion
Vous l’aurez bien compris, si le préampli m’a totalement séduit en home studio, il m’a moins convaincu pour l’utilisation scénique. Cependant, si on considère que c’est la seule guitare à proposer cela, et en comparaison à ce qu’offrent les autres grandes marques dans cette gamme de prix (967,56€ prix public catalogue), c’est un très bon instrument. Il sonne bien en acoustique, même s’il manque un peu de basses, et reste surtout facile et agréable à jouer. Cette A3R est donc une très bonne option pour les guitaristes adeptes du home studio qui n’ont pas forcément le budget pour investir dans de bons micros statiques.