Mi-électrique, mi-acoustique mais 100% guitare, l'Acoustasonic de Fender a éveillé l'intérêt de plus d'un six-cordiste avant que celui-ci ne remarque que la belle n'était pas dans ses moyens. On n'est donc pas mécontent de voir cette version mexicaine débarquer avec un tarif forcément plus abordable.
L’Acoustasonic a fait son apparition au catalogue Fender en janvier 2019. Depuis, cet instrument a connu de nombreuses déclinaisons différentes et un certain succès. Cependant, la marque californienne ne proposait jusqu’alors que des modèles Made in USA qui affichent des tarifs assez élevés. Il aura fallu patienter jusqu’au mois de novembre 2021 pour enfin apercevoir une version Player, fabriquée au Mexique donc, rejoindre les rangs. C’est cette version qui m’a été gentiment prêtée par le magasin parisien Star’s Music et avec laquelle j’ai le plaisir de passer quelques heures.
Électrique ? Acoustique ? Ni l’un ni l’autre !
L’Acoustasonic est un instrument un peu particulier. On ne peut classer cette guitare ni dans la catégorie électrique ni dans la catégorie acoustique. Fender la décrit comme une « guitare électroacoustique de pointe ». Sous ce terme (un peu pompeux, on ne va pas se mentir), se cache en réalité une conception unique et des concepts vraiment innovants. Faisons ensemble le tour du propriétaire. Premier gros point positif, la guitare est fournie dans une housse Fender F1225 d’excellente qualité. D’une part elle épouse parfaitement le gabarit de la guitare et d’autre part elle dispose de multiples renforts, de deux coussins pour le manche et d’une fabrication solide et durable. Vous pouvez être tranquille, votre Acoustasonic sera (très) bien protégée lors des déplacements ! J’ai opté pour la finition Buterscotch Blonde si emblématique de la Telecaster et ai été un peu déçu en ouvrant la housse ; on est en effet plus proche du jaune moutarde tirant légèrement vers l’orange que d’un « vrai » beau Butterscotch.
La guitare présente quand même bien et ne manque pas d’allure. Le développement de cet instrument a demandé aux équipes de Fender de nombreux mois de réflexion, et pour cause. Ces équipes ont développé un système appelé SIRS (Stringed Instrument Resonance System) faisant l’objet d’un dépôt de brevet. Ce brevet englobe littéralement chaque aspect de la construction de la guitare. Le corps de cette dernière est en acajou et la table est en épicéa massif. Son gabarit est assez proche de celui d’une Telecaster mais avec quelques modifications. On trouve en effet un chanfrein brachial sur la table et une imposante plaque au dos de la guitare sur laquelle est montée la trappe qui accueille la pile 9 volts nécessaire au fonctionnement de la bestiole. Le manche est aussi en acajou et il est sculpté selon le profil Modern Deep « C ». Il est vissé au corps de manière assez élégante ; un léger déport est creusé dans le corps de façon à ce que la plaque de fixation ne créé pas de sur-épaisseur. C’est très joli. Cette plaque de manche dispose d’ailleurs d’un léger biseau afin de faciliter l’accès aux cases les plus hautes.
La touche en palissandre possède un rayon de 12 pouces, assez plat donc. Elle est sertie de 22 frettes Narrow Tall pour un diapason traditionnel de 25.5 pouces. L’accastillage est assez simple et regroupe des mécaniques Fender à bain d’huile scellées sous pression, des sillets et chevilles Graph Tech TUSQ. L’intégralité de la guitare est recouverte d’un vernis polyester mat. Un filet à trois plis fait le tour de la table et la rosace dispose d’une décoration sobre et élégante. Au-delà de sa conception acoustique unique et innovante, le point fort de l’Acoustasonic reste son électronique. Fender s’est associé à Fishman pour concevoir le système « Acoustic Engine » (littéralement « moteur acoustique »), ici réduit à une version simplifiée.
En effet, dans un souci de réduction des coûts de production, Fender a opté pour un système beaucoup plus simple que celui que l’on trouve sur les versions Made in USA. Cette version Player ne possède que deux capteurs : un piezo situé sous le sillet de chevalet et un micro magnétique Fender N4 Noiseless. Ces deux capteurs sont pilotés par un sélecteur à trois positions, un volume général et un potard « Mod » qui permet de mélanger deux sonorités. À chaque position du sélecteur correspondent deux sons accessibles via ce réglage « Mod ». Ce sont évidemment des sonorités qu’on retrouve dans les modèles plus chers fabriqués en Californie ; elles s’organisent comme suit :
Position 3A : (sélecteur en position haute et potard « Mod » sur sa valeur minimale) son d’une guitare Dreadnought avec corps en acajou et table en épicéa
Position 3B : (potard « Mod » sur sa valeur maximale) son d’une guitare folk de format et diapason réduits avec corps en acajou et table en épicéa
Position 2A : (sélecteur en position centrale et réglage « Mod » sur sa valeur minimale) son clair lo-fi
Position 2B : (potard « Mod » sur sa valeur maximale) son « crunch » lo-fi
Position 1A : (sélecteur en position basse, potard « Mod » sur sa valeur minimale) son clair Fender typique
Position 1B : (réglage « Mod » sur sa valeur maximale) son saturé Fender
Les positions 3 et 2 ne laissent entendre que le piezo alors que la position 1 n’utilise que le micro magnétique.
Mais alors, ça sonne comment ?
Selon la marque, l’Acoustasonic développerait un volume assez impressionnant et un timbre particulièrement agréable à vide. Même si à vide le son n’est pas ridicule, on ne retrouve clairement pas le timbre et le volume promis par Fender. Le son manque cruellement de basses et le volume est très loin d’égaler celui développé par une « vraie » guitare folk.
Bien qu’elle soit capable de vibrer convenablement et de dégager un minimum d’ondes sonores, on sent bien que l’Acoustasonic développe son potentiel une fois reliée à un ampli. Je m’empresse donc d’attraper un jack et de la brancher à mon petit ampli Fishman LoudBox Mini. En bon élève très discipliné, je commence par la position 3A. Le son sur cette position est très agréable. On reconnaît immédiatement le grain du piezo mais le son a quelque chose de très sympa et parfaitement utilisable. Pour être honnête, c’est probablement le son de piezo le meilleur que j’aie entendu sur une guitare.
Je bidouille le potard « Mod » pour passer sur la position 3B. S’agissant d’un potard continu, le réglage « Mod » permet bien entendu, et c’est là l’intérêt de la guitare, de mélanger les voicings à volonté. La position 3B génère un timbre très proche de celui de la 3A mais avec une égalisation différente. Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’on reconnaît le son d’une petite guitare mais effectivement, l’égalisation appliquée ici est efficace et on peut, en mélangeant les deux voicings, atteindre des sons encore une fois très agréables que ce soit en concert ou en studio.
- ACOUSTASONIC – 3A01:10
- ACOUSTASONIC – 3B01:58
J’actionne le switch à trois positions (qui, au passage, est très solide) pour arriver sur celle du milieu afin d’entendre le voicing 2A. Fender décrit cette position comme étant un son clair « lo-fi » et en jouant sur ce réglage, j’ai tout de suite compris cette appellation. On retrouve en effet un côté moins défini dans le son, pas au niveau des notes mais au niveau du timbre. La sonorité est plus feutrée, presque plus douce, avec un côté très dynamique et un ressenti « acoustique » très sympa. Le système mis au point par Fishman est très performant dans le sens où il retranscrit la moindre intention de jeu avec précision. On peut caresser les cordes ou les pincer fortement, le son qu’on entend est précisément celui qu’on souhaitait produire.
Je passe au réglage 2B qui ajoute une légère saturation sur ce son clair « lo-fi ». J’étais un peu sceptique en découvrant la description de ce voicing qui est en fin de compte mon préféré. L’idée de saturer un son capté par un piezo ne me serait pas venue naturellement et pourtant, le résultat est très chouette. On entre ici clairement sur le territoire du « lo-fi » assumé, mais c’est justement ce qui fait le charme de ce son. Le timbre est devenu assez flou mais possède cependant une puissance remarquable.
- ACOUSTASONIC – 2A01:57
- ACOUSTASONIC – 2B02:12
Je passe enfin aux deux derniers modes, les 1A et 1B qui sont tous les deux pris en charge par le micro magnétique N4 Noiseless. Je change donc d’ampli pour l’occasion et branche l’Acoustasonic dans mon set-up de test habituel, en restant en son clair dans un premier temps mais en m’autorisant l’utilisation de quelques pédales (la délicieuse Fulltone OCD Ge pour la position 1A et la démente Friedman BE OD pour la position 1B).
La position 1A est sympa sans être transcendante. On reconnaît un micro magnétique simple-bobinage mais qui manque cruellement de personnalité. Cependant, le son est très équilibré en fréquence, le micro restitue donc très bien l’entièreté du spectre qu’il capte à travers les vibrations des cordes. Le niveau de sortie de ce micro est assez faible.
Je termine le passage en revue des six positions par la 1B qui correspond à une saturation avec le micro magnétique. Cette position est très bienvenue pour justement redonner un peu de pêche à ce micro qui, sans cela, semble bien éteint. Cette petite dose de saturation lui redonne vie et permet de vraiment s’amuser avec l’Acoustasonic.
- ACOUSTASONIC – 1A (OCD Ge)02:21
- ACOUSTASONIC – 1B (Friedman BE OD)02:39
Je vais encore plus loin et enclenche quelques pédales de saturation afin de vérifier si ce micro N4 Noiseless les encaisse comme il faut. Le micro semble bien se comporter mais attention aux Larsen ! La guitare est quand même complètement creuse et il ne faut pas l’oublier. Pour les grosses rythmiques Rock, on repassera. Mais ce n’est clairement pas l’objectif numéro un des clients potentiels de l’Acoustasonic.
Acoustico-électrique
Mon ressenti après avoir passé quelques heures avec cet instrument est assez étrange. J’ai beaucoup de mal à imaginer un contexte précis dans lequel un musicien se dirait « C’est exactement cela dont j’ai besoin ! » et là est tout le problème de l’Acoustasonic selon moi. Fender reste très évasif quant au but de l’instrument en évoquant simplement l’idée de « satisfaire les guitaristes modernes ». Cela veut tout dire et ne veut rien dire en même temps. Dans un contexte de concerts intimistes dans des petits bars, l’Acoustasonic gagne en légitimité. Je me suis imaginé quelques années en arrière lors des concerts de mon duo de Blues acoustique et effectivement, j’aurais bien aimé disposer d’un tel instrument. Pouvoir profiter d’un son solo sur simple manipulation d’un petit switch placé sur la table de la guitare est très pratique dans ce genre de contexte. Mais sur de grandes scènes, je préfèrerai autant jouer sur une « vraie » guitare folk électroacoustique et changer d’instrument au moment du solo.
L’autre problème que l’Acoustasonic soulève selon moi est celui du format. La guitare est très agréable à jouer, il n’y a aucun problème à ce niveau. Cependant, avec un instrument au format Telecaster sur les genoux, on n’a pas nécessairement envie de jouer des morceaux folk mais au contraire, un répertoire plus « électrique ». Bien qu’elle soit montée avec des cordes de guitare folk, son format, l’épaisseur du corps et le profil du manche inspirent tout sauf des morceaux folk. Et malgré tout le confort qu’elle procure, le jeu en finger-picking n’est pas facile ! J’ai mis un certain temps à m’habituer à l’espacement des cordes, au profil du manche et au format global de la guitare et j’ai retrouvé avec plaisir ma belle 000–42. Je préfère jouer en acoustique sur une guitare acoustique et en électrique sur une guitare électrique.
Malgré ce bilan qui peut sembler mitigé, l’Acoustasonic a quelque chose d’extrêmement attirant et assez inexplicable. À l’issue de ce test, j’ai vérifié le prix sur plusieurs sites (1 100 € en moyenne … quand même) afin d’évaluer au mieux si je pouvais ou non m’en offrir une. Ce sera malheureusement pour une autre fois. Je ne peux que vous conseiller de foncer essayer cette Acoustasonic Player (ou la version Made in USA si votre budget vous le permet) ; c’est en réalité un instrument très marrant et qui, à mon avis, peut devenir un outil d’écriture inspirant une fois qu’on s’est familiarisé avec. Saluons au passage l’effort d’innovation dont Fender a fait preuve puisque la marque américaine est pour l’instant toute seule sur ce segment !
Merci encore au magasin Star’s Music de Paris Pigalle pour le prêt !