Après avoir fait du vieux avec du neuf, Fender nous propose ici de faire du neuf avec du vieux en proposant une version moderne et ‘hot’ de ses modèles vintage de référence. Le mélange des générations sera-t-il profitable ?
La gamme Hot Rod se compose de trois produits : une telecaster 52’, une stratocaster 62’ et une stratocaster 57’ qui va justement être l’objet de ce test. L’idée générale de Fender était de faire évoluer des modèles de référence en les adaptant à des sonorités modernes, et aux exigences des guitaristes actuels. Moins révolutionnaire que la VG Stratocaster par exemple, la gamme Hot Rod offre une évolution logique des modèles les plus standards de la marque.
Le choix de ces modèles de références n’a pas été innocent : il donne un repère aux guitaristes, un peu noyés dans la pléthore de modèles disponibles chez Fender et peu ouverts aux nouveautés trop ‘technologiques’.
Autre chose à signaler : la gamme Hot Rod ne remplace absolument pas la gamme american vintage Fender. Il ne s’agit ici que d’une déclinaison ‘moderne’ d’une reissue 57’.
Vous avez dit upgrade ?
Les fondamentaux du modèle vintage sont là : manche et touche (21 cases) en érable, vernis nitro cellulosique fin sur le manche et le corps, mécaniques Gotoh, trémolo american vintage, sélecteur 5 positions, corps en aulne et pickguard 1 pli. Aux dires de Fender, la gamme Hot Rod proposerait des modifications que les guitaristes n’osent pas trop faire sur leurs guitares. Mais quelles différences au juste ? Tout d’abord, cette Hot Rod 57’ offre un manche en ‘V’ plus fin que son aînée. Ce manche particulier, bien que déroutant au premier abord s’avère toutefois assez agréable après quelques minutes de jeu : il faut s’y habituer. Cette sensation nouvelle est aussi provoquée par la présence de frettes médiums jumbos, plus larges que les frettes de la vintage, et d’une touche avec un radius de 9,5’, plus plat que l’original (7,25’ pour l’american vintage). Le manche est plus facile à jouer, et surtout plus rapide. Un bonus que l’on retrouve aussi dans la possibilité de mettre les cordes plus basses que sur une 57 ‘ (eh oui moins c’est rond, moins ça frise !). Le jeu s’en trouve de fait amélioré, autorisant avec plus de facilité les acrobaties techniques !
L’autre grande nouveauté de la Hot Rod 57’ réside dans une électronique sur mesure : cette guitare est dotée d’un micro DiMarzio Tonezone en position chevalet et de deux micros Samarium Cobalt Noiseless en position centrale et manche. Le micro DiMarzio Tonezone est une véritable référence sur le marché : c’est un double bobinage en forme de simple, doté d’aimants en céramique possédant un niveau de sortie énorme. Les deux autres micros, signés Fender, délivrent un son de simple bobinage dans la plus pure tradition, avec un signal ‘noiseless’ libéré des traditionnels parasites. Nous sommes donc ici dans une configuration de type HSS (un double et deux simples). Il est vrai qu’esthétiquement placer un double bobinage en position chevalet rend un peu disgracieuse la Strat’ et le DiMarzio a le mérite de conserver le look stratoïde de l’ensemble. À noter l’absence de switch de split pour le Tone Zone, ce qui aurait offert une polyvalence supplémentaire !
Les principales modifications sont donc ciblées sur le manche et l’électronique, et Fender a souhaité préserver au maximum l’esthétique d’origine de l’instrument. Le concept se précise donc : il est d’offrir un confort de jeu et un son moderne en préservant un look rétro.
Finition
Cette guitare est bel et bien finie. La couleur du modèle testé est un ‘Candy Apple Red’ du plus bel effet, le vernis cellulosique y apportant une touche vintage sympathique, mais très fragile, car très fin. Si vous êtes amateur de reliques, pas de problèmes, mais si vous êtes du genre maniaque, il faudra vous entourer de mille précautions ! L’assemblage général de l’instrument (corps, manche, frettes, mécaniques, micros, sélecteur) est irréprochable et le manche en érable laisse apparaître le veinage du bois, ce qui est du plus bel effet ! On est ici à la limite du custom shop, avec une guitare ‘de série’ irréprochable.
Livrée dans un étui vintage de très bonne qualité, la guitare est bien protégée. Dans la pochette de rangement sont fournis une sangle, un jack, et un ressort de rechange, ainsi que la tige de vibrato.
Prise en main
Avec un poids très standard de 3,4 Kg, un manche confortable et une action basse, on peut dire que cette Strat’ est vraiment facile à jouer. Passée la première sensation un peu déroutante de la touche et du manche ‘new design’, on peut dire que cette guitare est agréable à jouer ! À sec, les notes sonnent bien, et l’on sent déjà que les frettes medium jumbo vont caractériser grandement le son, notamment dans son sustain. Ces changements notables pourront dérouter certains amateurs de Strats plus conventionnelles, il faut le dire. L’équilibre général de l’instrument est parfait, la Hot Rod est une demoiselle accueillante !
On branche !
Dès le branchement, la 57’ Hot Rod affiche la couleur : les micros disposent d’un niveau de sortie important (pas seulement le ToneZone) et d’une couleur sonore très marquée (très riche en basses notamment). L’équilibre général des micros est très bon, et le choix des trois micros présents sur l’instrument s’avère judicieux. L’accordage est facilité par des mécaniques ‘vintage’ de marque Gotoh à bain d’huile de très bonne qualité et la guitare est d’une justesse digne des plus grandes.
Dès les premiers accords en son clair, on remarque que le ToneZone est très puissant, et qu’il génère une légère distorsion naturelle du signal : on l’utilisera surtout pour des sons crunchs ou des gros sons saturés, car c’est là qu’il sera plus à l’aise. C’est dommage qu’un split n’ait pas été posé sur ce ToneZone, d’autant plus qu’il est notoire que ce micro offre, en mode simple, un son terrible. Ce sera à vous de rajouter ce complément indispensable, fortement recommandé ! Basés sur les mêmes réglages (et à peu près le même type de riff), les deux autres micros (centre et manche) se révèlent beaucoup plus à l’aise en clean, offrant un grain de ‘dessous les fagots’ du meilleur effet ! Les quatre positions (centre+aigu, centre, centre+manche, manche) offrent un son très ‘Strat’ (la guitare garde donc ses caractéristiques), tout en offrant une dynamique impressionnante pour des simples bobinages ! Le système noiseless intégré permet d’éviter le traditionnel buzz et souffle, typique des simples bobinages.
Passons sur des sons crunch : le ToneZone offre une agressivité bien supérieure aux deux autres micros, bien que les simples soient vraiment à l’aise sur ce registre. Le mélange de couleurs offert par ce set de micros vous permettra de jouer aussi bien des sons modernes qu’anciens, plus vintages. Le micro centre, lorsqu’il est sélectionné seul, m’a vraiment tapé dans l’oreille. Il est à la fois agressif et coloré, une merveille. Il offre un moelleux vintage très appréciable. Le sustain de cette guitare est vraiment énorme pour une strat, et l’on sent ici l’évolution sonore apportée par les frettes médiums jumbos.
Concernant les sons plus saturés, il est clair que le ToneZone est à l’aise, mais beaucoup plus surprenant, les deux autres micros ne sont pas en reste, écoutez l’extrait audio qui est très parlant. On trouve un son exploitable dans toutes les positions, avec une rondeur et une précision véritablement hors du commun pour une Strat. Le son n’est pas pincé ni sifflant, une véritable évolution dans le son. Même les positions intermédiaires entrent parfaitement dans un son rock saturé moderne.
Un bémol toutefois : sur les sons très saturés (limite métal) on touche les limites sonores de l’instrument. Même le ToneZone n’offre pas ce qu’un métalleux peut attendre : la 57’ reste dans un registre rock. Mais ce n’est pas étonnant : la strat a un manche vissé, un corps en aulne, elle n’est donc pas taillée pour les musiques extrêmes.
Conclusion
Nombreux sont les possesseurs de Strat’ à avoir changé leur configuration de micro, en insérant un double bobinage à la place du traditionnel simple. C’est d’ailleurs de là que vient le succès commercial de micros du type hotRail Seymour Duncan ou encore Tonezone Di Marzio. On est cependant ici très loin des concepts Fat Strat’ ou autres. Une volonté claire de rester dans les canons de la marque (au niveau design) nous est donnée par Fender. Les changements de cet instrument sont en effet quasi invisibles au premier regard et c’est tant mieux, car c’est beau, une Strat’.
Pourtant, ce qui est invisible à l’œil ne l’est plus dès que vous jouez sur cet instrument. Un manche nouveau, une touche plus fine et des frettes plus grosses, une électronique entièrement revue, tels sont les changements qu’apporte ce modèle. Dans la pléthore de modèles que propose Fender, la Hot Rod ne doit pas seulement être perçue comme un modèle de plus, mais plutôt comme une véritable évolution de la Stratocaster. Elle rassemble ce que bon nombre de guitaristes apprécient dans la stratocaster: un vernis nitrocellulosique au look très oldies, mais aussi une prise en main facilitée par un manche en V affiné et rapide, offrant une action basse avec peu de frisures, ou encore un set de micros (ToneZone + SMC) moderne, au son gras et propre et débarrassé de ses parasites.
On ne peut donc presque rien reprocher à cette Hot Rod 57’, qui conjugue à la fois le look et le design d’un instrument de plus de 50 ans à une prise en main et un son moderne, réclamés par les guitaristes d’aujourd’hui. Pour 1999 euros TTC (prix public conseillé) on a un instrument beau et polyvalent, dont les caractéristiques frôlent le custom shop. On en redemande !
[+] Finition impeccable
[+] Vernis oldies très réussi
[+] Set de micro bien pensé, mention spéciale pour les simples bobinages Fender, impressionnant !
[+] Action des cordes basses, peu de frisures
[-] Pas de split sur le micro aigu