Au sein de la rédaction d'AudioFanzine, la famille nombreuse Ibanez RG commence à s'inviter régulièrement. Nous avions d'abord reçu la RG2610 et son micro unique, puis la "Spider Gratte" RG420EG-SBK. Aujourd'hui, c'est au tour d'une RG « prestige », la RG 2570MZ VBE. Face à ses 21 cousines du catalogue Ibanez, comment se démarque-t-elle ?
La première chose que l’on remarque à propos de cette RG n’est même pas encore la guitare en elle-même. Contrairement au « tout-venant », cette guitare est livrée dans un magnifique flight case garni de velours rouge, portant les mentions « Prestige » et « Team J-Craft ». Kezako la Team J-Craft ? En fait, il s’agit pour Ibanez de nous signaler que nous avons là affaire à une guitare fabriquée au Japon, dans leur usine de Fujigen. Une Ibanez « non délocalisée », comme les bonnes vieilles RG d’il y a 25 ans…
Le corps, en tilleul, a le fameux profil « strato revisité » qui a fait la célébrité du modèle. C’est donc une base inspirée de la stratocaster, affinée, arborant une corne inférieure très affinée et en pointe avec une échancrure très large pour permettre l’accès aux dernières cases sans aucune gêne, même pour les gens avec des mains options « battoirs » comme les miennes.
La finition, cela va devenir une habitude chez Ibanez (cf tests de la RG 420 ou de la S5470BBK), est plutôt originale. Nommée « Vital Blue », on remarquera déjà qu’elle est donc…bleue, c’est déjà ça, mais surtout que la finition, mate, offre un relief en quelque sorte « pailletté », un peu comme certaines textures que l’on a pu rencontrer sur les murs de nos maisons (enfin, avant qu’une certaine Valérie D. s’amuse à repeindre des intérieurs en taupe et autres effets chocolats, mais c’est une autre histoire…).
Au total, cette finition est plutôt douce au toucher, mais le parti-pris esthétique peut ne pas plaire. Sachez simplement que, si le « vital blue » n’est pas une finition assez mortelle pour vous (hahaha!), il existe une cousine germaine de la RG2570MZ, référence RG2550MZ, dont les caractéristiques sont strictement identiques, à part la finition blanche (GW: Galaxy White) et l’ajout d’une plaque de protection couleur « Cosmo Black ».
Comme un manche
Tournons-nous vers le manche maintenant. Comme toutes les Ibanez S et RG, il présente un diapason de 648 mm (25.5 pouces), soit le standard édicté par Léo Fender, un profil en D ultra-fin (19 mm à la première frette, 21 mm à la 12e… plus une planchette qu’un tronc !), au radius (courbure du manche) plutôt plat, et plutôt large (43 mm au sillet, 56 mm à la 21e frette), favorisant un jeu sans bavures.
Il est composé de 5 parties d’érables et de noyer, surmonté – et c’est là l’originalité la plus flagrante de cette guitare – d’une touche en érable. Avec sa cousine RG 2550, la 2570 est le seul modèle Ibanez à présenter de telles caractéristiques, ce qui risque d’être intéressant au niveau des sonorités délivrées par la guitare, l’érable étant le principal responsable du légendaire « claquant » des Fender Telecaster par exemple…
Enfin, pour en finir avec le manche, il est entouré sur toute sa longueur d’un filet en plastique blanc, possède des frettes jumbos (comme sur toutes les RG), et des repères en forme de « dents de requins évidées » du meilleur effet.
Accastillage et électronique
Côté électronique, nous avons affaire à une configuration Humbucker-Single-Humbucker, l’affaire étant confiée à un trio de micros siglés « Di-Marzio / IBZ » fabriqués donc par Di Marzio spécialement pour la marque, dont nous n’avons malheureusement pas plus de caractéristiques. Ils sont montés directement sur le corps, et pilotés par un sélecteur 5 positions, un volume et une tonalité.
Enfin, finissons le tour du propriétaire par l’accastillage, d’un superbe noir chromé appelé « Cosmo Black ». Nous avons là un magnifique vibrato de type Floyd Rose, de référence « Edge Zero ». Sous cette dénomination se cache en fait la dernière génération des vibratos Edge, dont la réputation fait largement de l’ombre aux Floyd Rose originaux. Et ce n’est pas celui-ci qui fera démentir le bien que l’on pense des vibratos Edge, tant il respire le sérieux et regorge de petites innovations bien pensées qui méritent qu’on s’y attarde.
Première constatation: ce vibrato est très « doux » au toucher. Toutes les pièces sont conçues pour ne pas présenter d’aspérités, et cela se ressent quand on le manipule. La tige se clipse simplement dans la cavité, et est maintenue, comme sur le floyd rose original, par un « écrou » qu’il suffit de visser à la dureté désirée. Ensuite, nouveauté non négligeable, les couteaux sont interchangeables, ce qui signifie que lorsqu’ils s’usent (et rendent la stabilité d’accord plus aléatoire…), il suffit de les remplacer, alors que la seule solution qui existait jusqu’alors était de les retailler.
Enfin, dernière innovation, déjà rencontrée sur la S5470, la base du floyd est retenue par un système dénommé « Zero Point System 3 ». Exit les 2 vis, la griffe et les 3 ressorts des floyds traditionnels, on a affaire à une paire de ressorts solidement ancrés sur un étrier, lequel est relié à une vis sans fin qui permet très simplement de régler la tension du vibrato. Enfin, une barre, reliée au fond de la cavité par deux ressorts se charge en position de repos de donner le « repère zéro »… en conséquence de quoi, la stabilité d’accord est non seulement accrue, mais dixit Ibanez, il est possible d’annuler l’effet d’une casse de cordes, la guitare restant accordée grâce aux ressorts qui maintiennent la barre au « point zéro ». Et évidemment, on pense aussi au temps gagné à l’accordage, qui peut tenir du supplice sur une guitare équipée d’un floyd rose « flottant » standard.
Bon, assez maté la petite, maintenant il est temps de la palper !
Prise en main
La prise de contact avec la RG 2570 est très facile. Légère, grâce au tilleul du corps, elle ne casse vraiment pas le dos; les mains prennent place facilement, et on sent vite pourquoi la RG est un best-seller de chez Ibanez: tout est fait pour faciliter le jeu. Les contrôles tombent naturellement sous les doigts, le manche large et plat facilite grandement le jeu en position dite « académique » (pouce derrière le manche). Autant dire qu’on se trouve vite à jouer sans gêne aucune, et par conséquent aucune excuse pour ne pas passer haut la main des démanchés osés et autres gymnopédies prisées des virtuoses. En fait, la seule gêne ressentie au cours de la prise en main était due au micro central, mon médiator allant immanquablement se coller dans le capot (ça m’apprendra de jouer depuis des années avec des guitares à double humbuckers…). Attention donc de ce côté (mais cela dépendra aussi de votre morphologie, et de votre style de jeu…)
Concernant les sonorités à vide, on note un bon équilibre de l’instrument, avec un sustain à vide vraiment plus que correct, sûrement en partie grâce au Edge Zero qui n’a pas l’air de « manger » la note comme cela peut arriver avec les vibratos de mauvaise qualité.
Allons, branchons, car c’est pour ça qu’elle est faite après tout, non ?
Le son
Pour accompagner mes remarques, je vous propose d’écouter quelques samples sonores. Les conditions d’enregistrement sont les mêmes que celles du précédent test: guitare directement dans un Laboga Mr Hector, puis dans un Two Notes Torpedo réglé sur un Marshall 4×12 équipé en V30 et repris par un U87 proche du HP. Tous les potards à midi, directement dans l’ordinateur (sur Samplitude 9). Pour les sons clairs, j’ai ajouté une discrète réverbe (G-Lab DR-2).
Commençons par passer en revue des cinq positions du sélecteur; nous avons successivement en 1, le humbucker chevalet, puis en 2 le humbucker chevalet splitté avec le micro central, en 3 le micro central, en 4 le micro central avec le humbucker manche splitté, et enfin le humbucker manche. Les plus attentifs d’entre vous auront remarqué que les deux positions extrêmes correspondent à deux positions « gibsonniennes » classiques, alors que les trois autres sont plus typées « stratocaster ». Mais cette comparaison n’a en fait pas vraiment lieu d’être… comme on peut l’entendre sur le sample, la RG possède des sonorités aux graves généreux tout en restant brillantes, possédant une attaque franche, plus marquée que ses congénères à touche palissandre, et au total délivre sur ses cinq positions des sons plutôt intéressants, très propres, permettant très certainement de jouer dans un tas de styles (on imagine très bien taper la cocotte funk dans les 3 positions intermédiaires) sans non plus aller taquiner les registres demandant énormément de personnalité.
Cette impression se confirme complètement dès que l’on passe par la case saturax. Vous pouvez l’entendre dans le deuxième sample (à fins de comparaisons, j’ai également utilisé les mêmes réglages et riffs que dans mon test précédent). Malgré l’attaque franche entendue en son clair, les sonorités ont tendance à s’écraser, le tout ayant un coté un peu trop neutre, pour ne pas dire terne, et pourtant le grain typique « Di-Marzio » est quand même là, mais d’une manière que je qualifierai d’un peu « édulcorée ». La faute est-elle à porter au tilleul qui compose le corps de la guitare, bois réputé très neutre ? Plausible, ou peut être est-ce une volonté marquée de vouloir une guitare capable de sortir son épingle du jeu dans tous les styles, quitte à perdre en personnalité ce qui est gagné en polyvalence, cette caractéristique n’étant pas une nouveauté sur les Ibanez RG.
Conclusion
Donc, au final, que retenir de cette RG ? C’est un instrument de très bonne facture, très bien fini, avec un accastillage d’excellente qualité, polyvalent et très facile à jouer. Cette polyvalence étant le point fort, mais aussi le point faible de l’instrument qui au final frustrera sûrement ceux qui cherchent un instrument plus typé… Auquel cas, un changement de micros est sûrement la solution au problème. Vu le prix de l’instrument (cf. la case « prix » en haut de la page), cette personnalisation est parfaitement envisageable sans grever un budget…
En tout cas, par rapport à la famille RG, cette guitare tire facilement son épingle du jeu, sa touche en érable lui apportant un vrai plus en terme d’attaques des notes, tout en restant une vraie Japonaise proposée à un tarif plutôt serré. À considérer donc, cet instrument mérite un essai si vous cherchez une RG, et d’être comparée à ses cousines !
[+] construction irréprochable
[+] vibrato Edge Zero
[+] instrument très facile à jouer
[+] l’attaque supplémentaire apportée par la touche en érable
[+] livrée en flightcase
[-] sonorités relativement neutres, manque de personnalité en saturé
[-] micro central pouvant gêner l’attaque du médiator chez certains
[-] finition pas au goût de tout le monde (auquel cas, se tourner vers la RG 2550MZ)