Sociologie de la Loudness War: tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la guerre du volume!
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JolX
J'ai fait mon mémoire de sociologie sur la guerre du volume dans le monde de la production musicale, et j'aimerais le partager avec les membres de ce forum, que cela devrait intéresser. C'est un travail qui m'a pris énormément de temps, et dont je suis assez content ; je pense que c'est de la qualité.
C'est un mix entre des analyses statistiques sur l'augmentation du volume à partir d'un échantillon d'albums de musique, et une enquête "de terrain" (comme on dit) dans des studios, par l'interview d'artistes, de producteurs, de directeurs artistiques, de programmateurs radio, d'attachés de presse, etc.
La première partie est technique à certains endroits, mais j'espère que ça ne vous arrêtera pas si vous êtes intéressés, parce que la partie la plus intéressante pour les membres du monde musical est la deuxième partie, qui se donne la tâche de comprendre quel sens a le phénomène de loudness war pour ses acteurs ainsi que de montrer le réseau de contraintes qui la rend presque inévitable.
Je pense avoir découvert certains éléments intéressants dont on ne se doutait pas forcément a priori. Mais je ne dévoile pas tout maintenant...
Donc, si vous avez envie de lire sur le sujet, voici le résultat :
fichier pdf: Joël Girès - Des transformations convergentes sans chef d'orchestre..pdf
En espérant avoir des retours !
[ Dernière édition du message le 29/12/2011 à 03:18:02 ]
dart
Anonyme
Citation de SampleHunter :
La norme EBU R128 annonce une fin rapide à la guerre du Loudness.
Comme j'aimerais être aussi optimiste, à ma connaissance la norme R128 ne s'impose qu'aux diffuseurs et à leurs fournisseurs de programmes. Rien n'oblige une production phonographique à respecter cette norme.
Ca me rappelle qu'un jour une boîte de gravure de DVD m'a interpelé parce que le niveau RMS du programme était trop faible. Ben on avait pas compressé comme des brutes, c'est tout... C'est pas obligatoire.
JM
[ Dernière édition du message le 29/12/2011 à 13:30:29 ]
JolX
Bon alors, après un très rapide parcours de la thèse, je dois avouer ne pas avoir découvert grand chose. Il faut-dire que sur AF, le sujet est ancien et largement débattu et étayé.
C'est clair que beaucoup de mes hypothèses viennent des forums de MAO, mais je pense tout de même montrer des éléments intéressants !
Comme la différence majors/indépendants, ou le fait que l'augmentation du volume diminue, sans doute parce que la convention de qualité joue contre la loudness war, et surtout les mécanismes concrets qui mènent à ce phénomène ! Le fait par exemple que les producteurs imitent les prods des majors, tout en ayant beaucoup de défiance vis-à-vis de ces dernières ! C'est très intéressant ! Ça permet aussi, je pense, de trancher dans le débat "c'est la faute aux ingés - non c'est celle des artistes - non c'est celle du mp3 - non c'est celle de la démocratisation - etc". Là on saisit comment ça se passe, et c'est tout le monde, de concert, qui marche là dedans. Pas pour les mêmes raisons, on le voit bien, mais on voit aussi qu'on a toute une configuration qui fait que le phénomène est relativement inévitable.
Je recommande en particulier, les interviews des artistes, producteurs, programmateurs radio etc... Cette partie est terriblement croustillante, les propos recueillis par l'auteur sont effarants. L'émotion, la musique est totalement absente des discours, les acteurs auraient probablement tous mieux réussi s'ils s'étaient engagés comme traders à la City. Leur incompétence sur le sujet (le son) et surtout la totale incompréhension et l'absence abyssale de communication entre tous les acteurs de la chaîne de production est flagrante.
L'émotion n'est pas totalement absente, loin de là, et c'est l'objet du 9ème chapitre, où on voit que l'attachement des artistes à la notion de "qualité" les fait tout de même freiner leur envie de volume (et donc de compétitivité). C'est très intéressant ! La notion de "passion" rentre donc dans le jeu, et a un impact. Il n'empêche, effectivement, que je ne pensais pas la dimension "entrepreneuriale" aussi forte.
Oui, la Loudness War est bien la conséquence du marché, un marché du disque sans régulation, qui comme celui des produits financiers, c'est planté par excès.
Pour résumer très fort, on peut dire ça. Ça veut dire, pour être plus précis, que l'artistique se produit dans des relations de concurrence, et c'est cette configuration de concurrence qui produit le phénomène de loudness war.
Pour les solutions, je n'en propose pas, parce que ce n'est absolument pas le rôle d'un travail scientifique. Ce que je montre aussi d'ailleurs, c'est que la loudness war n'est pas un problème "en soi", mais qu'il l'est parce que l'histoire du disque a produit un attachements à une esthétique particulière, que bat en brèche la loudness war, et parce que ce phénomène se passe en même temps que la démocratisation du matériel audio, qui attaque le statut des ingés son pro (v. chap. 9).
Bonne lecture et encouragement à l'auteur pour son travail.
Merci ! Et bon mémoire à toi aussi
Anonyme
Après trente ans d'exercice de ce métier dans différentes structures, voici les constats que j'en tire, en vrac :
- l'émotion n'est pas absente chez la plupart des programmateurs de radio, enfin pas seulement l'émotion, la culture musicale et l'intelligence font aussi souvent gravement défaut, j'ai des noms (et oui !).
- on aimerait que les affirmations précédentes ne soient pas applicables aux producteurs, mais c'est hélas parfois le cas aussi
- il faut croire que les musiciens et leurs prods ont à la fois assez peu confiance dans la qualité de leurs produits, et celle de leurs auditeurs/acheteurs potentiels pour ne se reposer que (ou presque) sur l'argument du niveau sonore pour espérer vendre.
- Accuser les ingés son, les musiciens, les "tout ce que vous voudrez" d'être responsables est un raccourci confortable. Dans chaque catégorie il y a des complices et des gens qui résistent. Je constate que les vrais mélomanes sont toujours dans la seconde quelles que soient leur fonctions.
- du constat précédent, on déduit qu'il est toujours possible de nos jours de produire des enregistrements qui ne soient pas hyper-compressés, il faut les faire avec des musiciens, des producteurs et des ingés son qui aiment la musique et qui ont la culture du beau son. Chacun d'entre eux n'étant pas préoccupé plus que nécessaire par des considérations mercantiles basées sur des concepts idiots.
- rester optimiste face à la bêtise dans un monde ou Claude Guéant peut être le ministre de l'intérieur d'une démocratie, c'est pas facile-facile.
JM
SampleHunter
Ça permet aussi, je pense, de trancher dans le débat "c'est la faute aux ingés - non c'est celle des artistes - non c'est celle du mp3 - non c'est celle de la démocratisation - etc". Là on saisit comment ça se passe, et c'est tout le monde, de concert, qui marche là dedans
C'est ici que le mémoire est intéressant. Il fait le constat de responsabilité partagée des uns et des autres dans la Loudness War et qui me semble assez juste.
La création d'un Album est un vrai travail d'équipe, long, complexe à chaque étapes (création, enregistrement, mixage, promotion, diffusion etc...). Et ce que je lis dans les interviews des différents acteurs qui composent cette chaîne, c'est leur incapacité à travailler ensemble sur le projet. Ils ne se comprennent pas, s'opposent au lieu de s'expliquer, bref le degré zero de la communication, comme si chacun devait combattre l'autre pour défendre un business qui est pourtant le même pour tous: vendre de la musique. Je sais que de travailler en équipe est difficile mais l'état des lieux qui est brossé ici involontairement par les protagonistes est redoutable.
Trop de morceaux de musique finissent trop longtemps après la fin. [Igor Stravinsky]
SampleHunter
à ma connaissance la norme R128 ne s'impose qu'aux diffuseurs et à leurs fournisseurs de programmes. Rien n'oblige une production phonographique à respecter cette norme.
Oui, mais c'est là que le la norme est intéressante. Plutôt que de contraindre tous les acteurs, on pénalise uniquement le dernier maillon: le diffuseur. Ce sont les déciderus aujourd'hui, ils sont peu nombreux et donc facilement contrôlables. De fait, alors qu'ils privilégiaient pour certain les productions qui tapaient dans le rouge, avec ce système contraignant, ils choisiront forcément les productions qui respectent la dynamique. Mais tu as raison, sur le principe, un artiste pourra toujours sortir un album compressé "non compatible" pour les Média.
Trop de morceaux de musique finissent trop longtemps après la fin. [Igor Stravinsky]
Anonyme
Tu n'as pas tort. Mais il faut faire le pari que le constat d'inutilité de cette guéguerre mènera a plus d'intelligence dans la production. Ca viendra peut-être, mais ça demandera du temps de toutes façons.
JM
SampleHunter
L'émotion n'est pas totalement absente, loin de là, et c'est l'objet du 9ème chapitre, où on voit que l'attachement des artistes à la notion de "qualité" les fait tout de même freiner leur envie de volume
Je ne suis pas certain que les acteurs de la Loudness War soient si attachés à la qualité. Comme l'évoque Jan, ils se sont souvent compromis en privilégiant le business. Et je trouve qu'ils ont beau jeu, dans le chapitre 9, de larmoyer sur leur propre sort. On est plutôt dans le registre de la repentance, après une guerre dans laquelle on a fournit les armes et au terme de laquelle tout le monde a perdu: en qualité et en business.
Trop de morceaux de musique finissent trop longtemps après la fin. [Igor Stravinsky]
peupeu
sujet très intéressant.
je vais télécharger le pdf.
ce qui est gênant dans la loudness war ce sont aussi les conséquences sur la santé auditive qui commencent à être pointées par certain (je me souviens d'un reportage dans un journal, sur France2 je crois.
à force d'écouter la musique trop compressée et trop forte, les oreilles ne se reposent plus et les dommages apparaissent à plus ou moins long terme.
Lv mastering
Petite phrase incompréhensible en 8-3
Moi : à ton niveau, est-ce qu'il y a, fin, toi c'est important le volume ou c'est un truc
que t'as jamais vraiment fait gaffe.
Studio de Mastering en ligne http://www.lvmastering.com/
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