Un micro actif, c’est un micro normal, mais actif. Vous me suivez ? Non ?
Les micros actifs
Revenons au principe de base du micro : l’oscillation de la corde dans le champ magnétique génère un signal électrique de tension et intensité très faible. Le dispositif est entièrement passif, c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin d’être alimenté en courant pour fonctionner. Revers de la médaille : le signal est très faible, d’impédance très élevée, bref il est très vulnérable à toutes les sortes de parasites électriques et électromagnétiques que l’on a évoqués en début d’article.
Intervient ici une idée simple : pourquoi ne pas amplifier le signal, avant qu’il ne commence son long voyage le long des câbles jusqu’a l’ampli, parfois au travers de pédales d’effets ? Pour amplifier un signal électrique, il faut le passer dans un circuit électronique qui va lui fournir de l’énergie (plus de tension, plus d’intensité) et abaisser son impédance. Bref, le rendre plus fort. C’est également à cela que sert une boîte de direct (ou DI) si souvent utilisée sur scène ou en studio. Mais pour cela, il faut une source d’énergie : une pile 9 volts fera l’affaire, c’est assez compact pour tenir dans une guitare tout en étant assez puissant pour autoriser un circuit électronique ambitieux. Et pour aller au bout du concept, il faut amplifier le signal le plus tôt possible : dès la sortie de la bobine, à l’intérieur même du « micro » lui-même. Un micro actif est donc essentiellement la même chose qu’un micro passif, mais avec un préampli intégré au dispositif.
À partir de cette idée simple, les premiers fabricants de micros actifs (EMG) ont proposé des micros qui, du point de vue aimants et bobinage, ont des caractéristiques étranges. Les micros sont très nettement sous bobinés, le nombre de tours de fils est beaucoup plus faible qu’un micro passif, ce qui donne un micro qui d’après la théorie, a une réponse en fréquence et une dynamique plus élevées que des micros traditionnels, mais au prix d’un signal de sortie très très faible, bien plus faible qu’un micro passif traditionnel. De tels micros, utilisés en passifs, seraient en permanence couverts par un bruit de fond insupportable. Mais dans la mesure où un circuit actif vient booster sévèrement le signal dès la sortie de la bobine, le signal en sortie du « micro » (dans ce cas, l’ensemble micro + circuit actif) est au moins comparable à un micro passif traditionnel, voire plus élevé. Et surtout, beaucoup moins sensible aux parasites divers et variés le long du trajet dans les câbles. Dans l’absolu, on peut imaginer décliner ce design pour tous types d’aimants et tous types de bobinage, en calibrant le circuit actif inséré dans le micro pour compenser le niveau de sortie. On peut imaginer qu’il a fallu à EMG de nombreux prototypes avant de caler leur concept.
Les micros actifs sont-ils froids ? Ça, c’est un autre débat. EMG a positionné sa marque de fabrique dans ses premiers modèles (dans les années 80) sur une réponse en fréquence étendue et un fort volume de sortie. Un bobinage faible compensé par un circuit actif, des aimants en céramique… des ingrédients innovants à l’époque, un son différent. Depuis, ils proposent aussi le même concept décliné dans des formules plus orientées « vintage » avec aimants en alnico, tout en gardant leur concept du micro actif peu sensible aux parasites. Un micro actif est-il nécessairement plus « sec », « froid », que son équivalent passif à type de bobines et d’aimants équivalent ? Je vais laisser vos oreilles en juger, si vous parvenez à faire abstraction de l’ensemble du reste de la chaîne entre les micros et vos oreilles…
Micro actif ou instrument actif : gare à la confusion
Il ne faut pas confondre un micro dit « actif » selon le principe exposé ci-dessus, et un instrument dit « actif » en raison de la présence d’un circuit électronique de préamplification. En effet, chez les bassistes principalement, mais chez certains guitaristes aussi (David Gilmour sur certaines de ses Strats pour citer le plus connu), sont apparus à la fin des années 70 des circuits actifs (préamplis), qui proposent de rendre deux services :
- amplifier le signal de sortie des micros, pour le rendre plus fort en intensité et abaisser son impédance, le tout le rendant moins sensible aux parasites (idée similaire à l’utilisation d’une DI)
- ajouter des corrections d’égalisation qui peuvent non seulement couper des fréquences, mais aussi les booster : un circuit passif de correction des fréquences, couramment appelé tonalité, ne peut que couper, mais pas booster, il faut une source d’énergie dans un circuit pour augmenter un signal, aussi bien de manière globale que centré sur certaines fréquences.
Un tel circuit actif (ou préampli actif) n’est pas la même chose qu’un micro actif. Les deux sont cumulables, mais pas forcément liés. La très grande majorité des basses actives utilise des micros passifs tout à fait traditionnels, qui sont branchés ensuite sur un circuit actif qui est alimenté par une (parfois deux) pile(s) 9 volts, mais dans l’absolu ce circuit actif pourrait être ôté de la basse et les micros fonctionneraient en passif de manière classique.
Réciproquement, une basse ou une guitare peut comporter des micros actifs, mais le reste de l’électronique peut être composée d’éléments passifs (volume et tonalité) qui n’ont pas besoin d’une alimentation pour fonctionner. La valeur des composants passifs (potentiomètres) est adaptée au volume et à l’impédance de sortie des micros actifs, mais le circuit électronique lui-même n’a pas besoin de la pile. En revanche, sans pile les micros eux ne fonctionneront pas…
Bien sûr, on peut tout de même cumuler dans le même instrument, micros actifs et circuit de préampli actif. À noter que souvent dans ce cas, il s’agira souvent d’un préampli spécifiquement conçu pour traiter le signal des micros actifs, et que l’on ne pourra donc pas réutiliser dans un autre instrument comportant des micros passifs.
Piezo-électriques, optiques, capteurs midi pour guitare…
Mon topo ne serait pas complet si je n’évoquais pas les alternatives. En matière d’instruments électriques, ou électro-acoustiques, il s’agit essentiellement des micros piezo-électriques. Sans entrer trop dans le détail, ces micros basent leur principe sur la captation des vibrations du corps de l’instrument, et non l’oscillation des cordes dans un champ magnétique. Pour cette raison, ils sont indépendants de la nature des cordes et l’on retrouve ce type de micros sur des instruments à cordes métalliques (guitare dite « folk », basse acoustique) ou non (guitare « classique » à cordes nylon, instruments « classiques » du quatuor quel que soit le choix des cordes de l’instrumentiste, instruments traditionnels du monde entier avec autant de cordes que vous voulez). Du moment que l’instrument vibre, un micro piezo-électrique pourra capter sa vibration et la transformer en signal électrique. Y compris si l’instrument est « solid body » : certaines guitares ou basses électriques possèdent des capteurs piezo-électriques pour obtenir un son de type « acoustique » en plus du son électrique.
D’autres alternatives à la captation magnétique existent : des fabricants ont développé des capteurs optiques qui convertissent le mouvement des cordes dans un champ optique (plutôt que magnétique) en courant électrique. Le procédé a dépassé la phase expérimentale, on a pu le trouver notamment chez le fabricant de basses Lightwave. Le succès ne semble pas complètement au rendez-vous, mais le rendu sonore est loin d’être inintéressant.
Enfin, la captation de la vibration peut avoir pour finalité de générer un courant électrique qui ne code pas directement le son lui-même, mais plutôt du signal d’information : il s’agit des capteurs MIDI, basés essentiellement sur la technologie des capteurs piezo-électriques, mais convertissant l’information sur chaque note de chaque corde (hauteur, durée, dynamique) vers le signal MIDI correspondant (pitch, durée, vélocité). À l’interface entre le monde du son analogique et l’univers des machines, on trouve encore la nécessité de capter la vibration qui constitue le son avant de le travailler.
Conclusion
Nous avons vu ici l’ensemble des micros pour instruments électriques. On rappellera au passage qu’aucun de ces dispositifs n’est à proprement parler un microphone, c’est-à-dire un capteur de la variation ondulatoire de la pression de l’air en un point donné (plus couramment appelé « son »). Le miracle quotidien qui consiste à transformer un mouvement mécanique en électricité, puis faire voyager ce courant dans un ensemble de circuits modifiant ce courant, pour finir par le réinjecter dans un autre dispositif transformant dans l’autre sens un courant en mouvement mécanique susceptible de déplacer des masses d’air jusqu’à nos tympans, semble si banal qu’on en oublie la complexité des phénomènes qui entrent en jeu. Pourtant, quand on décortique l’ensemble, je trouve qu’on en sort non pas écrasé, mais au contraire ragaillardi et motivé à animer un peu plus les électrons. Prenons donc ensemble nos capteurs, nos dispositifs vibratoires, nos circuits et nos câblages, et faisons avec tout cela un peu d’émotion !