À quelques exceptions près, le marché actuel des microphones tend plutôt à reproduire plus ou moins fidèlement les grands classiques allemands des années 50 et 60. C’est sans compter sur Crowley & Tripp, dont le département R&D vient d’apporter une petite révolution au monde des micros à ruban avec le modèle ‘El Diablo’ que nous testons aujourd’hui...
À quelques exceptions près, le marché actuel des microphones tend plutôt à reproduire plus ou moins fidèlement les grands classiques allemands des années 50 et 60. C’est sans compter sur Crowley & Tripp, dont le département R&D vient d’apporter une petite révolution au monde des micros à ruban avec le modèle ‘El Diablo’ que nous testons aujourd’hui…
Un peu d’histoire…
La marque Crowley & Tripp est assez récente dans le monde de l’audio. Fondée en 2004, elle est issue de la recherche médicale, et s’est diversifiée sur les mêmes bases techniques dans le monde de l’audio. Ayant développé leurs propres technologies, Bob Crowley et Hugh Tripp ont sorti des microphones à ruban originaux, en se démarquant des grands classiques de la catégorie. Parmi ces micros, on peut citer le Naked Eye, qui a rencontré un franc succès notamment outre-Atlantique.
Dernier né de la gamme Crowley & Tripp, ‘El Diablo’ est aussi le modèle le plus innovant. Pour rentrer dans des détails, sachez que le micro possède un ruban dans une matière appelée ‘Roswellite’. Contrairement à ce que ce nom suggère, aucun animateur de télévision trop imaginatif n’a participé à la conception du micro. Cette matière fait appel à l’utilisation de nanotechnologies telles que les nanotubes de carbone.
Concrètement, l’utilisation de cette technologie permet de pallier au gros défaut des micros à ruban : la fragilité. En effet, traditionnellement, un micro à ruban traditionnel aura 2 ennemis : l’alimentation fantôme et la pression acoustique trop élevée. Si certains micros à ruban ont réussi à contourner le premier problème, le second reste d’actualité. Un micro de ce type soumis à une pression acoustique trop importante sera presque à coup sûr endommagé.
Développé en partenariat avec l’illustre Fletcher du magasin américain Mercenary Audio, le cahier des charges du Diablo était donc simple : être capable de supporter des pressions élevées, notamment pour l’enregistrement de grosses caisses de batteries. Il nous restait plus qu’à trouver un batteur, une grosse caisse, et mettre le micro devant, voire dedans.
À micro exceptionnel, conditions de test exceptionnelles. Afin de tirer le meilleur parti du micro, nous avons bénéficié du cadre hautement professionnel du Studio de la Reine, ainsi que des oreilles aguerries des habitants du lieu : Laurent, François et Jérémy.
C’est donc dans la cabine du studio de la reine, à l’acoustique bien étudiée signée Lafont, que nous avons torturé ‘El Diablo’. Au menu de ces tests : trois grosses caisses très différentes, une caisse claire, un ampli basse et deux amplis guitare, repris à la fois par le Diablo et par des micros classiques pour ce type de prises. Le tout rentrant dans une SSL 4000 G, converti par un Apogee AD16 et enregistré sur un Pro Tools HD.
Grosses caisses
Pour les tests d’enregistrement de grosses caisses, nous avons comparé le Diablo à un classique : le Soundelux e47, très fortement inspiré du Neuman U47. Les micros sont placés devant la grosse caisse.
La première grosse caisse testée est une GMS de 22 pouces en érable. Très moderne, cette grosse caisse rock a un son plein et punchy. Dès la première écoute, on se rend compte que le Diablo supporte parfaitement la pression acoustique. Par rapport au e47, on a un son plus complet. Toute la grosse caisse est présente, à la fois la batte, et le ‘boom’.
C’est avec quelques gouttes de sueur froide que nous avons poussé le crash test du Diablo à l’extrême. Avec la bénédiction de l’importateur, nous avons placé le micro dans la grosse caisse, à travers l’évent. Et effectivement, le micro tient ! Pas la moindre trace de saturation, le son est parfaitement clair. Il est certes très ‘boomy’ mais moins intéressant que positionné devant la grosse caisse, mais le pari technologique est tenu.
La seconde grosse caisse de test est une Mapex de 24 pouces en bouleau. Un kick énorme et des infra basses qui font chatouillent le bas ventre. Dans ce contexte où la brillance n’est pas de mise, l’intérêt du Diablo est moindre, le bas est trop proéminent alors que le e47 respecte plus l’équilibre entre la batte et le boom.
La dernière grosse caisse est une Gretsch vintage 1964 de 22 pouces en bouleau. Le son est forcément à l’avenant, très ‘vintage’. Là encore, le Diablo s’en tire bien, mais fait moins l’unanimité que sur une grosse caisse plus moderne. Voici le son du e47 sur cette grosse caisse.
Il ressort au final que le Diablo est un micro exigeant. Il est très adapté aux sonorités de grosses caisses modernes et équilibrées, qu’il saura mettre en valeur, ce qui en fait un micro ‘tout-en-un ’ intéressant, qui donnera beaucoup d’alternatives au mix.
Testé sur une caisse claire Slingerland, il s’est avéré très plein et très mat. L’ajout d’un second micro semble nécessaire si l’on veut capter un minimum la brillance du timbre. Voici la même caisse claire, mais reprise par un SM57.
Le bas de la basse
Là encore, nous profitons du superbe backline des studios de la reine. L’ampli de test est un Ampeg B40 tout lampe, avec son 4×10. La basse est une Fender Precision de 68.
La résistance du Diablo nous amène à faire des prises à très fort volume, bien au-delà de ce que peut normalement supporter un micro à ruban à quelques centimètres du haut-parleur. De ce fait, nous pouvons comparer son rendu avec des micros très différents, utilisés normalement dans ce genre d’application. Ici, c’est un Electrovoice RE20 qui s’y colle.
À l’écoute, on s’aperçoit vraiment de la mise en avant des fréquences basses du Diablo. La basse est très ‘boomy’ tout en restant tenue. Clairement, on est loin des registres métal, mais beaucoup plus reggae, dub, trip hop, ou une basse bien lourde est requise. C’est très typé, mais personnellement j’ai adoré. Voici la même basse et le même ampli enregistré avec un RE20. Avec un jeu slap : le diablo, suivi du RE20.
Sur de la guitare
Tout d’abord, en son saturé, c’est un duo classique que nous avons utilisé : un Mesa Boogie Dual Rectifier et une Gibson Les Paul Classic de 92. Là encore, nous avons laissé s’exprimer en toute liberté les 100 watts de l’ampli, ce qui est le terrain de prédilection du très classique SM57. Le rendu avec ce micro n’a bien sûr rien à voir avec celui d’un micro à ruban, mais il est utile de se comparer aux références, quelles qu’elles soient.
À l’écoute, le Diablo s’en tire diablement bien ! Le son est plein, entier et très bien défini. Il procure énormément de matière sonore à travailler, ce qui peut même sembler trop à la prise, mais se révèle très utile au mix, encore une fois pour procurer un plus grand échantillon de possibilités. Voici la même ampli et la même guitare enregistrées avec le SM57.
En son clair et face à un micro plus proche de ses caractéristiques (Royer RE 121), le Diablo est tout aussi à l’aise. Le bas est bien sûr plein et rond, très proche du 121, mais le Diablo se distingue par un haut un peu plus en avant, presque à la manière d’un micro statique.
Conclusion
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Faire un test dans de telles conditions d’accueil nous a permis d’apprécier pleinement le potentiel du Diablo, et nous ne sommes pas déçus. Technologiquement parlant, c’est une réussite et les promesses sont tenues, car il encaisse le bougre ! On peut donc l’utiliser de fait dans une grande variété de situations, sans avoir de sueurs froides.
Question son, il se révèle très typé. Son rendu des basses est très en avant, avec des aigus doux, mais bien présents, ce qui n’est pas souvent le cas sur des micros à ruban. De ce fait, il procure beaucoup de matière à la prise, et il est facile à travailler au mix.
Dans tous les cas, il est une alternative intéressante à des micros plus classiques, pas du tout habitués à être comparés à des micros à ruban dans un contexte d’extrême pression acoustique !
Reste que l’innovation a encore une fois un prix. À 2750 € TTC (avec suspension et caisse en bois), il se place loin devant la concurrence en termes de tarifs. Même si sa résistance le rendra utile dans plus de situations, seuls certains privilégiés auront la joie de pouvoir mettre ce micro à ruban dans une grosse caisse.