Musique de film - Un droit à la provocation ?
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barouh
Cela fait des siècles, à présent, que les producteurs daignent à peine citer le nom du compositeur, entre deux habilleuses et un électricien.
La dernière roue du carrosse (Deux!).
Et nous nous acharnons à écrire des musiques de plus en plus convenues, stéréotypées, passe-partout (notre seule chance d’être retenus pour de petites prod) que les grands éditeurs de software, Microsoft en tête, alliés à des compositeurs-experts (qui ne sont pas les premiers venus) et s’appuyant sur les techniques évoluées de la programmation objet et de l’intelligence artificielle, nous pondent des applications à générer des musiques automatiques (comme s'il en pleuvait, trois!).
Pour l’instant, des boucles quasi infinies, générées à partir de 5 à 10 notes jetées presque au hasard, et qui vont aller de variations en variations couvrir une vingtaine de minutes ne comportant aucune répétition réelle .
C’est la paradis pour l’auditeur : aucun éffort ne lui est demandé et il remplit bien le rôle qu’on lui a assigné puisqu’il ne se rend même plus compte qu’on lui passe de la zic pour susciter ou calmer ses émotions – des kleenex, quoi ! (quatre!)
Et pour le compositeur ?
Un enfer annoncé où, dans très peu d’années, il sera, au mieux, le technicien utile pour : ma foi, je ne sais pas trop quoi ! (Cinq...) Demandez aux créateurs graphistes ce qu’est devenu leur métier.
"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"
Mark Twain
Laurent Juillet
barouh
Citation : Alors que faire, c'est vraiment pas simple.
Mais je le sais bien, que ce n'est pas simple.
Le film est un produit commercial et non artistique. Entertainment.
La musique en est un accessoire, qui est considéré uniquement sous l'angle économique.
Les gens qui font le cahier des charges sont compétents dans ce contexte: tant qu'on ne prouve pas qu'une meilleure musique rapporte plus d'entrées, ils ne courent pas après et ils ont, d'une certaine manière, raison.
Tant qu'il s'agit de croûter, il faut respecter le cahier des charges.
Je pense simplement qu'il faut (tenter de) le respecter en apportant une touche perso qui ouvre sur un avenir différent, plus intéressant pour les créatifs.
Car ça peut changer sous l'impulsion, demain, de tel ou tel producteur ou réalisateur.
Et alors, ce sera "tout le monde à tribord". Certains seront prêts, d'autres non.
Je ne sais pas si ma réponse est claire.
Je vais tenter une autre approche, sinon.
"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"
Mark Twain
pierrototo
Vivre de sa musique devient quasi impossible.
Mon avis est qu'à partir d'un cahier des charges, on s'éloigne obligatoirement de l'art. A mon humble avis, si l'artiste se fait dicter ou doit rendre des comptes alors c'est l'idée même de l'artiste qui est à revoir ! (en même temps il faut savoir qu'on peut pas s'improviser artiste dans ces cas là ... , mais faut bien manger avec ce qu'on sait faire)
Ola, je sais pas si c'est très clair tout ça !
barouh
Citation : mais faut bien manger avec ce qu'on sait faire
Ce n'est contradictoire qu'en apparence, pierrototo.
Quand tu donnes des cours de piano pour croûter, quand tu fais des travaux purement alimentaires (et il y en a), tu survis.
Mais ça n'a que très peu de rapports avec l'art.
Le débat vient, ici, du fait qu'on continue à croire que la musique, en tant que support de l'image, du mouvement, de l'émotion, vaut mieux que ce qu'on essaie d'en faire sous l'emprise des seuls impératifs économiques.
Et donc, on cherche à s'accrocher à l'idée qu'il peut y avoir une place pour la musique vraie, la provocation nécessaire de tous temps pour que progresse cet art, et non qu'il s'étouffe - et finisse par crever - dans la technologie.
Je crois que les compositeurs ne doivent pas abandonner l'idée qu'ils peuvent réellement innover (s'ils en ont envie, bien sûr).
Et loin de moi l'idée qu'il faut cracher dans la soupe en méprisant la technologie.
"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"
Mark Twain
Laurent Juillet
pierrototo
En effet, je crois que pour compenser une poussée omniprésente de la technologie (voire un remplacement pur et dur de l'artiste par cette dernière), il faut que l'Artiste impose une personnalité ... ça s'est vu dans d'autres domaines (surment plus visuels), malheureusement ça ne semble pas être dans l'air du temps...
Alors doit on s'inspirer d'Amélie Poulain , ... oups! euh Yann TIERSEN ?
barouh
Mais j'avais deux autres questions que je vais tâcher de formaliser cet après-midi.
"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"
Mark Twain
barouh
Et je tiens beaucoup à connaître l'avis des AF sur le sujet.
Je me cite moi-même (la honte!!!)
Citation : Parce qu'en sortant du cadre, la musique (l'art en général) s'humanise et se rend plus difficile à mécaniser.
Ca, c'est typiquement un argument de mauvaise foi, mais j'en suis aussi capable que tout le monde!
Il est évident que cette idée, obsessionnelle chez moi, n'est pas née avec les logiciels.
J'ai toujours apprécié ce sentiment de "conquête" qu'on éprouve en apprenant à découvrir, avec peine parfois, une oeuvre.
Elle vous paraît hermétique, elle énerve, parfois, et puis on découvre sa logique, et c'est une sensation d'enrichissement formidable.
...Et parfois, c'est un vrai bide, c'est vrai.
Une des choses qui m'ont finalement poussé à lancer ce thread (sur lequel je m'expose beaucoup par ailleurs) est d'avoir écouté la "SAD SONG" de mmagoo sur ce site.
Et moi, je n'ai jamais pu concevoir une pièce quelconque qui ne m'ait pas fait découvrir à moi-même d'abord une nouvelle combinaison, un arrangement particulier de l'harmonie, des éléments mélodiques, des rythmes, des sonorités, et tout...
"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"
Mark Twain
barouh
On semble d'accord, ici, pour dire que la musique est un art du mouvement et dse émotions.
Le cinéma aussi, par définition.
Il faut donc que les sons appuient les images.
Il faut donc d'abord que les sons ne contrarient pas l'image, ne prenne pas le premier plan, on n'est pas au concert.
Mais moi, j'ai le sentiment qu'il est plus dérangeant d'écouter dans un film (si c'est hors contexte) un extrait de la NachtMusik de Mozart qu'un extrait du Concerto pour orchestre de Bartok.
Justement, la sensibilité "moderne", la nôtre en particulier, intègre mieux les données passionnelles que celle des classiques anciens.
Je pense que le Sacre du Printemps et Strawinski en général ont plus fait pour le cinéma, l'accompagnement des images, que des siècles de musiques précédentes.
Pourquoi donc les choses s'arrêteraient-elles d'évoluer aujourd'hui?
Le Sacre a 80 ans. C'est pas mal! Peut-etre faut-il laisser une place à la technologie, justement, pour innover en matière de création artistique?
On ne va tout de même pas reprendre éternellement le débat sur la tonalité, l'atonalité, la polytonalité...!
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Mark Twain
Laurent Juillet
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