World Percussion est le résultat de plusieurs collaborations : d’abord entre Best Service et Yellow Tools pour le moteur logiciel, Engine, et ensuite entre Best Service et un nouveau venu dans le domaine de l’échantillonnage, Evolution Series.
S’il est au départ une tendance que l’on peut désormais qualifier de pérenne, c’est celle consistant, pour les éditeurs, à développer des lecteurs gratuits (ou non) issus de leur logiciel phare, généralement un échantillonneur ou un lecteur d’échantillons. La première vague remonte à la diffusion de banques de sons motorisées par Kompakt et Intakt, les lecteurs spécialisés dérivés du fameux Kontakt signé Native Instruments. On sait ce qu’il en est advenu, c’est-à-dire la disparition desdits moteurs et l’obsolescence des banques liées, sauf à ne pas changer d’OS, de DAW, de renoncer au 64-bits, etc. C’est une donnée à prendre en compte en règle générale quand on compte sur l’informatique, et tout particulièrement quand un éditeur dépend d’un autre pour la commercialisation de ses produits. Bref.
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L’éditeur se faisant connaître sous le nom générique de Evolution Series, propose donc une banque d’échantillons dédiée aux sons de percussions du monde entier, comme l’indique le nom du produit, World Percussion. Il s’est occupé de toute la partie enregistrement, post-production et a intégré le tout dans Engine, le logiciel de Best Service, dérivé de Independence Pro signé Yellow Tools. Une banque de plus, un lecteur de samples de plus, ou un concept différent, une approche originale ? Revue de détail.
Introducing World Percussion
Que voilà une banque énorme ! 250 Go de contenu, en 24 bits/48 kHz, pour Mac (à partir de 10.4 et G5, les vieux Mac ne sont pas oubliés…) et PC (depuis XP 32 bits), ça pose une bibliothèque… Mais les spécifications recommandées montrent un certain optimisme quant à l’utilisation sur des bécanes anciennes : la simple mention de disque dur SSD fait réfléchir, sans compter le Mac Eight-Core ou le IntelCore i7 et les 16 Go de RAM dans les deux cas. Mais n’allons pas trop vite. Constatons que le monde PC a droit à des versions 32 bits et 64 bits (RTAS 32 bits seulement) alors que le Mac doit se contenter du 32 bits (on parle ici d’Engine, le moteur audio).
La banque étant livrée sur un disque dur USB 2.0 2”5, l’installation est simple, longue, mais simple. Ce qui n’est pas toujours le cas avec Yellow Tools qui, malgré la qualité indiscutable de ses produits, ne se montre pas forcément très performant quant à la transparence ou l’évidence des installations et mises à jour. Ne parlons même pas de leur support technique. En tout cas, concernant World Percussion, ça se passe sans problème. Il faut bien entendu installer le contenu sur un disque interne ou externe en FW800 au minimum, le disque dur fourni étant à considérer comme les DVD d’installation. Il ne faut pas oublier de s’inscrire chez Evolution Series, ce qui aura comme avantage, entre autres, de donner accès au téléchargement de tous les fichiers Midi intégrés par l’éditeur. Intégrés, mais où ça ? N’allons pas trop vite…
De A à S
La banque se divise en deux types de programmes, d’une part les instruments, accessibles via le mode Layer, d’autre part des Multis spécialement conçus, accessibles via le menu Project. Engine utilisant nombre des fonctions de Independence Pro, il peut être utile de relire le test de dernier, que l’on peut trouver ici, même si les choses ont évolué depuis la version 2.
Pour présenter rapidement l’architecture du logiciel, on dira qu’il est utilisable sous forme d’instrument simple via les Layers (un à la fois, un canal Midi), ou sous forme de Multis, grâce aux Projects, regroupant autant de Layers que la bécane en supporte. Chacun de ces Layers peut répondre non seulement à un canal Midi différent, mais aussi à une source Midi différente. L’instrument est en effet susceptible de répondre à 32 instruments/sources différents, chacun disposant de ses 16 canaux Midi. Soit, en standalone, un maximum théorique de 512 Layers… En mode plug-in, Engine ne réagit plus qu’à 16 canaux.
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L’éditeur a dans un premier temps mis l’accent sur le très grand nombre d’échantillons par frappe/jeu, ce qui fait que l’on dispose de versions Full RR (RR pour Round Robin), Medium RR et Small RR pour tous les instruments, plus une famille Easy Listen. Et que chacune de ces familles dispose en supplément de programmes Full, Small et Compact. On le voit, la question de compatibilité maximale avec différentes configurations informatiques a été pensée et intégrée dès le départ à la bibliothèque. On ajoute à ça des programmes Surround, généralement disponibles sous formes de versions Full et Small (on y reviendra).
Le monde entier étant censé être représenté, on trouve donc cinq grandes familles d’instruments (une variante lointaine des cinq continents) : Africa, Asia, Europe, Middle East et South America. Plus une sixième regroupant les éléments des projets World Inspire Sets.
Mais ce n’est pas fini, les instruments bénéficient de jusqu’à sept prises de son librement réglables par l’utilisateur ! Sept en surround Full (trois en Small), cinq en stéréo Full, trois en Small et deux en compact. Ajoutons à cela jusqu’à dix échantillons différents en Round Robin pour les instruments les mieux lotis (plus des samples de relâchement et plusieurs couches de vélocité…) et l’on comprend plus facilement les 250 Go de contenu.
Fonctions
On trouvera à cette adresse la liste complète des instruments disponibles dans la bibliothèque. Même si World Percussion n’est pas aussi exhaustive que ce que l’on peut trouver dans Ethno World de Best Service ou l’excellent Culture de Yellow Tools, on apprécie quand même le choix effectué, pertinent.
On charge un instrument (Layer) ou un des Multis (un projet Inspire Sets) via les menus déroulants de l’interface. L’instrument apparaît alors dans un mini-rack regroupant les informations essentielles, à savoir l’assignation de sortie (mono, stéréo ou surround), la lecture depuis le disque dur ou la RAM (les différents paramètres sont réglables via la fenêtre Preferences), les informations Midi, la répartition sur le clavier, la plage de réponse à la vélocité et la transposition (qui décale la position des échantillons sur le clavier).
On ne rentrera pas dans les détails de l’interface de Engine (il faudrait un test dédié, et celui d’Independence Pro déjà mentionné donne de nombreuses réponses), mais on se doit de mentionner quelques détails ou fonctions, comme la page Quick Edit, spécialement conçue pour la banque. La page affiche un graphisme rappelant l’origine géographique de l’instrument chargé, un gros potard de volume global, un bouton de reset des échantillons de Round Robin en haut à gauche, accompagné d’un menu d’accès aux presets d’automation (des configurations de clavier-maître) et un bouton d’activation de Reverb à droite, avec menu déroulant donnant accès à diverses pièces. Dans la partie basse se trouve le cœur du son de l’instrument, avec les différents faders des prises de son, accompagnés d’un bouton Mute (pratique pour vérifier le mix sans avoir à baisser le fader) et d’un Pan. On termine avec un Pan global et un Pitch entourant le Master Fader, et un bouton d’activation des échantillons de relâchement (Noises).
La page Pro Edit correspond à la page Modules d’Independence Pro, les pages Mapping et Performance ayant purement et simplement disparu. La bonne nouvelle pour les possesseurs du logiciel de Yellow Tools est que World Percussion peut très bien être ouverte dans Independence Pro, ce qui donne accès à toutes les fonctions manquantes, et à de nombreuses explications quant au comportement de la bibliothèque.
Ainsi, on peut voir que le Round Robin n’est pas aléatoire, mais qu’il déroule à la suite les différents échantillons. Ça n’est pas forcément un problème en soi, sauf si l’on utilise une figure rythmique composée du même nombre de rangs de Round Robin, par exemple une cellule répétée de dix notes quand on dispose de dix échantillons Round Robin. Dans ce cas, la même note tombera toujours sur le même échantillon… Les possesseurs d’Independence Pro pourront eux modifier l’ordre, rajouter ou enlever des pas dans la fenêtre Performance afin d’éviter toute sensation de répétition, sachant qu’elle est plutôt improbable. Et sachant que les Round Robin sont indépendants par prise de son.
À l’œuvre
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Notons tout d’abord le mapping employé : à l’exception des instruments chromatiques, les instruments sont répartis sur le clavier de façon diatonique, pourquoi pas, mais qui peut aussi étendre inutilement la tessiture quand on privilégie le jeu direct. Commençons par écouter quelques instruments, en activant au fur et à mesure les différentes prises de son. Ainsi de ce Pandeiro, qui fera entendre dans l’ordre Close, Front, PZM, Room et Hall, aux volumes et Pans d’origine (on note la prise Front qui montre des problèmes de hors-phase, voir aussi encadré). La résonance a été légèrement écourtée pour les besoins de l’exemple.
Puis toutes les prises ensemble, avec réglages par défaut, puis avec différents mixes depuis l’interface.
Même succession pour le Tabal 1.
Puis plusieurs mixes différents de toutes les prises.
Première constatation, qualité sonore irréprochable. Ensuite, le nombre de variations offert est assez conséquent, entre les volumes et les pans (pas trop sollicités dans les exemples ci-dessus). On peut très facilement passer ainsi d’une acoustique très intimiste, en proximité, à des effets sonores très cinématiques, percussions énormes, hollywoodiennes. Le principe et la mise en œuvre sont une réussite : même si tout n’est pas exempt de petits défauts.
Le manuel précisant l’utilisation d’une “world-class scoring stage” sans autre indication de pièces, et suite à l’écoute à volume égal des prises Room et Hall, on peut supposer qu’il s’agit de la même pièce, et que l’obtention des “pièces” Room et Hall est en fait due à un jeu de placement différent de micros (distance, directivité et écartement) plutôt qu’à l’enregistrement séparé dans deux pièces différentes. Ce que m’a confirmé l’éditeur une fois la question posée : “Room and Hall stands for two different microphone sets placed within the same room. The Hall microphone is positioned further back than the Room microphone”.
On notera parfois une baisse significative de niveau de l’une ou l’autre prise par rapport aux autres instruments, en général, au niveau des Room et Hall. Sans compter une latéralisation à gauche pour les Hall et un peu moins prononcée à droite pour les Room. Un exemple parmi d’autres, la prise Hall de la Darabuka 1 Stereo, très orientée à gauche :
On s’aperçoit rapidement dans les divers fichiers présentant cette balance que le micro droit reprend nettement moins de transitoires que le micro gauche, donc présente moins d’attaque/hautes fréquences, alors que les niveaux RMS sont en fait quasiment égaux. De très rares cas laissent supposer une inversion de fichiers : ainsi de Room et Hall du Bonang Stereo.
On peut aussi parfois regretter la stéréo trop large sur quelques prises Front, car peu réaliste, comme sur ce Jenglong, qui ne couvre qu’une octave et une tierce mineure, mais qui passe allègrement d’un pan gauche à un pan droite.
Cas unique, le canal droit des PZM du Djembe 4 est complètement saturé/haché sur certains échantillons des notes C4 et D4, sur les couches de vélocité 100–115 et 116–127. L’exemple fait entendre les deux canaux, puis avec un pan vers la droite.
Néanmoins, le détail des instruments est étonnant, la précision et la qualité de l’enregistrement sont à féliciter. Certains disposent même de KeySwitches (touches jaune orangé) permettant de passer d’une variante à l’autre, d’une version résonante à une version étouffée. On peut cependant regretter que quelques instruments soient moins riches que d’autres, comme les Surdos, par exemple, qui ne proposent que deux frappes, une résonante, l’autre étouffée, sans les caractéristiques jeux avec la paume, ni la frappe de la batte sur le cercle. D’un autre côté, si l’on considère les Timpani stéréo, on dispose de programmes avec mailloches ou baguettes, de cinq prises de sons par programme, de jusqu’à 10 couches de vélocité par prise, de 10 échantillons Round Robin par couches et de 48 fichiers Midi les déclenchant. Et ceci uniquement pour la main droite, puisqu’est aussi disponible la même chose pour la main gauche…
Voir le Midi à sa portée
Revenons aux fichiers Midi. La banque intègre en effet pour la quasi-totalité des instruments et Sets des fichiers Midi (le nombre varie, atteignant 48 pour les Timpani), qui peuvent être déclenchés directement depuis l’interface du logiciel grâce au clavier virtuel (les touches de commande sont vertes), depuis la DAW en programmation, ou depuis un clavier externe (avec transposition, puisque certains fichiers sont mappés à partir de C-1, ou C-2 suivant la norme Midi choisie). Ces fichiers Midi sont divisés en deux catégories, des grooves complets mappés chromatiquement et des “techniques” de jeu avec une répartition diatonique. Très variés et inventifs, ces grooves sont parfaits pour appréhender l’instrument chargé, même s’ils n’usent pas forcément de toute la palette sonore disponible, de tous les échantillons proposés.
Néanmoins, ils peuvent être très utiles comme base de développement, d’autant que les techniques sont impeccablement exécutées et feront gagner beaucoup de temps dans la programmation des figures posant habituellement problème telles les trilles, crescendos/diminuendos, flas, ras et autres subtilités indispensables pour donner du réel à une partie de percussion. Et puis surtout, on n’a pas droit à une énième tentative de synchro au tempo via un algorithme de time-stretch plus ou moins réussi. Avec le fichier Midi, tout est toujours au tempo, et le nombre d’échantillons de Round Robin permet d’éviter tout effet mitraillette tout en disposant des résonances. Même si ces résonances, parfois, peuvent sembler irréalistes certains instruments frappés à nouveau ne continuant pas, dans la réalité, à résonner. Jamais content…
Deux petits points à regretter, cependant : il manque des figures attendues, des grooves indissociables de certains instruments. Un seul exemple : il n’y a pas de clave son, bossa, tres-dos ou dos-tres, ou baiao pour le Clave Set… Et d’autre part, lors de l’utilisation de Multis ou de Sets, le clavier du logiciel ne déclenche que le son du Layer sélectionné, impossible donc de vérifier rapidement à la souris que l’on a choisi le bon rythme.
Enfin, il convient de saluer la mise à disposition de tous les fichiers Midi hors interface, c’est-à-dire utilisables directement par glissé-déposé dans la page Arrangement de votre DAW, avec toutes les modifications, rajouts, effacements, modifications de quantification (on connaît la puissance de Logic à ce sujet) que cela suppose.
Voici quelques exemples de grooves issus des Inspire Sets, très parlants. On trouvera aussi chez l’éditeur de très bonnes démos, sous forme de compositions complètes, mais aussi montrant plusieurs percussions et grooves sans autre instrument, le tout à cette adresse.
Bilan
Positif. Très positif. Bien sûr, il y a des reproches ici ou là. Mais aucun produit n’est parfait. Considérant la qualité de la prise de son, le nombre d’instruments et tout aussi important, le nombre de variations d’un même instrument ou ensemble d’instruments (deux Balafons, six Djembes, quatre Snares, deux Dun Sets, six Rebana Sets, trois Darabukas, trois Surdos, un Conga Set de quatre fûts, etc.), les fichiers Midi, les techniques de jeu, les Inspire Sets, les déclinaisons pour correspondre aux différentes configurations informatiques, le principe multiprise de son, le surround, la souplesse d’utilisation, la qualité du moteur audio Engine, des effets intégrés, de l’excellent mixeur intégré et tant d’autres qualités, les reproches notifiés durant ce test semblent de peu d’importance. Et les idées arrivent dès que l’on pose les doigts sur le clavier, les sons sont source d’inspiration, un critère (personnel, pour le coup) qui ne (me) trompe pas.
Nul doute que la banque séduira les compositeurs à l’image, mais aussi les musiciens désireux d’acquérir une banque relativement complète, faisant appel aux instruments les plus emblématiques. Un très beau résultat pour, de plus, ce qui est un premier produit.