Nouvelle livraison de Native Instruments, la bibliothèque Cuba pour Kontakt se propose d’offrir le son typique de la musique afro-cubaine, un domaine musical plutôt rarement abordé par les éditeurs. Avec quelle réussite ?
Nouvelle collaboration entre Native Instruments et e-instruments, après Session Strings, Session Strings Pro et Session Horns, Cuba est censé nous emmener dans l’île mythique, en tout cas nous faire profiter de sons et rythmes typiques de la musique telle que pratiquée sur place.
Curieusement, la musique cubaine n’a pas eu les attentions des producteurs de banques d’échantillons, si on compare le nombre de produits consacrés au rock, par exemple (instruments, boucles, rythmes, etc.). Les deux venant immédiatement à l’esprit sont Beats Working In Cuba (presque 9 Go de sons), de l’éditeur Zero-G et Latigo (un peu plus d’un Go) du défunt Wizoo. Aucun des deux ne proposait d’instruments mélodiques ou harmoniques, l’essentiel des bibliothèques étant composé de rythmiques complètes et/ou séparées avec diverses options de traitements, de suivi de tempo, d’action sur les grooves, le mix, etc. Beats Working (…), réalisé à Cuba par des producteurs et musiciens locaux, est toujours disponible chez son éditeur, sous sa forme pour Kontakt ou en version Wav multipiste, et sa richesse de styles (13 en tout) à défaut de la longueur de ses patterns, est un atout. En revanche, Latigo, réalisé par trois membres du groupe de Gloria Estefan, n’a pas passé le cap des OS Mac les plus récents, et manque cruellement, tant la réussite sonore et fonctionnelle du logiciel permettait de produire rapidement une rythmique intéressante avec des options de variations et changements de groove bien venus (même si à mon sens, Darbuka était plus réussi à tous les points de vue). Bien entendu, on trouve aussi d’autres sources, mais de façon éparse, généralement au sein d’un instrument voire d’une bibliothèque sous forme de DVD (ou CD-Rom).
Native Instruments nous propose donc un instrument qui pourrait répondre, s’il est bien réalisé, à un manque, d’autant qu’il offre en sus de rythmiques typiques, des instruments, ainsi que des patterns instrumentaux autres qu’à base de percussions.
Introducing Native Instruments Cuba
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Comme il est d’usage chez Native maintenant, on télécharge après achat une petite application (de type Connect signé Continuata), qui se chargera de récupérer le ou les fichiers, de gérer les éventuelles interruptions/reprises, et l’installation de base. La bibliothèque sous forme d’image disque pèse 2,88 Go, le montant total ne correspondant pas à la taille réelle, puisque les 11 970 échantillons ont subi la compression non destructive utilisée par Native depuis, oh, depuis… Les différentes compatibilités et spécifications sont comme pour toutes les banques récemment sorties chez Native celles de Kontakt et Kontakt Player, à partir de la version 5.
Activation et autorisation suivent toujours la même routine via l’onglet Library, le Service Center et le numéro de série, rien de neuf (de ce côté-là) sous le soleil. La bibliothèque est constituée de quatre familles, Percussion Ensembles, Single Percussion, Melodic Ensemble et Melodic Instruments, que l’on va détailler de ce pas.
Du groove, et puis du groove
Commençons par la configuration générale de la bibliothèque : tous les présets d’instruments ou de percussions ouvriront une première fenêtre, Ensemble, à l’interface graphiquement assez réussie, présentant les instruments utilisés, leur position sur le clavier ainsi que celle des patterns (on y revient). Dans la partie supérieure, à gauche, on a accès aux présets de Mixer (quatre plus un Init), et à droite, dans le menu Ensemble, on accède à différentes variantes/configurations de l’instrument chargé (par exemple, quand on charge Salsa Ensemble, on dispose de cinq ensembles en tout, simplement numérotés de 1 à 5).
Le principe est simple : pour chaque instrument entendu dans un Pattern, on dispose de sons séparés. Un clic sur la représentation graphique d’un instrument ouvre une fenêtre de réglages (typiquement accordage, volume de frappe) et de sélection d’instrument (pour le Conga 1 par exemple, on a le choix entre trois tumbas et trois congas).
La partie inférieure regroupe le choix pour le déclenchement des patterns (depuis Kontakt, ou depuis l’hôte, les sons séparés étant dans les deux cas toujours accessibles), la Synchro ou non, le tempo (divisible ou multipliable par deux), le choix du pattern via un menu, un bouton d’extraction sous forme de fichier MIDI (glisser-déposer) et Edit, qui ouvre la page d’édition, ainsi que trois rotatifs, Groove (en relation avec son réglage dans Edit), Feel (modification du balancement, entre quasi-robotique et relâché) et Intensity (modification de la dynamique globale).
Un deuxième onglet ouvre la fenêtre Mixer, une constante aussi dans les nouveaux instruments de chez Native. On dispose d’un volume, Pan, Send, Mute et Solo par instrument, d’une réverbe en Aux à convolution, avec cinq IR dédiées (Club, Room, Stage, Studio et Plate), mais on peut bien entendu accéder à tout autre via l’Edit Mode de Kontakt. Chaque tranche Instrument dispose d’un EQ quatre bandes, de paramètres Width (jouant sur le Stereo Enhancer, beurk…) et Drive (jouant sur le taux de l’insert Saturation). Le Master reprend l’EQ, mais se voit doté à la place de Drive, d’un Comp (réglant le taux d’entrée dans le module Feedback Compressor) et d’un Tape (réglant le Gain du module Tape Saturator), d’un Send vers la réverbe, d’un Width (re-beurk…) et d’un inverseur de canaux (la voix droite devient gauche et vice-versa). Petit rappel utile : tous les paramètres des effets, EQ et réverbe sont accessibles via l’Edit Mode de Kontakt, permettant d’aller plus loin que le simple bouton fourni dans l’interface.
Commençons par les Percussion Ensembles. Prenons un premier Pattern, Cascara 1, tiré de Salsa Ensemble, d’abord par défaut, puis selon les quatre autres Ensemble :
Puis avec un Pattern issu de Rumba Ensemble, Guaguanco 2, un seul Ensemble, et des modifications de Feel :
Ensuite, de retour dans Salsa Ensemble avec Mambo 2, et en passant par les quatre présets de Mixer : dans l’ordre Classic, Contemporary, Folkloric et Old School :
Sons séparés
En complément de ces Patterns, Percussion Ensembles offre plusieurs sonorités séparées. Ainsi, dans Cajon Ensemble, sur le Pattern Mozambique par exemple :
On pourra jouer par-dessus, après, avant, bref, à volonté de chacun des cinq cajons proposés (Cajon 1 et 2, Conga Cajon, Cajito, Palito), incluant frappe classique, fla, rolls, rim, etc. :
Dans Hand Percussion Ensemble, en sus des Patterns comme Afro :
On trouvera des sons séparés de maracas, guiro, shekere, woodblock et bell. De plus, l’éditeur offre des Single Percussion, qui reprennent le même principe : Patterns, et sons séparés, cette fois instrument par instrument, Bongos, Cajon, Conga Set, Conga Solo et Timbales.
Autres éléments séparés, ceux fournis dans la famille Melodic Instruments, soit Basse, Piano, Tres (guitare à trois paires de cordes) et Trumpet. Des Patterns, toujours et, bien entendu, la tessiture à peu près complète de l’instrument. Premier exemple, la basse sur deux Patterns différents, une fois avec la contrebasse, la suivante avec l’électrique :
Même chose avec le piano, proposé en piano droit et piano à queue :
Il ne vous échappera pas que le Tres fonctionne de la même façon, la variation étant l’accord de la troisième paire à l’octave ou à l’unisson :
En revanche, la trompette (bouchée) n’offre pas de Patterns, seulement une tessiture restreinte, et quatre articulations (via KeySwitches) : Tenuto, Staccato, Marcato et Sustain. Mais pas de volume ou de gestion de dynamique/timbre à la molette. C’est l’élément le plus faible de la banque. Si les pianos, tres et basses ne sont clairement pas à la hauteur de banques dédiées, ils permettent quand même de produire des parties réalistes, en tout cas parfaitement adaptées au contexte, même s’il n’est pas question de se prendre ici pour Chucho Valdes ou Felipe Cabrera. Voici quelques exemples des articulations de trompette :
Melodic Patterns
Après les instruments mélodiques solistes, voici les Patterns les regroupant, augmentés de percussions. Là encore, l’idée de fonctionnement est la même : des Patterns, mais en lieu et place de sons séparés, un seul son pour tous, la trompette bouchée, et ses quatre KS de changement d’articulation.
Quatre familles, Contemporary, Old School, Classic et Folkloric, qui ne concernent pas seulement le son ou les réglages du Mixer, mais aussi le type et les grooves de chaque pattern, allant des classiques montuno aux rythmiques plus modernes. Voici quatre exemples de chaque famille, dans l’ordre de leur présentation plus haut.
Comme pour les percussions, les Patterns fonctionnent très bien, représentatifs des courants, styles et techniques de jeu. Mais une fois les deux ou quatre mesures répétées quelques fois, une fois la tonalité globale entendue, que peut-on faire ? N’y a-t-il pas risque de monotonie, le logiciel n’est-il capable que de ces patterns et basta, puisqu’il n’existe pas de variations, de fills, breaks, intros, outros, etc. ?
Eh bien non, car l’on n’a pas encore parlé de la fenêtre Edit, celle d’édition de Pattern. Et là, c’est encore mieux que tout ce à quoi on a eu droit avant. En effet, que l’on soit dans une famille ou une autre, on pourra d’abord charger différents Patterns via un Browser affichant de six à 12 styles musicaux, chacun disposant d’autant de rythmes sous forme de fichiers MIDI (ou .nka).
Ensuite, on aura accès à autant de lignes de programmation que d’instrument, avec Mute et Solo, et la possibilité d’écrire la rythmique, en appelant une articulation ou une autre pour les percussions (jusqu’à sept différentes, identifiées par un symbole précis), un accord ou une note pour les instruments mélodiques et harmoniques. On peut aussi modifier la Clave (2/3 ou 3/2), la mesure (4/4, C barré ou 6/8).
On peut, par exemple, charger sur les différents KeySwitches le même Pattern (fichier MIDI ou .nka), et modifier chacun d’eux pour créer des variations, et ainsi disposer de 12 Patterns différents accessibles en temps réel, de quoi casser toute impression de monotonie.
Bien sûr, on ne peut réécrire un montuno de piano, mais si l’on y tient, il suffit de muter la piste et de le jouer soi-même ou de le programmer dans le piano roll de la DAW. On peut tout aussi bien transposer de manière globale, et choisir entre différentes progressions harmoniques, adoptant bien entendu la tonalité choisie.
Voici un exemple de différentes progressions sur une même rythmique :
Bilan
Cela faisait longtemps qu’un tel type de bibliothèque à base d’échantillons, c’est-à-dire dédiée à un style en offrant à la fois boucles et instruments, n’avait montré une telle réussite. Généralement, elles sont figées, statiques, sans grandes qualités sonores, ou si elles en ont, trop limitées car n’offrant pas de variations, de souplesse dans leur utilisation. Là, si l’on enlève la trompette, inutile, si l’on accepte le son des pianos et basses et qu’on les limite strictement à leur rôle d’accompagnateur, il faut dire que l’on est gâté : la richesse et la variété des grooves, le son, la diversité des instruments de percussions, l’étonnante fenêtre Edit des Patterns (un véritable séquenceur) font de cette banque une solution très pertinente pour toute production cherchant un certain réalisme caraïbe, et qui trouve une place parmi les tout premiers dans ce domaine. Bravo Native et bravo e-instruments.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)