Superchord : Le super héros des accords ? Presque ! Pour sa première réalisation, la jeune société LMDSP nous propose en effet de quoi donner plus de profondeur et de folie à nos pistes en misant sur les résonances sympathiques.
La gestion des résonnances sympathiques a toujours été l’un des points centraux dans la virtualisation des instruments à cordes parce qu’au-delà de la gestion des différentes vélocités ou des répétitions de notes, c’est essentiellement ce facteur qui confère son réalisme à l’instrument virtuel, qu’il soit samplé ou modélisé. C’est un des notables progrès qu’avait apportés Modartt avec la sortie de Pianoteq, tandis que les pianos samplés se sont tous parés de scripts pour gérer la chose, avec plus ou moins de réussite selon les cas. Or, c’est précisément ce phénomène de résonnance par sympathie qui est au coeur du plug-in qui nous occupe et qui s’avère être le premier produit de LMDSP, un jeune développeur français. Au programme : 12 résonateurs qui auront pour but de nous persuader de leur sympathie… et de bien d’autres choses encore comme nous allons le voir.
Resonator : le retour de la revanche
Dispo sur Mac ou PC au format VST2, VST3, AU et AAX Natif, Superchord s’autorise au moyen d’un fichier clé à récupérer dans l’espace utilisateur du site après achat. L’installation se fait sans encombre donc, et l’on a vite fait de se retrouver face à une interface grise et orange où trônent 12 tranches relatives à nos 12 résonateurs. Pour chacun, on peut ainsi définir une note et son octave correspondant à la fondamentale, mais aussi le panoramique, le niveau et l’accordage fin : une vraie petite table de mixage donc, proposant même deux boutons pour muter ou passer en solo tel ou tel résonateur.
En vis-à-vis de cela, un panneau Model permet de définir les paramètres globaux de la modélisation : Damping joue sur l’atténuation globale des résonateurs, Shimmer contrôle le 'damping’ relatif entre graves et aigus, Darkness est un passe-bas qui étouffe progressivement le son, Mistune joue sur l’accordage relatif entre polarisation verticale et horizontale (oui, je sais, on dirait une phrase des frères Bogdanoff, mais qui s’éclaire une fois qu’on a compris que la polarisation renvoie au fait qu’une corde vibre de droite à gauche comme de haut en bas et qu’il s’agit donc de contrôler le désaccordage de ces deux modes de vibration). Quant à feedback et coupling, ils permettent de gérer la sympathie entre les différentes cordes, pouvant mener à des choses bien violentes du point de vue sonore. Toujours sur ce panneau, un bouton permet d’accéder aux paramètres avancés, de l’incidence de la position du pincement de la corde aux buzz générés sur certains instruments comme le sitar. Pour être tout à fait honnête avec vous, la doc en anglais et mon petit niveau de physique ne m’auront pas permis de comprendre avec exactitude à quoi correspondent certains de ces paramètres, mais comme tous les réglages sont efficaces avec un effet audible, on parvient à s’en servir sans trop de peine.
L’effet, rien que l’effet
La partie haute du plug-in regroupe divers joujoux qui vont permettre de sophistiquer la sauce déjà bien dense qu’on peut bricoler en bas. On y trouve un filtre multimode, une saturation ainsi qu’un LFO syncronisable au tempo et un suiveur d’enveloppe qui moduleront au choix la fréquence de coupure du filtre, la hauteur tonale de chaque modulateur en fonction de sa fondamentale, ou encore le gain global. Précisons aussi que le LFO propose 11 formes d’ondes dont quatre feront intervenir plus ou moins d’aléatoire dans la modulation.
Une sorte de compresseur complète le tout. Pourquoi une sorte ? Parce qu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un compresseur classique agissant sur l’ensemble du signal mais d’une modélisation de la limite d’amplitude que peut connaître une corde vibrante et qui s’applique donc à chaque résonateur.
Et c’est tout ? Non, car si l’on ne s’attardera pas trop sur le navigateur de preset efficace mais perfectible ergonomiquement, il nous reste à préciser que dans les options du logiciel, on peut choisir entre différents jeux de couleurs pour l’interface. Une délicate intention d’autant que le développeur a d’ores et déjà prévu d’en fournir d’autres prochainement, même si un système à la Melda aurait sans doute été tout autant efficace.
Profitons de ce détail pour évoquer l’interface qui est relativement lisible grâce au flat design (attention à quelques contrastes sur certaines skins toutefois) et s’avère relativement bien organisée même si, esthétiquement, Superchord n’est pas le plug-in le plus sexy qui soit : de prime abord, la densité de contrôles est un brin effrayante et il se dégage de l’ensemble une austérité que les jeux de couleurs ne parviennent pas à endiguer. Enfin, quitte à opter pour du flat design, on aurait apprécié d’avoir une interface redimensionnable, comme on le voit chez ValhallaDSP.
Les plus observateurs auront remarqué que je n’ai fait aucune mention du bouton FX. Nous y reviendrons, car pour l’heure, il est temps de voir si tout cela est aussi sympathique qu’on nous le promet.
Tirer sur la corde
Sur ce genre d’effet peu conventionnel, un passage en revue des presets sur une boucle quelconque est toujours très instructif pour savoir à qui l’on a à faire et le terrain de jeu qui s’offre à nous. Or, ce dernier s’avère pour le coup assez vaste, comme nous allons le voir.
En premier lieu, Superchord peut évidemment être utilisé dans une optique réaliste, apportant ce petit supplément d’âme à une guitare ou piano grâce à ces fameuses résonnances. Pour que la chose rende bien, on s’assurera toutefois que la fondamentale de tous les résonateurs activés corresponde harmoniquement au contenu que l’on traite.
Voici ainsi ce que donne un accord de MI avec la guitar nylon d’Effimov :
- Efimovchord dry 00:18
- Efimovchord wet 00:18
Puis avec la Delta Blues d’Indiginous :
- deltachord dry 00:18
- deltachord wet 00:18
Et enfin avec le Grand Piano d’Addictive Keys que j’ai d’abord essayé avec des résonances équilibrées puis en forcant sur le sol. Je vous ai mis une comparaison pour mieux entendre comme le sol est mis en avant par les résonances :
- pianochord dry 00:18
- pianochord wet 00:18
- pianochord G 00:18
- pianochord compare 00:09
Comme vous le voyez, le son est particulièrement enrichi par le plug-in, ajoutant du sustain à l’instrument de façon très convaincante. C’est plus flagrant encore sur des notes courtes :
- deltanote dry 00:06
- deltanote wet 00:06
- Efimovnote dry 00:06
- Efimovnote wet 00:06
- pianonote dry 00:06
- pianonote wet 00:06
Et on ne s’étonnera pas à entendre ces extraits que quelques presets fassent allusion à la Réverb, Superchord pouvant tout à fait servir à nimber d’ambiance un son un peu trop sec.
Cette histoire de fondamentale du résonateur qui doit suivre le signal à traiter va vite se révéler problématique pour un usage réaliste avec une progression d’accord. Et c’est là où LMDSP a bien fait les choses puisqu’en cliquant sur FX, on accède au mode instrument du plug-in (je sais, ce n’est pas très logique). Les 12 modulateurs cèdent alors la place à un clavier et une enveloppe ADSR flanquée de boutons d’accordage et de transposition. Bon sang, mais c’est bien sûr ! On peut utiliser Superchord comme un instrument et le piloter avec son clavier MIDI.
La chose se fait très simplement : on insert le plug-in sur la piste à traiter et on route une piste MIDI vers le plug-in. Et nous voici près à pouvoir suivre en temps réel notre progression d’accords.
Rien à redire sur cette partie donc, Superchord pouvant être utilisé pour donner un peu plus de profondeur et d’âme au plus morne des samples. Mais c’est un tournant quelques boutons et en soumettant différentes sources au plug-in qu’il révèle tout son potentiel car on vite fait de tomber dans des choses beaucoup plus barrées, du son de sitar à celui de drones en passant par des similis distos ou différents effets à modulation (phaser, chorus, tremolo) grâce notamment à la section modulation.
C’est ainsi qu’on peut créer des harmonies autour d’une simple partie de batterie :
- drums 00:04
- drumschordeon 00:04
Et grâce au paramètre Damper, ramener cela à quelque chose de plus chiptunesque :
On se rend vite compte aussi que la bête peut s’avérer sinon dangereuse, du moins méchante : en tournant quelques potards, on a tôt fait de se retrouver avec des résonnances instables prêtes à partir en larsen à tout instant. C’est un des aspects très intéressants de Superchord qui s’avère parfois imprévisible et permet de rendre plus organique la source qu’on lui soumet, à plus forte raison lorsqu’on utilise les formes d’onde chaotiques du LFO.
Voici quelques exemples de ce que vous pouvez obtenir avec une simple note de synthé :
- synthbass 00:08
- synthcrazy 00:08
- synthdogs 00:08
- synthdry 00:08
- synthmod 00:08
- synthmystic 00:08
- synthrain 00:08
- synthrez 00:08
- synthsick 00:08
- synthtroll 00:08
- synthwhale 00:08
Voyez qu’il y a de quoi faire ! Et pourtant, on sent bien que le concept de cet effet instrument pourrait être poussé plus loin encore, notamment en enrichissant la section de modulation. En vis-à-vis du fonctionnement global de cette dernière, on aurait en effet adoré disposer de plus de LFO/Suiveurs d’enveloppe (et même soyons fous : d’un Step Sequencer) et surtout de plus de destinations de modulation pour pouvoir précisément instiller du mouvement dans tel ou tel résonateur (que ce soit au niveau du pan, du volume, de l’accordage ou même de la fondamentale). Je suis par ailleurs curieux de voir le mouvement que pourrait apporter un delay, si simple soit-il dans tout ce maelstrom de résonnances.
Évidemment, chaque paramètre du logiciel étant pilotable en MIDI, il ne sera pas trop dur de conduire de telles expériences en usant soit d’automations, soit de modulateurs externes, soit d’une surface de contrôle. Et bien entendu, on pourra s’amuser à combiner Superchord avec d’autres effets.
Mon petit doigt m’a dit en outre que le développeur avait pas mal de plans pour son bébé et que pas mal de ces choses sont dans les tuyaux. Moi je dis : chouette !
Conclusion
Avec cette première réalisation, LMDSP nous tend une bien belle carte de visite. Il ne s’agit pas d’un compresseur ou d’un EQ de plus venant se noyer sur un marché archi saturé mais d’un effet original pouvant tout aussi bien servir à épaissir des instruments qu’à taper gaillardement dans le sound design. Outre une interface perfectible, on espère franchement que le plug-in va encore se sophistiquer car on sent bien qu’il y a plein de choses à faire avec les résonances sympathiques, et qu’il suffirait de développer un peu la section de modulation et d’effets pour embrasser des horizons plus vastes encore. Mission accomplie donc, mais on attend déjà la suite. ;-)