Cette semaine, nous allons prendre un instant pour discuter de la délicate question des niveaux à l’heure de l’enregistrement.
Mieux vaut prévenir…
Le sujet a été maintes fois abordé sur Audiofanzine, pourtant il me semble nécessaire d’écrire cet article en guise de piqûre de rappel au cas où… Cependant, je ne compte pas réinventer la roue. Du coup, je vous invite à lire cet excellent article de mon collègue Mike Levine ainsi que celui-ci que j’avais écrit à l’occasion de la série sur le mixage.
Bien, maintenant que vous savez de quoi il retourne, passons à un petit exemple visuel concret qui devrait enfoncer un peu plus le clou. Je me suis amusé à prendre une forme d’onde simple, en l’occurrence une onde triangulaire, et j’ai réenregistré cette dernière au travers des deux préamplis de ma carte son. La subtilité de la manœuvre, c’est que l’un des préamplis était réglé de façon à ce que le niveau d’enregistrement flirte avec le 0 dB FS sans toutefois le dépasser, alors que l’autre était bien sagement calé à un niveau beaucoup plus raisonnable entre –14 et –10 dB FS. J’ai ensuite normalisé à –4 dB FS les trois fichiers audio, c’est-à-dire l’onde triangulaire source, l’enregistrement « Hot » proche du 0, et l’enregistrement « Cool ». Ainsi, les retours visuels de chacune des formes d’onde sont du même ordre de grandeur. Le résultat de cette manipulation n’a aucun intérêt d’un point de vue sonore, par contre, la capture d’écran ci-après me semble on ne peut plus révélatrice :
Comme vous l’aurez sans doute compris, le fichier jaune correspond à l’onde source, le rouge à l’enregistrement proche du 0 dB FS, et le vert à l’enregistrement plus « Cool ». Évidemment, aucun des enregistrements ne correspond parfaitement à la source. Cependant, la forme d’onde « verte » semble tout de même plus proche de la réalité, ne trouvez-vous pas ?
À présent, voici un deuxième exemple visuel encore plus frappant. Ici, j’ai utilisé la même méthode que précédemment, mais le fichier source se résume à une irruption aussi soudaine que brève de la forme d’onde triangulaire qui peut ainsi être assimilée à une sorte de transitoire :
Comme vous pouvez le constater sur la capture d’écran, le résultat de l’enregistrement proche du 0 dB FS en a pris pour son grade ! Pourtant, je vous assure que lors de la captation, le crêtemètre n’a pas dépassé, ni même atteint le 0 dB FS.
Je sais bien que ces exemples n’ont rien de vraiment irréprochable d’un point de vue strictement scientifique. Ceci dit, les dégâts engendrés par un niveau d’enregistrement trop élevé sur une forme d’onde aussi simple laissent tout de même songeur, non ? Or, comme nous l’avons vu lors du précédent article, l’enregistrement en 24-bit offre une plage dynamique remarquable, alors pourquoi courir le risque de détériorer vos enregistrements en ciblant un niveau trop proche de la limite absolue dans le monde numérique ? Cela n’a vraiment aucun sens, n’est-ce pas ?
Un autre point à prendre en considération est l’écart de dynamique qu’il peut y avoir d’une performance à l’autre et qui est totalement imprévisible, surtout lorsque le musicien n’a pas l’habitude d’être enregistré. En effet, ce n’est pas parce que le musicien « tape » au maximum à -X dB FS lors de la phase de test/calibrage des niveaux qu’il va forcément rester en dessous de ce -X dB FS tout au long des différentes prises. Du coup, si vous ciblez un niveau trop proche du 0 dB FS, il y a de fortes chances pour qu’une prise sature à un moment donné ou à un autre, et finisse donc à la poubelle, même si c’est la performance du siècle… Avouez que ce serait dommage !
Bref, vous l’aurez compris, je vous encourage fortement à jouer la carte de la sécurité en matière de niveaux à la prise, vos enregistrements vous en seront reconnaissants, croyez-moi !