Ceux qui ont jeté un œil au Music Studio de Magix savent que l’éditeur de Samplitude peut, quand il lui en prend l’envie, accoucher de petites bombes en terme de rapport qualité/prix. Du coup, il était tentant d’aller voir ce que propose Music Maker, séquenceur à boucle phare, dans sa version 2006.
Si aujourd’hui, le nom de Magix est associé à l’excellent Samplitude, il conviendrait de ne pas oublier que c’est avec Music Maker que l’éditeur allemand a d’abord conquis des parts de marché.
Démocratisant la MAO à l’époque de sa sortie, le célèbre séquenceur à boucles inspira vite de nombreux concurrents : Sonic Foundry qui déclina le concept dans une version pro avec Acid, eJay qui misa sur une formule plus ‘djeunz’ et même Apple qui, beaucoup plus tard, s’est efforcé à grand coup de com’ de faire passer son Garage Band pour révolutionnaire.
Or, une bonne douzaine de mises à jour plus tard, Music Maker est encore là et nous revient dans une édition 2006 relookée et gonflée à bloc de fonctionnalités toutes plus prometteuses les unes que les autres. Quand on sait l’exceptionnel rapport qualité/prix du Music Studio du même éditeur, la chose intrigue forcément…
Ze look
Première nouveauté de cette version 2006, le logiciel a été complètement relooké dans un style épuré dont les aplats blancs, bleus et gris clair ne sont pas sans évoquer le Garage Band d’Apple. L’inspiration est d’autant plus flagrante qu’on peut désormais associer de jolis petits pictogrammes à chaque pistes, histoire de reconnaître au premier coup d’œil une piste sax, guitare, basse ou batterie.
Pour le reste, l’organisation de l’interface n’a pas été bouleversée : les deux tiers de l’écran sont occupés par la fenêtre d’arrangement où sont disposés, en vis-à-vis des bandeaux de pistes sur la gauche, les différents segments audio ou MIDI qui composent le morceau. Occupant tout le bas de l’interface, un panneau à onglets permet d’accéder à l’explorateur de fichier, mais aussi aux divers instruments et effets virtuels, que ces derniers soient audio ou vidéo.
Petit détail appréciable, on dispose à l’extrêmité droite de ce bandeau d’une zone qui, au choix, pourra afficher un vu-mètre ou un petit player. Ce dernier servira bien sûr à afficher l’aperçu de la vidéo qu’on est en train de réaliser, ou affichera des films didactiques destinés à faciliter la prise en main du logiciel.
A ce propos, il faut d’ailleurs souligner que Magix a vraiment fait de beaux efforts du côté de l’aide en ligne. Outre une vidéo d’introduction, un menu ‘Tâches’ permet de découvrir les différents aspects du soft, à grand renforts de tutos vidéos. Si ces derniers sont bien réalisés et traduits, on regrettera parfois qu’ils se limitent à la présentation d’une fonctionnalité sans aller plus loin dans son emploi concret. Reste que ce genre d’initiative fait défaut à des séquenceurs 10 à 20 fois plus chers… Chapeau bas à Magix sur ce point, donc.
Continuons le tour de l’interface en évoquant la table de mixage, qu’on appelle d’un simple clic ou d’une pression de la touche M, et qui s’avère extrêmement lisible. Juste un coté, Une pression sur le bouton Mastering permet aussi d’afficher un rack comprenant un EQ graphique 10 bandes, un processeur de réverb/delay, un compresseur, un processeur de Time Stretching/Pitch Shifting et un processeur de distorsion doublé d’un filtre multimode résonnant.
Enfin, un bouton Live Mode permet d’afficher une fenêtre de déclenchement de samples un peu gadget, voire même beaucoup… Pour le reste, toutes les fonctions du logiciel sont accessibles depuis les menus, disposés au sommet de la fenêtre, aux côtés de la traditionnelle barre d’outils.
Le tour du propriétaire effectué, dumoins pour l’essentiel, passons à présent aux travaux pratiques.
Du MIDI…
Les anciens utilisateurs de Music Maker ne seront pas désorientés puisque cette version 2006 reprend en tous points le fonctionnement de ses aînées : on glisse des fichiers depuis l’explorateur vers la fenêtre d’arrangement pour constituer, peu à peu, un morceau à la façon d’un Tetris Audio/MIDI.
Côté MIDI, puisqu’on en parle, il convient de noter que le logiciel fait mieux que se défendre. Compatible avec les plug-ins VSTi d’une part, il dispose de l’autre d’un éditeur de type Piano Roll relativement bien conçu. Certes, on ne dispose pas des traitements avancées d’un Cubase, d’un Sonar ou d’un Logic, mais l’outil est clair, fonctionnel et permet à Musik Maker d’assumer pleinement son ambition de séquenceur Audio/MIDI, d’autant que l’automation des plug-ins est gérée.
Profitons de l’occasion pour évoquer les différents instruments virtuels livrés avec le logiciel et qui alternent le sympathique (Beatbox et Robotta, deux boîtes à rythmes virtuelles, et Sampletank 2 MX, une version bridée du célèbre sampler d’IK Multimédia, livrée ici avec une vingtaine de presets mais ne pouvant importer aucun sample), le correct (les synthés Copper, Silver & Drum’n’Bass) et le franchement dispensable (Voice Synth, Scratchbox). A propos de ces derniers, notons une facheuse tendance au double emploi : Copper et Silver aurait très bien pu être réunis au sein d’un même synthé, idem pour Beatbox et Robotta… Bref, on sent que Magix délaye pour donner une impression de quantité à l’utilisateur, là où on aurait préféré voir de la qualité…
…à l’audio…
Le même raisonnement peut d’ailleurs être tenu sur les effets audio qui sont disséminés ça et là dans le logiciel : entre la suite d’effets Vintage façon pédales de guitare et les racks de la suite Mastering, on finit par s’y perdre et vu que la qualité audio de tout ce petit monde n’a rien d’extraordinaire, on préfèrera recourir à la compatibilité Direct-X/VST pour utiliser des freewares autrement plus ergonomiques et performants. Puisqu’on parle d’effets, il convient de préciser que le logiciel permet d’appliquer des traitement à plusieurs niveaux : sur un objet audio (façon Samplitude, mais en beaucoup plus cheap, forcément) ou sur une piste via la table de mixage.
Chaque tranche de cette dernière offre en effet deux slots d’insertion (pour les plug-ins Direct X, VST ou Vintage Suite), deux départs d’effets (à choisir parmi les même plug-ins) et permet en outre d’utiliser la suite ‘Mastering’ dont le chaînage est hélas immuable… Bien évidemment, vous retrouvez les mêmes possibilités sur la tranche Master, ce qui fait qu’on ne se sent pas trop limité en terme de traitement…
Les limites du logiciel, on les sent en revanche du côté du moteur audio. Si le soft gère le pitch shifting (transposition tonale des samples sans altération du tempo) et le time stretching (modification du tempo d’un sample sans affectation de sa hauteur tonale) en temps réel, on ne peut pas dire que les algorithmes soit de première qualité.
Rassurez-vous tout de même, si l’on est très loin de l’excellence d’un Melodyne avec sa gestion des formants, ces fonctionnalités restent exploitables tant que vous ne leur en demandez pas trop… On sera plus gêné en revanche par la gestion approximative des ressources de la machine : loin d’un Acid capable d’afficher des dizaines de pistes sans broncher, Music Maker peine souvent dès qu’on utilise un peu trop de boucles et un peu trop d’effets. Et que dire lorsqu’on en vient aux fonctionnalités vidéo du logiciel…
…en passant par la vidéo !
Car fidèle à la politique marketing de l’éditeur allemand qui veut que plus un logiciel comprenne de fonctionnalité sur le papier, mieux il se vende, Music Maker 2006 peut aussi être utilisé comme modeste banc de montage vidéo. Vous pourrez ainsi importer des séquences vidéo aux formats AVI, DivX, Mpeg, WMA, Real ou Mov pour les monter grâce à divers jeux de transition, d’inscrustation (le soft gère les fonds bleus ou verts) ou d’effets spéciaux.
N’espérez pas réaliser un long métrage avec Music Maker : on est ici dans un ‘plus produit’ conçu pour réaliser des clips au kilomètre pour de la musique au kilomètre. Sur ce point, les samples vidéos fournis par l’éditeur sont d’ailleurs un régal de kistch : danseuses se dandinant sur des motifs kaléïdoscopiques, plans d’autoroutes tournés de nuit, avions traversant des cieux bleu azur, tout est là pour faire des chef-d’œuvres dignes des vidéodisques de karaoké.
Si cet aspect du logiciel vous intéresse, gardez toutefois à l’esprit que la vidéo consomme beaucoup de ressources et que vous aurez tout intérêt à d’abord mixer votre musique en stéréo avant de la mettre en images, sous peine de travailler en mode ‘diaporama’.
Et pour quelques dollars de plus…
Finissons en mentionnant des fonctionnalités aussi exotiques qu’accessoires, tel ce Remix Maker qui réorganise les boucles audio de façon plus ou moins aléatoire pour créer une variante d’un arrangement (selon les réglages, son effet ne s’entend pas ou produit des résultats relativement malheureux), ce système de reconnaissance d’harmonie censé détecter l’accord dans le fichier audio que vous lui soumettez, ou encore cet éditeur audio 3D, vague processeur de placement simili-surround… en stéréo !
Mais la palme revient à Song Maker, un assistant qui, pour peu que vous disposiez d’une banque de sons Magix, génère automatiquement un morceau à partir de simples critères (combien d’instruments, durée du morceau, etc.). Bref, c’est le Skynet de Terminator qui débarque dans la musique et, autant le dire, les compositeurs ont encore de beaux jours devant eux…
Précisons pour finir qu’au sein même des menus du soft, on peut accéder à l’espace de vente en ligne de Magix, histoire d’acheter, en pack ou à l’unité, de nouvelles boucles audio ou vidéo, des effets supplémentaires, etc. Bref, on sent bien que c’est là l’inévitable contrepartie du prix très abordable du logiciel…
Car Music Maker n’est en effet vendu qu’une petite cinquantaine d’euros, ce qui le met à la portée de quasiment toutes les bourses. Certains diront sans doute que c’est encore trop cher vu que pour 40 € de plus (soit quasiment le double tout de même), on peut s’offrir Acid Music Studio, une version bridée du célèbre séquenceur à boucle. Toutefois, en dépit de son moteur audio plus performant et de son ergonomie mieux étudiée, il convient de rappeler que ce dernier ne gère ni plug-ins VST ni instruments virtuels VSTi, tandis que côté MIDI, il est loin de proposer la même offre que Music Maker.
Alors, bien sûr, on pourra préférer Music Studio 2006, toujours chez Magix, qui, avec son MIDI Studio (une déclinaison de Logic) et son Audio Studio (un Samplitude Light) propose des outils autrement plus pros. Reste que ce dernier n’offre pas la facilité de prise en main de Music Maker et que côté MIDI, il est même ergonomiquement en retrait…
Conclusion
Ce ne sera une surprise pour personne : Music Maker ne boxe absolument pas dans la même catégorie qu’un Acid Pro ou qu’un Ableton Live. Pour autant, il est aussi loin de ces softs pros que d’eJay qui, en comparaison, n’est jamais rien qu’un gros joujou.
Compatible Direct-X/VST/VSTi et doté d’un éditeur MIDI plutôt bien conçu, il est à considérer pour tous les débutants qui, au départ, risquent d’être rebutés par la complexité d’un Music Studio. Certes, le séquenceur à boucle de Magix pêche sur certains aspects (son moteur audio notamment) et on aimerait qu’il soit débarrassé de tous les gadgets qui nuisent à son efficacité ergonomique.
Reste qu’à 50 €, on aurait tort de crier au scandale car il permet réellement de faire de la musique. A bon entendeur…