En créant une surface de contrôle motorisée à prix plancher, le pari de Behringer était clair : apporter à tout home-studiste un contrôle interactif et convivial de son studio virtuel. Mission accomplie ? Verdict après plusieurs mois d'utilisation.
Alors que nos studios se sont virtualisés et complexifiés, est apparue une demande de plus en plus pressante : comment s’affranchir de la souris et retrouver des sensations tactiles plus proches de nos bonnes vieilles tables de mixage ou de nos synthés hardware ? Manipuler du virtuel pour en sortir le son qui tue s’avère rapidement impossible avec une souris puisqu’il faut souvent triturer plusieurs paramètres en même temps. De même, il est difficile de faire un fade-in en manipulant un fader virtuel à la souris.
On voit donc apparaître depuis plusieurs années une myriade de surfaces de contrôle capables de piloter à distance nos logiciels en transmettant des messages MIDI déclenchés par de véritables commandes physiques. Le problème principal de ces appareils demeure le manque de retour visuel. Même si elles permettent effectivement de piloter faders et potards virtuels, si vous rejouez votre morceau avec des automations, les organes de votre télécommande restent désespérément immobiles.
Ce type de produit offre généralement 8 faders qui vont piloter les voies de votre mixeur virtuel par groupes de 8. Une fois les volumes d’un groupe modifiés, si vous passez au groupe suivant, la position des faders matériels ne correspond plus à celle des faders virtuels ! Même souci avec les rotatifs quand ils sont à butée : vous réglez un panoramique complètement à droite en tournant un potentiomètre au maximum ; vous changez de banque pour apliquer le même réglage à un autre rotatif virtuel ; vous ne pouvez plus tourner le potentiomètre puisqu’il est déjà en fin de course !
Certains fabricants ont résolu ces problèmes en proposant des télécommandes équipées de faders motorisés qui se replacent automatiquement en fonction des faders virtuels à l’écran, et d’encodeurs sans fin qui offrent une couronne de LED affichant la position virtuelle du rotatif. Cette fois, le problème est d’ordre financier. Ce type de contrôleur reste hors de portée du home-studiste qui recherche un peu de confort sans vouloir y laisser sa paie.
C’est là que Behringer entre en jeu en proposant cette BCF 2000. Faders motorisés et V-Pots pour moins de 300 euros. On peut alors se demander comment la marque a pu faire pour diviser par 5 le prix d’une Mackie Control. Qualité ? Fiabilité ? Résistance dans le temps ? C’est ce que nous allons voir.
Prise de contact
Bien emballée, la BCF est livrée avec tous ses câbles et un manuel papier. Moitié métal, moitié plastique, 30 cm de côté et 10 de haut, poids total 2,6 kilos : elle restera discrète et tiendra bien en place.J’essaie aussitôt à vide les faders, les encodeurs et les boutons et je tapotte gentiment le boitier : rien à signaler, aucun jeu, frottement de fader, ni bruit particulier, tout est très bien aligné, c’est du costaud.
A l’arrière le bouton de mise sous tension est bien placé et d’excellente qualité. Si l’on compare à d’autres appareils dans cette gamme de prix, la BCF ne fait définitivement pas jouet. Elle est très bien assemblée et l’agencement des différents organes est optimal : même les gros doigts seront à l’aise. Seule la couleur, bleu et anthracite, pourra en rebuter certains. Personnellement je trouve l’appareil plutôt sobre et élégant, la sérigraphie blanche restant lisible même si l’on travaille dans l’obscurité. Bref, à la sortie de la boîte, cette télécommande fait bonne impression et donne envie de la brancher. Voyons donc les commandes disponibles.
La BCF présente, à la manière d’une console de mixage, huit tranches avec chacune un fader motorisé, deux boutons et un encodeur sans fin avec sa couronne de 15 LED. On peut de plus appuyer dessus comme sur des boutons. Ils ont donc deux fonctions. Dans la partie droite on trouve 14 boutons, tous équipés d’un témoin lumineux. Tout en haut, un afficheur LED (4 caractères) et les classiques diodes d’activité/contrôle MIDI/USB. Derrière, une prise USB, trois prises MIDI (in, outA et outB/thru), une prise d’alimentation et deux connecteurs pour footswitch et pédale d’expression. Il ne manque qu’une seule chose : un afficheur LCD pour renvoyer les informations en provenance de ce que vous pilotez, comme on en trouve sur les Mackie Control ou Command 8.
On branche, on update…
La BCF peut être utilisée via une connexion USB ou MIDI classique. On utilisera en principe l’USB pour une utilisation informatique et le MIDI pour une utilisation avec des appareils hardware (synthétiseurs, racks d’effets). Rien n’est obligatoire mais, avec ses faders, la BCF se destine plutôt à une utilisation informatique pour piloter un séquenceur virtuel type Cubase. Pour piloter du hardware, sa cousine BCR 2000 (une BCF dont on a remplacé les faders par 24 encodeurs sans fin) sera plus adaptée, avec une connexion MIDI.De plus, l’USB permet d’utiliser les ports MIDI de la BCF comme une interface classique (une entrée, deux sorties). Enfin, l’USB permet de chaîner plusieurs BCF en n’occupant qu’un port USB, afin de bénéficier de 16, 24 ou même 32 faders motorisés. L’appareil dispose de 7 modes de fonctionnement sélectionnables et paramétrables qui devraient répondre à tous les contextes d’utilisation : 4 modes USB et 3 modes stand-alone (MIDI).
L’installation est enfantine. En USB, on branche puis on allume la BCF qui est alors détectée et installée. Sur Mac, cette opération est suffisante pour permettre une utilisation normale. Sur PC sous Windows XP/2000, il est recommandé d’installer le driver Behringer qui a la particularité d’être multiclient, pour permettre d’envoyer/recevoir des données MIDI entre la BCF et plusieurs logiciels à la fois ou d’utiliser plusieurs BCF qui seront ensuite différenciées matériellement par le système.
A l’allumage, la version du firmware (système d’exploitation) de la BCF apparaît quelques secondes dans l’afficheur LED. Il est souhaitable de le mettre à jour afin de bénéficier d’améliorations et de résolutions de bugs. Cet update n’est en fait ni plus ni moins qu’un fichier SysEx que l’on va envoyer dans la machine. Il suffit de télécharger la dernière version disponible et de suivre la procédure expliquée dans le PDF l’accompagnant. Un petit soft utilitaire est même proposé. Je lui préfère personnellement le logiciel SendSX (gratuit), plus fiable et paramétrable à loisir.
Même si ces procédures fonctionnent bien et que l’installation et la mise à jour prennent tout au plus 10 minutes, il faut nuancer. En effet, la documentation papier ne parle pas de l’installation de l’appareil. L’utilisateur débutant (qui reste la cible privilégiée de ce type de produit) n’est pas supposé savoir que la BCF contient un microcontrôleur et un système d’exploitation. Il risque d’être complètement perdu. Et s’il ne possède pas de connexion internet et ne parle pas anglais, il lui sera impossible de s’en sortir. Les documents disponibles sur le site Behringer sont très complets et très bien faits, tout comme la page dédiée à la BCF, mais le constructeur devrait les inclure dans la documentation papier multilangue à destination des débutants non-connectés.
Télécommande MIDI générique
Le mode par défaut est un mode télécommande MIDI « de base ». Les organes de l’appareil sont paramétrés pour envoyer des messages standards qui seront ensuite interprétés par l’esclave. Le paramétrage côté BCF peut se faire de plusieurs façons : soit en utilisant les encodeurs en mode Edit pour paramétrer individuellement chaque commande, soit en utilisant le mode Learn qui permet à l’appareil d’apprendre automatiquement un message MIDI provenant de l’esclave puis de le conserver. Cette fonction permettra de gagner du temps.On peut également travailler dans l’autre sens une fois la BCF programmée, en utilisant la fonction Learn de l’esclave quand il la propose. Pour piloter un séquenceur virtuel, une fois la BCF paramétrée, il faudra créer un script de télécommande générique qui permettra au séquenceur de communiquer avec la BCF. Ce paramétrage dépend évidemment du logiciel qu’il faudra tout de même bien maîtriser. La BCF peut transmettre 94 messages pour chacune des 32 mémoires que l’on peut sauvegarder puis choisir grâce aux boutons PRESETS. On arrive donc à environ 3000 messages MIDI.
Bien sûr, l’intérêt des mémoires va au-delà. Elles permettront en particulier de créer des patchs dédiés à un logiciel unique ou à une section donnée du séquenceur. Les messages MIDI transmis vont du simple message CC/PC au NRPN (permettant 16 384 valeurs en 14 bits) en passant par les messages MMC, Note et SysEx. Tout est possible.
On peut aussi modifier le comportement des commandes physiques. Pour n’en citer que quelques-unes : mode d’affichage des couronnes de LED, fonctionnement des faders (automatisés ou non), accélération des encodeurs, fonctionnement des boutons (toggle, switch…). A chaque fois l’écran LED affiche assez clairement les réglages en cours. S’il serait laborieux de tout vous présenter, les possibilités, vous l’aurez compris, sont énormes. J’ai même découvert des fonctions complètement inconnues de toute documentation !
Le standard MIDI étant relativement complexe, la programmation de la BCF peut prendre beaucoup de temps. Heureusement de ce côté-là, la documentation est relativement complète et surtout, Behringer a mis à disposition un éditeur graphique (malheureusement en version beta depuis sa sortie et certains paramètres ne sont pas programmables en l’état) permettant une programmation plus conviviale.
La BCF permet également de sauvegarder et charger les presets sous forme de fichiers SysEx. On peut alors se contenter des presets préconfigurés (pour les logiciels les plus courants) que Behringer et certains utilisateurs ont gentiment mis à disposition sur le net. Une commnunauté d’utilisateurs s’est d’ailleurs créée et il y a fort à parier que l’on trouvera des dizaines de presets sur Internet d’ici quelques temps.
Enfin, si vous vous sentez l’âme d’un informaticien, vous pourrez ouvrir l’un de ces fichiers presets dans un éditeur hexadécimal pour le modifier plus en profondeur. C’est d’ailleurs dans ce contexte que les capacités cachées de la machine vous sauteront aux yeux. Vivement un éditeur graphique plus à jour !
Ouh, la copieuse !
Depuis la version 1.06 de l’OS, la BCF est capable de causer le HUI, protocole MIDI spécialisé mis au point par Mackie et implanté dans presque tous les séquenceurs du marché afin qu’ils puissent être pilotés directement par une télécommande de la marque. L’interaction logiciel/appareil est alors totale car le support est natif (la télécommande tient compte des fonctions du logiciel et inversement). Vous me voyez venir ? La BCF est capable d’émuler une télécommande Mackie et fera croire à votre séquenceur qu’il parle à la vraie ! L’avantage ? La télécommande et l’esclave parlent exactement la même langue. Donc, pas de paramétrage ni de programmation quelle qu’elle soit !De plus, dès que le séquenceur lance une nouvelle information (création d’un nouvelle piste virtuelle, ouverture d’un plugin, d’un VST-i…), la BCF se met à jour et s’adapte automatiquement et en temps réel sans que vous ayez besoin d’éditer un script de télécommande dans votre séquenceur. Cette amélioration de l’OS de la BCF est une véritable aubaine puisqu’elle permet d’être opérationnel en quelques minutes. Les émulations proposées concernent la Mackie Control pour Cubase/Nuendo et Sonar, la Logic Control pour Logic (logique !) et la Baby HUI pour Pro-Tools et d’autres logiciels. Pour y accéder, on allume la machine en appuyant sur un bouton précis et la BCF passe dans le mode choisi. Dans ce contexte, rien ne peut être édité. En revanche, tous les boutons sont assignés à des fonctions et un système de double « shift » permet d’accéder à trois fonctions par commande.
Là, j’en vois deux au fond qui ricanent et me disent « oui, mais sur les vrais modèles il y a un afficheur LCD, alors que sur la BCF y en a pas ». C’est vrai. Mais Behringer a pensé à tout et nous fournit un émulateur de LCD logiciel à la manière de Tascam pour sa FW 1884 qui en est aussi dépourvue. Ce dernier se place sur votre écran d’ordinateur et se comporte exactement comme le LCD de l’appareil émulé. Merci qui ?
Là encore, malheureusement, rien à ce propos dans la documentation.. Impressionnés par l’apparente complexité de l’appareil, ne sachant pas que ces émulations existent, beaucoup d’utilisateurs abandonnent. On aurait aimé être prévenu de cette possibilité. Dommage.
A l’usage
Commençons par parler de ce qui constitue l’interrogation majeure face à un produit de cette classe pour une si petite somme : sa qualité générale. En cela, le présent banc d’essai est un peu spécial car après avoir testé la BCF pendant trois mois cet été, je me la suis offerte. Il y a donc un an (bien tassé) que j’utilise cet appareil quasi quotidiennement.Jusqu’à maintenant, aucun composant n’a montré de signe de faiblesse, pas même les encodeurs qui pourraient sembler fragiles. Les faders motorisés n’ont rien à envier à ceux présents sur des machines 3 ou 4 fois plus chères. De type ALPS, ils sont relativement silencieux dans un contexte de home-studio (et peuvent être désactivés si besoin), exception faite du petit clac qu’ils produisent lorsqu’ils atteignent leur butée. Leur temps de réponse et leur calibrage sont excellents. Ils n’ont toujours pas montré le moindre signe de fatigue, eux non plus.
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Bref, cet appareil est fiable dans le cadre d’une utilisation normale. Et à ce prix, une fois passée la garantie, il sera plus économique de le changer que de le réparer car il sera largement amorti ! Reste à savoir comment il se comportera dans un contexte live (où on lui préfèrera la BCR 2000) mais à moins d’être une brute et de martyriser l’appareil, il ne devrait y avoir aucun souci.
J’utilise la BCF avec cubase SX 3 (version 3.1, mais aussi avec la verion 2, avant, et sans aucun problème) en mode d’émulation Mackie Control, et mixer avec cette machine est un vrai bonheur.
J’ai pu également l’essayer avec Logic Audio 5.5 sur PC et avec Sonar 4. L’émulation la plus aboutie est sans conteste la Logic Control mais la machine originale a été conçue pour Logic spécifiquement et par des gens de chez Emagic (à l’époque) en partenariat avec Mackie. Etant donné que les émulations suivent scrupuleusement le protocole Mackie et l’implémentation dans chaque application, les quelques problèmes que l’on peut trouver viennent en fait de l’application et pas du tout de la BCF.
Je regretterai simplement qu’en mode MC pour Cubase la fonction push des encodeurs n’envoie aucun message MIDI. Toujours est-il que, quel que soit le logiciel utilisé, on se surprend presque à lacher la souris puisque toutes les fonctions liées au mixage sont prises en charge depuis la machine : commandes de transport, paramètres EQ, sends, inserts, bref, tout ! Avec en prime les fonctions propres à la machine originale : flip de faders, désactivation des moteurs, affichage des pages, commandes librement assignables. Les couronnes de LED et autres diodes s’avèrent très pratiques et surtout pas gadget, malgré le fait que sur les 15 LED, seules 11 sont utilisées dans les émulations (mais la Mackie originale n’a que 11 LED !). En tous cas, sur mon bureau le soir, ça fait toujours son petit effet. Pour finir, l’émulateur de LCD apporte la touche finale à l’ensemble pour approcher le sans faute.
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En mode natif BCF, la programmation et le paramétrage sont d’une facilité enfantine. On appuie sur un bouton, on tourne les encodeurs, on enregistre les changements et c’est terminé. Le seul problème que l’on peut rencontrer est lié à la quantité d’informations à ingurgiter, digérer et retenir. Mais, de ce côté-ci, le manuel est irréprochable, nous proposant des tableaux multiples, accompagnés d’explications détaillées et très claires. On peut aussi fabriquer des gabarits que l’on posera sur l’appareil.
Je n’ai eu aucun souci de décrochage MIDI. Le temps de réaction de la machine depuis le séquenceur ou le VST-i est presque imperceptible. Lors des changements de groupes de tranches ou de presets, le placement des fadeurs est instantané (à peine 1/10 de seconde). On peut donc mixer dans de très bonnes conditions. En revanche, la BCF 2000 ne semble pas vraiment destiné à un travail d’édition poussé, et on devra utiliser la souris pour les opérations de base (encore qu’avec de l’organisation, il est tout-à-fait possible de tout gérer). Signalons pour terminer qu’en cas de problème le support en ligne Behringer est à l’écoute.
Mission accomplie !
Behringer ne s’était jusqu’alors jamais attaqué au monde de la MAO et de l’informatique. Et c’est par la grande porte qu’ils entrent chez le home-studiste amateur en proposant cet outil vraiment attachant. Dans cette gamme de prix, la BCF 2000 est sans aucun doute la meilleure surface de commande motorisée puisque c’est aussi la seule.Contrairement à ce que l’on pourrait penser, hormis un manuel qui passe trop d’éléments sous silence, il s’agit d’une machine de qualité qui offre un rapport prix/possibilités vraiment attrayant. Les « flying faders » et les V-Pots sont un vrai plus par rapport à la concurrence qui devrait sérieusement se réveiller, car cette BCF 2000, comme diraient les anglais, va « s’envoler des rayons ». Les mauvaises langues peuvent donc se taire. Ce produit est un bon produit qui remplit parfaitement son rôle et qui sait même faire un peu plus ;o)
[+] Qualité de fabrication plus qu’honorable en regard du tarif pratiqué.
[+] Simplicicité de programmation.
[+] Emulation Mackie. Emulateur LCD.
[+] Prix.
[-] le manuel un peu léger.
[-] Pas de LCD ni de « touch sensor » (mais à ce prix-là…).
[-] Obligation d’être connecté au net pour avoir accès à toutes les ressources.
[-] Pour le reste, ben je cherche encore.