Dans le précédent article, nous avons découvert deux instruments étonnants, les Ondes Martenot et l’Ondioline. Aujourd’hui, pour finir en beauté, je vous propose de rencontrer deux spécimens encore plus surprenants !
Le Trautonium
Et nous commencerons tout de suite par… un synthé à corde ! En effet, c’est bien d’une corde que le Trautonium – créé en 1930 par le Berlinois Friedrich Trautwein – dispose pour servir d’interface avec le musicien.
Il s’agit plus exactement d’une résistance filaire tendue horizontalement au-dessus d’une plaque métallique. En appuyant sur ladite résistance, le musicien la met en contact avec la plaque, fermant ainsi le circuit électrique qui va alors alimenter les oscillateurs à lampes (voir article précédent) qui produiront le son.
En modifiant le point de pression sur la corde, on modifie la résistance électrique de celle-ci, ce qui à son tour va influer sur la fréquence (et donc la hauteur) du signal émis par les oscillateurs. Des variations dynamiques peuvent être obtenues en modulant la pression exercée sur la plaque métallique (initialement c’était une pédale qui était affectée à cette fonction).
Des lamelles métalliques perpendiculaires à la corde permettent d’atteindre directement des hauteurs de notes préétablies de manière chromatique.
Tout comme pour les Ondes Martenot, l’objectif est d’offrir au musicien une ergonomie – et donc une palette d’articulations et de moyens d’expression – plus proche de celle des instruments à archet que de celle des claviers. Des filtres permettent de modifier le timbre des sons produits par le Trautonium et en font donc l’un des premiers instruments à synthèse soustractive.
Suite à l’échec commercial de la première mouture de son instrument, le Volkstrautonium, Friedrich Trautwein confia la poursuite de son œuvre à son assistant, le physicien, compositeur et pianiste Oskar Sala, qui fit évoluer dans les années 50 le Trautonium vers le « Mixtur-Trautonium » en lui adjoignant notamment une seconde interface « corde/plaque métallique », des générateurs de bruit et d’enveloppe, des filtres passe-bande et des oscillateurs subharmoniques.
Il est à noter que c’est grâce à cet instrument qu’Hitchcock put créer la bande-son de son film, « Les Oiseaux ». (Photo : Hitchcock avec Oskar Sala au premier plan).
Aujourd’hui, la société allemande Trautoniks continue de faire vivre ce merveilleux instrument, et Doepfer propose des modules à ruban qui émulent la corde du Trautonium.
Le Thérémine
Mais à présent, et pour terminer ce petit tour d’horizon des ancêtres hors-norme de nos synthétiseurs actuels, je vous invite à découvrir l’un des outils musicaux les plus étonnants qui soient, le Thérémine !
Avant de voir en quoi il se distingue particulièrement, notons tout d’abord que les sonorités produites par cet instrument, inventé en 1919 par l’ingénieur russe Lev Sergueïevitch Termen (Léon Thérémine) et produit un temps par la compagnie américaine RCA, ne sont pas sans rappeler celles produites par les Ondes Martenot. Cela n’est d’ailleurs guère étonnant, les deux instruments reposant sur le principe de l’hétérodyne (voir article précédent). La comparaison toutefois s’arrête là, car, dans le cas de l’instrument russe, le timbre n’est pas modifiable.
Mais l’aspect réellement novateur du Thérémine se situe au niveau de l’interface avec le musicien. Cet instrument ne nécessite en effet aucun contact physique direct avec le musicien pour produire des sons. Le Thérémine dispose de deux antennes, l’une droite et verticale, et l’autre circulaire et horizontale. Chacune de ces antennes est reliée à un couple d’oscillateurs hétérodynes. C’est en modifiant la distance entre ses mains et lesdites antennes que le musicien module respectivement la fréquence et l’amplitude du signal produit.
Ce système fait appel au phénomène de capacitance. Un champ électromagnétique se crée aux abords des antennes au moment où le Thérémine est mis sous tension. La charge électrique de ce champ est augmentée en réduisant la taille de celui-ci, via la main du musicien par exemple. Plus la charge augmente, plus la fréquence de l’un des deux oscillateurs reliés à l’antenne diminue, celle de l’autre restant fixe. Mais plus ladite fréquence diminue, plus la différence d’avec la fréquence de l’autre oscillateur du couple augmente (toujours selon le principe hétérodyne, pour ceux qui seraient un peu perdus). Dans le cas de l’antenne verticale commandant la hauteur du signal, le musicien augmente donc ladite hauteur en approchant sa main, et la diminue en la reculant.
Bien que cette technique soit particulièrement difficile à maîtriser pour l’instrumentiste, le Thérémine est encore utilisé dans de nombreuses productions musicales actuelles. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une réédition par Moog Music – l’Etherware – basée quant à elle non plus sur des lampes, mais sur des transistors.
Pour finir, une petite vidéo dédiée à tous les geeks :
Conclusion
Ainsi s’achève notre série d’articles sur la synthèse sonore, mais je vous propose de nous retrouver une ultime fois pour un récapitulatif complet du dossier.
D’ici là, portez-vous bien !