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Musique et expériences d'intériorité

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Sujet de la discussion Musique et expériences d'intériorité

Suite à une demande formulée dans un post sur la musique ambient, voici un post consacré aux différents liens qui peuvent exister entre musique et expériences liées à des états de conscience modifiée induites par la musique.

L'origine et les grandes lignes de la discussion:

Citation de Gianni Andon :

Est ce que ca vous arrive en écoutant des morceaux, de voir soudainement une partie de votre jeunesse défiler? [avec l'exemple de Boards of Canada - Bocuma]

Citation de Muh Nods :

Ce que tu dis m'interpelle beaucoup, puisque j'ai ressenti la même chose lorsque j'ai écouté Boards Of Canada pour la première fois... J'ai vu défiler plusieurs "flashs", remontant à mon adolescence, en particulier quelques moments très particuliers, très précis, que j'avais totalement occultés.

Citation de Xheindrichs :

Pour ma part, cela me semble logique, ou en tout cas compréhensible. [...] Dans certains états de conscience modifiée, pas mal de choses étonnantes peuvent survenir, comme par exemple le fait qu'une "tranche" de mémoire se réactualise dans la conscience. C'est fréquent...

Citation de Gianni Andon :

Je te l'accorde mais la musique reste quelque chose de subjectif, aussi belle soit-elle. Que de tels sons provoquent les mêmes sensations chez beaucoup d'auditeurs demeure quand même un mystère

 

[...]

 

Cela demeure tout de même un peu plus mystérieux lorsqu'on s'attaque à la mémoire qui appartient temporellement au passé (nous n'avons pas tous eu la même vie et les mêmes souvenirs) alors que la musique, ambient en l'occurrence, prétend seulement offrir au présent, à l'instant I, les vertus qu'on lui attribue généralement

 

[...]

 

j'ai ressenti exactement la même chose. Pourtant je n'ai pas partagé mon enfance avec ce cher Muh Nods

Citation de Xheindrichs :

Évidemment. tu n'as pas eu accès à la MÊME mémoire (vu que tu n'as pas vécu sa vie), mais bien au même PROCESSUS. [...] Comme tu dis, la musique peut offrir au présent les vertus qu'on lui prête (énervante, calmante, etc...) Si on pose comme hypothèse qu'elle donne des réminiscence pour un public particulier (sensibilisé au départ), on peut dire qu'elle réactualise des souvenirs dans le présent de l'auditeur. Se remémorer, c'est retrouver, dans le présent, des contenus de conscience passés liés aux 5 sens. Pour moi, la mémoire n'appartient pas au passé.

Citation de Gianni Andon :

C'est un constat que tu fais là. Moi je voudrais savoir COMMENT expliquer ce processus que tu décris et qui nous fait remonter des années en arrière

 

Citation de Xheindrichs :

 

On ne peut pas EXPLIQUER ce processus sans faire une étude approfondie. Mais on peut COMPRENDRE que cela PEUT fonctionner fréquemment de cette manière chez des sujets qui ne sont liés que par leur attrait pour cette musique. On peut le comprendre en juxtaposant des constats et en concluant sous forme d'hypothèses.

 

Les constats:

1) Certains aiment la musique ambient, d'autres pas.

2) Chez certains sujets, ceux qui "aiment", l'écoute de la musique ambient, dans certaines conditions, peut induire un état de conscience modifié.

3) Dans les états de conscience modifiée la conscience peut vivre de nombreuses choses inhabituelles, a tout moment. Une de ces choses est l'arrivée d'un souvenir à la conscience, quel qu'il soit.

4) Ceux qui aiment l'ambient l'écoutent, et s'informent ou échangent à son propos.

5) Ceux qui se regroupent pour échanger à propos d'un sujet échangent souvent à propos de la manière dont ils vivent ce sujet.

6) Si à l'écoute de l'ambient, on rencontre l'expérience de réminiscence, que l'on trouve un groupe centré sur ce sujet où on se sent suffisamment à l'aise pour en parler, on en parlera.

7) Dans ce groupe de personnes qui écoutent de l'ambient, il y a de fortes chances pour que d'autres personnes se retrouvent dans cette expérience (pour les raisons 2 et 3).

8) Lorsque deux personnes se rendent compte qu'elles ont vécu chacune des expériences hors du commun, et qu'elles se sentent suffisamment à l'aise, elles échangeront à ce propos.

 

On peut donc raisonnablement poser l'hypothèse que l'ambient peut favoriser les réminiscences (de 1 à 3). Donc, il est COMPREHENSIBLE que tu aies vécu le même processus que Muh Nods (1 à 3 pour chacun) et que vous en parlez (de 4 à 8).

 

Le terme "processus" est important: je ne parle pas de CONTENUS. Muh Nods ne t'a pas parlé du soudain souvenir de la glace qu'il léchait tout en regardant sa voisine en train de se toiletter dans sa salle de bains... Et tu ne t'es pas écrié "Oh, mais je me suis souvenu de la même chose, la même glace, la même voisine". Vous avez chacun parlé de flashes liés à l'enfance, pour l'un, et à l'adolescence, pour l'autre. Tu n'as donc pas ressenti la même chose, mais expérimenté le même processus...

 

Pour ce qui est de l'EXPLICATION, pour aller au-delà de l'hypothèse, cela mériterait bien un mémoire en psychologie transpersonnelle, en ethnologie, en musicologie, etc... noidea.gif

 

Quant à la mémoire, pour moi, elle n'appartient pas au passé. C'est un processus qui s'active au présent pour "emmagasiner" ou pour "restituer" des contenus mentaux. Ces deux travaux de la mémoire ne peuvent se dérouler que dans un présent. Quant aux contenus mentaux, les souvenirs, ils ne sont pas (toujours pour moi ;) ) de l'ordre du passé. On peut imaginer, conceptuellement, qu'ils se "réfèrent" à un événement survenu dans le passé, mais ces souvenirs restent le résultat d'une réactivation et réinterprétation au présent de certains circuits neuronaux en l'état où ils sont actuellement. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle la mémoire peut s'altérer... En se remémorant le passé, on plonge ... dans le présent. headbang.gif

Citation de Gianni Andon :

il est dur de partager tout cela sur un forum. Notre façon d'écouter de la musique et de l'interpréter est strictement personnelle et indescriptible. Il y'a un fossé entre la pensée et la parole. Le passage de la pensée à la parole, du ressenti à l'énoncé est un meurtre quelque part, une démystification vulgaire. C'est pour cela que j'évite les superlatifs concernant les musiques que je présente parfois ici. Faire cela c'est s'attribuer les émotions qui constituent cette musique et la démystifie.

 

Citation de Xheindrichs :

 

C'est vrai que parler de quelque chose de si subjectif, intime est difficile. C'est une sorte de traduction de mouvements interne, faite sans dictionnaire. Et comme le dit l'expression, "Traduttore tradittore" (Le traducteur est un traître). En même temps, c'est particulièrement intéressant de lire des récits d' "expériences intérieures", des collections de trahisons, parce qu'elles pointent toutes vers leur source...

 

C'est drôle parce qu'on a vraiment des conceptions très différentes... Caractériser les musiques (avec des superlatifs ou non), pour moi, c'est un peu l'opposé que de s'attribuer ces caractéristiques. C'est plus de l'ordre de les sortir de soi, avec tous les avantages que cela comporte (on peut les regarder, les comprendre, les faire se rencontrer avec des caractérisations d'autres personnes, etc...), mais aussi les inconvénients à accepter (le constat d'incomplétude du langage, d'inadéquation inéluctable entre le mot et la chose, d'incommunicabilité de ce qui fait l'intériorité).

 

Pour l'émotion, elle est, momentanément, dans l'esprit de celui qui crée la musique. Elle est aussi, momentanément, dans l'esprit de celui qui l'écoute. Mais les deux émotions peuvent très bien être très différentes... En tout cas, l'émotion n'est pour moi absolument pas dans la musique. On la crée/subit à l'intérieur de nous en fonction de multiples facteurs, dont l'audition de telle musique (ou de tels accords, de telles sonorités) n'est qu'un des éléments.

 

Le langage ne démystifie pas l'expérience, précisément parce qu'il passe à côté. Il rate sa cible à chaque fois. La part de mystère reste donc entière. Quant au musée, il ne démystifie pas l'œuvre d'art, parce qu'il passe encore à côté. Une œuvre d'art ne peut être présentée en totalité dans un lieu anonyme, car elle est étroitement liée à l'intériorité du peintre dont personne n'a la clé. Si on avait accès à toute la réalité de la peinture, du peintre et du lien qui les unit, là, ok, il y aurait démystification, et en même temps, perte de l'attrait/intérêt pour cette œuvre (voire pour les autres œuvres). Si le choc entre l'œuvre et le spectateur est étouffé, la raison est à trouver chez le spectateur, dans sa manière d'entrer en contact avec ce qui l'entoure, dans sa manière d'envisager une œuvre d'art et l'utilisation d'un musée. Le musée ne donne que ce que nous venons y chercher. 99% des  ont des motivations consommatoires; les 1% restants ont une motivation contemplative. Il y a fort à parier qu'ils vivent la confrontation à une œuvre de manière très différente.

 

Citation de Gianni Andon :

 

je suis d'accord avec ce que tu dis en partie, un peu moins dans la dernière partie mais ton avis est peut être plus objectif que moi car le mien reste sans doute partial.

 

Je ne suis pas peintre mais je suis un dessineux, j'ai un ami peintre, je connais quelques peintres et je m'intéresse beaucoup à ce sujet donc mon point de vue est artistique, sans prétention aucune. J'ai peu de théories sur ce sujet car pour moi il ne s'agit que d'expériences et de "ressentis". Ce qui n'est pas dénué de sens non plus.

 

Voilà... Peut-être que le sujet (et les autres dans cette veine) intéressera certains...

A bientôt icon_coucou.gif

Xa

 

 

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21

Pour être plus clair sur mon point de vue je dirais que la musique qui semblent échapper à toutes théories traditionnelles et académique est une entreprise risquée et sa portée se trouvera nettement plus réduite du fait de sa nouvelle "mythologie". La plupart des courants électroniques récents, des trentes dernières années environ, sont très communautarisés je trouve. Ce n'est pas une certitude mais c'est ce que j'observe en lisant.

Ce qui me plait avant tout, c'est la vocation universelle de la musique. Que des gens à priori très différents dans leurs cultures à l'écoute d'une musique en fasse des interprétations personnelle mais que chacun lui reconnaissent une vocation particulière et lui attribue une vertu positive.

Mais c'est sans doute utopique que ce concept universaliste d'ailleurs quand j'y pense vraiment ça me fait un peu peur. Même la musique de Bach aussi savante soit elle ne saurait être comprise à travers les quatre coins du monde. Cependant j'ai lu qu'il y'avait du Bach chez Miles Davis, le contrepoint je crois. Elle est peut être là la notion d'universalité et c'est en cela que j'honore le traditionnel. Dans sa capacité à se perpétuer et à se régénérer. Voilà, je sais pas si je me suis bien fait comprendre. J'ai un peu de mal à synthétiser tout ça.

Personnellement je me sentirais bien ridicule si je devais parler de mon intériorité "occidental" comparée à celle d'un chaman. J'ai comme l'impression que ici il y'a quelquechose que nous avons perdu et ce qui fait que des musiciens comme La monte Young, Hassell et d'autres encore ont voulu retrouver une sorte de point originel auprès de maitres musiciens indiens. Il s'agit de Pandit Pran Nath si je me souviens bien.

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

22

Citation :

la musique qui semblent échapper à toutes théories traditionnelles et académique est une entreprise risquée et sa portée se trouvera nettement plus réduite du fait de sa nouvelle "mythologie"

Ca, c'est certain!

Citation :

Même la musique de Bach aussi savante soit elle ne saurait être comprise à travers les quatre coins du monde.

Il n'y a qu'à prendre la réciproque... La musique d'un Ravi Shankar est ultra savante (comme toute la musique indienne traditionnelle. Est-elle "comprise" et même "écoutable" pour l'occidental xy de la rue? Non...

Citation :

Cependant j'ai lu qu'il y'avait du Bach chez Miles Davis, le contrepoint je crois. Elle est peut être là la notion d'universalité et c'est en cela que j'honore le traditionnel. Dans sa capacité à se perpétuer et à se régénérer. Voilà, je sais pas si je me suis bien fait comprendre. J'ai un peu de mal à synthétiser tout ça.

Sisi, tu y parviens bien... Si tu acceptes cependant de réduire ton étendue de la notion d'universalité à celle de proximité culturelle. Miles Davis est certainement plus proche culturellement de Bach que d'un compositeur japonais du 19ème...

Citation :

Personnellement je me sentirais bien ridicule si je devais parler de mon intériorité "occidental" comparée à celle d'un chaman

Oui, et, comme tu le dis bien, parce que nous avons perdu un quelque chose, c'est-à-dire un moyen d'accès à l'intériorité (parce que nous n'en avons généralement pas besoin), et un vocabulaire/contexte théorique pour identifier et communiquer ce qui a été expérimenté. Ceci étant dit, l'europe a eu, autant que les autres continents, une culture mystique très puissante, organisée. Actuellement, elle se fait rare, individuelle, sauvage, et souvent récupérée par le psychiatrique... noidea.gif

Concernant David Toop, il a ressorti son bouquin en 2008. Sais-tu si il a été complété?

A bientôt icon_coucou.gif

Xa

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Entièrement d'accord avec ta dernière partie. Je crois qu'un bon exemple de la paupérisation du caractère mystique ou traditionnelle de la musique occidentale est Erik Satie. Il n'y a qu'à voir le pathétique de son parcours pseudo spirituel. Lui qui se prétendait supérieur sans le dire à Debussy quand ce dernier remettait en cause la musique occidentale lors de l'écoute de musique javanaise à l'exposition universelle de 1889.

C'est comme si qu'après avoir démystifié l'essence de la musique au cours du XIXème siècle, l'homme se rend vite compte que celle-ci ne peut se détacher de cette notion mystique. Mais inévitablement on sait que l'on a perdu quelque chose et on assiste de ce fait à la naissance de théories plus ou moins farfelues.

Citation de xheinrichs :

Concernant David Toop, il a ressorti son bouquin en 2008. Sais-tu si il a été complété?

C'est possible. Il y'a 382 pages sur la seconde édition contre 318 pour la première. Personnellement j'attends toujours qu'un éditeur traduise ses autres écrits. Sinon j'ai relevé un livre intéressant dans la notice bibliographique: Le paysage sonore: Le monde comme musique. Il est sorti en 1977 et a été réédité très récemment.

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

24

Citation :

Mais inévitablement on sait que l'on a perdu quelque chose et on assiste de ce fait à la naissance de théories plus ou moins farfelues.

Oui, (quasi?) toutes les théories non reliées à une tradition (ou improprement reliée) sont complètement farfelues, et décrédibilise largement les mystiques (personnes et courants). Il existe par contre des ouvrages centrés sur l'expérience mystique (d'un point de vue témoignage, pragmatique, phénoménologique) non rattachée à des traditions. Là, il arrive que la "qualité" soit au rendez-vous... noidea.gif

A propos de "Le paysage sonore", je le recevrai fin du mois. Je te dirai ce que j'en pense, mais a priori, ça a l'air sympa. As-tu, par hasard, d'autres lectures de ce genre?

A bientôt icon_coucou.gif

Xa

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La bibliographie de Toop regorge de livres sur l'ethnologie, les sociétés primitives, leur rapport au son, au milieu de biographies sur les grands musiciens. Malheureusement ils sont quasiment tous en anglais, mais peut être maitrises-tu la langue de shakespeare?

En français peut être que les écrits de Mircea Eliade t'intéresserait. Personnellement je te conseille une biographie de Debussy tu peux en trouver pour pas cher, ça permet de réfléchir sur le tournant qu'a pris la musique du XIXème siècle au XXème siècle. Debussy recouvre les périodes qui vont de la fin du romantisme au symbolisme cher à Mallarmé et à cette remise en cause de la musique occidentale avec l'exposition universelle. En cela c'est un personnage clé.

Sinon j'ai commandé à la hâte "Origines et pouvoirs de la musique" de Alain Daniélou qui commence à se raréfier. J'ai parcouru le livre et ça me parait passionnant. Je ne l'ai pas lu, je donnerais un avis plus tard.

 

Citation :

A propos de "Le paysage sonore", je le recevrai fin du mois. Je te dirai ce que j'en pense, mais a priori, ça a l'air sympa.

Fin du mois? Ca fait long la livraison! Sinon ton avis m'intéresse.

 

 

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

[ Dernière édition du message le 12/12/2010 à 17:54:22 ]

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Citation de Gianni andon et son interlocuteur :

ouvrage ''le paysage sonore''

 

Hors sujet :

 

 

A ce propos, je vends l'ouvrage d'un des directeurs de la recherche acoustique en France, Michel Chion,

 

"Le son'', en parfait état. Il s'agit peut-être de l'ouvrage le plus agréable à lire pour une approche savante du son mais point trop technique ; disons qu'il maîtrise tant son sujet qu'il nous épargne les démonstrations inutiles. Il a une culture encyclopédique grâce à laquelle des éléments très intéressants émergent. Inspirant.

 

 

 

Pour ce qui est de l'intériorité il me semble que, pour les courageux, et nonobstant que j'écoute également des disques de musique sacrée qui se prêtent indubitablement plus facilement à la méditation, les disques d'Halo Manash [label Kaosthetik Konspiration] sort du lot de ceux qui tentent l'expérimentation sonore ; bien que cela ne cadre pas avec l'aspect ''musique de relaxation'' qui recouvre une part de ce beau sujet.

27

Oui, Eliade, je connais "bien"... Pour Debussy, oui, je vais voir. Ca a l'air intéressant.

Citation :

Fin du mois? Ca fait long la livraison!

Le père Noël livre à date fixe...

Citation :

bien que cela ne cadre pas avec l'aspect ''musique de relaxation'' qui recouvre une part de ce beau sujet

Bah... Je ne pense pas qu'il ne peut y avoir de lien entre intériorité et musique que dans le cas de la musique de relaxation. Celle dont tu parles pourrait très bien s'y prêter... Très beau, d'ailleurs!

A bientôt icon_coucou.gif

Xa

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Je voudrais revenir sur ce que je disais à propos des l'écoute de certaines pièces de Ryoji Ikeda.

Dans le sujet consacré à la musique "ambient" j'avais mentionné que l'écoute de ses pièces provoquait en moi ce que je qualifiais de "mini-décrochage de la conscience face à la pureté du son". Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à certains principes du zen lorsque Gianni fit remarqué à propos du style de Ikeda

Citation de Gianni :

Je pense que ces musiques demandent un certain détachement et un certain isolement.

Pour faire court, dans le zen le détachement débouche sur la fin des jugements de valeurs et une sorte de "neutralité" dans la perception habituellement binaire (bien/mal, fort/faible...) des phénomènes.

Si l'ambient est souvent évocateur (sentiments) et imagé (stimulation de l'imaginaire), pouvant projeter l'auditeur dans le temps (souvenirs), la musique d'Ikeda me semble justement dénuée d'évocation et l'attention est portée sur l'instant présent. Excepté certaines pièces un peu plus étoffées, les pièces construites sur des signaux de base nécessitent une attention de l'instant.

Dans le zen il est beaucoup question de cette attention de l'instant présent et tous les faisceaux de la conscience qui s'éparpillent habituellement entre les sentiments, les idées, les projections, le questionnement, l'intellect, les souvenirs etc etc...se retrouvent inhibés par la concentration en un seul point de conscience de l'instant présent.

Du coup je pense à l'usage que fait Sachiko M de son sampler. Elle pourrait y mettre des tonnes de sons fonctionnant comme des référentiels "imagé", mais au lieu de cela elle n'utilise que le "test-tone" de l'appareil dont l'évocation est plutôt faible, neutre voir nulle, et lui assigne des traitements.

Dans une célèbre histoire zen un moine arrive au "Satori" (défini comme étant un changement de point de vue sur les chose ou un éveil) alors qu'un jour en balayant il entendit le son produit par un choc entre un caillou et un bout de bois ou de bambou.

Dans le zen l'intellect doit être mis en berne et l'attention focalisée sur les activités quotidiennes que l'on pourrait qualifier de "banales". C'est un cadre propre à l'émergence de l'épiphénomène que serait le Satori.

Ci-dessous voici une description du Satori extraite de Wiki.

Citation de wiki :

 

Satori (japonais 悟り satori ; chinois :悟 ) est un terme du bouddhisme zen qui désigne l'éveil spirituel. La signification littérale du mot est « compréhension ». Il est parfois utilisé à la place de kenshō (見性 chinois : jiànxìng (voir la nature) ), toutefois kenshō désigne la première perception de la nature de Bouddha ou vraie nature – une expérience qui ne dure pas.

 

Le satori par contre désigne une expérience qui se prolonge, à l'instar d'un bébé qui apprend à marcher – après beaucoup d'efforts il se tient debout, trouve son équilibre et fait quelques pas puis tombe (kenshō). Après un effort prolongé l'enfant se rendra compte un jour qu'il peut marcher tout le temps (satori).

 

Il est de coutume de parler de satori quand on évoque l'éveil de Bouddha et des patriarches, car leur éveil était permanent.

 

Le bouddhisme zen reconnaît dans l'éveil une expérience transitoire dans la vie, presque traduisible mot à mot par épiphanie, et le satori est la réalisation d'un état d'éveil épiphanique. Comme d'après la philosophie zen toute chose est transitoire, la nature transitoire du satori n'est pas vue dans l'aspect limitant qu'il aurait dans l'acceptation occidentale de l'éveil.

 

La nature transitoire du satori, par opposition au permanent nirvāna qu'on retrouve dans les traditions bouddhiques de l'Inde, doit énormément aux influences taoïstes sur le bouddhisme chan de Chine, à partir duquel le bouddhisme zen du Japon s'est développé. Le taoïsme est une philosophie mystique qui met l'accent sur la pureté du moment, alors que les racines hindoues du bouddhisme indien visent une vue dans une plus grande durée – vers la sortie du cycle karmique des réincarnations perpétuelles dans le monde matériel.

 

De l'attention du taoïsme à l'importance du moment, et de la négation quasi nihiliste de l'existence individuelle du bouddhisme mahāyāna, est né le bouddhisme zen avec son concept d'état transitoire du satori.

 

Si le sujet vous intéresse ce bouquin de 130 pages d'Alan Watts constituera une excellente introduction

 

Pour approfondir la question il y a l'excellent livre de D.T.Suzuki qui a "éduqué" l'Occident au zen

mais là c'est 1250 pages.

 

 

 

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Tu fais bien d'en parler. Lucasdesrets a parlé plus haut de musique de relaxation. Ce mot est souvent connoté de tout ce qu'il y'a de plus niaiseux en musique et je fais bien la distinction entre les musiques s'en revendiquant et celles concernant l'ambiant. Prétendre apaiser par la musique est une démarche marchande, trompeuse et artistiquement nulle. Je ne peux m'empêcher de penser à un CD que j'écoutais plus jeune (j'avais 14 ans) qui évoquait toutes les ambiances de la nature du style orage, foret tropicales, volcans etc... Le genre de CD qui truffent les magasins de Natures & Découvertes. Une des plages m'avait particulièrement attiré; celle des fonds marins avec le chant des baleines. J'avais enregistré ça sur une cassette et je l'écoutais dans mon walkman sous ma couverture. Maintenant que j'y pense je crois que c'est ma première expérience d'intériorité.

Il y'a un chapitre amusant dans le livre de Toop sur toutes les récupérations qui ont été faites de ces chants et toute la scène new-age style Enya, Oldfield qui gravitent autour d'eux. Il conclut que ce que l'on prend pour des chants pourrait être des gargouillements gastriques...

Je ne crois pas au pouvoir apaisant de la musique, surtout quand elle se présente comme telle. Dans la plupart des cas sur des accords rébarbatifs de synthétiseurs avec des noms sur les mystères du cosmos (style new-age). La musique a une part de mystère que nous devons nous même trouver, une part d'inconnu que nous devons nous même explorer, c'est une quête de sens. Et pour cela le meilleur indice c'est qu'en général à la première écoute ça ne nous attire pas tout de suite sans pour autant nous rebuter. En tout cas chez moi ça fonctionne comme ça. Je crois qu'on baigne en plein cœur lorsque celle ci provoque en nous des synesthésies. Son liquide a fonctionné en se mélangeant avec un je ne sais quoi qui est en nous pour muer en une texture faite d'images et de sensations artificielles.

La musique d'Ikeda témoigne bien des philosophies qui diffèrent entre les peuples même si ces choses là nous échappent et semblent agir inconsciemment. Dans les années 70 les allemands ont crée le Krautrock, les anglais l'ambiant, en France nous avions développé le concept de musique impressionniste bien avant. Tout cela est lié avec les antécédents historiques, sociaux, culturels et spirituels de chacun.

Je partage ton point de vue Kumo, il ne fait aucun doute que Ikeda aura mis une part de zen dans le concept de sa musique, volontairement ou pas et il est compréhensible de ce fait qu'il soit moins compris dans sa démarche ici en Europe.

Personnellement je la trouve très cérébrale. C'est une musique mathématique. Chaque son est réglé au millième près et les timbres sont extrêmement réduit et concentré. C'est vrai que je me ressens très différemment lorsque j'écoute Ikeda/Noto que Eno/Hassell. Dur à décrire finalement.

Je finis en disant que l'intériorité fonctionne beaucoup aussi avec les livres et on pourrait en parler aussi. En ce moment les Voyages de Sindbad et tous les thèmes liés à l'orient me stimulent beaucoup.

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

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Citation de Gianni :

La musique a une part de mystère que nous devons nous même trouver, une part d'inconnu que nous devons nous même explorer, c'est une quête de sens.

Tout comme dans le zen le satori est une expérience personnelle et aucun maître ni aucun livre ne peut la transmettre. Le satori est de fait aussi quelques nommé "le retour chez soi".

Citation de Gianni :

Personnellement je la trouve très cérébrale. C'est une musique mathématique.

Le projet de Korzibsky et de sa sémantique générale était fondé sur le fait que que le langage mathématique était sans ambiguïté. Il donnait comme exemple les ingénieurs qui préparent un projet et dont le résultat est généralement assez proche des plans initiaux.

Son idée consistait à proposer une travail sur langage qui rendrait la communication objective au maximum en faisant fi de l'affect et ce que cela implique comme préjugé, jugement de valeur, subjectivité afin d'évaluer au mieux une situation, un contexte avant d'agir ou d'en parler.

Cela donne peut-être l'image d'un monde "idéal" logique et froid mais comme disait Nietzsche:

"Il n'existe pas de phénomènes moraux, mais seulement une interprétation morale des phénomènes."