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Pédago
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All About That Bias - Le Petit Guide du Tube

Cette semaine, on s'attelle à une grosse question technique des amplis de guitare (et basse) : le biasing ! Un sujet sur lequel les faits techniques sont souvent effacés par les opinions très tranchées, voire ésotériques. Alors essayons de débroussailler un peu le sujet.

Le Petit Guide du Tube : All About That Bias

Tube de puissance EL34On conti­nue donc cette série sur les tubes en repre­nant le format des ques­tions simples auxquelles nous tentons d’ap­por­ter une réponse. Comme d’ha­bi­tude, cet article n’est pas spécia­le­ment orienté « tech­nique », même s’il contient un certain nombre de consi­dé­ra­tions tech­niques que j’ai tenté de vulga­ri­ser autant que possible.

Pour cet article, on va se concen­trer sur un « gros » sujet : le bias. Derrière ce terme anglo­phone, se cachent à la fois des ques­tions de fonc­tion­ne­ment, de sono­rité, de préfé­rence musi­cale mais aussi de consom­ma­tion d’éner­gie et donc d’éco­no­mie et d’éco­lo­gie. 

Mais déjà, c’est quoi le bias ?

Qu’est-ce que c’est, le bias ?

Réponse : dans un ampli à tubes, le bias défi­nit le point de fonc­tion­ne­ment des tubes de puis­sance quand aucun signal ne passe par l’am­pli. En d’autres termes, il s’agit de l’in­ten­sité du courant qui traverse ces tubes hors modu­la­tion appor­tée par le signal sonore.

Amplification dans une triodeComme nous l’avons vu dans l’ar­ticle précé­dent, le fonc­tion­ne­ment d’un tube comme élément ampli­fi­ca­teur repose sur un courant, généré entre deux élec­trodes (l’anode et la cathode), courant qui va être contrôlé par une troi­sième élec­trode (la grille). L’ap­pli­ca­tion d’un signal audio à cette grille (que l’on peut consi­dé­rer comme l’en­trée du tube) va permettre de modu­ler ce courant. Le courant main­te­nant modulé permet­tra de géné­rer au niveau de l’anode (la sortie du tube) une tension, qui sera la repro­duc­tion exacte du signal audio à l’en­trée du tube, mais ampli­fiée. 

NB : Remarquez que je n’ai pas encore expliqué exac­te­ment comment cela ampli­fie le signal. Je me suis contenté d’ex­pliquer comment ça le repro­duit à la sortie. Pourquoi est-ce que le signal est plus fort à la sortie ? L’ex­pli­ca­tion du fonc­tion­ne­ment du tube comme système d’am­pli­fi­ca­tion sera pour un prochain article. 

À partir de l’ex­pli­ca­tion four­nie ci-dessus, on peut conclure la chose suivante : si l’ap­pli­ca­tion d’une tension à la grille (dans notre cas, cette tension est un signal audio) permet de contrô­ler l’in­ten­sité du courant à travers le tube, alors cette grille peut aussi être utili­sée pour régler une sorte « d’in­ten­sité de base » du courant dans le tube : une sorte de point de départ, d’état stable, à partir duquel le tube pourra « travailler » lorsqu’il rece­vra un signal audio.

C’est ça le bias. Préci­sons au passage qu’un terme français existe : le courant de repos.

Pour régler cette « inten­sité de base » du courant dans le tube, on applique à la grille une petite tension néga­tive (petite rela­ti­ve­ment à la tension d’anode) : par exemple, autour de –2V pour un tube de préam­pli­fi­ca­tion (pour une tension d’anode de 200V envi­ron). En vérité, aucune valeur de réfé­rence ne peut être donnée sans contexte : la tension de réglage du bias est entiè­re­ment dépen­dante de la tension d’anode – elle se choi­sit en fonc­tion de celle-ci.

Cette petite tension néga­tive s’ap­pelle : en anglais bias voltage, en français pola­ri­sa­tion de grille.

NB : dans un ampli à tubes on règle le bias pour les tubes de puis­sance, mais bien entendu tous les tubes ont cet « état stable », y compris les tubes de préam­pli­fi­ca­tion. Dans leur cas, le bias est réglé par les compo­sants choi­sis dans le circuit. Modi­fier le bias revien­drait donc à rempla­cer certains compo­sants.

Pourquoi régler le bias ? 

Réponse : Il y a plusieurs raisons de régler le bias (fastoche comme réponse), alors listons-les. En premier lieu, un tube n’est pas un dispo­si­tif au compor­te­ment linéaire. Qu’est-ce que cela veut dire ? Pour bien l’ex­pliquer, je vais donner un exemple : un tube de préam­pli­fi­ca­tion 12AX7 rece­vant à son anode une tension de 200 volts sera traversé par un courant d’une inten­sité de 0,5 milli­am­père. Si l’on augmente la tension d’anode de 50 volts (250 volts) l’in­ten­sité du courant augmen­tera de 0,9 milli­am­père (et atten­dra 1,4 milli­am­père). Si l’on augmente à nouveau la tension d’anode de 50 volts (300 volts) l’in­ten­sité augmen­tera cette fois-ci seule­ment de 0,7 milli­am­père.

C’est bien simple, d’ailleurs, son compor­te­ment est repré­senté sous forme de courbes et non de droites (ici, un tube 12AX7) : 

Courbes de tube 12AX7

En résumé, toute modi­fi­ca­tion appor­tée à une des variables ne se repor­tera pas sur les autres variables selon un ratio fixe. Dans de telles condi­tions, il est néces­saire de trou­ver le « point de fonc­tion­ne­ment » où les varia­tions de tension impo­sées par le signal audio occa­sion­ne­ront des varia­tions de courant les plus égales possibles, permet­tant une repro­duc­tion fidèle du signal. 

Il y a une autre raison tech­nique impor­tante : régler le bias permet de choi­sir la classe de fonc­tion­ne­ment de l’am­pli­fi­ca­teur.

Expli­ca­tion rapide : 

Le courant traver­sant un tube occa­sionne une dissi­pa­tion de chaleur au niveau de l’anode. Plus l’in­ten­sité du courant est élevée, plus l’anode chauf­fera, et dissi­pera donc une partie de la puis­sance produite sous forme de chaleur. Cette dissi­pa­tion peut être consi­dé­rée comme une perte éner­gé­tique : une partie de la puis­sance géné­rée par le tube dispa­raît sous forme de chaleur, et non de puis­sance sonore.

Chaque type de tube à une dissi­pa­tion anodique maxi­male. Au-delà, le tube surchauffe (voir l’en­ca­dré ci-dessous)

Le réglage du bias permet de déci­der à quel point le tube travaillera proche de sa dissi­pa­tion maxi­male. 

Classe A

  • En classe A, un tube est proche de cette dissi­pa­tion maxi­male.
  • En classe A, un tube rendra à sa sortie l’in­té­gra­lité du signal présenté à son entrée.
  • Pour ce qui est des tubes de puis­sance, en classe A, au moins 50 % (souvent plus) de la puis­sance déve­lop­pée par le tube sera dissi­pée (perdue) sous forme de chaleur. Pour cette raison, la classe A souffre d’un manque impor­tant d’ef­fi­ca­cité éner­gé­tique.
  • Tous les amplis ne possé­dant qu’un seul tube de puis­sance opèrent en classe A. 

Classe A

Classe B

  • En classe B, un tube est biasé de façon à ce qu’au­cun courant ne traverse le tube, hors présence d’un signal audio. On obtient cela en appliquant à la grille une tension néga­tive assez forte pour couper tout passage du courant dans le tube.
  • Lorsqu’un signal audio est appliqué à l’en­trée (par exemple une sinu­soïde pure) la moitié posi­tive du signal permet­tra de réta­blir un peu de courant dans le tube, tandis que l’autre moitié de la sinu­soïde (la moitié néga­tive) n’oc­ca­sion­nera aucun courant.
  • Ainsi, en classe B, un tube ne repro­duit à sa sortie que la moitié du signal d’en­trée.
  • On est donc le plus loin possible de sa dissi­pa­tion maxi­male. Au contraire même, sans signal, aucune puis­sance n’est dissi­pée.

Classe B

Classe AB

  • Les amplis fonc­tion­nant avec des paires de tubes de puis­sance (en push-pull), travail géné­ra­le­ment en classe AB, qui est un mélange de la classe A et de la classe B.
  • En classe AB, un peu plus de la moitié du signal est repro­duit à la sortie du tube.
  • Presque touts les amplis possé­dant des tubes de puis­sance par paire travaillent en classe AB. Ce système en push-pull permet­tra à un tube de repro­duire une moitié du signal, et à l’autre tube de repro­duire l’autre moitié. Les deux moitiés du signal seront « recom­po­sées » à la sortie en un seul signal audio.
  • On comprend faci­le­ment que la classe AB permet d’éco­no­mi­ser pas mal de puis­sance, puisque l’on règle le bias pour être entre 50% et 70% de la dissi­pa­tion maxi­male.

Classe AB

Qu’est-ce qui sonne mieux ?

Les forums regorgent d’opi­nions diver­gentes quant au bon réglage du bias pour un ampli­fi­ca­teur : plutôt hot, plutôt cold ? Voici quelques faits. 

Un ampli push-pull biasé trop froid peut produire ce qu’on appelle de la distor­sion de croi­se­ment. Cette distor­sion n’existe qu’en classe B, elle appa­raît lorsque moins de la moitié du signal d’en­trée est repro­duit à la sortie (lorsqu’on approche de ce que l’on appelle la classe C). Cette distor­sion est parti­cu­liè­re­ment indé­si­rable, aussi bien au plan tech­nique que sonore.

Un ampli push-pull au bias plutôt « chaud » (vers 70 % de sa dissi­pa­tion totale, certains osent monter vers 80 %) permet­tra un maxi­mum de headroom pour l’am­pli de puis­sance (ce qui ne signi­fie pas que l’am­pli ne pourra pas satu­rer, rassu­rez-vous). Certains prisent parti­cu­liè­re­ment la richesse harmo­nique appor­tée par ce réglage, qui permet d’ob­te­nir des sons clairs qui restent « chauds », et une distor­sion parti­cu­liè­re­ment « douce » à l’oreille. Toute­fois il faut rappe­ler que plus un ampli est réglé ainsi, plus les tubes vont se fati­guer rapi­de­ment. De plus, l’am­pli aura une consom­ma­tion élec­trique plus impor­tante. 

Il existe un compro­mis entre un biasing « froid » et un biasing très « chaud » : régler un ampli vers 50 % (60 % au maxi­mum) de dissi­pa­tion permet­tra de dimi­nuer la consom­ma­tion d’élec­tri­cité ainsi que de tube de puis­sance, tout en assu­rant à l’am­pli­fi­ca­teur un headroom adéquat.

Puis-je régler le bias moi-même ?

Réponse : NON. non, non, non.

Et c’est bien dommage, car, si l’on veut bien faire les choses, le bias devrait être réglé à chaque chan­ge­ment des tubes de puis­sance. Car non seule­ment un tube n’est pas linéaire, mais chaque tube à sa petite non-linéa­rité bien à lui. 

Alors oui, il existe des appa­reils très pratiques, qui s’ins­tallent sur les supports des tubes de puis­sance et qui permettent, sur certains amplis, de visua­li­ser le bias sans avoir besoin de bran­cher un multi­mètre à l’in­té­rieur de l’am­pli. Mais… 

Potentiomètre réglage biasDeux diffi­cul­tés impor­tantes font que cette opéra­tion reste large­ment un domaine réservé aux profes­sion­nels. Premiè­re­ment, comme on le voit bien dans cet article, le choix du bias ne se limite pas à une préfé­rence audi­tive. Une certaine connais­sance de l’élec­tro­nique et de ses calculs reste néces­saire pour faire des choix infor­més en matière de bias. L’autre diffi­culté, encore plus impor­tante, est qu’un ampli à tube contient des courants et des tensions mortel­le­ment dange­reux, MÊME UNE FOIS L’AM­PLI ÉTEINT ET DÉBRAN­CHÉ ! Il va donc sans dire que tout réglage qui néces­site l’ou­ver­ture de l’am­pli­fi­ca­teur doit se faire selon une procé­dure de sécu­rité.

De plus, il faut le préci­ser, il y a deux modes d’im­plé­men­ta­tion du bias dans un ampli : le fixed bias (pola­ri­sa­tion réglable) où le réglage se fait grâce à un poten­tio­mètre ; le cathode bias (pola­ri­sa­tion catho­dique), où le bias se règle grâce au chan­ge­ment d’une ou de plusieurs résis­tances dans l’am­pli.

En résumé, sur ce sujet, faites confiance à un profes­sion­nel.


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