Qui n'a jamais rêvé de pouvoir faire de la musique n'importe où, dans le métro, dans un taxi, ou encore au boulot en pleine réunion après avoir passé la matinée à surfer sur AF ? C'est maintenant possible grâce à Bhajis Loops, LE séquenceur qui tient dans la poche.
Une idée de riff, de groove ou de compo ne prévient pas : elle vous tombe dessus à n’importe quelle heure, où que vous soyez… Et si les musiciens les plus prévoyants ne commettent jamais l’erreur de sortir de chez eux sans un dictaphone, un MD ou n’importe quel autre enregistreur de poche, ces solutions sont loin de valoir un vrai séquenceur MIDI/Audio dès lors qu’on a une idée un peu trop complexe en tête… Or, il faut bien admettre qu’en matière de séquenceur performant, l’offre est relativement réduite si l’on s’en tient aux appareils réellement portables, susceptibles d’être dégainés dans le métro aux heures de pointes…
Oubliez donc les ordinateurs portables, et regardez donc du côté des vrais ordinateurs de poche qu’on appelle PDA (Personnal Digital Assistant, ou organiseur de poche si vous préférez) car si la GameBoy a son Nanoloop, les PocketPC leur Griff, le Palm dispose désormais lui aussi d’un poids lourd de la séquence : Bhajis Loops.
Dans sa version 1.7, le logiciel se présente plus ou moins sous la forme d’un tracker, les morceaux étant organisés en patterns, le moteur audio étant basé sur un lecteur d’échantillons… Les morceaux sont d’ailleurs enregistrés dans le format propriétaire BJM, qui contient les partitions et les échantillons utilisés.
Néanmoins, on retrouve des concepts chers aux séquenceurs classiques comme les pistes d’automation, le piano-roll (avec un équivalent du Drum Grid de Cubase, et l’édition de contrôleurs comme la vélocité…), des plug-ins d’effets dans un format propriétaire, ainsi que diverses fonctions sympathiques pour faire du live et transformer votre PDA en boîte à rythmes. A noter que Bhajis Loops est le travail d’un français (cocorico !), et que ses services ont trouvé grâce aux yeux d’illustres personnes comme Jordan Rudess du groupe Dream Theater.
Configuration requise
Bhajis Loops est donc un séquenceur pour Palm OS 5, compatible donc avec les PDA Palm (pas de version pour les PocketPC) comme les séries Tungsten, Zire, Treo, le LifeDrive ou encore les Sony Clié récents. Bien entendu, il est fortement conseillé d’avoir un PDA récent avec un bon CPU (au moins 200 MHz), capable d’utiliser des cartes mémoire externes (genre 512 Mo pour être tranquille, ce qui peut se trouver à 30 euros au format SecureDigital).
Les PDA équipés de microphones peuvent également être intéressants, Bhajis Loops offrant la possibilité d’enregistrer de courts échantillons à utiliser avec le sampleur.
Installation
L’installation du logiciel se fait simplement en synchronisant divers fichiers de la même manière que n’importe quelle application pour Palm OS à partir d’un PC ou d’un Mac, incluant le programme, les plug-ins d’effets, la traduction en français…On doit également lancer un programme qui installe l’application SynchroPoolp sur l’ordinateur, qui permet de récupérer les exports en WAV des morceaux depuis le PDA. Puis l’enregistrement du produit se fait en entrant un code qui débloque la version démo peu limitée (sauvegarde des morceaux autorisée mais toujours sur le même fichier, pas d’export WAV, nombre de patterns limité). Rapide et efficace.
Il est ensuite nécessaire de copier des samples à utiliser dans Bhajis Loops, dans les formats WAV et SF2, ainsi que PDB (voir plus loin). Des applications comme FileZ (explorateur de fichiers freeware), DDir (gère les formats de fichiers reconnus lors de la synchronisation, indispensable pour le SF2, freeware) ou encore Card Export (payant, transforme les PDA Palm en clé USB et rend inutile l’installation de Palm Desktop, permet de copier/récupérer des fichiers sans utiliser la synchronisation) rendent cette opération plus rapide. Cette dernière étape peut devenir, il faut bien le dire, assez fastidieuse… A noter toutefois que le Palm LifeDrive ou encore le Palm T5 proposent les fonctions de Card Export en standard.
L’installation s’étant correctement déroulée, il est temps à présent de faire connaissance avec notre séquenceur…
Présentation
Bhajis Loops s’articule autour de 6 fenêtres principales : la fenêtre d’arrangement, l’éditeur de pattern, l’éditeur d’instrument, l’éditeur d’échantillons, la fenêtre de mixage et la fenêtre d’automation. Ces différentes fenêtres sont accessibles via une barre d’outils horizontale disponible en haut de l’écran, qui donne également accès aux menus de chaque section et à un bouton Play/Stop.
La création d’un nouveau morceau se fait en important des échantillons, puis en configurant des « instruments » associés à chaque échantillon dans le sampleur (paramètres de synthèse, tessiture, polyphonie…). On peut alors créer des patterns (équivalents à des clips MIDI) avec un piano-roll ou un éditeur spécialisé pour la batterie et les percussions, et les organiser à notre gré sur la fenêtre d’arrangement. Enfin on peut faire le mixage de chaque instrument, rajouter des plug-ins d’effets, automatiser n’importe quel paramètre…
Je profite de l’occasion pour rappeler que nous avons affaire à un logiciel pour PDA : toutes les opérations se font donc au stylet sur écran tactile !
Instruments
L’éditeur d’échantillons permet d’importer les fichiers WAV qui seront utilisés dans le morceau. Mais surtout, il inclut diverses fonctions d’édition (normalisation, gain, fade, inversion, copier/couper/coller, plug-ins en offline…), la possibilité d’écrire au stylet sur une forme d’onde, de boucler soi-même une portion d’échantillon en s’aidant du zoom et de la fonction qui adoucit les transitions…Les échantillons peuvent être chargés à partir de la mémoire du PDA, d’une carte-mémoire externe, et aussi d’un espace « ressources » lié au logiciel qui contient quelques échantillons intéressants. Notons également la possibilité d’utiliser des fichiers SF2, et des banques d’échantillons au format PDB, disponibles sur le site web de Bhajis Loops et globalement de bonne facture, fournissant des instruments GM, des kits de batterie, des sons de synthés… Vous êtes aussi invités à créer vos propres échantillons et à les importer dans le soft (par exemple une petite boucle de guitare saturée, des notes tenues sur des instruments acoustiques ou des nappes de synthé…) Attention toutefois à la longueur de vos samples (voir chapitre Limites).
Une fois les échantillons chargés en mémoire, on doit les assigner au sampleur dans la fenêtre d’édition d’instrument. Celui-ci est assez riche, il propose les habituelles enveloppes ADSR mais aussi variation de pitch et filtres résonnants modulables par un LFO, définition de la polyphonie, de la note centrale, du mapping…
Chaque « instrument » associe un set de paramètres à un unique échantillon, dont on peut « jouer » avec un mini clavier au stylet. Il est possible de grouper plusieurs instruments, pour que les notes jouées sur l’instrument dit « maître » soient jouées par les instruments esclaves, chaque échantillon étant déclenché sur une plage de notes limitée définie avec la fonction de mapping. Il est donc possible de jouer des vrais instruments échantillonnés sur plusieurs notes, même si on a vu plus immédiat comme manière de tout configurer. Notons également la possibilité de limiter la polyphonie du groupe à une seule voix, ce qui est utile pour l’utilisation de charleys ouverts/fermés.
Edition
Bhajis Loops organise le morceau en patterns, notion empruntée à nos bons vieux trackers comme Impulse Tracker ou plus récemment Modplug Tracker et Buzz. Un pattern peut se comparer à un clip MIDI indexé que l’on peut placer à différents endroits.La fenêtre d’arrangement affiche le morceau, décomposé en mesures, avec un tempo réglable au stylet, en « tap tempo » voire automatisable. L’agencement des patterns peut se faire sur 8 pistes, sachant que cela ne limite en rien le nombre d’instruments, qui peut être multiple sur un pattern donné.
Les patterns sont d’ailleurs organisés en plusieurs catégories, et peuvent être importés/exportés dans une bibliothèque, en s’ajustant automatiquement à l’instrument en cours (intéressant pour se constituer des librairies de riffs instrumentaux ou de boucles de batterie). La fenêtre d’arrangement donne aussi accès aux fonctions de base, enregistrer, ouvrir, exporter en WAV le résultat, préférences, propriétés du morceau…
Puis l’édition de chaque pattern se fait dans une autre fenêtre avec un piano-roll ou une vue « Drum Grid » qui affiche tous les instruments en ligne.
Une troisième vue permet d’éditer les propriétés de chaque note comme la vélocité, le panning, les propriétés de synthèse, une fonction qui permet de faire des roulements de caisse claire ou de cymbale…
En plus des habituels outils « crayon » ou « gomme » on trouve également diverses fonctionnalités qui modifient le rythme de la sélection, placent des accords sur le pattern, affichent une gamme quelconque sur le piano roll, génèrent des notes aléatoires selon des règles définies par l’utilisateur (cool !) et une fonction qui permet d’éditer le pattern en temps réel ou pas à pas en tapant avec le stylet sur un clavier…
Quelques petits bémols néanmoins, la taille des patterns est limitée à 4 × 32 notes, ce qui peut être embêtant pour faire tenir des notes sur plusieurs mesures… La seule solution est de jouer un sample bouclé avec l’option « ignorer note off » ce qui aura pour effet de la faire durer infiniment… Cela signifie aussi que la résolution des notes est faible, même si le paramètre « décalage de notes » permet d’obtenir une grille plus fine, en ajoutant un pourcentage de triple croche sur la position de départ des notes …
Autre élément perturbateur, la gestion des signatures rythmiques perfectible : soit on spécifie une signature autre que 4/4 sur tout le morceau et on se retrouve avec moins de 4 × 32 notes par pattern, soit on utilise du 4/4 et on utilise sur chaque pattern la fonction « saut » pour passer à la mesure suivante au milieu d’une mesure avec le nombre de notes voulues, et ce sur chaque pattern… Peu pratique pour les aficionados des changements de rythme.
Par contre, un bon point pour la fonction binaire/ternaire qui permet de générer des triolets.
Mixage
Les fonctionnalités de mixage de Bhajis Loops ne sont pas en reste, chaque instrument disposant de son réglage de volume et de panning, de boutons mute/solo, d’un potard Send qui permet d’envoyer du signal sur un des 4 bus d’effets. On trouve aussi une section master et son bus d’effet particulier.
Chaque bus d’effet peut être assigné à un des nombreux plug-ins livré avec Bhajis Loops, qui font très largement leur office en nombre et en qualité : distorsion, chorus, delay, reverb, flanger, compression, égaliseurs et filtres, pitch shifting mais aussi quelques singularités comme une simulation de cabine Leslie, un bitcrusher, un vocodeur, le buffer lock… Et tous les plug-ins peuvent être appliqués offline directement sur les échantillons WAV si besoin est…
Et bonne nouvelle, le logiciel dispose de possibilités d’automation avancées. Tous les paramètres accessibles au stylet ou presque peuvent être automatisés (fonctions de synthèse de l’éditeur d’instrument et de mixage, volume, balance, plug-ins, tempo…) via un éditeur spécialisé, avec une ergonomie qui ne dépaysera pas les habitués des gros séquenceurs, et des fonctions de simplification ou de lissage des courbes créées par l’utilisateur.
Bhajis Loops propose également une fonction irrésistible : le Pad XY. On assigne un paramètre d’automation à l’axe horizontal et un autre à l’axe vertical, on lance la lecture du morceau, et on peut faire glisser le stylet dans tous les sens pour faire varier par exemple la fréquence et la résonance d’un filtre ! Et en cochant la case « enregistrement », les variations des paramètres sont enregistrées en temps réel sur les pistes d’automation pendant la lecture…
Performances
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Bhajis Loops est un logiciel vraiment stable (c’est sur Palm OS, pas sur Windaube), qui encaisse bien la baisse de la charge CPU disponible au niveau de sa réactivité. Sur un Palm T/X, il accepte une polyphonie de plus d’une dizaine de notes simultanées avec quelques effets sans broncher…
A noter que Bhajis Loops peut fonctionner au choix en mono/stéréo, en 11/22/44 kHz de fréquence d’échantillonnage, et qu’on peut désactiver le filtrage antialiasing pour améliorer les performances. Par contre, les temps de sauvegarde et de chargement des morceaux sont parfois un peu longs (même si le logiciel nous occupe avec des citations de films !), et le rendu sur carte mémoire en fichier WAV se fait attendre plusieurs minutes…
Limites
A présent, jouons cartes sur table, et parlons des choses que Bhajis Loops ne peut malheureusement pas faire, de ce qui aurait pu lui permettre de remplacer purement et simplement nos séquenceurs classiques…
Pour commencer, Bhajis Loops ne peut pas traiter de pistes audio. Vous pouvez donc oublier le Direct To Disk, et l’enregistrement d’un instrument externe. L’interfaçage avec un clavier MIDI est également impossible, même si on peut importer et exporter des fichiers au format MID. Les notes sont définies dans un format propriétaire proche de celui des trackers, et commandent comme unique instrument un sampleur de fichiers WAV. On oublie donc les instruments virtuels également.
De plus, la taille des échantillons chargés est limitée par la mémoire dynamique du PDA, dont l’espace restant est à tout moment indiqué en haut à droite de l’écran.
Il est possible de contourner quelque peu cette limite en stockant les échantillons dans le « tas de stockage », avec en contrepartie des ralentissements sur l’édition, mais il reste difficilement gérable de récupérer des échantillons de plus d’une vingtaine de secondes, ce qui limite pas mal les possibilités du soft. On peut donc oublier les nappes ambiantes de 2 minutes ou le petit solo de guitare sur un projet Bhajis Loops…
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D’autres fonctionnalités…
Notons également la présence très utile de l’import/export MIDI, ce qui permet de travailler ses morceaux conjointement avec Bhajis Loops et un ordinateur, d’un gestionnaire de fichiers intégré aux boites de dialogue, de la gestion de micro accordages… Il existe aussi différentes fonctions d’export du morceau en WAV ou en BJM, sur le Palm ou directement sur l’ordinateur pendant la synchronisation, grâce à l’outil SynchroPoolp.
Parlons aussi du mode Live!, donnant accès à une fenêtre spécifique, qui mérite quelques explications. On commence par délimiter des « sections » en précisant à chaque fois les mesures de début et de fin. On peut alors faire tourner en boucle une section en la sélectionnant, puis mettre en route la lecture d’une autre qui se lancera à la fin de la section en cours. A l’aide de la fonction « Ponts », il est également possible de préciser si on veut que la transition se fasse par exemple de la mesure 3 d’une section A à la mesure 6 d’une section C.
Enfin, la fenêtre Live propose jusqu’à 5 potards que l’on peut assigner à n’importe quel paramètre d’automation, un réglage de tempo précis ou un « Tap Tempo », et des contrôles « mute » de chaque piste de la fenêtre d’arrangement. Dommage que toutes ces fonctions ne soient accessibles que par des opérations au stylet, et qu’il est impossible d’assigner des contrôleurs MIDI à ces commandes.
Enfin, Bhajis Loops est livré avec PiooPiooPlayer pour Palm et un plug-in Winamp qui permettent de lire les fichiers BJM à l’extérieur du séquenceur.
Conclusion
On peut dire que ce « petit » logiciel n’est pas loin d’égaler les grands si on accepte ses limites et qu’on l’utilise pour ce qu’il sait faire.Pour le reste, il faut accepter, pour l’instant, qu’on ne puisse pas demander à un PDA autant qu’à un ordinateur dernier cri ! En effet, les grosses limitations de Bhajis Loops sont dues aux performances des PDAs actuels… Croisons les doigts pour voir arriver la démocratisation de solutions d’enregistrement/composition de plus en plus mobiles, bien que Bhajis Loops soit déjà un formidable bond en avant !
Son ergonomie le rend très agréable à utiliser où que vous soyez comme bloc-notes musical mais aussi comme séquenceur principal, comme accompagnement en répétitions avec les samples fournis qui n’ont rien à envier à ceux des produits dédiés, comme instrument en live ou en enregistrement…
Ajoutons à cela sa documentation très complète, la traduction du logiciel en français, des petites touches d’humour, une fonction qui affiche les fameuses stratégies de composition de Brian Eno, un prix dérisoire d’une vingtaine d’euros, et on tient là un logiciel vraiment intéressant. A découvrir de toute urgence pour ceux qui n’ont pas de Palm. Les autres devraient déjà avoir installé la démo.
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