Les fabricants d'amplis semblent avoir redécouvert les vertus des petits amplis à lampes. C’est dans cette mouvance que Fender sort une version réactualisée, modernisée et dopée à coups de DSP du fameux Champion, renommé pour l’occasion Super Champ XD.
Faisons les présentations
'Ha ! Y’a pas à dire… les Fender, ça ressemble à ces vieilles bagnoles américaines des années 60, toutes classes avec leurs chromes !'. Ce sont les mots d’un de mes camarades découvrant ce petit combo. Et il ne pouvait tomber plus juste : le super champ XD adopte en effet le look 'blackface’ qui succéda au look 'tweed’ chez Fender dans les années 60. Sa carrosserie est donc de Tolex noir, toile acoustique argentée, potards noirs gradués de 1 à 10, et inscriptions blanches ou chromées inclinées. En fait, le Super champ ressemble un 'peu à un Deluxe Reverb qui aurait rétréci au lavage. Il ne fait en effet qu’une quarantaine de centimètres de large pour à peine plus de 10 kg !
Côté motorisation, on retrouve sous le capot une 12AX7 de préamplification, entourée d’une paire de 6V6 Electro Harmonix, créditant l’ensemble d’une quinzaine de chevaux, pardon, de watts en classe AB, qui feront rugir (mais pas forcément trop fort !) un haut-parleur de 10 pouces 'design special fender’.
Puisque nous en sommes à regarder sous le capot, notons la présence, en face arrière, d’une sortie line out, d’une entrée footswitch (lequel n’est pas livré avec l’ampli), et de la possibilité de facilement débrancher le HP interne pour raccorder le champ XD au baffle de votre choix.
Reste à se pencher sur le pilotage de l’engin. À première vue, rien d’une usine à gaz, puisque la façade n’arbore, en plus de l’entrée jack et du témoin d’allumage, qu’une huitaine de potards ainsi qu’un push/push destiné au changement de canal. Mais le Super Champ réserve en fait quelques surprises.
Comme je le disais en début d’article, le Super Champ XD est en fait un design vintage 'dopé ' au DSP (processeur de signaux numériques). À quoi peut donc servir une section digitale dans un ampli à lampes ? Sur cet ampli, à deux fonctions. L’une classique, est l’adjonction d’effets: on retrouve ainsi un chorus, une réverbe, un trémolo, un délai et un 'vibratone’ (sorte de simulation de cabine leslie), intégrés à l’ampli.
L’autre fonction du DSP est, via un rotacteur 16 positions, de proposer 16 voicings différents sur le deuxième canal de l’ampli. Pour ne rien gâcher, une bonne partie de ces voicings est directement tiré de la gamme Fender, aussi bien d’amplis vintages que récents. Le manuel annonce des voicings 'tweed’, des voicings de type 'blackface’, des voicings d’amplis 'british’ vintage et modernes, de type 'hot rod’, de type 'metal-head’, et enfin un voicing 'jazz’ et un 'acoustasonic’. Une belle polyvalence affichée… reste l’épreuve du feu pour savoir si ce combo va tenir ses promesses !
Channel #1
Commençons cependant par nous pencher sur le canal clair, et par la même occasion sur les contrôles communs aux deux canaux de l’ampli.Le canal clair possède comme seul contrôle propre un potard de gain, qui fait office de volume général sur ce canal, le combo ne possédant pas de master. Les autres contrôles sont communs aux deux canaux: une section d’égalisation simple, comprenant un contrôle pour les aigus et un pour les graves. Ceux-ci sont (NDLR : de Lyon ?), comme sur la plupart des Fender, très progressifs et très musicaux dans leur utilisation. On trouve également un potard permettant de choisir un effet, ainsi qu’un contrôle libellé 'FX level’, contrôlant l’intensité de l’effet sélectionné. Mais nous y reviendrons plus tard. Le manuel stipule que le canal clair est inspiré des circuits du canal clair des séries 'blackface’. De fait, ce canal possède un caractère très droit, mais aussi très chaud et dynamique, caractéristique des amplis typés 'deluxe reverb’ des années 60. Il marche particulièrement bien avec des micros à simple bobinage, dont il retranscrit particulièrement bien la dynamique. Exemple avec une telecaster en micro chevalet.
S’il reste droit et clair sur la majorité de la course du potard de gain, il est aussi possible de le faire tordre en le poussant bien à fond, particulièrement en le jouant avec une guitare à fort niveau de sortie. Les sonorités seront alors bien 'sales’, la section de puissance se mettant elle aussi à saturer, le tout donnant un caractère qui plaira très certainement aux amateurs de blues 'vintage’.
En fait, bien que cela ne soit pas explicitement marqué dans la (très succincte) notice, il semble que le DSP ne soit pas mis à contribution pour gérer le voicing du canal. La 12AX7 doit être probablement directement attaquée par le signal de guitare. Du coup, il est possible de faire sur ce canal toutes les applications classiques que l’on fait habituellement sur un Fender tout lampes : il réagit exactement pareil. Et pour un volume sonore tout de même bien plus acceptable ! Par exemple, je recommande particulièrement l’utilisation d’une pédale de type Tube Screamer dans ce canal : le résultat est particulièrement musical et plein de dynamisme.
La machine à remonter le temps
Le deuxième canal nous amène dans le vif du sujet, à savoir le fameux caractère 'vintage modified’ de l’ampli. Celui-ci se contrôle à l’aide des trois potards qui lui sont propres : un gain, permettant de doser sur la plupart des voicings le taux de saturation. Un volume, post-préampli, faisant office de master pour le deuxième canal, et enfin, un rotacteur à seize positions permettant de choisir le voicing du canal. Ajoutez à cela la section commune d’égalisation ainsi que les effets, et l’on obtient à la fois un canal simple à régler et polyvalent.Mais trêve de long discours, je vous ai concocté quelques exemples sonores, afin de vous rendre compte des grains disponibles. Ceux-ci sont enregistrés en utilisant un Shure SM57 collé au combo, placé en décalage du centre du HP à environ un tiers de son rayon, une carte son Line6 Toneport UX2 et le logiciel Samplitude 9. Aucun effet n’a été ajouté. Pour tous les réglages de l’ampli, gain, basses et aigus étaient réglés à midi. Le volume était à un peu plus de 3, ce qui faisait chanter le Super champ à un volume suffisamment fort pour importuner les voisins.
Deux guitares ont été utilisées : une guitare de type Telecaster sur le micro chevalet pour les premiers voicings, puis une guitare de type Les Paul, accordée en Si grave pour les samples suivants, et enfin retour à la Tele, en micro manche. Section 'Tweed’ : Voicings 1, 2 et 3 : grand bond dans le temps avec ces voicings qui reproduisent le son des Fenders typiques des années 50, comme le fameux Bassman.On en retrouve également une version sous stéroïdes richement saturée. Ces 3 voicings sont particulièrement indiqués pour jouer du rockabilly, de la country et du blues (cf. exemple sonore en rajoutant un effet de slapback). Une très grande réussite !
On se transporte une dizaine d’années en avant avec les Voicings 4, 5 et 6 : la section Blackface. Ces voicings reproduisent le son des Fender des années 60, dont les plus fameux représentants sont les fameux Deluxe et Twin Reverb. De manière générale, ces amplis sont plus brillants et saturent moins que les Tweeds ici et ici. C’est en fait le son Fender que mes oreilles qualifieraient tout simplement de 'classiques’, rondes, chaudes, dynamiques… Une Tele ou une Strat s’accordent le plus naturellement du monde avec ces voicings. Là encore, une très belle réussite de l’ampli, le son classique Fender est reproduit à merveille.
La machine à traverser l’Atlantique
Plutôt que de traverser uniquement le temps, la section suivante choisit de traverser l’atlantique, puisqu’elle est dévolue aux sons dit 'british’. Fender se veut assez vague dans ses descriptions, mais d’après les sonorités et les indices donnés, il semble bien que le voicing 7 lorgne du coté de chez Vox (AC30), le voicing 8 du coté des Marshall vintage (reproduisant un Plexi ?), et qu’enfin, on attaque les lignes d’amplis plus 'modernes’ avec cette reproduction d’un Marshall 'moderne’ (vu la sonorité, je vote pour un JCM 800). Encore une fois, ces sons sont immédiatement reconnaissables et de grande qualité. D’ailleurs, en arrivant dans la plate-bande dévolue au Marshall, je n’ai su résister à l’envie de sortir la Les Paul !Pour tous les voicings suivants, Fender a choisi de s’intéresser à sa ligne moderne. Les 3 positions de voicing suivantes (10, 11 et 12) sont dévolues à la gamme Hot Rod. Connaissant peu la gamme d’ampli originelle, je me garderai bien de les comparer à leurs modèles. On peut cependant dire qu’il s’agit de sonorités allant de l’overdrive à la belle distorsion, plutôt moelleuses, rondes, pleines de basses (ici et ici), et toujours empruntes du dynamisme propre à Fender, pouvant aller jusqu’à taquiner le 'high gain à la Mesa Boogie’. J’ai choisi de rester sur la Les Paul pour tester ces voicings, afin de voir la réaction de l’ampli face à un instrument possédant un haut niveau de sortie. On notera sur le dernier exemple qu’il ne faudrait pas pousser plus les basses, le HP risquant de montrer ses limites. Ceci n’est néanmoins pas vraiment surprenant, un petit HP de 10 pouces n’étant en général pas physiquement capable d’encaisser autant dans le domaine que les gamelles équipant, au hasard, les stacks Mesa Boogie.
Dernière section dévolue au gros son, nommée 'métal ', que Fender décrit inspirée de sa série 'Metalhead’, avec un voicing aux médiums très creusés, ici et ici. Sur les exemples sonores, le résultat montre un grain qui paraît assez intéressant. Cela dit, Fender peut mieux faire sur ce genre de sons. L’ensemble a une certaine tendance à manquer de corps, à faire un peu 'distorsion nid d’abeille’. Nul doute que ces deux voicings pourront probablement plaire à d’autres oreilles que les miennes, mais j’ai trouvé la qualité de ces deux voicings en retrait par rapport à ceux proposés précédemment.
Avant dernier voicing: Jazz, basé sur le Fender Jazz King. J’ai voulu tester cette section avec une telecaster en position manche. Le grain est velouté, assez lissé, et remplit plutôt son office. Il doit être intéressant à essayer en utilisant une guitare de type hollow body.
Et enfin, last but not least, le mode 'Acoustic’. Annoncé comme basé sur le grain de l’ampli Acoustasonic de Fender, je pense qu’il s’agit plutôt d’une simulation d’acoustasonic dans lequel on aurait branché une guitare équipée de capteurs piézo. Le son est dynamique et brillant, sans être pour autant trop agressif. J’avoue que je reste dubitatif quant au résultat en branchant une vraie guitare électro-acoustique dedans, mais pour donner une brillance 'acoustique’ à une électrique, ce mode conviendra à la plupart des guitaristes.
Balançons les effets
Simplicité est ici le maître mot : on sélectionne une position sur le rotacteur, on règle l’intensité de l’effet par rapport au son 'dry’ (gradué de 1 à 10 1 = bypass, 10 = effet maximal). Un petit regret en passant sur le rotacteur : s’il est pratique d’utilisation, la sérigraphie le rend un petit peu difficile, les 'crans’ n’étant pas clairement imprimés sur la façade.
Nous avons donc 5 grandes sections d’effets : chorus, réverbe, trémolo, délai et 'vibratone’, chaque section proposant plusieurs variations du même effet, ou une combinaison (chorus + délai, réverbe + délai ou chorus + réverbe par exemple). Leur qualité est très correcte, colorant le son sans pour autant le dénaturer. Pour tous les effets (mise à part la réverbe), les différentes positions du rotacteur ne font que changer la fréquence de celui-ci. Le tout reste donc très simple à utiliser et à régler, l’effet devenant le petit plus qui épice le son choisi sur l’ampli.
Conclusion
Fender signe là un petit ampli très attachant, intuitif et vraiment très simple d’utilisation. Son canal 1 le fait réagir comme un véritable ampli à lampes vintage. Quant aux voicings de son canal 2, et plus particulièrement ceux basés sur les Fender qui sont extrêmement réussis, ils contenteront les fans de tous styles, à l’exception probable des métalleux. Avec ses 15 Watts, il est largement utilisable à des volumes (pas nécessairement) raisonnables chez soi ou en studio, mais manquera peut être de réserve de puissance pour assurer en répète, si votre batteur est du genre 'cogneur’ (j’ai fait le test pour vous…). Cela dit, il doit à mon avis être possible de résoudre ce problème en le branchant dans un baffle avec des HP à haut rendement, tels les Celestion Vintage 30. Et la bonne surprise est pour la fin : cet ampli ne vous ruinera même pas. Il ne coûte que 350€, ce qui en fait un des rapports qualités/prix les plus intéressants de sa catégorie.
[+] Un vrai ampli à lampes avec la personnalité typique des Fender sur le canal 1
[+] Polyvalence
[+] léger et peu encombrant
[+] Simplicité d’utilisation
[+] Rapport qualité / prix excellent
[-] Sonorités métal manquant de corps
[-] Pas de Footswitch