Kurt Cobain de Nirvana disait qu'un groupe qui veut réussir doit répéter au moins quatre fois par semaine. Pourtant, rares sont les formations, surtout débutantes et amateurs, qui peuvent se permettre une telle fréquence de travail. Il faut donc à tout prix éviter de gâcher le peu de temps de répétition disponible.
Chronique d’une répet ordinaire
Voyons un exemple de répétition, tel que beaucoup d’entre vous l’ont sûrement vécu.
Vous pensez que je caricature ? Eh bien non. Evidemment, vous pouvez changer les rôles qui ne sont donnés qu’à titre d’exemple mais ceux qui ont un minimum d’expérience de groupe ont probablement déjà vécu ça : des répétitions de plusieurs heures se révélant totalement inefficaces ou presque. Or, on ne saurait espérer arriver à quelque chose avec un tel fonctionnement. Il en va même de la survie du groupe car, si prometteur soit ce dernier, ce genre de répet aura vite raison de la motivation des uns et des autres. Au bout de quelques temps, le travail n’avançant pas, les gens se découragent et le groupe se dissout.
Comment faire alors pour que le peu de temps qu’on peut consacrer à répéter soit le plus productif, le plus efficace possible ? C’est à cette question que nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse.
Le but de la répétition
Avant toutefois de voir les points à ne pas négliger pour faire une bonne répétition, la première chose importante à faire est de définir l’objectif de votre groupe.
Si vous désirez simplement vous retrouver entre copains pour vous éclater en faisant plus ou moins le bœuf, sans chercher plus loin, la chose ne pose pas problème. Mais il faut qu’elle soit claire pour tout le monde et que tous soient d’accord là-dessus et dans ce cas, ce n’est pas la peine de lire la suite de ce dossier qui est consacré à l’optimisation des répétitions.
Si votre objectif est en revanche d’avoir un groupe qui progresse, qui tourne et dont on dise « ils sont bons », alors ne le perdez pas de vue.
D’ailleurs, qu’est-ce que qui fait qu’on dit d’un groupe qu’il est bon ?
a) Qu’ils fassent de la bonne musique ?
b) Qu’ils aient un super son de la mort ?
c) Qu’ils envoient les watts ?
d) Qu’ils aient des super arrangements ?
e) Qu’ils aient de superbes mélodies ?
f) Qu’ils aient de bons textes ?
g) Qu’ils mettent le feu sur scène ?
h) Rien de tout ça ?
Vous avez fait votre choix ? Si vous avez répondu autre chose que la dernière proposition, vous avez tout faux ! Tous les autres éléments feront dire d’un groupe qu’il est « prometteur », que « c’est sympa », que « c’est pas mal ». Jamais « ils sont bons ».
Car on dit d’un groupe qu’il est bon quand il est « carré ». C’est la condition de base, la sine qua non, le passage incontournable sans lequel vous n’aurez jamais ces lauriers tant convoités. Quand un groupe est carré, même les gens qui n’aiment pas le style de musique le trouvent bon en définitive.
Quant à mettre le feu sur scène, ce n’est pas avec des rythmiques bancales, des pains toutes les deux mesures et des musiciens incapables de jouer ensemble qu’on l’obtient, même en sautant partout. Il faut du groove et ça, paradoxalement, c’est uniquement en jouant carré qu’on l’obtient.
Bien sûr, des éléments comme la qualité des compositions, la beauté des mélodies, des arrangements, la qualité sonore sont extrêmement importants. Ils feront la différence entre une formation sans envergure et un groupe à part. Mais je suis certain que vous avez déjà vécu ce phénomène : un groupe envoie une intro magnifique, vous entrez dans l’univers proposé, vous plongez dans la musique et ping ! Un truc pas en place vous fait décrocher. Déplaisant comme le téléphone qui sonne juste quand vous atteignez le meilleur moment avec votre conjoint(e) !
Ne faites pas vivre ça à votre public ! Soyez carrés.
Quant à la composition, elle correspond à une autre démarche et si le travail d’arrangement a sa place en répétition, ces aspects doivent toujours passer après la maîtrise technique. Tel doit donc être le but de la répétition. Ne le perdez jamais de vue, comme les 20 points énoncés ci-après.
L’état d’esprit pour bien répéter
1. Répétition = travail
C’est le premier point et il est absolument essentiel. Certes, on fait de la musique pour le plaisir. Mais le plaisir est surtout dans l’accomplissement de ses projets, dans la bonne exécution de ses morceaux. Quel bonheur pour un groupe et ses musiciens de jouer, ensemble et en symbiose, un morceau qui leur tient à cœur.
Cela ne s’obtient pas sans travail. La répétition est un moment de travail, pas de fiesta. Rien n’empêche d’aller, après cette dernière, s’éclater ensemble, avec en plus la satisfaction d’avoir fait du bon boulot et d’avoir bien avancé.
A contrario, en l’absence de travail, la qualité n’avance pas. Et là, l’écœurement et le découragement prennent vite le pas sur le plaisir, amenant la démotivation, l’abandon de musiciens qui n’y croient plus et à l’arrivée, le split du groupe.
On vient donc en répétition pour travailler.
2. Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux
Surtout, évitez de prendre la grosse tête, que ce soit au niveau individuel ou au niveau du groupe.
Au niveau individuel parce les musiciens qui savent toujours tout mieux que tout le monde et regardent les autres de haut sont absolument imbuvables. Même si vous êtes une bête, il est inutile de chercher à le faire savoir. D’ailleurs, les vraies bêtes sont souvent les gens les plus modestes et les plus cool, qui n’ont pas besoin de jouer les cadors : leur talent parle de lui-même. En outre, en musique, plus on joue bien, plus on mesure le chemin qui reste à parcourir. Ça rend modeste !
Une attitude cool du groupe vis à vis des gens de l’extérieur est tout aussi importante. Nous en reparlerons dans le dossier consacré à la vie des groupes mais n’oubliez pas que ceux qui jouent les stars tendent des perches pour se faire battre.
Faites donc toujours le travail avec sérieux, sans jamais vous prendre au sérieux.
3. La répétition est faite pour jouer
Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, ça veut dire rester cool, prendre du plaisir dans une ambiance conviviale. Si ce sont là des aspects importants, prenez garde à ne pas sombrer dans l’excès inverse. Raconter une blague entre deux morceaux ne met pas une répétition en l’air et contribue à la bonne ambiance. Si ça tourne au concours de blagues, par contre, le boulot n’avance pas. Il y clairement un équilibre à trouver…
De même, la répét n’est pas le moment ni le lieu pour discuter de la vie du groupe. On est là pour jouer. Les histoires de contrats, partage du boulot, affiches et autres enregistrements doivent se gérer en réunion, tranquillement autour d’un pot ou à la pause. A la rigueur, si vous avez des difficultés pour regrouper tout le monde hors répétition pour discuter de tout ça, prévoyez un temps avant ou après la répétition. Si c’est avant, faites toutefois attention à ne pas déborder sur le temps de jeu et prévoyez une durée limitée à la chose.
Les discussions sur la façon de jouer un morceau ne doivent pas non plus s’éterniser. Vous remarquerez que plus une discussion s’éternise, moins elle est efficace et au terme des longs discours, on ressort le plus souvent sans solution. Si discuter est important, on est là pour jouer. Il y a, là encore, un équilibre à trouver.
A titre d’expérience, vous pouvez d’ailleurs demander à une personne extérieure de venir à une répétition pour chronométrer le temps que vous passez réellement à jouer. Vous risquez d’avoir de sacrées surprises !
4. Pas de personne extérieure
Oui, je sais, ce point est en contradiction avec la suggestion précédente. On peut bien sûr avoir des personnes extérieures si elles sont là pour un rôle précis lié au travail du groupe (un futur sondier, ou un photographe qui vient vous prendre en action) mais ceci doit rester exceptionnel. Evitez surtout la petite sœur ou le petit frère, la copine d’un des musiciens ou toute personne n’ayant rien à voir avec le groupe. Le comportement des gens s’en trouve influencé et on est plus tout à fait dans une atmosphère de travail, mais en représentation. Une répét, ça doit être, sauf exception, le groupe et rien que le groupe.
5. Coupez les portables !
Au delà des interférences qu’ils peuvent produire avec certaines enceintes ou amplis, les téléphones portables sont à proscrire, sous peine d’interrompre la répet toutes les dix minutes par ce qu’un tel reçoit un appel de son plombier, de son conjoint ou de sa mère.
Note de Los Teignos, rédac chef d’AF : Pour la petite histoire, sous prétexte de faire quelques vérifications avec lui, je viens moi-même de déranger l’auteur de cet article en pleine répet parce qu’il avait oublié de couper son mobile. Toutes mes excuses aux membres de son groupe donc…
Organiser la répétition
Rien ne se fait bien sans un minimum d’organisation et les répétions n’échappent pas à cette règle. Ainsi, un certain nombre de points sont à organiser et planifier.
6. Respect des horaires
Que tout le monde soit ponctuel est une évidence. Si un des membres du groupe ne peut être à l’heure (horaires de boulot, garde des gosses, temps de transport long), les autres doivent s’organiser pour éviter de trop perdre de temps, en installant au maximum le matériel par exemple, y compris celui du retardataire quand c’est possible.
Notez qu’il ne faut pas confondre heure de rendez-vous et heure de début de la répétition.
Pour certains, le montage du matériel représente un temps non négligeable. Ainsi, lorsque c’est possible au niveau de l’accessibilité du local de répétition, ceux qui ont beaucoup de matériel à monter doivent arriver tôt.
C’est souvent en début de répétition qu’on perd le plus de temps. On prend quelques minutes pour discuter, prendre des nouvelles les uns des autres, parler du dernier film ou du dernier match, ou encore du dernier concert. Si ces moments sont importants pour la convivialité, ils peuvent faire perdre un temps énorme.
Il faut donc respecter quelques règles, particulièrement en début de répet, des règles qui sont aussi valables pour les concerts, d’ailleurs. Première des ces règles :
7. Installer le matériel en répartissant les tâches
Aidez ceux qui ont le plus de matériel à le porter ou à l’installer, à plus forte raison si ce dernier est lourd, volumineux ou se constitue de multiples éléments.
Répartissez ainsi les tâches. Le chanteur qui a par exemple très peu de matériel à monter, peut s’occuper d’installer la sono. Ces tâches doivent dans la mesure du possible être toujours les mêmes et être toujours exécutées par les mêmes personnes. Ainsi, chacun maîtrise ce qu’il a à faire et le fait de plus en plus vite.
Notez que ces actions doivent être réalisées à chaque fois dans le même ordre, ordre qui aura été pensé pour des questions pratiques. Il est par exemple idiot de remplir l’espace avec des pieds de micros et des instruments sur stand s’il faut slalomer entre tout ça pour installer la batterie au fond, pour atteindre les prises de courant ou encore s’il faut tout bouger pour faire passer le gros ampli basse.
L’ordre logique est de commencer par installer tout ce qui est rallonges électriques et multiprises. Occupez vous ensuite du fond de la scène (ou du local) pour terminer par ce qui est le plus proche de l’entrée ou de l’avant-scène. Installer le matériel dans un espace dégagé est en effet autrement plus facile que de se débattre et se contorsionner dans un espace encombré, où l’on perd du temps et l’on augmente les risques de casse.
Vous avez l’habitude de vos emplacements ? Rien ne vous empêche de tirer assez rapidement les câbles audio. Notez cependant que si marcher sur un jack n’est pas forcément catastrophique, marcher sur un jack près de la prise lorsqu’il est branché dans un pédalier est autrement plus embêtant… En attendant le dernier moment pour encombrer le passage, on gagne donc beaucoup de temps et de confort de travail.
Dans le même ordre d’idée, ne laissez pas les flight-cases, valises ou sacs encombrer le passage. Dès qu’un de ces étuis est vide, il doit être rangé dans un endroit où il ne gênera pas.
Les instruments qui ont besoin de s’accorder doivent le faire au plus vite, dès qu’ils ont terminé de s’installer, de façon à être près dès que le jeu démarrera. A noter que ce n’est pas forcément à leur propriétaire de les accorder.
Dans mon duo où j’ai beaucoup de machines à installer et où je gère la sono, mon duettiste s’occupe de sortir tous les instruments des flights, de les accorder hors de scène, de mettre les sangles, de vérifier les jacks pendant que je branche la sono et les machines.
Il laisse les instruments à cordes hors de la scène sur leur stand, de même que les pieds de micro sur lesquels il met les micros munis de leur câble. Ainsi, ce n’est qu’une fois que le reste de la scène est installé que ces choses encombrantes viendront sur scène au moment de la balance.
8. Définir l’ordre et le contenu du travail à l’avance
Décider en début de répétition de ce qu’on va faire est une grosse perte de temps. Il vaut mieux préparer ça à la fin de la répétition pour la répétition suivante. Ça permettra en plus à chacun d’arriver avec le déroulement prévu en tête et de s’y préparer.
Mais logiquement, une répétition doit toujours se dérouler de la même façon, ce qui rend l’ordre du jour extrêmement rapide à prévoir. On peut distinguer trois parties.
- 1ère partie : jouer les morceaux maîtrisés
C’est là qu’on joue les morceaux qui sont déjà bien en main, même s’ils sont parfaitement maîtrisés. Les jouer encore et encore permet un haut niveau d’interprétation en concert, en même temps que le groupe en profite pour se chauffer.Si le répertoire compte trop de morceaux dans cette catégorie pour tous les jouer à chaque répétition, n’hésitez pas à les séparer en 2, voire 3 groupes maxi. A une répétition, on jouera le groupe 1, le groupe 2 à la seconde et à nouveau le 1 à la suivante etc.
Logiquement, tout morceau du répertoire doit être joué au moins toutes les deux, trois répétitions. En effet, un morceau que l’on laisse de côté quelques temps parce qu’il est suffisamment maîtrisé devient vite catastrophique alors qu’en le jouant régulièrement, on le garde en main et on arrive à une excellente maîtrise.
Essayez aussi de jouer ces morceaux de « première partie » dans l’ordre où vous les jouerez en concert. Mais commencez surtout par les morceaux bien rodés que vous ne jouerez qu’une fois et mettez en fin de cette partie les morceaux qui ne sont pas encore tout à fait parfaits pour les jouer deux ou trois fois d’affilée.
- 2ème partie : le morceau en cours
C’est là qu’une fois bien chauffé par la première partie, on travaille un morceau en cours de mise en place ou de composition. Il est vain de travailler plus d’un titre dans cette partie. Mieux vaut se consacrer à la finalisation d’un morceau pour qu’il entre au plus vite dans la première catégorie.
Ce passage de la seconde à la première partie de la répet se fait lorsque la structure de la musique a été déterminée et que tout le groupe est capable de jouer le titre du début à la fin sans arrêt. La chasse aux pains et imprécisions se fera quant à elle dans la première partie, en jouant encore et encore.
- 3ème partie : l’impro où on se lâche
C’est la fin de la répétition. Tout le monde est chaud et commence à fatiguer à cause de la concentration. C’est donc le bon moment pour se lancer dans une impro de pur plaisir, impro qu’il faut absolument enregistrer : c’est souvent dans ces moments que surgissent de bonnes idées qui feront des bases de futures compos. Sans enregistrement, elles seront perdues à 99.9 %. Ça peut aussi être dans cette partie qu’un ou plusieurs des musiciens du groupe peuvent présenter aux autres une nouvelle base de compo sur laquelle tout le monde va jammer, histoire de se mettre un riff dans l’oreille et de faire surgir des idées. Une sorte de brainstorming musical en somme.
Méthodes de travail
9. Travailler lentement
Lorsqu’on travaille un morceau, ce n’est pas la peine de chercher à le jouer tout de suite au tempo définitif, bien au contraire… En travaillant lentement, voire très lentement, présente bien des avantages :
- Toute erreur est beaucoup plus audible.
- On entend beaucoup mieux ce que jouent les autres.
- On peut plus facilement swinguer.
Quand je parle de travailler lentement, c’est au moins 16 ou 20 BPM en dessous du tempo de base, voire plus ! Au début, vous allez trouver cela extrêmement difficile mais dites-vous bien que vous ne faites alors qu’entendre les erreurs et imprécisions que vous faites de toutes façons lorsque vous jouez au tempo, sauf que vous ne vous en rendez pas compte alors.
Vous verrez que si vous maîtrisez bien le morceau à un tempo très lent, vous arriverez facilement à le maîtriser à un tempo rapide. Mais pour que ceci soit valable, il faut…
10. Jouer souvent avec un métronome (ou un clic)
Cet aspect est très important, surtout lorsqu’on joue lentement. Seul le métronome vous dira si vous êtes bien dans le temps et si vous n’accélérez pas ou ne ralentissez pas sur certains passages. Ces accélérations et ralentissement sont un grand classique, de même que les temps bouffés. Ce sont généralement des notes où, pour une raison x ou y, une noire se transforme par exemple en croche pointée.
Pour les chasser, il faut parfois faire une véritable recherche. N’hésitez pas à laisser chacun jouer seul sa partie sur le clic et à l’arrêter dès qu’on relève une variation pour qu’il repère où il se plante. S’il s’agit d’un groupe avec batteur, logiquement, seul ce dernier devrait avoir le clic, tout le monde se calant sur lui.
C’est cependant un point discutable, car les batteurs sont autant que les autres musiciens sujets à des erreurs de tempo. Ce genre de choses dépend du niveau du musicien, pas de son instrument.
11. Enregistrez !
Ce point est essentiel. La plupart du temps, seul l’enregistrement permet d’écouter sa propre musique avec une oreille « extérieure ». Lorsqu’on joue, on est concentré sur ce que l’on joue et un groupe qui ne s’enregistre jamais prend généralement une sacrée douche froide le jour où il fait son premier enregistrement. Pour éviter ça, enregistrez donc régulièrement les répétitions.
Cela permet :
- de s’entendre soi-même avec du recul.
- d’entendre distinctement ce que font les autres.
- d’entendre comment sonne le groupe.
- de repérer tous les pains, imperfections et les mauvais choix de sons ou de tessiture (« Tiens, le clavier est bien sur ce passage, mais ça bouffe complètement la basse alors qu’il n’y a plus rien dans les médiums »).
Enfin, l’enregistrement est le moyen idéal pour faire des choix lorsqu’on hésite entre plusieurs solutions. Il n’est pas rare de voir des groupes ergoter pendant des heures pour savoir si tel tempo est mieux que tel autre, si la guitare est mieux en son clair ou en saturée, s’il faut lui mettre un son de chorus, si le son de clavier est bien ou pas (voir le point sur les discussion en répétition)… Enregistrez les différentes hypothèses et écoutez-les : en général, la meilleure solution saute aux yeux de tout le monde.
Pour s’enregistrer, il faut des moyens techniques mais ce n’est pas non plus la peine de sortir l’artillerie lourde : un ordinateur n’est pas nécessaire pour enregistrer une répétition. Quelques moyens simples suffisent :
- L’enregistreur de poche type Zoom H est évidemment la meilleure des solutions car c’est assez facile à gérer et abordable, sachant qu’un vieux MindiDisc peut aussi faire l’affaire…
- En guise de pis-aller, on pourra utiliser son smartphone même si l’enregistrement souffrira forcément de la qualité du micro. Considérez du coup la possibilité d’acheter un micro pour votre smartphone qui le transformera en un véritable enregistreur portable de qualité…
Point important : chacun doit avoir son enregistreur avec soi. L’idée qu’une personne enregistre et diffuse ensuite au autres est dans 90% des cas mauvaise. En effet, cela fait du travail pour la personne concernée et, si elle est trop prise, les enregistrements risquent d’être attendus. Si chacun a son matos, il repart de la répet avec ses enregistrements et basta.
Bien sûr, l’idéal est d’avoir un ordinateur, chacun venant avec sa clef USB. On enregistre, on encode en mp3 et chacun repart avec son truc. La personne qui a enregistré peut aussi mettre la répet sur un FTP. Mais cela implique que chaque membre soit informatisé et connecté au net.
Dans tous les cas, gardez des solutions simples pour pouvoir vous concentrer sur la musique sans être mobilisé par la technique. J’ai souvent enregistré des répétitions avec un mini-disc et un micro d’ambiance. C’est largement suffisant.
Que faut-il enregistrer ?
Il n’est pas nécessaire d’enregistrer 2 ou 3 heures à chaque fois. A quoi bon ? La chose prendra beaucoup de temps à réécouter, temps qu’il vaut mieux consacrer à travailler.
Il faut donc enregistrer :
- Différentes versions d’un morceau (ou même d’un passage) quand il y a un doute, un choix à faire.
- Un morceau avec un minimum d’avancement, dont la structure tient suffisamment la route pour qu’il soit joué du début à la fin. Inutile d’enregistrer des suites d’arrêts de jeu !
- Le bœuf final.
De temps en temps, enregistrez la partie 1 de la répétition, histoire notamment de juger de l’avancement et de la maîtrise du répertoire.
L’enregistrement permet enfin de vérifier plus ou moins l’équilibre des instruments. J’ai déjà vu des guitaristes déclarer, à l’écoute d’un enregistrement de répétition, « ma guitare est trop forte ». CQFD.
Et à ce propos…
12. Ne jouez pas trop fort
Même si vous faites de la musique énervée, c’est un point très important. Un son trop fort :
- agresse les oreilles et nuit à la bonne écoute de soi-même, des autres et de l’ensemble.
- noie les pains dans la masse sonore et empêche le travail de précision (n’oubliez pas : carré).
- ne permet pas non plus un bon travail sur le son.
- rends la répétition très fatigante (le bruit est un des plus importants facteurs de fatigue), donc plus pénible et surtout moins efficace.
- est dangereux pour les oreilles (voir encadré)
Avez-vous remarqué que ce sont souvent les groupes médiocres qui, en concerts, envoient un trop plein de décibels ? Les bons groupes, eux, n’ont généralement pas besoin de ça pour emmener le public dans leur monde, même s’ils font de la musique très énervée. Cette histoire de niveau de jeu est valable à l’échelle du groupe comme de chacun de ses membres. Certains ont en effet la main lourde sur le potar de volume. Bien sûr, il faut un minimum de son car on a besoin « d’être dedans ». Mais il faut aussi garder une certaine mesure.
A noter qu’un batteur, à moins qu’il ne soit de vraiment bon niveau, a souvent du mal à assurer un bon groove s’il doit trop retenir sa frappe. A vous de vous organiser, donc. Evitez par exemple, si le local le permet, d’être placé de telle façon que vos oreilles soient au niveau de la charleston ou d’une crash.
Pensez aussi à surélever les amplis. Parfois, guitaristes et bassistes expliquent un trop fort volume par le fait qu’ils ne s’entendent pas. Mais ils ont l’ampli posé à terre et sont debout juste devant. A ma connaissance, personne n’a les oreilles dans les mollets ! Par contre, la diffusion sonore fait que les autres membres en prennent plein les oreilles. En mettant les amplis en hauteur et en les orientant judicieusement, on résout souvent beaucoup de problèmes de niveaux. De même, si vous jouez avec une sono, positionnez les retours avec application. Prenez bien le temps de régler ce point car il sera essentiel au plaisir que tout le monde aura à répéter et pour la qualité de jeu.
Une solution peut aussi être de répéter au casque. A une époque où beaucoup de guitaristes et bassistes jouent sur des simulateurs d’amplis type POD, c’est à la fois facile et presque logique. Un bon ampli casque, quelques casques corrects… ça coûte moins cher qu’une sono et chacun peut avoir le volume qu’il souhaite, voire même, dans certains cas, un mix personnalisé…
13. Prenez des notes !
La présence d’un tableau noir, d’un tableau blanc ou d’un paperboard dans la salle de répétition est un grand plus qui permet d’écrire rapidement une grille pour tout le monde, de noter des trucs, etc. Cette méthode garantit aussi que tout le monde travaille bien avec la même grille et dans la même tonalité.
D’ailleurs, n’hésitez pas, une fois une composition terminée, à faire une partition au propre qui sera distribuée à chacun. Ça ne sera pas forcément une partition traditionnelle, avec portées et tout le tremblement, mais plutôt les paroles avec la grille d’accords, les ponts signalés, etc. Que la personne chargée de la faire pense à présenter clairement la chose et surtout, qu’elle laisse un peu d’espace pour que chaque musicien puisse ajouter ses propres notes (le son à employer par exemple).
Dans la même optique, chacun doit avoir un cahier sur lequel il pourra noter les grilles, les passages difficiles ou encore son travail pour la fois suivante. C’est toujours bête un musicien qui arrive en répétition en ayant oublié un travail. « M… j’ai oublié que je devais programmer cette séquence » ou « Zut, flûte, fichtre, diantre ! Je devais retravailler mon son de guitare pour l’intro ».
14. Ne cherchez pas de supers arrangements tout de suite
Rappelez-vous : le premier objectif, c’est d’être carré. Lorsque vous abordez un morceau, commencez par le traiter de façon basique. Chacun joue sa partie au plus simple, en allant à l’essentiel. Une fois que le groupe maîtrise la structure du morceau, la grille harmonique, le rythme, etc., on peut alors chiader les choses et travailler des arrangements aux petits oignons, ajouter des ponts, etc.
15. Ne pas insister inutilement
Dans cette idée, voici un grand classique du travail en groupe. Tel membre trouve une super idée, pour sa partie ou pour la partie d’un autre : « Tiens, sur ce passage, tu devrais tout faire en arpèges. C’est super joli ». Oui, mais le musicien en question n’y arrive pas, l’idée est pour l’instant hors de sa portée techniquement et il se plante à tous les coups.
Ce n’est pas parce que l’idée est bonne en soi qu’il faut à tout prix la mettre en œuvre. En cas de difficulté, rester simple, laissez le temps au musicien de travailler la partie difficile et ne l’intégrez que lorsqu’il la maîtrisera, même si cela doit prendre du temps. Cherchez donc l’efficacité plutôt que la complexité. Il vaut mieux un truc simple qui passe nickel qu’un beau truc compliqué qui se termine en pain une fois sur deux. (N’oubliez pas : carré !)
16. Chacun doit travailler chez soi
Eh oui. La répétition est le moment de travail en commun du groupe. Lorsqu’elle commence, le soliste doit maîtriser son solo (quitte à l’avoir simplifié dans un premier temps), le chanteur doit connaître ses paroles par cœur, chacun doit connaître la grille et la structure du morceau… Bref, on doit pouvoir jouer intégralement le morceau sans se planter. Le moment de la répétition n’est plus alors que la mise en place du groupe dans son ensemble.
Bien sûr, cela arrive rarement dès la seconde répétition du morceau. Mais si un musicien ne travaille jamais chez lui, il devient vite un boulet pour les autres. Et méfiez-vous des histoires de niveau : j’ai vu des musiciens qui étaient techniquement meilleurs que les autres membres du groupe s’abstenir de travailler à la maison Au bout de quelques temps, tous les plantages finissent par venir d’eux !
17. Le travail des sons se fait à la maison
Quoi de plus agaçant qu’un groupe entier qui attend les bras croisés pendant qu’un guitariste ou un bassiste tripote son multi-effets, ou qu’un clavier est plongé dans les arcanes de la synthèse ? Bien sûr, un son peut être essentiel pour un morceau et certains tubes ne reposent d’ailleurs pratiquement que sur un son. Raison de plus pour le travailler tranquillement.
En répétition, mieux vaut chercher dans ses presets un son approchant et travailler ensuite la chose à la maison, pour la fois suivante. Cela ne veut pas dire que les autres musiciens n’auront pas leur mot à dire et ne pourront pas faire des suggestions….
Si une correction ou un ajustement peut être rapide, on peut donc le faire en répétition. Si ça doit nécessiter une longue programmation, laissez tomber et notez dans votre petit calepin « pour la prochaine fois… »
18. Jouer comme sur scène
En répétition, il est fréquent de se placer plus ou moins en cercle. C’est plus convivial et permet de se voir pour communiquer pendant qu’on joue…
C’est une bonne chose au début mais il faut rapidement prendre l’habitude de faire des répétitions en se plaçant comme sur scène, tous les musiciens tournés vers un public imaginaire.
Autre point : le jeu de scène. Pas la peine de se lancer dedans pendant le travail d’un morceau (partie 2 de la répétition). Par contre, lorsqu’un morceau est maîtrisé, n’hésitez pas à envoyer du visuel, à bouger et à chercher des trucs qui enrichiront votre prestation.
Il faut qu’une fois sur scène, tout roule et éviter à tout prix que le guitariste regarde fixement le bassiste pour se repérer, tandis que le chanteur se tourne pour voir le batteur lancer le morceau… Sur scène, vous devrez principalement regarder le public. Préparez-vous y, donc.
19. Jouer sans partitions
Comme expliqué plus haut, il est important d’avoir des partitions. J’en ai vu moi-même qui vous donne de belles leçons devoir rechercher dans des classeurs ou sur mon ordinateur la tonalité d’un morceau parce qu’ils avaient un trou au moment de jouer. Pour ces moments, la partition permet de ne pas perdre du temps à se creuser la tête ou à essayer différentes tonalités pour retrouver la bonne.
Mais si l’on joue tout le temps avec la partition ou la grille d’accord sous le nez, on ne la sait jamais par cœur. Débarrassez-vous en au plus vite, donc. Cela n’empêche pas, pendant quelques temps, de l’avoir posée à proximité pour jeter un petit coup d’œil rapide, vous rafraîchir la mémoire avant d’attaquer. Mais même ce petit pense-bête doit disparaître le plus rapidement possible. Tout dans la tête !
20. Répétitions non fumeur et sans alcool
Ce n’est pas par hygiénisme ou ostracisme contre les fumeurs : je suis moi-même un gros fumeur… mais pas en répétition. Dans une répet où l’on fume :
- on enfume ceux qui ne fument pas, ce qui n’est jamais sympa.
- le local est vite dans un brouillard irrespirable (désagréable pour tout le monde et pas terrible pour le matos)
- le local sentira ensuite le tabac froid. Beurk !
- Il y a beaucoup de pertes de temps liées à l’allumage de clopes, etc. et de la déconcentration.
Faites plutôt des pauses régulières pour aller fumer hors du local et, si possible, dehors. Tout le monde fait une pause, même les non fumeurs. Ça permet de prendre un peu l’air et c’est un moment privilégié pour déconner ou discuter de points concernant la vie du groupe, le travail sur le morceau en cours, etc. Une fois la clope terminée, on réattaque reposé, re-concentré et sérieux.
Quant à l’alcool, notez que je n’ai rien contre une bonne bière, un bon petit vin ou un excellent whisky… Mais ceci n’a absolument rien à faire dans une répétition. A la rigueur, une petite bière à la pause, pourquoi pas. Mais même ça…
Est-ce que vous imaginez boire au bureau, à la fac ou à l’école ? Probablement pas. Ce serait sûrement la porte directement, d’ailleurs. Alors pourquoi boire en répétition ? Rien n’empêche en outre d’aller boire un bon coup après en avoir terminé… Fatigué, mais content de l’avancée du travail, vous savourerez d’autant plus votre verre.
Conclusion
Si vous arrivez à appliquer ces principes, ces conseils et ces trucs, nul doute que vous serez en peu de temps des stars interplanétaires. Mais ne rêvons pas : moi-même qui vous les donne n’ai jamais réussi à tous les respecter scrupuleusement. Ayez-les cependant en tête, essayez de vous y tenir le plus possible. Ne perdez pas de vue vos objectifs et travaillez le plus sérieusement possible. Votre affaire ne tardera alors pas à décoller.
Ce qui fait la différence entre un musicien qui stagne et un musicien qui évolue tient à de nombreux phénomènes parmi lesquels le sacro-saint talent n’a qu’une faible part. La chance peut jouer, évidemment. Mais c’est surtout le travail et le professionnalisme qui font la différence. Je connais des musiciens talentueux qui sont connus et respectés des critiques et du public correspondant à leur style, qui ont fait des salles comme l’Olympia, des télés, des radios nationales… et qui vivotent dans de petits bars locaux, des bars qui ne veulent parfois même plus les embaucher car ces gens ne savent pas ou plus se comporter en professionnels.
A côté de ça, d’autres musiciens de moindre talent, mais pros et carrés, tournent suffisamment pour s’assurer un salaire plus que décent. D’ailleurs, même si vous ne souhaitez pas faire de la musique un métier mais que vous voulez monter un minimum, faire quelques festivals d’ampleur, goûter au frisson de belles scènes, il vous faudra faire preuve de sérieux et de professionnalisme. Paradoxalement (peut-être), ceci n’est absolument pas incompatible avec le plaisir et c’est tant mieux.
Prendre un bon pli au niveau des répétitions est en tous cas un grand pas de fait pour accéder aux autres étapes de la vie de groupe, que je vous souhaite longue et successfull !